Victor Arthur Léon FONTAINE (1860-1931)

Nous remercions
particulièrement
le Bureau
International
du Travail
qui a fourni cette photo,
et notamment
Mmes Linda Stoddart
et
Richelle Van Snellenberg
de la bibliothèque du BIT.

Mort le 1/12/1931. Fils de Louis Joseph FONTAINE et de Lucile Emilie FERTE. Marié à Marie ESCUDIER (divorcé) puis à Germaine de la SEIGLIÈRE. Il a eu 6 enfants de son 1er mariage, dont Philippe (1891-1978), industriel de la serrurerie, qui épousa Thérèse, fille de Marcel BERTRAND

Ancien elève de l'Ecole polytechnique (promotion 1880, sorti classé 2 sur 205 élèves), et de l'Ecole des Mines de Paris (entré en 1882 classé 2 sur 7 élèves). Corps des mines.

Voir la biographie d'Arthur Fontaine, par E. Raguin (1932).


PAROLES PRONONCÉES AUX OBSÈQUES DE M. ARTHUR FONTAINE,
Inspecteur général des mines,
Président du conseil de réseau des Chemins de fer de L'État,
Président du conseil provisoire des mines domaniales de la Sarre,
Président du conseil d'administration du Bureau International du Travail,
à Paris, le 5 septembre 1931.



Publié dans Annales des Mines, tome XX, 9e livraison 1931, pp. 231 à 253.

I. - DISCOURS DE M. H.-C. OERSTED, Vice-Président du Conseil d'administration du Bureau international du travail.

C'est avec une profonde émotion que je viens ici, devant la dépouille de M. Arthur Fontaine, apporter l'expression des sentiments douloureux du Conseil d'administration du Bureau international du travail.

Les compatriotes de M. Arthur Fontaine savent ce qu'ils ont perdu en lui comme haut fonctionnaire français, mais ils ne savent peut-être pas tous les grands services qu'il a rendus à la collaboration internationale dans le domaine des questions sociales.

Qu'il me soit permis, au nom du Conseil d'administration de cette grande organisation internationale de Genève à laquelle il a consacré tant de labeur et qui a bénéficié du grand intérêt, du dévouement et de l'amour qu'il lui apportait, de prononcer ici quelques paroles de reconnaissance.

M. Arthur Fontaine était un des fondateurs de l'organisation internationale du travail. Secrétaire général à la Commission de la législation internationale du travail, créée par la Conférence de la Paix, il fut un des auteurs de la Partie XIII du Traité de Versailles, constitution de l'Organisation internationale du travail. Premier délégué de la France à la première Conférence internationale du travail à Washington en 1919, il fut élu président du Conseil d'administration et, depuis lors, il a toujours été réélu, non seulement à l'unanimité, mais avec enthousiasme. Bien que le Conseil soit composé d'éléments assez hétérogènes : représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, nul membre du Conseil n'a jamais pensé qu'il fût possible de trouver un président mieux qualifié que M. Arthur Fontaine pour cette tâche lourde et délicate.

Il a su gagner la confiance et l'amitié de tous les membres du Conseil sans exception. Il était doué des qualités des plus importantes pour remplir les fonctions de président d'un organe international. Ce n'est pas à dire qu'il se dépouillait de sa nationalité française, au contraire; mais, tout en restant citoyen français, il dirigeait les débats du Conseil, inspiré d'une compréhension internationale qui ne lui faisait jamais défaut.

Et encore M. Fontaine possédait une autre qualité, indispensable pour le président de notre Conseil : il avait une ferme croyance en la victoire finale de la justice sociale. Malgré tous les obstacles, malgré toutes les difficultés auxquelles se heurtent parfois et surtout pendant une période de crise comme celle que nous vivons actuellement, les efforts pour le progrès social, il ne désespérait jamais, il restait toujours convaincu du succès de l'oeuvre qu'il présidait.

Je vous ai dit quelques-unes de ses hautes qualités. Ai-je besoin de vous en citer en core une, vous la connaissiez tous : sa grande valeur humaine ! Arthur Fontaine n'était pas seulement un grand président, il était aussi un grand homme.

Modeste et désintéressé dans toutes les questions personnelles, il faisait toujours preuve d'un tact et d'uue courtoisie qui venaient de son coeur noble et fidèle et qui lui gagnaient les coeurs de tous ceux avec lesquels il collaborait.

Le Conseil d'administration du Bureau international du travail profitait du soixante-dixième anniversaire de son président pour lui dire toute sa reconnaissance, son admiration et son amitié. Hélas ! aujourd'hui, c'est à sa mémoire que nous rendons notre hommage reconnaissant et fidèle. Nous garderons pour toujours de Arthur Fontaine un souvenir ému et inébranlable.

J'adresse aussi, au nom du Conseil, l'expression de nos sentiments respectueux à celle qui lui était une compagne fidèle et intelligente, qui partageait ses nobles préoccupations et qui l'aidait dans ses efforts pour aboutir à la justice sociale.

