Charles GUÉNOT (mort en 1908)

Ancien élève de l'Ecole des Mines de Paris (promotion 1870-73). Ingénieur civil des mines.


Publié dans le Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des Mines (mai 1908)

Le 7 avril 1908 ont eu lieu, en l'église Saint-Philippe-du-Roule, à Paris, en présence d'une nombreuse assistance, les obsèques de notre camarade et ami Charles Guénot, décédé le 1er avril à Saint-Jean-de-Luz, et dont le corps avait été ramené à Paris pour être déposé dans un caveau de famille au cimetière de Montrouge.

Issu d'une vieille et excellente famille parisienne, Guénot était entré, en 1869, aux cours préparatoires de l'École des Mines de Paris : la guerre de 1870 le surprit à la fin de cette première année d'études. Il fit courageusement et bravement son devoir au siège de Paris dans un des bataillons des mobiles de la Seine. Dès les cours rouverts il rentra à l'École et en sortit ingénieur en 1873.

Il fut pris par la Compagnie du chemin de fer de l'Est comme ingénieur attaché au service des essais et réceptions en usines. C'est à ce titre qu'il étudia et rédigea le cahier de charges pour la fourniture des barres, cornières, protilés, tôles en fer et en acier, et les conditions d'essais et de réception. Ce cahier de charges est encore en usage trente ans après son établissement !

Ayant quitté ce service, il prit, en 1878, la direction des usines Robert de Massy, et Dècle, à Recourt près Saint-Quentin, un des plus grands établissements de distillation d'alcool de France.

Il quitta cette a flaire, et ayant épousé Mlle Charlier, fille de M. Charlier, un des propriétaires de la grande maison de coffres-forts et serrures de sûreté Fichet et Cie, il s'associa, pour son exploitation, d'abord avec son beau-père, M. Charlier, puis, à la mort de celui-ci, avec son beau-frère, M. Pinot.

Guénot a donné à cette maison déjà fort importante un énorme développement. Tout le monde connaît ces grandes installations de coffres-forts mis par les établissements de banques à la disposition de leurs clients : la plupart de ces installations ont été étudiées et faites par lui. Dans ses usines de la rue Guyot, à Paris, dont tous les ouvriers l'aimaient et le chérissaient, il n'a jamais bésité à employer les outils les plus perfectionnés et les plus coûteux, et les matières les meilleures, profilés difficiles et compliqués, aciers supérieurs de dureté exceptionnelle, pour fabriquer régulièrement, vite et bien, et pour avoir des coffres à l'abri de tous les accidents et de toutes les tentatives d'effraction.

Il fut nommé chevalier de la Légion d'honneur à la suite de l'Exposition de 1900 et se retira des affaires en 1903.

Riche, encore jeune, heureux dans son ménage, heureux dans ses enfants, il n'avait qu'à jouir d'un repos bien gagné.

Il y a deux ans, un de ses enfants fut atteint d'une grave maladie : sans hésiter son père quitta Paris, ses habitudes, ses amis, le charmant hôtel qu'il habitait rue de Lisbonne et où il se plaisait à réunir des merveilles d'art et de mobilier, et alla s'établir avec lui à Biarritz, puis à Saint-Jean-de-Luz ; pendant deux ans il l'a soigné avec une énergie et un dévouement absolus, le veillant toutes les nuits, pesant tout ce qu'il mangeait, ne le quittant pas d'une seconde, ne vivant que pour lui. Il a pleinement réussi, l'a sauvé et a pu le voir complètement rétabli, fort et vigoureux.

Mais il s'était surmené et épuisé dans cette lutte, et lorsque il y a quelques mois une cruelle maladie d'entrailles le frappa à son tour, il n'avait plus la force de résister et de réagir. Malgré les soins dévoués de sa femme et de sa soeur, il s'est éteint le 1er avril après de terribles souffrances courageusement supportées.

Il avait fait deux fois partie du Comité de notre Association, de 1894 à 1898 et de 1901 à 1905, et nul n'a oublié sa gaîté, son entrain, son intelligence supérieure, en même temps que sa bonté et son dévouement aux camarades plus jeunes ou moins heureux.

DE SAVIGNAC.