Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1909 ; entré classé 74, sorti classé 7 sur 197 élèves) et de l'Ecole des Mines de Paris. Corps des mines.
Fils de Vital Victor JARLIER, sous-chef de section des postes et télégraphes, et de Jeanne Marguerite Claire LAPEYRE.
D'après Annales des Mines, Mars 1962.
Rédigé par G. DAVAL.
Maurice Jarlier n'est plus, mais il laisse un exemple auquel tout homme de coeur ne saurait rester insensible : celui d'une carrière administrative consacrée au Service public, et surtout dans ce qu'il a de plus noble : la protection de la vie humaine.
Aussi bien dans l'accomplissement de ses multiples tâches d'ingénieur au corps des mines que dans ses recherches et ses spéculations sur les dangers qui menacent les exploitations souterraines; aussi bien dans les présidences des grandes commissions auxquelles il fut appelé que dans ses missions auprès d'organismes internationaux touchant à la sécurité et à l'hygiène, les activités de Maurice Jarlier ont tendu essentiellement à la sécurité des hommes, tant vis-à-vis des accidents que des maladies professionnelles. En ce sens, on peut dire qu'il a grandement honoré le métier auquel il s'était voué et l'administration dans le cadre de laquelle il l'a exercé sans défaillance, au-delà même de sa retraite. Déjà durement marqué par le mal qui devait l'emporter, il avait tenu en effet à présider quelques semaines avant sa mort une séance de la Commission des Appareils à pression.
Né à Paris, le 12 août 1889, Maurice Jarlier y avait fait ses études. Admis à l'École Polytechnique au concours de 1909, il avait été envoyé pour un an dans un régiment d'artillerie, en qualité de canonnier. Après deux ans d'études, il quittait l'École en juillet 1912 comme ingénieur-élève des mines. Au bout d'une seconde année de service militaire comme sous-lieutenant d'artillerie, il ralliait, à Paris, en octobre 1913, l'Ecole nationale supérieure des Mines. Mais la Grande Guerre allait, dès la fin de la première année, provoquer une profonde coupure dans ses études, qu'il ne reprenait qu'en avril 1919, revenant du front avec trois citations et le grade de capitaine.
Après un court complément d'études, il quittait l'École comme ingénieur ordinaire de deuxième classe, et était affecté le 1er octobre 1919, à la résidence de Marseille, au sous-arrondissement minéralogique de Marseille-Sud.
C'est là qu'il devait prendre pleine conscience des problèmes qui sollicitent tout jeune ingénieur et, tout particulièrement attiré vers celui de la sécurité dans les mines, lui consacrer dès ce jour le meilleur de son esprit critique.
La question la plus préoccupante dans les exploitations de lignite du Bassin de Fuveau, qu'il contrôlait, était celle des venues d'eau massives et des coups de toit : phénomènes connexes qui avaient provoqué des catastrophes et faisaient peser une menace permanente sur les hommes des exploitations souterraines. Avec une rare pénétration d'esprit et après une étude, fouillée jusqu'à la minutie, des manifestations qui avaient été observées dans le bassin, il dégagea une théorie des coups de toit qui fut publiée dans les Annales des Mines en 1925 sous le titre : « Venues d'eau et coups de toit dans le Bassin de Fuveau (Bouches-du-Rhône) ».
Cette étude originale mettait en relief, pour la première fois, la notion fondamentale des contraintes des terrains; elle fait encore autorité en matière de coups de toit non seulement en France mais à l'étranger, notamment aux États-Unis, en Silésie, en Russie; elle a porté des fruits non seulement dans le domaine des pressions de terrains, mais aussi dans celui des dégagements instantanés qui a été de plus en plus reconnu, comme lié au premier.
La nomination de chevalier de la Légion d'honneur, en décembre 1923. avait récompensé entre temps Maurice Jarlier des mérites qu'il s'était déja acquis comme jeune ingénieur et de ses services de guerre.