Que Mme Arthur Fontaine veuille bien croire à la simpathie la plus vive du Conseil d'administration dans son grand deuil et je prie également toute la famille de notre grand président d'agréer l'expression de nos sincères condoléances.

Que la conscience de son activité bienfaisante pour l'humanité leur apporte un peu de consolation dans leur deuil.

II. - DISCOURS DE M. Albert THOMAS, Directeur du Bureau international du travail.

J'aurais préféré taire notre douleur : j'aurais voulu, seul avec les siens, rassembler nos souvenirs, fixer en nous dans le silence ce que nous devons garder de lui.

C'est lui-même qui ne l'a pas voulu : discrètement, il a dit que je devais parler ici. Il a voulu, une dernière fois, me donner affectueusement la parole, comme il le faisait en ces réunions demi-officielles, demi-intimes où nous nous succédions pour dire, lui avec plus de calme, et peut-être avec plus de force efficace, nos pensées presque toujours semblables et nos communs espoirs.

Que voulait-il donc qu'on dit de lui?

Peut-être simplement qu'il avait su aimer, aimer ceux qui l'entouuraient, aimer tout ceux qui collaboraient avec lui. Il savait aimer parce qu'il savait comprendre. Mais il avait joie aussi quand il sentait une amitié répondant à la sienne, il avait joie quand on étendait aux siens, à ceux qu'il chérissait entre tous, l'affection qu'on lui témoignait.

Heureux naguère, les quelques amis qui pouvaient, aux rencontres du samedi, respirer la douce atmosphère de gaieté, de confiance mutuelle, d'intelligence qu'il avait créée dans son foyer! Plus heureux encore ceux qu'il associait parfois à ses joies intimes si délicates et si nobles !

Après les jours affreux que nous venons de vivre en commun, il serait vain de vous redire, à vous, Madame, à vous, ses enfants, mes amis très chers, mon affection et ma douleur. Mais je puis bien vous demander de les écouter encore comme l'unanime sentiment de ceux qui ici vous entourent et de tous ceux qui, retenus au loin, communient dans notre affliction. Je sais déjà combien vous ont paru précieux les émouvants témoignages de sympathie qui vous sont venus, si nombreux, de Genève.

Peut-être Arthur Fontaine voulait-il aussi qu'on rappelât le beau centre d'amitié, de rayonnement intellectuel qu'était devenue sa demeure et où il avait su nouer tant d'amitiés intelligentes et vivantes, de savants, de philosophes, de littérateurs, d'artistes, fixés auprès de lui par la sûreté de son goût, la finesse de son jugement et sa tenace volonté d'équité.

Mais il voulait certainement qu'on dit son travail immense et fécond.

Une vie, une oeuvre ! Souvent, dans les dernières années, il regardait dans son ensemble sa vie écoulée, le temps déjà agi. Il parlait de fin prochaine. Il se disait alors sans doute intimement qu'il avait employé sa vie, qu'il avait fait une oeuvre.

Une oeuvre! Pour lui n'est-ce pas trop peu dire ? N'en a-t-il pas accompli plusieurs? Des oevres positives, fécondes, il en a créé presque à chaque période de sa vie, parfois plusieurs ensemble.

Oeuvre scientifique, oeuvre législative : enquêtes, statistiques, études aux méthodes neuves, projets de loi inspirés, souvent même établis par lui dans sa direction du travail ! Durant la guerre, oeuvre cachée, modeste, mais énorme et salutaire, au sein de la Commission des contrats du ministère de l'armement qu'il menait avec la compétence d'un grand administrateur d'industrie : il n'a pas peu contribué à tenir à l'abri de tous les scandales de marchés de guerre, un service de fabrications qui a dû employer plus de 20 milliards de francs-or! Plus tard, cette surveillance constructive des chemins de fer de l'État, où il a couvert de sa grande sagesse et de sa science, en des temps parfois rudes, tant de renouvellements et d'audaces heureuses; ensemble, en même temps, ce contrôle des mines de la Sarre, où ses connaissances techniques, son autorité morale, sa volonté de paix, l'ont aidé à sortir des conflits ouvriers comme des complications techniques, à surmonter les difficultés politiques comme les surprises économiques ; et encore, cette gestion financière si habile, si raisonnable et dont il était justement fier, de la Caisse autonome des ouvriers mineurs.

Ainsi, il avait réalisé du premier coup, grâce à tant de dons de l'intelligence et du coeur, un personnage nouveau dans notre société. Il n'était plus seulement un « grand fonctionnaire », il était un « commis de la nation » délégué par elle à la défense de ses intérêts économiques, à la gestion de ses entreprises, pourvu d'autonomie, capable de responsabilités, libre de diriger et de décider suivant des méthodes industrielles.

Mais cette écrasante activité ne suffisait pas à absorber sa puissance de compréhension et de labeur. On le retrouvait partout où se faisait jour quelque initiative de solidarité, d'éducation morale, de culture humaine. Caisse de retraites de la maison Leclaire, unions intellectuelles, Association pour le progrès social, rencontres internationales de Pontigny, discussions philosophiques si agissantes de l'Union pour l'action morale ou de l'Union pour la vérité, entreprises coopératives, Comité national des loisirs ! Sa magnifique intelligence se dépensait avec aisance en toutes directions. Il s'acquittait de tout avec conviction, avec émotion, mais aussi dans l'ordre et la sérénité.

