Xavier et Jacques de GAULLE sont anciens élève de l'Ecole des mines de Paris (promotions 1909 et 1913) et Ingénieurs civils des mines.
Publié dans ABC-MINES, Novembre 2009, N° 31.
Combien d'auteurs n'ont-ils pas déjà écrit sur Charles de Gaulle ! Sur le général, l'homme d'état, le Président ; sur l'homme du 18 juin et sur l'homme de Colombey. L'objet de cet article n'est pas de rajouter une page à sa mémoire, mais simplement de faire connaître deux de ses frères qui ont été élèves de l'Ecole des Mines de Paris.En effet Xavier de Gaulle, né en 1887, est de la promotion 1909 et Jacques de Gaulle, né en 1893, est de la promotion 1913. Après avoir combattu pendant la guerre 1914-1918, tous deux ont fait leur carrière dans le charbon : Xavier aux Houillères de la Sarre, Jacques aux mines de Blanzy. Plus tard, Xavier fut consul de France à Genève tandis que Jacques, atteint par la maladie, dut arrêter sa carrière. Retraçons de plus près leur vie.
Les de Gaulle étaient 4 frères et une sœur, c'est-à-dire dans l'ordre : Xavier, Marie-Agnès, Charles (le général), Jacques et Pierre. Leur père, Henri de Gaulle, né à Paris en 1848, avait été admissible à Polytechnique mais n'y était pas entré, la famille ayant des ressources assez faibles. Le grand-père Julien vivait de travaux littéraires, un frère d'Henri était infirme (poliomyélite). Henri de Gaulle est devenu professeur de lettres et d'histoire. Les frères d'Henri ont été l'un spécialiste de la langue bretonne, l'autre entomologiste (celui-ci a dénombré 5 000 variétés de guêpes et d'abeilles). La femme d'Henri s'appelait Jeanne Maillot, Charles dira d'elle : elle portait à la patrie une passion intransigeante à l'égal de sa piété religieuse. La famille de Gaulle s'était établie à Paris depuis plusieurs générations. D'où venait-elle ? Le fait que Charles de Gaulle soit né à Lille (ainsi que Xavier) a pu brouiller un peu les pistes dans l'esprit de nombreuses personnes. En fait, on peut trouver leur ascendance complète dans un ouvrage de Joseph Valynseele « La parentèle de Charles et Yvonne de Gaulle ».Cet auteur a publié un tableau « les 32 quartiers de Charles de Gaulle »
En remontant ces générations, on trouve ceux qui de père en fils ont porté le nom de de Gaulle : Henri (né en 1848), Julien (né en 1801) et Jean-Baptiste (né en 1756) sont nés à Paris mais Jean-Baptiste (né en 1720), Antoine (né en 1669) et auparavant Claude (né en 1643) et Jean (né en 1615) sont nés à Châlons sur Marne. C'est une ascendance champenoise qui porte le nom de de Gaulle. Nous y reviendrons en fin de cet article.
Revenons à Xavier et Jacques. En 1909, Xavier figure dans l'annuaire des Anciens Elèves avec la mention «élève de 1ere année». En 1913, il fait son service militaire comme canonnier à Dunkerque, puis comme sous-lieutenant à Toulon. Il a eu le diplôme d'ingénieur civil des mines. Dans l'annuaire de 1914 Jacques figure comme élève (promotion 1913) mais la guerre survient et on a peu de renseignements sur leur vie au front. On sait qu'ils ont tous deux la croix de guerre : Xavier cité à l'ordre de la Brigade ; Jacques cité à l'ordre du corps d'armée. Ceci est important car la mère de Xavier, de Charles, de Jacques et de Pierre aura le privilège de voir revenir ses fils tous vivants après la guerre, à la différence de bien d'autres mères ou veuves. S'ils ont échappé à la mort, ce n'était pas pour être restés à l'abri. Il existe une photo remarquable prise en 1919 où l'on voit les 4 frères de Gaulle en uniforme d'officiers et tous les 4 décorés.