Dès le 1er décembre 1924, il était chargé de l'arrondissement minéralogique de Lyon, et peu après nommé ingénieur en chef ; il devait y accomplir une part importante de sa carrière, se révélant bientôt comme un spécialiste des questions de sécurité concernant les appareils à pression de gaz et leurs dangers.
Il publiait dans les Annales des Mines, en 1929, une remarquable étude sur l'explosion d'un lessiveur à cellulose, survenue à Lancey (Isère), où était mis en relief le rôle que pouvait prendre, dans une explosion, le revêtement de céramique d'appareils à pression.
En décembre 1937, Maurice Jarlier quittait Lyon pour Paris où l'appelait sa nomination à la tête du 1er arrondissement minéralogique et de l'inspection générale des carrières de la Seine. Il entrait en même temps à la Commission des appareils à pression, dont il devait assumer plus tard la présidence.
Il était promu, en octobre 1938, officier de la Légion d'honneur.
La direction du Service du gaz, nouvellement créée, lui était confiée en 1941; il devait la conserver jusqu'en 1944, époque où il allait être chargé, à la Direction générale des Mines, de la direction du Service de la Production, poste qu'il a conservé jusqu'à sa retraite.
Entre temps, il avait été nommé le 1er juillet 1942 inspecteur général des Mines et était entré en cette qualité au Conseil général des Mines.
C'est à cette double tâche que Maurice Jarlier s'est consacré pendant plus de quinze années, affirmant avec éclat des qualités administratives et humaines hors de pair, toujours sollicité vers la recherche d'un travail plus sûr et plus salubre pour l'homme de la mine ou de l'usine.
Par son expérience des questions touchant aux pressions de terrains, il a notamment apporté une collaboration précieuse dans l'élaboration du nouveau règlement général de l'exploitation des mines.
Il accédait successivement à la présidence de la Commission centrale des appareils à pression, où sous son impulsion la réforme de la réglementation était mise en oeuvre, et à la Commission d'hygiène dans les mines dont il dirigeait les débats parfois difficiles avec le tact le plus discret et le plus sûr; c'est là que s'élaborèrent sous sa direction la réglementation des mesures propres à prévenir le danger de la silicose, problème qu'il était appelé par ailleurs, dans son service de la production, à résoudre sous l'angle de la réparation.
Souvent chef de mission auprès d'organismes internationaux intéressés à la sécurité dans les mines, soit dans le cadre de la CECA, soit dans celui du Bureau international du Travail, il y défendait avec bonheur les propositions françaises.
Il avait été promu commandeur de la Légion d'honneur en février 1954 et nommé président de section au Conseil général des Mines quelques mois plus tard et, en cette qualité, chargé de la section de législation.
Ses fonctions d'administrateur au Bureau de Recherches de pétrole l'avaient désigné pour la présidence d'une filiale, la Société anonyme française de recherches et d'exploitation du pétrole, présidence qu'il avait exercée pendant trois ans.
Quel témoignage plus éclatant de ses qualités d'ingénieur peut-on donner, à la mémoire de Maurice Jarlier, que de rappeler ici les termes dans lesquels le Ministre de l'Industrie lui écrivait, cinq jours avant sa mort, pour lui confier l'honorariat de sa présidence :
« Ce sont des fonctionnaires tels que vous qui assurent à travers les années la grandeur de l'administration française et dont l'exemple peut être cité aux générations suivantes. »
Qu'il soit permis au camarade et à l'ami d'ajouter aux félicitations officielles en soulignant ici que c'est dans une mission particulièrement humaine, où l'administration se grandit encore, que Maurice Jarlier s'est acquis des titres à notre reconnaissance et à notre souvenir.
Et ceux qui l'ont connu et l'ont aimé ne sont pas près d'oublier cet homme au visage coloré presque sans rides, aux beaux cheveux blancs, dont le regard paraissait parfois songeur derrière ses verres, qui se dirigeait vers vous à pas menus et vous abordait toujours avec une souriante et exquise courtoisie.
G. DAVAL.