Il est cependant une oeuvre qui a dominé sa vie, à laquelle il a voué toutes les ressources de son être et qui inscrira son nom dans l'histoire. Après Owen, après Le Grand, plus vraiment encore que ses précurseurs, il aura été le créateur de la législation internationale du travail.

Dès 1891, dans cet Office du travail presque inexistant dont il aimait à conter, en souriant, les fantaisies initiales il pressentait la nécessité d'ententes internationales sur les problèmes du travail. D'abord, pour faire admettre en chaque pays les lois de protection : beaucoup de ceux qui aident aujourd'hui au développement de la politique sociale ignorent ou oublient les batailles qu'il dut livrer pour l'intervention de l'État dans les questions ouvrières. C'est cette lutte initiale, rude, parfois violente, qui nous a unis. Un soir de 1901, rue Séguier, chez Paul Desjardins, un jeune normalien le connut pour la première fois dans l'iinimité. Conversation vibrante du lendemain de l'affaire. Jaurès y était intervenu, en socialiste, pour la réduction légale de la journée de travail. Un industriel avait répliqué. Soudain, avec cette violence qui enflait parfois sa voix toujours blanche et précipitait son débit mesuré, Fontaine se leva : il dit, en d'autres formules saisissantes, la nécessité de la justice envers les salariés ; il dit que la loi devait être la conscience de ceux qui n'eu ont pas ; depuis lors, je lui ai été attaché pour la vie.

Grâce à lui, grâce à Lucien Herr, qui l'aidait quotidiennement dans le travail d'étude, de recherche, de définition; grâce à Millerand, son ministre, qui arrachait au Parlement les votes nécessaires, plusieurs des réformes qu'il avait conçues étaient accomplies dans le cadre national. Il donnait à la République - Daniel Halévy le montrait récemment - une de ces assises solides, inaperçues, qui expliquent sa durée et sa force : l'assise de la politique sociale.

Mais déjà son effort s'étendait sur le plan international. Depuis 1900, avec son ami Mahaim, il animait l'Association internationale pour la protection légale des travailleurs. Eu 1904, il signait le premier traité de travail international, traité franco-italien. Il faut relire dans l'Humanité cet article du 20 avril 1904 que j'avais écrit presque sous sa dictée et où il fixait déjà, sur cette seule expérience, mais si réfléchie, si calculée, et avec une sûreté que l'avenir n'a pas démentie, les conditions et les règles et aussi la valeur pacificatrice de telles ententes.

En 1906, à Berne, une nouvelle étape. Ce sont les deux premières conventions internationales du travail : phosphore blanc et travail de nuit des femmes.

En 1913, il se prépare à l'élaboration de conventions nouvelles pour la protection des enfants.

Momentanément, la guerre rompt les premiers liens internationaux. Mais dans l'immense bouleversement social et moral qu'elle a amené, à l'heure du traité de paix, une idée s'impose, irrésistible : une paix durable, une paix solide, la paix de la Société des Nations « ne pourra être établie que sur la base de la justice sociale ». A cette pensée, les premières expériences, les méthodes définies par Arthur Fontaine, donnent sur-le-champ le cadre nécessaire. Les tâtonnements sont évités. Une organisation internationale du travail est créée. La jeune pousse de l'avant-guerre, plantée dans le sol de Genève, y grandira vite en un arbre solide, capable de subir presque immédiatement les rafales et les tempêtes.

C'est que, depuis 1919, président constamment réélu du Conseil d'administration du Bureau international du travail, Arthur Fontaine a pu parfaire son oeuvre, autant du moins qu'un homme peut espérer achever sa tâche propre dans une grande oeuvre collective. Il appartenait aux représentants du Conseil d'administration de dire ce que cette assemblée doit à son premier président, à sa large compréhension de toutes les pensées, à son respect de tons les intérêts légitimes, à son esprit de tolérance, à sa patience, à sa délicate bonté et d'expliquer les raisons de l'autorité incontestée qu'il exerça sur un Conseil dont il a été l'âme et le lien.

Au bureau de Genève, il a été pendant plus de onze années notre guide. Il a été notre prudence, notre sagesse : il a été, selon un admirable mot, notre « solidité ». Je le dis au nom de tous nos fonctionnaires qui le pleurent, depuis notre directeur adjoint, M. Butler, qui, lui aussi, avait appris à le connaître et à l'aimer depuis la préparation de la conférence de Washington, jusqu'au plus modeste de nos collaborateurs, tous, nous avons conscience que si le bureau a pu déjà, selon la formule du Traité de paix, « répandre quelques bienfaits sur les travailleurs du monde », c'est pour une large part à Arthur Fontaine qu'il le doit.