Qui étaient les professeurs à l'Ecole des Mines à cette époque ? On trouve ainsi en 1910 des noms connus : Termier (minéralogie et pétrographie), le Chatelier (métallurgie), Le Breton exploitation des mines), Douvillé (paléontologie), de Launay (géologie appliquée), Cayeux (géologie générale). A la lecture, on sent le poids de la géologie et des mines dans l'enseignement. Tout naturellement, après la sortie de l'école, ils entreront tous deux aux Houillères : Xavier pour un court passage de 2 ans à la Grand Combe (Ales) ; Jacques après avoir repris les cours à l'Ecole, interrompus par la guerre , à Montceau les Mines (mines de Blanzy), en 1921. Il y restera jusqu'en 1929. Dès 1922, son frère Xavier est ingénieur divisionnaire aux mines de la Sarre dont l'exploitation a été confiée à la France par le traité de Versailles. En 1935, c'est le plébiscite, la Sarre est évacuée par les Français, Xavier part à Rennes dans l'administration. Il y rencontrera un certain Raymond Fischesser, ingénieur du corps des Mines (promotion 1933) qui deviendra plus tard Directeur de l'Ecole et Président de l'Association ABC Mines.
Dès 1925 Jacques doit réduire ses activités, étant frappé de paralysie et en 1928 il doit les cesser tout à fait ; il se retire avec deux adresses : à Grenoble et à Maisons-Lafitte. Il est chevalier de la Légion d'Honneur.
La guerre arrive. Le 18 Juin 1940, c'est l'appel de Londres lancé par le général Charles de Gaulle. Que deviennent ses frères ? Xavier, fait prisonnier, est libéré en 1941 comme grand malade, puis passe en Suisse. Jacques est menacé d'arrestation à Grenoble par les Allemands. Lui aussi veut passer en Suisse malgré sa maladie de Parkinson. Il y arrivera en 1943 grâce à l'abbé Pierre (Henri Grouès). Caché chez le curé de Collonges, dans le Genevois, Jacques est porté dans les bras par l'abbé Pierre à travers les barbelés, avec la complicité des douaniers français. La famille Grouès était liée à l'épouse de Jacques de Gaulle.
En 1944 c'est la Libération. Xavier est nommé consul général de France à Genève. Il y recevra en particulier Jacques Duclos, ministre communiste du gouvernement, venu donner une conférence. Celui-ci notera dans ses mémoires que Xavier était de grande taille, mais avec moins d'allure que Charles. En 1955, Xavier meurt à 68 ans. Jacques était déjà décédé en 1946 après 20 ans de maladie.
Nous n'avons pas parlé des familles fondées par Xavier et par Jacques. Xavier s'est marié deux fois, ayant perdu sa femme Germaine quand il était dans la Sarre. Leur fille Geneviève est bien connue : résistante, puis déportée à Ravensbruck, elle est devenue présidente de l'œuvre ATD-Quart-monde (Aide à Toute Détresse). Son mari, Bernard Anthonioz, était né à Genève. De sa deuxième femme, Armelle, est née une fille qui a épousé le fils d'un autre ingénieur des mines encore vivant (de la promotion 1945). Xavier a eu 5 enfants. Jacques a eu 4 enfants de sa femme Jeanne, qui était de Grenoble. Nos lecteurs pourront noter que la sœur des frères de Gaulle, Marie-Agnès, a eu un gendre, Louis Tardif, ingénieur en chef au Bassin de la Loire. Une petite-fille a eu pour beau-père Paul Cuchet également directeur au Bassin de la Loire (promotion Saint-Etienne 1919).
Pour terminer cet article, on pardonnera au signataire de parler un peu des origines champenoises des de Gaulle, en évoquant un souvenir familial. Mon arrière-grand-père, Constant, a acheté une terre en 1866 dont je possède l'acte notarié. Il y est écrit que cette terre, située sur la commune de Baye (Marne), provenait de la succession de Marie-Françoise de Gaulle, morte à Baye en 1820. S'agirait-il de la même famille ? On trouvera dans le livre de François Veillerette « Ils s'appelaient de Gaulle » toutes les indications permettant de rejoindre cette Marie-Françoise à la lignée des frères de Gaulle. Un frère de Claude de Gaulle (né à Châlons sur Marne en 1643, cité plus haut), Jean de Gaulle, a eu plusieurs fils. L'un d'eux, l'abbé Jacques François de Gaulle, a été longtemps curé de Villevenard (Marne), et a embelli son église romane par des stalles et des grilles (datées de 1775). (Voir A.Prache bibliographie).Ce curé fit venir son neveu Claude François pour qu'il aille à l'école. Il y a quarante ans, en faisant des travaux sous la chaire, on retrouva un petit livre avec la mention manuscrite « ce livre appartient à Claude François de Gaulle, c'est à lui ». Ce garçon plus tard, se maria à Baye, commune limitrophe de Villevenard, avec Marie-Françoise, celle qui est décédée en 1820. Ces anecdotes, quoique ténues, illustrent ainsi l'origine champenoise de la famille de Gaulle, ingénieurs civils des mines y compris !
BIBLIOGRAPHIE