Fils de Edouard Mathias KRIR, sous-ingénieur des ponts et chaussées, et de Marie Antoinette Blanche SCHITTER.
Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1909, entré classé 123 et sorti classé 53 sur 197 élèves).
Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1913).
Publié dans le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, avril-mai-juin 1919
Les années qui ont précédé la guerre ont vu éelore et se développer en France des théories matérialistes. individualistes et subversives. On pouvait craindre de voir submergé et anéanti ce que notre pays comptait de loyal, de grand, de généreux. Des étrangers, non avertis, en arrrivaient même à douter que la réaction nécessaire fût possible. Mais l'observateur attentif aurait trouvé dans la jeunesse française la force indispensable pour combattre et vaincre ces théories déprimantes.
Georges Krir a été de celle élite.
A sa sortie de l'Ecole polytechnique, il accomplit ses deux années de service militaire, puis entre, en 1913, à l'Ecole des Mines.
Là, son caractère franc et simple, ses manières affables, une certaine gravité alliée à une sensibilité exquise et à un tempérament affectueux lui attirent de suite la sympathie de ses nouveaux camarades.
Son père, capitaine du génie, un Lorrain, et sa mère une Alsacienne, lui avaient inculqué les plus saines traditions de famille, et, dans ce milieu si propice qui n'avait pas oublié, il pressent vite le danger devenu menaçant.
La guerre éclate : elle le prend en plein travail ; elle l'arrache à ses études, sans le surprendre. Il s'élève aussitôt à la hauteur du devoir suprême. Dès le premier jour, le sacrifice de sa vie est fait : il n'appartient plus qu'à la France : il lui voue toute son intelligence, toute son énergie, tout son cœur.
Il part avec le 50e régiment d'artillerie de campagne, le suit dans toutes ses étapes, parfois pénibles, tres souvent périlleuses, toujours glorieuses. Mais l'âme fière et droite de Georges Krir ignore le danger. Sa batterie, qu'il commande, devient une unité d'élite : ses hommes l'admirent, l'aiment, ont à cœur d'imiter son mépris de la mort.
Il va à l'ennemi, comme au travail, le sourire aux lèvres, à la Française. Sa gaieté sereine devant le danger émerveille les officiers ses camarades, comme ses homnes. Elle a sa source dans sa vie intérieure : elle est le reflet de son âme.
Ce qu'il fut dans la bataille, ces lignes, écrites par son commandant de groupe à son père, en donnent une idée :
« Une haute intelligence et une instruction supérieure mises tout entières, toutes les deux, au service d'une grande conscience et d'un esprit de sacrifice poussé jusqu'à l'héroïsme.
« A commandé pendant trois mois sa batterie avec une maîtrise incomparable.
« Toutes les fois qu'un officier était demandé pour une mission délicate et dangereuse, il était là et répondait : présent.
« Se promène sous les rafales les plus terribles avec un calme souriant qui ne l'abandonne jamais, même quand des éclats viennent le contusionner ou lui déchirer ses vêtements.
« Ayant changé de secteur, a tout de suite demandé comme faveur d'aller, à son habitude, parcourir les tranchées du première ligne pour chercher le poste d'observation avancé pouvant éventuellement servir non seulement à sa batterie, mais à son groupe et aux groupes voisins.
« Les tranchées s'étant trouvées soumises à un bombardement intense, a prolongé sa visite pendant plusieurs heures au lieu de l'écourter, allant de créneau en créneau pour observer sa zone. »
Autre note caractéristique : un fait rapporté par son commandant de régiment :
« Pendant un combat, sa batterie étant soumise à un feu terrible d'obus de gros calibre, le lieutenant Krir, sortit de son abri et fumant tranquillement sa pipe, alla donner des conseils à ses hommes pour qu'ils s'abritent mieux dans leurs abris. »
Il est atteint d'un éclat d'obus qui déchire un peu seulement son manteau ; ce jour-là, la mrt ne voulait pas de lui.
« Par ses qualités exceptionnelles de caractère, d'intelligence et de cœur, écrit le médecin-major du 1er groupe du 50e R. A. C, Krir s'était acquis dans notre groupe la haute estime de tous.
« Nous admirions en lui une extraordinaire énergie qui ne défaillit pas une minute pendant dix mois de fatigues et de dangers. Après des journées entières sous le feu, absolument maître de lui. l'esprit clair, lucide, toujours prêt à pren- dre dans les circonstances les plus difficiles la décision qu'il fallait.
« ... Krir était le plus charmant, le plus dévoué des camarades et des amis... esprit délicat où le goût du lettré s'alliait à la plus haute culture scientifique, exquise sensibilité et modestie enfin qui n'était pas un de ses moindres charmes, et avec lesquelles il accomplissait, à tout moment, plus que son devoir. »
Voilà comment les officiers du 50e R. A. C. appréciaient Georges Krir.
Il tombe le 27 mai 1915 au cours d'une de ces missions aux tranchées de première ligne qu'il était toujours le premier à solliciter.
Une balle de schrapnell le frappe près d'un abri de mitrailleuse, comme il observait les lignes allemandes : la pensée tendue vers l'ennemi, il sent à peine sa blessure : mais une hémorragie interne se déclare, il s'évanouit doucement : presque aussitôt et sans souffrir, il s'était endormi en accomplissant son devoir de soldai. Il repose dans le cimetière attenant à l'église Sainte-Catherine, au faubourg d'Arras.
Voici le texte de sa citation à l'ordre du Xe C. A. :
« A fait preuve, pendant toute la campagne, de calme, de sang-froid, d'un véritable héroïsme même, dédaignant, sous les bombardements les plus violents, de s'abriter lui-même, pour aller s'assurer que ses hommes s'abritent le mieux possible.
« En reconnaissance, le 27 mai 1915, sur sa demande, et comme il en avait presque quotidiennement l'habitude, dans les tranchées les plus avancées, a élé blessé tres grièvement et est mort des suites de sa blessure.
« Aurait mérité presque chaque jour une citation. »
Cette dernière phrase de la citation officielle, que nous tenons à souligner, résume de manière saisissante l'exceptionnelle valeur du camarade que nous pleurons avec sa famille.
Nous nous inclinons respectueusement devant la douleur de sa mère, de son père, qui lui donnèrent l'exemple de tant de vertus. Ils peuvent être fiers de Georges Krir qu'ils ont donné à la France, qui était si digne d'elle, et dont l'exemple et le sacrifice ont contribué à nous apporter la victoire et la paix.
M. FOURNIAL.