Et voilà pourquoi, en dépit de l'intransigeance et de la dureté des jugements que les misères et les luttes quotidiennes dictent parfois au monde ouvrier, les organisations syndicales de tous les pays sont aujourd'hui dans le deuil.

Et maintenant, quel souvenir fixerons-nous dans nos coeurs? Quelle leçon emporterons-nous de sa vie? Quelle a été la raison de cette autorité incomparable qu'il exerçait sur nous? Quels ont été le secret ressort de son action et la raison de ses succès?

Avant tout, ce fait qu'il avait su garder toujours, au milieu des tâches les plus accablantes, à travers la dispersion de la vie moderne, ce bien suprême que nous avons tant de peine à défendre : la possibilité de réfléchir. Il a toujours accompli ses tâches en en gardant pleinement conscience; sans cesse, il se jugeait; sans cesse, il cherchait à mesurer la portée de ses actes et leur valeur morale. Il dominait son travail; il le conduisait toujours en toute certitude parce qu'il le rattachait à quelques grandes idées très simples, très fortes qui étaient sa raison de vivre et qu'il a servies jusqu'à son dernier souffle.

La première, c'est qu'il faut sauver l'homme dans le travailleur, qu'il faut lui permettre, par la législation sociale, de s'élever, de se cultiver, de prendre conscience de sa destinée, bref, au sens plein du mot, de s'émanciper. Constant sujet de nos réflexions, de nos conversations, de ses affirmations depuis trente ans. Émancipation des travailleurs! Dans le travail même, précisent certains, Arthur Fontaine disait avec force: « D'abord, dans le loisir, dans la cité ». La communauté, la production industrielle, l'activité économique en offriront-elles toujours les moyens? Sur son lit de malade, à l'occasion de la crise allemande et de la crise anglaise, avec une honnêteté angoissée, il s'en inquiétait. Mais quelques réserves qu'il fît sur certaines méthodes et quelque souci qu'il eût de respecter les intérêts matériels, il posait impérativement la nécessité de la justice. Toute sa vie, depuis les batailles de ministères - Commerce contre Travail - autour de ses premiers projets de loi, jusqu'aux débats les plus récents de la Conférence internationale du travail, malgré son étonnant contrôle de lui-même, il n'a cessé de s'indigner et de s'emporter contre les abandons des principes de justice, contre les allégations mensongères ou les roueries hypocrites par lesquels on prétendait parfois faire obstacle à des réformes équitables ou à des décisions humaines.

Sa deuxième idée tenace, obsédante depuis dix ans, c'était la paix. De plus en plus, c'était parce qu'il devait aider l'organisation de la paix que le Bureau international du travail lui était cher. Pas de paix sans justice sociale; on dira aussi véridiquement, pas de justice sociale sans paix. Il faut donc servir la paix de toutes nos forces.

Sévèrement, chaque jour, lui, si tolérant, si indulgent, il disait son mépris et sa tristesse des erreurs commises, des retours inconscients aux préjugés nationalistes, des sophismes par lesquels continuaient de se duper eux-mêmes certains hommes politiques responsables, heureux encore quand il ne surprenait pas, en toute évidence, quelque lâcheté. Durant les quatre mois où il lutta contre la mort, lorsque rassemblant, dans un effort suprême, toute sa pensée, il formulait son dernier message aux rares amis qui pouvaient le voir, toujours c'était de la paix qu'il parlait, des obstacles à surmonter, de la première oeuvre nécessaire : l'entente franco-allemande. Ce n'était pas certes uniquement dans un sentiment de sympathie confraternelle d'Institut à Institut qu'avant-hier la Commission d'études pour l'Union européenne disait la perte irréparable qu'elle faisait par la disparition de Fontaine. Encore qu'il ne participât qu'en de très rares occasions aux travaux de la Société des Nations, les Européens, les hommes de tous pays savaient que la paix n'a jamais eu de serviteur plus fervent.

Un jour, il n'y a guère plus d'un an, à la Société de Philosophie, où il avait exposé quelques thèses sur les formes actuelles de l'internationalité et où Charles Andler avait dit à ce propos son inquiétude des insuffisances ou de l'impuissance présente de la Société des Nations, il répondait : « Sur tout ce qu'a dit mon ami Andler, je me bornerai à présenter une seule observation, celle-ci: je n'ai et ne peux donner aucune garantie que la Société des Nations réussira. Je crois seulement qu'elle a plus de chance de réussir si nous y croyons et si nous nous y donnons que si nous collaborons mollement et sans foi. Il ne peut pas y avoir de plus mauvais résultats au point de vue de la paix que ceux qu'on a obtenus avec le système des alliances. N'ayant pas d'autre solution efficace devant moi, me donnant de toute mon âme à celle qui parait la meilleure pour la paix, j'estime que je fais tout ce que peut faire actuellement un homme pour le salut des hommes et que je dois continuer à le faire. »

Arthur Fontaine était tout entier dans ces lignes. Gardons-les en notre mémoire, gardons-les comme une règle, comme le précepte sûr qui nous aidera à poursuivre inlassablement, au Bureau international du travail, son oeuvre « pour le salut des hommes ».

III. - DISCOURS DE M. Paul VALÉRY, de l'Académie française.

En la personne d'Arthur Fontaine, les Lettres, les Arts, la Philosophie viennent de perdre un ami intime.

Cet homme qui pouvait embrasser la complexité et le détail infini des spécialités du monde moderne - ce même homme dont l'affaire était d'organiser l'économie sociale et d'essayer d'en résoudre les redoutables antinomies - toutefois retenait, au plus haut de sa pensée, comme sa récompense intérieure, comme objet supérieur de désir et de contemplation, l'idée que désignent et assignent la musique, la peinture, la poésie, - et que tonte philosophie se consacre à définir.

Il fut l'un des esprits très rares dans lesquels notre civilisation tout entière - nos sciences, nos techniques, nos pressentiments, nos créations, notre volonté qui hésite entre les biens et les maux du passé, les promesses et les menaces de l'avenir, - pouvait trouver une image complète et précise d'elle-même.

Il a servi l'Etat dans une fonction et dans un rang qui lui permettait de servir l'homme ; le travail des hommes était la matière de son travail. Nul n'ignore dans quel esprit et de quel coeur il exerçait cette haute, difficile et très importante fonction, dont on peut dire qu'il l'a créée. Il y mettait toute son intelligence et toute sa foi. Il sentait profondément que le développement, l'élévation générale de la condition de l'homme, doit être l'objet supérieur - j'allais dire l'excuse - de la toute-puissance de l'État. Mais le travail des mains et des esprits n'a jamais pu se borner à produire ce qui est indispensable à l'entretien de la vie. Les ouvrages de l'art, les monuments de la méditation sont d'autres fruits du travail humain, inutiles et essentiels. Inutiles à l'entretien de la vie, essentiels à sa justification devant la pensée. Ils nous empêchent de voir notre vie se réduire à je ne sais quelle activité monotone, nécessaire, condamnée à la répétition forcée et périodique d'actes élémentaires.

Fontaine avait compris l'unité profonde du travail humain - notion simple et universelle qui permet de joindre et de coordonner l'opération de l'ouvrier avec celle de l'artiste et d'assembler dans le même regard l'immense variété des transformations de matières, de valeurs et d'idée en quoi se résume exactement l'acte et la tâche de l'espèce humaine. Les métiers et les arts étaient les provinces de son domaine intellectuel. Il avait pour intimes les premiers écrivains et les premiers artistes de notre temps. Claudel et Francis Jammes étaient des familiers de sa maison. André Gide y paraissait aussi. Il a connu Paul Adam et Charles Louis-Philippe, Ernest Chausson, Claude Debussy furent ses musiciens. Il vivait au milieu des portraits qu'Eugène Carrière et Edouard Vuillard lui avaient peints. Les ouvrages de bien d'autres amis, les Henri Lerolle, les Besnard, les Maurice Denis, les Redon, les Lacoste décoraient les murs de sa maison. Et quant à la philosophie, elle ne laissait d'être présente, et même ardente, auprès de lui, en la personne de Paul Desjardins, fondateur des fameuses Décades de Pontigny.

Quand j'ai appris que Fontaine avait succombé et que le souffle de sa vie, si anxieusement, si désespérément entretenu par l'amour des siens, l'avait enfin abandonné, mon émotion m'a représenté tout ce que j'ai connu de lui, tout ce que j'aimais et admirais en lui.

Notre esprit, sous le coup d'événements funèbres, s'élève quelquefois à une sorte de lucidité solennelle, et il juge, et il accuse la mort avec une force et une précision singulières, lui opposant toute la valeur et toute la vie de celui qui vient de mourir.

Dans ce moment de pensée qui assemble, fixe et résume une existence abolie, et qui nous en compose une idée suprême, il m'est souvenu de ce que j'ai dit un jour à notre ami - à lui-même - sur lui-même - et à quoi je ne vois presque rien à changer.

C'était, il y a quelques années, à la fin d'une longue et diverse conversation où je l'avais entendu traiter, avec cette douceur et cette profondeur retenue qui se combinaient dans sa parole, de la plupart des grands problèmes de notre époque. Je ne pus me tenir de lui dire : « Vous êtes bien digne d'envie, car je ne sais rien de plus enviable que de vivre aussi pleinement que vous faites par la connaissance, par l'action, par les sentiments ». « Vous êtes homme complet ».

Disant ceci, je ne lui disais pas toute ma pensée. Ce n'était point tout lui dire que de lui exprimer la belle impression que me faisait la plénitude intellectuelle de ses dons et de ses goûts, l'harmonie de savoir et d'action qui paraissait en lui. Mais ce n'est que sur un tombeau que l'on peut sans réserve évoquer, honorer ces qualités que ceux qui les possèdent véritablement cachent et défendent aux regards comme d'autres cachent leurs défauts.

Bonté, délicatesse exquise, tendresse d'Arthur Fontaine, que d'artistes, de poètes, que d'êtres vous ont éprouvées.

