Né le 20 juin 1942 à Paris (7ème).
Décédé le 12 mars 1987 d'un cancer. Inhumé à Lessard-et-le-Chêne (Calvados).
Fils du comte Paul COSTA de BEAUREGARD et de son épouse née CROMBEZ de MONTMORT. Marié à Diane de NEUVILLE. Enfants : Anne-Clémence (épouse de Henri de FOUCAULD), Charles-Henry, Oriane, François-Louis.
Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1961, sorti classé 7) et de l'Ecole des Mines de Paris (entré en 1964, sorti en 1967 classé 7 sur 9 élèves du corps des mines, leur 10ème camarade, Jean-Claude LAJARD, étant décédé en février 1966). Corps des mines.
1963-1964 : service militaire à l'Ecole de la cavalerie de Saumur
1967-1970 : service des mines et mission du préfet de région à Marseille
1970-1975 : secrétaire général adjoint du comité interministériel pour les questions de CEE (SGCI)
1975 : chargé de préparer une conférence Nord-Sud auprès du ministre des affaires étrangères
1976-1981 : conseiller pour les affaires économiques du premier ministre, Raymond Barre
1981 : en disponibilité de la fonction publique
1983-1986 : directeur des affaires industrielles de la BNP, puis PDG de la BANEXI (banque d'affaires du groupe BNP)
1986-1987 : directeur des activités défense et espace de Matra Espace.
MINES Revue des Ingénieurs, mai 1987 :
Albert COSTA de BEAUREGARD a disparu le 12 mars 1987 après une cruelle et fulgurante maladie. Il était âgé de 44 ans.
Personnalité hors du commun, esprit aux multiples facettes, travailleurs infatigable, ami fidèle et d'une extrême gentillesse, ses qualités humaines et intellectuelles ont profondément marqué tous ceux qui à un titre ou à un autre l'ont approché.
Dans les différentes tâches auxquelles il s'est consacré il a toujours cherché à allier le goût de l'action concrète qu'il tenait de sa formation d'ingénieur avec une haute idée du service de la collectivité nationale que, par-delà la tradition familiale, il avait acquise dans des postes de responsabilités dans la haute fonction publique.
La mort a malheureusement frappé avant l'heure. Comment ne pas voir dans le choix du texte biblique qu'il méditait peu de temps avant sa mort:
le regret de ne pas avoir eu le temps de donner tout ce qu'il se sentait capable d'apporter.
Mais même inachevée, sa carrière reste étonnamment dense et variée.
Sorti dans les premiers de l'Ecole polytechnique (1961) puis de l'Ecole des mines de Paris (1964), il avait commencé sa vie professionnelle à Marseille où en plus des tâches traditionnelles d'ingénieur de terrain de l'Administration des Mines, il avait été conseiller du Préfet de région pour les problèmes d'économie régionale.
Revenu à Paris, il avait choisi de travailler au SGCI, le Secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne.
Ce petit organisme d'état-major a la tâche importante d'orchestrer la préparation des dossiers européens de l'Administration française et d'organiser la défense de la position française à Bruxelles. De la qualité et du caractère de la poignée d'hommes qui le composent, dépend pour beaucoup l'efficacité réelle de l'action européenne de la France. Devenu secrétaire adjoint du SGCI il s'y était fait remarquer par sa capacité à maîtriser les données techniques compliquées des dossiers les plus divers et par sa compréhension des aspects politiques et diplomatiques. Il s'y était forgé une conviction européenne exigeante et sans naïveté, pleinement consciente de l'enjeu majeur que représente l'oeuvre de rapprochement des pays de la CEE mais sans illusion sur les lenteurs et les embûches du processus.
A la suite du premier choc pétrolier et devant les bouleversements géo-politiques qu'il entraînait, la France avait pris l'initiative de réunir une conférence internationale pour asseoir autour de la même table de discussion des représentants des pays industrialisés et ceux des différents pays en développement, la fameuse conférence Nord-Sud.
Dans l'équipe animée par M. de GUIRINGAUD qui était chargé de la préparation de ce sommet, Albert COSTA de BEAUREGARD a joué un grand rôle pour dégager les thèmes de discussion. Il prit conscience de l'ampleur des remises en cause qui s'imposaient aux pays industrialisés dans le domaine économique et chercha à en convaincre de nombreux responsables français trop enclins à l'époque à considérer la crise comme un phénomène passager.
Début 1976, Raymond BARRE qui avait su l'apprécier sur les dossiers européens, l'appelle à son cabinet lorsqu'il est nommé ministre du Commerce extérieur.
Très naturellement, lorsque M. BARRE est nommé Premier ministre le 25 août 1976, il le suit à l'Hôtel Matignon.
Durant cinq ans il sera un de ses collaborateurs les plus proches et les plus écoutés. Nommé « conseiller pour les Affaires économiques », il suit avec son équipe l'ensemble des secteurs économiques non financiers : Industrie - Télécom -Recherche - Agriculture - Equipement - Aménagement du territoire. Tous ceux qui l'ont connu à cette époque peuvent témoigner du rôle de premier plan qu'il joua dans la restructuration de secteurs en difficulté (textile, sidérurgie...) et dans la préparation des activités d'avenir (agro-alimentaire, informatique, sciences et industries de la vie, énergie, espace...), et de son souci permanent d'aider à l'évolution d'une administration et d'une économie profondément imprégnée de tradition colbertiste et mal préparée aux nouvelles conditions de la compétition internationale.
