Descendant du préfet Nicolas FROCHOT, anobli par Napoléon Ier.
Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1894). Ingénieur civil des mines.
Publié dans le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, juin 1909.
C'est avec une stupéfaction profonde que les nombreux amis de Maurice Frochot apprenaient la mort de notre malheureux camarade, emporté le 30 mai dernier, quelques jours après son arrivée à Pernambuco, par une crise d'urémie au début d'une fièvre bilieuse.
Il y a quelques semaines à peine il était au milieu de nous plein de vie et de santé. Est-ce l'effet d'un fatal pressentiment? mais il partait pour ce voyage avec moins d'enthousiasme que pour ses précédentes missions; il avait retardé son départ pendant plusieurs semaines, et ne s'était décidé que sur les instances de ceux qui avaient foi en sa compétence bien connue.
Il nous avait cependant joyeusement serré la main, et l'on s'était donné rendez-vous à l'automne. Nous ne devions plus nous revoir, et la mort impitoyable allait, à 39 ans, terminer une carrière qui s'annonçait sous les plus brillants auspices.
La vie de Frochot, si elle a été courte, a été remarquablement remplie, et il était parmi nous un des ingénieurs prospecteurs les plus connus et les plus estimés. Il avait un esprit mathématique extraordinairement développé, une grande facilité d'assimilation, et toutes les questions de notre art lui étaient familières.
Né au Blanc (Indre), le 18 février 1870, il était entré aux cours spéciaux de l'École nationale supérieure des Mines de Paris en 1894, et avait obtenu son diplôme d'ingénieur en 1897.
A sa sortie, il débuta par un séjour de deux ans au Pérou, dans une exploitation de pétrole.
Il fit ensuite successivement une étude de mines de cuivre et de fer en France ; un voyage en Bolivie pour étudier une mine d'or et une mine d'étain ; un voyage en Espagne pour gisement de plomb argentifère et gisement de mercure; un voyage en Colombie pour étude d'un gisement de lignite ; un séjour en Italie pour étude d'une mine de mercure.
Sa prospection la plus importante fut trois voyages et deux séjours en Afrique occidentale (province d'Angola), pour l'étude du gisement d'or de la Cassinga.
Enfin, il fit une mission en Hongrie, puis en Algérie, et enfin un premier voyage au Brésil pour l'affaire qui le rappelait cette année une seconde fois.
J'oublie ou passe sous silence plusieurs voyages moins importants ou moins intéressants, au Chili, au Canada, etc.
Il a publié dans les Annales des Mines (février 1901) deux articles sur les gisements d'or et d'étain en Bolivie, et fait deux conférences à l'Industrie minérale (district parisien), l'une sur le pétrole dans l'Amérique du Sud, et l'autre sur la province d'Angola.
Il parlait couramment et écrivait le portugais, l'espagnol, l'italien et l'anglais.
La carrière de l'ingénieur a été brillante et bien remplie, et il pouvait prétendre aux plus hautes missions de confiance.
Mais ce dont il nous faut parler surtout, c'est du camarade et de l'ami. Le retour de Frochot était une fête pour tous ; c'était la gaîté de nos dîners mensuels et de toutes nos réunions. Toujours de bonne humeur, il se plaisait à raconter ses voyages et ses impressions ; on voyait qu'il aimait son métier, et les mille misères supportées dans les régions lointaines et les pays perdus devenaient, dans son récit, des aventures amusantes.
Toujours en verve, quelquefois paradoxal, il ne laissait jamais languir la conversation, et son esprit remarquablement lucide et préparé lui permettait d'aborder tous les sujets. Souvent mordant, dans le feu le plus vif de la conversation il n'était jamais méchant, et je ne crois pas que, le voulant et le sachant, il ait jamais fait de la peine à un ami.
Descendant d'une illustre famille, fils d'un conservateur des eaux et forêts, éminent mathématicien, frère de deux brillants officiers : un lieutenant de vaisseau major de promotion et un lieutenant d'artillerie; il avait pour les siens une vénération qui se sentait dans la façon profondément respectueuse et affectueuse dont il parlait d'eux.
Si son coeur était bon pour les siens, il l'était aussi pour ses amis, et beaucoup de ses camarades savent les services qu'il a rendus. Tous ceux qui l'ont approché, l'ont aimé ; et dans nos groupes et beaucoup de nos familles on parlera longtemps de Maurice Frochot.
Pour moi, qui l'ai pendant longtemps connu, estimé et aimé, je ne saurais trop dire ce que nous avons perdu avec lui.
Catholique convaincu et documenté, il savait, en ne froissant personne, affirmer hautement ses opinions à l'occasion.
Puisse l'unanime sympathie de tous ceux qui l'ont approché et l'assurance qu'il est mort en chrétien et en brave comme il avait vécu, apporter à ses parents éplorés quelque consolation!
F. TlXIER.