En leur nom, je salue une noble et pure mémoire.

IV. - DISCOURS DE M. DELIGNE, Ministre des travaux publics, AU NOM DU GOUVERNEMENT.

C'est avec douleur, le coeur étreint par l'émotion, qu'au nom du Gouvernement je prends aujourd'hui la parole pour dire un dernier adieu à l'ami, à l'ancien collègue Arthur Fontaine, à l'homme de coeur, à l'homme de bien qui disparait, chargé d'honneurs, de titres et de fonctions. Inspecteur général des mines, à la tête des plus grandes affaires industrielles de l'État ressortissant à mon Département, président du Conseil et du Comité de réseau des chemins de fer de l'Etat, président des mines domaniales de la Sarre, président du Bureau international du travail et de nombreux organismes, Arthur Fontaine, grand officier de la Légion d'honneur [1918], a dépensé partout son activité bienfaisante, sans compter et sans répit.

L'énoncé seul de ces titres, qui ne sont que quelques-uns sur une liste fort longue, vous montre quelle place considérable occupait Arthur Fontaine dans notre pays auprès des Conseils de Gouvernement et dans le monde entier. C'est qu'en effet, chacun le sollicitait parce que tous savaient combien lumineuse et ouverte était son intelligence, combien grandes étaient sa puissance de travail et son expérience, combien agréable était son commerce, combien généreux son coeur qui le poussa, vous le savez tous, à consacrer sa vie entière au service de la classe ouvrière. Jamais son esprit ne fut complètement satisfait ; en tous les domaines il chercha le mieux et son ambition était d'approfondir toujours davantage les sujets qu'il abordait. Dans la technique, comme dans la littérature et l'art, il était avec les jeunes, les aidant de sa présence, quelquefois de ses conseils, souvent de sa bourse. Très modeste?

Vivant simplement, entouré de ses enfants, Arthur Fontaine est et restera l'une des plus grandes figures de la France actuelle, on peut même dire de l'Europe contemporaine. Aussi bien, sa disparition en pleine vigueur intellectuelle et physique est-elle une perte incalculable tant au point de vue de notre pays qu'au point de vue mondial, perte très douloureuse aujourd'hui et dont nous souffrirons de nombreuses années encore.

M. le directeur du Bureau international du travail, mon ami Albert Thomas, vous a dit très éloquemment quel a été son rôle international, je voudrais, moi, brièvement, de tout mon coeur, vous rappeler quelles furent les étapes de sa brillante carrière de fonctionnaire et combien, malgré les honneurs qui étaient justement venus récompenser ses mérites, il était resté un homme simple, d'un dévouement absolu, accueillant aux jeunes et aux pauvres, surtout aux ouvriers qui perdent en lui un ami sûr et un défenseur désintéressé.

C'était un parisien de Paris, puisqu'il était né le 3 novembre 1860 rue de la Fontaine-Molière. Jeune encore, il eut le grand malheur de perdre son père. Travailleur acharné, doué d'une intelligence supérieure et d'une excellente mémoire, il fit de très bonnes études au Collège Stanislas, entra à l'École Polytechnique en 1880, s'y maintint brillamment pendant les deux années de scolarité aux premiers rangs avec les galons de sergent fourrier, en sortit pour entrer ensuite à l'École des Mines, d'où, en 1886, un de mes prédécesseurs l'envoya à Arras, sous les ordres de Duporcq, comme ingénieur des Mines.

Dès son début dans la carrière, ses qualités de crtéateur se révélaient : on avait, pour lui, délimité une nouvelle circonscription dans ce bassin; nouveau venu, mais sachant déjà prendre ses responsabilités, il l'organisa rapidement ; très apprécié de ses chefs, des exploitants et des ouvriers. Cinq ans après il vint à Paris, au Ministère du Commerce, collaborer à l'oeuvre de cet Office du travail qui venait de naître sous la direction de l'ingénieur en chef des ponts et chaussées Moron. C'est réellement à lui, Arthur Fontaine, que nous devons le développement de cet office, qui aboutit en 1906 à la création même du Ministère du travail, dont le premier titulaire fut mon très regretté ami, René Viviani.

Arthur Fontaine y resta jusqu'en 1920. A cette époque, il devint le premier président du Bureau international du travail et fut constamment réélu, à l'unanimité, par les représentants des Gouvernements, des patrons et des ouvriers.

Ses qualités de créateur apparurent surtout à ce modeste Office du travail, où il débuta avec le titre bien simple de chef de section, pour en devenir par la suite le sous-directeur, puis le directeur.

C'est lui qui organisa la statistique des grèves en 1891-1892 : c'est lui qui prépara le premier recensement professionnel qui eut lieu en France en 1896 ; c'est lui qui fonda le Bulletin de l'Office du travail, devenu depuis l'important et si considérable Bulletin du Ministère du travail; c'est lui qui organisa la statistique des accidents du travail, celle des Assurances sociales, celle des coopératives de consommation.

On a justement pu dire que toutes les lois sociales élaborées depuis quarante ans l'ont été par Arthur Fontaine qui, modeste, mais stable à son poste de directeur du travail, fournissait aux députés et sénateurs qui se succédèrent au fauteuil ministériel les éléments de discussion de ces lois. Rappelerai-je la loi sur les accidents du travail de 1896, la loi sur le repos hebdomadaire, la loi de huit heures? Par de nombreux articles dans plusieurs revues, par des livres, par son cours au collège libre des Sciences sociales, par de nombreuses conférences, Arthur Fontaine préparait l'opinion et accumulait les matériaux en vue des discussions au Parlement.

Je dois dire aussi, par ses voyages, car extrêmement actif, il commença, dès son arrivée à l'Office du travail, ses tournées à travers le continent, qui firent de lui un grand Européen.

En 1891, il parcourt l'Angleterre, la Suisse et la France pour établir les prix de revient comparés des filés de coton.

En 1892, il retourne en Suisse pour étudier le prix de revient des broderies mécaniques, le prix de revient de l'horlogerie.

En 1899, il représente la France au Congrès international de statistique de Christiania.

A partir de cette époque,aucune convention internationale relative au travail où il n'apparaisse avec son esprit pratique, largement ouvert à toutes les idées, avec sa haute conception d'une justice sociale égale pour tous : Gouvernement, patrons et ouvriers, avec la conscience toujours en éveil devant le devoir ou l'oeuvre à accomplir.

En 1900, il concourt à la formation de l'Association internationale pour la protection légale des travailleurs, association dont il reste un des dirigeants les plus écoutés.

En 1904, il négocie et signe le traité de travail bilatéral.

En 1906, il négocie et signe les Conventions de Berne sur le travail de nuit des femmes, et sur l'interdiction de l'emploi du phosphore blanc dans les allumettes. Conventions qui furent les premiers actes de la législation internationale du travail.

En 1913, nous le retrouvons à Berne avec M. Millerand, chargé de négocier les nouveaux et importants traités, sur la journée de dix heures dans l'industrie et sur l'interdiction du travail de nuit des adolescents.

Le Gouvernement avait récompensé ces services éminents, d'une part, en lui donnant l'avancement normal d'un ingénieur des mines, c'est-à-dire en le nommant ingénieur en chef en 1900 et inspecteur général en 1909 et, d'autre part, en lui conférant, dans la Légion d'Honneur, un avancement de choix : chevalier à trente-quatre ans, officier à quarante et un ans, commandeur à quarante-six ans.

Quand éclata la guerre, Arthur Fontaine, trop âgé, ne put partir aux armées ; pour la défense active de la patrie, quatre fils d'ailleurs l'y représentaient. Mais avec toutes ses connaissances accumulées, avec son ardeur au travail, il pouvait rendre et il a rendu d'éminents services au pays. Laissez-moi vous rappeler en quels termes précis et particulièrement bien étudiés, le Gouvernement de la Victoire a tenu à lui conférer en 1919 la dignité de grand-officier de la Légion d'Honneur.

« Appelé pendant la guerre par la confiance du Gouvernement en raison de sa rare compétence sociale et industrielle à assurer, tout en continuant à remplir ses hautes fonctions au Ministère du travail et de la prévoyance sociale, des missions particulièrement importantes et délicates, touchant notamment l'examen des contrats passés par le ministre de l'armement, le recrutement, le placement, la protection des travailleurs, il n'a réussi à mener à bien les tâches multiples qui lui incombaient que grâce à son intelligence éminemment compréhensive et inventive, son labeur infatigable et sans trêve et son dévouement absolu au bien public. »

Après-guerre, il fut un rédacteur éminent de la Partie XIII du Traité de Paix, véritable charte de l'organisation internationale du travail, et qui devait aboutir à la constitution du Bureau international du travail. Ce bureau, Parlement international du travail, est en grande partie son oeuvre, et la place qu'il y occupait est incontestablement marquée par l'unanimité avec laquelle les représentants des gouvernements, des patrons et des ouvriers lui ont constamment depuis l'origine renouvelé leur confiance en lui accordant une présidence permanente.

Sa vie fut dès lors partagée entre Paris et le reste du monde, particulièrement Genève, mais aussi les diverses capitales européennes et américaines.

A Paris, il avait définitivement quitté le Ministère du travail et était revenu à son Département d'origine, pour y retrouver les questions qui l'occupaient au début de sa carrière, je veux dire les mines et les chemins de fer.

Entré au Comité consultatif des chemins de fer en 1900, au Conseil de réseau de l'État en 1911, il était chargé en 1915 de la présidence de ce Conseil et en 1922 de la présidence du Comité de réseau.

Sous sa présidence, un travail considérable a été accompli : sans parler des transports multiples et difficiles qui ont dû être assurés dans la période laborieuse d'avant 1919, je ne saurais passer sous silence les importantes améliorations techniques, en particulier l'électrification complète de la banlieue parisienne et la remise en parfait état des voies, ni surtout les améliorations sociales qui lui étaient particulièrement chères, comme la réorganisation des corps de garde des agents des trains, la création d'écoles, l'organisation des colonies de vacances, la construction de logements salubres pour le personnel, « si importants, comme il le disait à Saintes, le 7 février dernier, pour la dignité et le bonheur de l'homme ».