Personnalité très forte, « Costa » était adoré de ses collaborateurs et apprécié de ses collègues, séduits par son intelligence étincelante, sa capacité étonnante de travail, son extrême gentillesse par-delà une expression étonnante souvent ironique. Il savait imposer le respect aux nombreux responsables, industriels, administratifs et syndicaux avec lesquels il était en rapport.
Après mai 1981, il se voit imposer une traversée du désert ingrate. Son caractère était trop trempé pour s'étonner et se plaindre de la médiocrité et de la mesquinerie auxquelles il eut à faire face durant cette période. Mais il est certain qu'il souffrit beaucoup de cette inactivité forcée.
En 1984, il quitte l'Administration et découvre le monde de la finance en entrant à la BNP comme « directeur des Affaires industrielles et des Participations » ayant autorité sur l'équipe des ingénieurs-conseils de la banque et sur la banque d'affaires, la BANEXI. Il s'attache plus particulièrement aux problèmes de l'innovation et du capital-risque. Devenu président de la BANEXI, il prépare les montages financiers d'importantes opérations industrielles.
En novembre 1986, Jean-Luc LAGARDÈRE lui donne l'occasion d'engager une nouvelle voie qui le ramène plus directement vers les problèmes industriels. Il est en effet nommé « directeur des Activités Défense-Espace », poste clé au coeur du groupe MATRA.
Dans un contexte délicat, il retrouve avec joie des problèmes techniques ardus et se consacre à fond à la redéfinition de la stratégie industrielle, des options technologiques et des alliances pour les années futures de ce grand groupe français.
Il a le temps d'arrêter les choix et de mettre en place le cadre de son action. Il n'aura pas eu le temps de la mettre en pratique. Moins d'une semaine après avoir dû interrompre son travail, il est emporté par la maladie.
Le parcours d'Albert COSTA de BEAUREGARD offre l'exemple d'une belle carrière d'ingénieur, dimension qu'il n'avait jamais reniée même si elle n'épuise pas tous les aspects de sa personnalité. Esprit curieux et lucide, il exerçait un véritable rayonnement sur des cercles de pensée et de réflexion très divers. Et sa perte sera durement ressentie au sein de sa génération.
Caractère gaullien, lecteur assidu du Fil de l'Epée, il s'était imprégné du vers d'Hamlet: « Etre grand c'est soutenir une grande querelle ». Assurément les causes qu'il avait choisies n'étaient pas petites.
Bruno WEYMULLER
[Stanislas-Bruno WEYMULLER, X 1967 corps des mines, travaille chez ELF puis TOTAL de 1981 à 2008, et il s'est notamment occupé de finances d'ELF et de la stratégie de TOTAL].
Rédigé à Paris, le 5 avril 1987
Albert Costa de Beauregard s'est éteint le 12 mars 1987. Homme d'action, serviteur exigeant de l'Etat, il fut aussi un homme de coeur ainsi qu'un mentor et un incomparable ami pour nombre de ses contemporains.
Il aura été emporté après une lutte opiniâtre contre la maladie, au moment précis où son exceptionnel talent allait enfin donner sa pleine mesure. Tout le désignait à l'évidence pour un destin hors du commun, dans l'entreprise comme "aux affaires". Sa vie professionnelle, dans laquelle il s'était investi avec tant de passion, l'avait en effet préparé à prendre des responsabilités de tout premier plan dans la France des vingt prochaines années.
A sa sortie de Polytechnique, Albert Costa de Beauregard un moment séduit par l'Ecole d'Administration, opta en définitive pour les Mines. Par instinct du concret, il décida, après un service militaire dans l'Arme Blindée, d'effectuer un stage d'un an au siège Wendel des houillères de Lorraine, comme ingénieur du fond. L'expérience ainsi acquise au contact de l'industrie quotidienne lui fut précieuse quelques années plus tard lorsqu'il eut à diriger les secours après un coup de toit meurtrier aux Houillères de Provence.
C'est en effet à l'arrondissement minéralogique de Marseille et à la mission régionale, auprès du préfet Laporte, qu'il fit ses premières armes administratives sur les bords d'une Méditerranée exposée au souffle de l'industrialisation lourde avec l'édification du complexe de Fps sur Mer et à un moment où les questions d'environnement commençaient à avoir droit de cité.
De retour à Paris à la fin de 1970, il rejoignit les rangs du SGCI, où il s'imposa très vite par sa puissance de travail inusitée et une aptitude consommée à démèler les dossiers les plus complexes. Dans un domaine où la tentation du compromis occulte parfois les enjeux, il savait être tenace sans jamais se départir de cette courtoisie alliée d'ironie avec laquelle il adorait désarçonner ses interlocuteurs.
