Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1871). Ingénieur civil des mines.
Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des Mines, Mai 1896
Nos camarades des premières promotions qui ont suivi l'année de la guerre n'apprendront pas sans un vif sentiment de regret, et quelques-uns sans une véritable émotion, la mort de N. Fouert. Tous ceux qui l'ont connu lui avaient accordé leur estime, ceux qui l'ont approché de près lui avaient voué la plus sincère affection.
Nous étions depuis notre première jeunesse unis par la plus étroite et la plus intime amitié. Nous nous étions connus au Lycée de Toulouse, avions grandi côte a côte ; nous avions fait ensemble dans le même régiment la campagne de 1870-1871 Nous avions partagé les mêmes fatigues, à l'armée des Vosges, à l'armée de la Loire, à l'armée de l'Est ; et notre camarade avait partout brillamment fait son devoir, avec ce courage souriant et cet entrain qui étaient la marque et le fond de cette vaillante nature.
A la sortie de l'Ecole en 1874, le hasard des positions vacantes l'avait dirigé vers les machines à vapeur, mais son besoin d'activité s'accommodait mal d'un poste sédentaire. Ses qualités d'homme d'action le désignaient pour les missions lointaines, où pouvaient librement se donner carrière son esprit d'initiative, son mépris du danger et où il pouvait déployer toutes les ressources de sa souple et vive intelligence.
L'occasion se présenta en 1879. Nous fûmes chargés ensemble d'une mission à la Guyane française. Il y montra des qualités de premier ordre, mais ses forces trahirent son énergie ; il fut atteint d'un accès de fièvre pernicieuse. Je me rappelle, comme si c'était hier, les pénibles jours de cruelle inquiétude que j'ai passés, quand il fallut le transporter en pirogue en proie au délire et descendre le fleuve Maroni presque sans arrêt, pendant trois jours, franchissant les rapides et les sauts même la nuit, pour arriver à l'hôpital du pénitencier de St-Laurent. Après être resté quelque temps entre la vie et la mort, sa vigoureuse constitution prit le dessus, des soins dévoués firent le reste. Il guérit, mais il garda de cet accès bilieux une atteinte au foie qui a été le germe latent de la maladie à laquelle seize ans plus tard il a succombé.
A peine de retour en France en 1880, il repartit pour l'Amérique du sud où diverses missions le conduisirent dans l'Uruguay et dans la République Argentine. Il s'était fixé à Buenos-Ayres depuis 1883 et y conquit rapidement une belle situation d'ingénieur, mais il y résidait peu, préférant vivre dans la Cordillière près des fonderies d'argent et de cuivre qu'il avait installées, menant l'existence la plus rude, loin de tout plaisir, privé de toutes distractions, n'ayant d'autres joies que celles du travail.
C'est là que la mort est venue le surprendre après une maladie de trois jours. J'avais reçu une lettre de lui, la dernière, hélas ! écrite une semaine avant sa mort. Elle respirait la santé, la joie de vivre. Il parlait de son retour prochain. "J'ai acquis, disait-il, l'aisance par un travail acharné, je vais rentrer en France pour goûter enfin le repos que j'ai bien gagné". Et huit jours ne s'étaient pas écoulés que la maladie foudroyante s'abattait sur lui et il mourait loin des siens, en pleine force, les yeux tournés vers la patrie lointaine, où il avait espéré vivre de longs jours de repos au milieu de ses amis qui ne l'avaient pas oublié.
Déjà plusieurs mois se sont écoulés depuis que j'ai reçu cette triste nouvelle. Je ne puis y reporter ma pensée sans un serrement de coeur. C'était une remarquable intelligence, un coeur et un esprit d'élite, une nature loyale et généreuse. Tous ceux qui l'ont connu s'associeront à l'hommage que je rends à sa mémoire.