Né le 11/11/1946.
Ancien élève de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne (Promotion 1966). Ingénieur civil des mines
Mines, Revue des Ingénieurs, mai/juin 2002
Il est triste de voir un camarade de promotion s'en aller. Encore plus triste de le savoir parti sans avoir pu lui dire adieu. Nous nous étions en fait perdus de vue il y a très longtemps, sans raison véritable, par une espèce de paresse de l'amitié, et je le regrette. En même temps, n'ayant pas vu sa fin - qui a dû être pénible, mais qu'il a traversée dignement - je suis peut-être le mieux placé, l'ayant connu le premier de nous tous, pour faire revivre ici quelques souvenirs, et des souvenirs heureux.
Nous nous étions connus en seconde, au lycée Janson de Sailly, et nous étions suffisamment voisins pour que sa mère, qui était institutrice rue des Belles Feuilles, puisse me croiser une tartine à la main - c'est elle qui me le rappelait il y a quelques jours - lorsque je remontais la rue de Longchamp pour aller au lycée. Jean-Pierre, ou plutôt « François » puisque c'est ainsi qu'on s'appelait, était un bon élève, studieux, davantage que je ne l'étais, et j'avais pour lui, il faut le dire, une certaine admiration. Nous allions ensuite nous retrouver aux Mines, à St-Etienne, à cinq cents kilomètres de nos bases, ce qui nous a encore rapprochés. A vrai dire, lui comme moi ne ressentions pas une véritable vocation d'ingénieur, digne de nos grands anciens, et nous nous étions inscrits en parallèle à l'Université pour faire une maîtrise de Sciences Economiques. Il a d'ailleurs poursuivi cette orientation en faisant l'ENSAE à la sortie de l'Ecole, ce qui était somme toute assez méritant.
Cet intérêt pour les statistiques, il l'a conservé en faisant carrière dans la biométrie médicale, chez Rhône-Poulenc, puis Aventis, dans une spécialité sans doute pointue, quelque peu ingrate, mais incontournable pour savoir si tel ou tel médicament pouvait être mis en circulation au bénéfice de tous. Mais ce qui restera vivant dans mon esprit avec Jean-Pierre, ce sont ses dons exceptionnels d'imitateur et de caricaturiste. Tous les élèves de notre génération se souviennent comment il avait épingle le «big», le célèbre Directeur de l'Ecole Louis Neltner, lors de la traditionnelle revue. Jean-Pierre n'était pas grand de taille, alors que le « big » l'était, mais personne ne remarquait ce détail tant son jeu théâtral était véridique et prenant. Il avait d'ailleurs largement contribué à l'écriture du texte, faisant preuve d'un talent méconnu qui remontait loin dans le temps, quand nous partions au ski avec un groupe d'amis du lycée. Chacun pourrait raconter les fous-rire que nous avions autour de Jean-Pierre et de quelque bon recueil de poésies de Jacques Prévert.
Ses dons de caricaturiste, il les exerçait dans l'illustration de notre journal intérieur, confectionné, comme l'attestent les exemplaires que j'ai conservés, avec les rudimentaires moyens du bord. Son petit bonhomme coiffé d'une lampe de mineur aura ainsi joyeusement ornementé les numéros successifs, donnant à ce journal sans prétention de l'unité et du caractère.
Ces qualités témoignaient d'une grande sensibilité, et peut-être aussi d'une certaine fragilité devant les inévitables difficultés de l'existence, sans doute un peu voilées par la fumée de tous ces paquets de cigarettes qui à la fin lui ont été fatals.
C'est triste. C'est triste pour ses amis, Roux, Cauvy, et particulièrement Raymond, qui en dépit de ses missions permanentes à l'étranger dans différents pays du tiers-monde, dont le sort est pour lui une des raisons de vivre, a continué à venir le voir fidèment. Mais que dire pour ces parents, aujourd'hui très âgés, qui n'avaient que lui, mais conservent des facultés extraordinaires ? Des choses simples. Que nous leur souhaitons de vivre ensemble le plus longtemps possible et que cette évocation de leur fils soit pour eux comme un réconfort.
Daniel LEVY (Promotion 1966 de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne)