Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1951). Ingénieur civil des mines.
Publié dans MINES Revue des Ingénieurs, Novembre/décembre 2015 N° 482.
Jacques de Guenin vient de nous quitter.
Au sein des Groupes Esso et Peugeot, il a laissé le souvenir d'un manager de haut vol.
Je voudrais, par un exemple concret, illustrer combien il était un innovateur et un réalisateur de talent.
Au début des années 1960, la programmation linéaire avait démontré son efficacité pour l'optimisation des opérations de raffinage et de distribution des produits pétroliers. Mais un modèle comportait des centaines d'équations et inéquations, ce qui impliquait des milliers de coefficients qu'il fallait calculer et entrer à la main. La construction et la mise à jour d'un modèle étaient des opérations terriblement lourdes.
En 1966 Jacques de Guenin conçut et mit au point, seul, un outil destiné à automatiser la confection et la mise à jour de modèles linéaires. On enregistrait dans des modules annexes les données de base : caractéristiques de distillation des bruts, rendements et qualité des produits des unités de conversion, etc.
À partir de ces données, des programmes calculaient et généraient automatiquement les coefficients du modèle linéaire. Les mises à jour devenaient un jeu d'enfant, ce qui permettait de multiplier les cas à traiter, d'étudier des variantes, de simuler l'impact d'une nouvelle unité de craquage ou de désulfuration, etc. Jacques de Guenin baptisa son outil PRAGMATIQUE PRogramme Automatique de Génération de MATrices Irrégulières QUElconques.
Grâce à Jacques de Guenin, Esso-France disposait d'un avantage compétitif sur ses concurrents français, et devenait leader au sein du Groupe Esso dans le domaine de la programmation linéaire.
Les Américains d'Esso Research & Engineering étaient assez vexés d'avoir été doublés par une filiale, française de surcroît. Ils constituèrent une équipe d'experts musclés, et profitant de l'expérience de PRAGMATIQUE, ils réalisèrent un outil plus complet et plus convivial : PLATO-FORM.
Sous la pression discrète de la société-mère, les diverses filiales du Groupe Esso adoptèrent progressivement PLATOFORM. Esso-France continua d'utiliser PRAGMATIQUE, mais cela nuisait aux échanges d'informations avec Esso-Europe, l'organisme chargé de coordonner les opérations de raffinage Esso sur le continent.
En 1975 le Direction d'Esso-France décida de franchir le pas et d'adopter PLATOFORM.
Le «saut technologique» dans l'élaboration automatique de modèles linéaires de raffinage a été l'oeuvre de Jacques de Guenin.
Yves Quéré (P51)