Mais c'était surtout la mine et les mineurs qui l'intéressaient. Pendant toute sa carrière à l'Office ou à la direction du travail, il s'était toujours beaucoup occupé des mineurs : depuis 1892, il avait revendiqué la charge de l'application des lois réglementant la durée du travail dans les mines ; en 1897, il avait accepté avec joie et avec un désintéressement tout à fait remarquable, accomplissant à ses frais tous les déplacements nécessaires, le rôle difficile d'arbitre entre les ouvriers et la direction d'une petite mine aujourd'hui fermée, la mine de Saint-Laurs, où l'on avait appliqué pour la première fois en France le régime de l'échelle mobile pour la fixation des salaires. En 1900 sa direction avait été chargée de suivre le fonctionnement de l'institution des délégués à la sécurité des mineurs dont il avait vu les débuts en 1890, à Arras.

Aussi, lorsqu'on 1919 les mines fiscales de la Sarre furent attribuées à la France, était-il tout naturel de lui confier la présidence du Conseil d'administration de ces mines, de même qu'à la mort du premier président du Conseil d'administration de la Caisse autonome des retraites des ouvriers mineurs ce fut unanimement à Arthur Fontaine que l'on pensa pour le remplacer.

Au 1er janvier dernier, M. Arthur Fontaine, débordé par ses occupations de plus en plus nombreuses, avait demandé à être relevé de ses fonctions à la Caisse autonome des retraites des ouvriers mineurs, la laissant dans une situation très prospère, avec une encaisse de l'ordre de 1 milliard et demi, et ayant su habilement la diriger au milieu des écueils que fut pour elle la dévalorisation de la monnaie. [Voir la biographie de Charles de RUFFI de PONTEVES-GEVAUDAN qui succéda à Arthur Fontaine à la tête de la Caisse]

Mais il était resté à la tête des mines domaniales de la Sarre qui, sous sa haute direction, ont été, en dépit de difficultés nombreuses, entièrement remises en état et considérablement améliorées.

Il voulait que les ouvriers qui y travaillaient fussent parmi les ouvriers les mieux traités du monde, quant à la durée du travail et aux salaires réels, que ces mines fussent exploitées en bon père de famille, qu'enfin les produits qu'elles livraient fussent de premier choix. Plusieurs fois par an, il allait se rendre compte sur place des travaux accomplis, de l'état d'esprit des populations et, presque chaque jour, il se faisait tenir au courant de l'extraction, des stocks, des ventes.

Déjà malade à la fin de mai, il tint à présider encore le Conseil où d'importantes décisions devaient être prises; beaucoup de ses collaborateurs de la Sarre conserveront le souvenir ému d'un homme de devoir qui, malgré la fièvre, préside, lucide, patient, amène, une importante assemblée. Volonté et intelligence réunies, toujours au service de l'Etat, telle fut sa ligne de conduite du début de sa carrière à son dernier acte, pendant près de cinquante ans.

Puis vint la maladie implacable, la lutte contre le mal, menée avec toute l'affection, toute la science, tout le dévouement que peuvent avoir des médecins pour un père aimé et vénéré, la douleur dans une famille qui sait que l'heure fatale s'avance et qui doit cependant continuer à donner au malade l'illusion d'une guérison prochaine.

Presque au jour le jour, nous avons assisté impuissants à ce drame qui se jouait si près de nous, et nous avons Madame, Mademoiselle et Messieurs, admiré votre courage.

Puisse la fierté que vous devez ressentir de l'oeuvre immense d'Arthur Fontaine, oeuvre qui lui survivra longtemps car elle est avant tout une oeuvre sociale, et le rappellera toujours à notre souvenir, puisse l'immense sympathie qui de toute part vous entoure, atténuer votre douleur devant laquelle, très respectueusement, très profondément, je m'incline en vous priant, au nom de M. Pierre Laval, président du Conseil, au nom de M. Landry, ministre du travail, au nom du Gouvernement tout entier, d'agréer nos condoléances émues et l'expression de notre très cordiale et très profonde sympathie.


Arthur Fontaine, élève de Polytechnique
(C) Collections Ecole polytechnique


Fontaine, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP


Arthur Fontaine vers 1901, peinture par Vuillard. Huile sur carton H. 082 ; L. 06.
Musée d'Orsay, Paris, France (C) photo musée d'Orsay / RMN.

Publié dans "Portraits de polytechniciens", par Christian Marbach, Bulletin de la Sabix n° 52, février 2013.
Christian Marbach écrit au sujet de ce portrait : "Il existe de Fontaine, et de son épouse, divers portraits peints par Vuillard. Voici l'un d'eux, effectué vers 1901 sur carton, qui se trouve aujourd'hui au musée d'Orsay après une donation de son fils Philippe Fontaine et plusieurs déménagements entre d'autres musées nationaux".