Parmi les innombrables affaires dont il eut à connaître dans cette gare de triage des idées de l'administration française, il en est trois auxquelles il a imprimé à coup sûr sa marque personnelle : la création du Fonds Régional Européen, la tentative de mise en place d'une politique énergétique commune et les négociations commerciales multilatérales.
La première s'inscrivait dans le droit fil de l'expérience qu'il venait d'acquérir en province. Les deux autres préfiguraient les grands débats auxquels il allait bientôt être associé defaçon si intime et on décèle déja dans les positions françaises dont il a été le patient artisan le souci de rompre autant avec les pays producteurs de pétrole qu'avec le conformisme national, en dépassant l'approche colbertiste traditionnelle.
En 1975, lorsque le Président de la République lança l'idée d'une conférence Nord-Sud, c'est tout naturellement à Albert Costa de Beauregard que M. de Guiringaud fit appel. On mesure mieux aujourd'hui quel exploit ce fut alors de parvenir à réunir à Paris des pays que tout séparait : intérêts, histoire, culture. S'il n'en sortit pas le nouvel ordre économique mondial auquel d'aucuns aspiraient, du moins la Francey conquit-elle définitivement la confiance et l'estime d'une bonne partie du tiers-monde.
C'est alors que M. Raymond Barre l'appela à ses côtés, au Commerce Extérieur puis à Matignon, comme Conseiller pour les Affaires Economiques. Les quatre années et demie qu'il passa auprès du Premier Ministre furent placées sous le signe des deux chocs pétroliers sucessifs et de la crise profonde de l'économie française qu'ils ont engendrés.
A ce poste où il s'est dépensé sans compter, il eut à connaître tous les grands dossiers de l'heure, qu'ils aient trait à l'énergie, à l'industrie, à l'agriculture, aux transports, aux télécommunications ou à l'aménagement du territoire. La sidérurgie fut sans doute celui qui l'a le plus marqué. Le premier, il s'attaqua avec clairvoyance, courage et détermination à cet immense problème. Ce que l'on sait moins, c'est le véritable cas de conscience qu'il vécut alors, car il ressentait profondément les drames et déchirements que provoquaient les mesures qu'il préconisait et mettait en oeuvre. Le cours des évènements a d'ailleurs confirmé quelques années plus tard le bien-fondé de ses analyses et le caractère partisant des critiques dont il fit l'objet.
Pour lui, cette période fut également marquée par la fidélité à un homme pour lequel il ressentait une profonde admiration, sans compromission, ni souci de carrière. Aussi, lorsque le changement politique de 1981 survint, n'eut-il d'autre option que d'être versé dans son administration d'origine. Deux années durant, ne lui furent proposées que des missions aussi éphémères que futiles. Il mit à profit cette période d'oisiveté forcée pour coucher sur le papier les réflexions que lui inspirait la France des dernières années du vingtième siècle, et conclure :
"Dans un pays rebelle aux longues résignations et coutunmier des renouveaux surprenants, l'un de ceux que l'histoire a le plus lesté sans qu'il renonce à cultiver une effervescence anxieuse et altière, rien n'est jamais scellé".
Un banquier plus clairvoyant et courageux que d'autres obtint finalement sa levée d'écrou. Directeur général, puis Président de la BANEXI, Albert Costa de Beauregard se consacra au tissu industriel français ; il aimait à dire que, tel un bon jardinier, il épandait l'engrais sur le terreau et pratiquait la greffe et la bouture. En fait, il devint un praticien reconnu du capital-risque et du finqncement de l'innovation.
En mai 1986, il déclina avec une infinie élégance l'offre qu'il attendait depuis cinq ans. Quelques semaines plus tard, il subissait une intervention chirurgicale ... Rassuré sur son état de santé et sentant ses forces revenues, il se lança à corps perdu dans l'aventure industrielle en acceptant la responsabilité de la Branche Armements de Matra, à un moment où il devenait impératif de réorienter et de réorganiser cet ensemble essentiel à notre défense.
Cinq mois durant, il défricha et laboura ce nouveau champ ouvert à sa vitalité, après quoi il fit ses adieux à ses amis et vécut quinze jours d'agonie auprès des siens.
Le génie fascinant d'Albert Costa de Beauregard prenait ses racines dans deux qualités exceptionnelles : d'une part, une intelligence hors du commun, variée, brillante, se manifestant par une curiosité universelle, nourrie aux sources des sciences exactes, de la littérature, de la philosophie, de l'histoire et de la politique ; d'autre part, une force de caractère, une droiture, un courage, une détermination qui avaient sans doute été forgés dès l'enfance. Il était fait du même alliage que la vertu antique, cette capacité de l'esprit conquérant et de la force vitale à façonner les évènements et à les détourner de leur cours naturel.
Le temps aura manqué à Albert pour bâtir la maison aux sept piliers ; du moins pourra-t-on à son endroit reprendre les adieux qu'un vieux chef coutumier dit, voila un bon demi-siècle, à un compagnon de Liautey :
" Je ne sais ce qui demeurera de notre tâche commune, mais nous aurons l'un et l'autre la satisfaction d'avoir oeuvré pour le plaisir de Dieu. "