Fils de Alphonse Gaston COLMET-DAÂGE (1859-1934 ; X 1879, corps des ponts et chaussées, créateur du Service des eaux aux Armées en 1914) et de Berthe Léonie HUET. Petit-fils de Charles Edmond HUET (X 1846, corps des ponts et chaussées), et de Henri Etienne COLMET-DAÂGE (conseiller maître à la Cour des comptes) et de son épouse née Louise Marie BORDET. Une soeur de Alphonse Gaston avait épousé Louis Eugène Isidore LE CHATELIER (1853-1928 ; X 1871, fils de Louis et frère de Henry) dont Robert (EMP 1906) et Jacques (EMP 1903) sont des fils.
Une soeur de Edmond Henri épouse GRESLOU (EMP promotion 1912).
Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1908 ; sorti classé 85 sur 175 élèves). Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1912). Ingénieur Civil des Mines
Publié dans Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Janvier 1917 :
Avoir traversé sans encombre l'effroyable tourmente de Verdun, avoir été mêlé dès le début à l'offensive acharnée de la Somme, et passé le sourire aux lèvres à travers tous les dangers pour tomber mortellement blessé à son poste, quatre jours avant la relève de son régiment, quelle tristesse, quelle fatalité mystérieuse et cruelle !
Notre camarade Henri Colmet Daage, suivant en cela l'exemple de son père et de l'un de ses grands-pères, était-entré à l'Ecole Polytechnique ; puis s'orientant vers l'industrie, il avait suivi les cours de notre Ecole et terminait en juin 1914 sa deuxième année de cours spéciaux. Désireux de mettre à profit ses vacances, il voyageait en Amérique quand éclata la guerre. Sans perdre une minute, il traverse l'Atlantique, rentre en France et est affecté au 20e régiment d'artillerie. Après quelques mois passés à l'Etat-Major du 32e corps, où il participa aux attaques de l'Yser et de Champagne, il réclama un poste plus actif et plus périlleux et fut attaché à la 8e batterie du 61e régiment d'artillerie qui, le premier parmi les régiments d'artillerie, porta la fourragère. C'est la 4e batterie de ce régiment qu'il commandait quand la mort vint le surprendre. Brave, de cette bravoure française faite d'insouciante gaîté et de foi en l'avenir, il exerçait sur ceux qui l'entouraient un ascendant incontesté. Il était gai, plein de vie, d'entrain et son autorité, sans rien perdre de son énergie, avait su se faire douce et amicale ; il respirait le bonheur et, de fait, ce caractère exceptionnellement heureux et sympathique avait en quelque sorte su forcer le sort. Dans sa vie, hélas si courte, il n'avait connu que des joies : joies de la famille où il était adoré et choyé de tous ; joies de l'amitié, joies du travail et de l'effort récompensés par le succès. Aussi est-ce le sourire sur les lèvres que la mort l'a pris en pleine action, en pleine vigueur, en plein épanouissement de sa radieuse nature. Et c'est aussi avec le sourire calme et confiant du vrai chrétien qu'il est tombé, au dire de ceux qui l'ont assisté à ses derniers moments : joie orgueilleuse du brave qui reçoit l'étoile des braves, joie divine d'une âme qui remonte à Dieu.
Notre camarade avait déjà été l'objet de deux citations et avait été décoré de la Croix de Guerre. Il eut la joie avant d'expirer d'être cité une troisième fois et de recevoir la Croix de chevalier de la Légion d'honneur avec la citation suivante :
« Chevalier de la Légion d'honneur et citation à l'ordre de l'armée du 11 novembre 1916 : Colmet Daage (Henri-Edmond) lieutenant de réserve commandant la 4e batterie du 61e régiment d'artillerie : Officier d'une énergie et d'un courage au-dessus de tout éloge. A montré dans les combats de septembre, octobre et novembre 1916 les plus belles finalités d'entrain, d'activité et d'audace. A été grièvement blessé le 11 novembre 1916 à son poste de combat. Déjà deux fois cité à l'ordre. »
Avec lui disparaît une de ces grandes familles qui honorent notre pays et qu'un pays ne saurait trop honorer, une famille issue de la bonne terre de Bourgogne. Un nom si respecté et si noblement porté est une lourde et glorieuse charge dont il était particulièrement digne. Ses chefs n'avaient pas tardé à apprécier sa haute valeur morale et c'avait été pour son père — chef du Service des Eaux aux Armées — une bien douce émotion que de voir, au cours de ses tournées en divers points du front, un fils chéri — son seul fils ! — si apprécié, si aimé de tous.
Prévenu le 11 novembre au matin que mon cousin venait d'être grièvement blessé à Rancourt, en face du bois de Saint-Pierre-Waast, j'étais accouru à l'hôpital de Bray-sur-Somme, où un éminent chirurgien ami de sa famille attendait son arrivée. Il ne vint pas ; après un pansement rapide et désespéré, il était mort en chemin et c'est près de Maricourt, le long de la route de Suzanne à Maricourt, qu'il repose. Son père, en tournée dans l'Est, avait appris en même temps sa blessure et sa mort. Deux jours après, je l'accompagnai à l'ambulance où l'on veillait le corps de son fils. Et là, sous le ciel maussade de la Somme, en un paysage balafré de ravins boueux, parmi le roulement des camions et des voitures, le piétinement des chevaux et des troupes, le grondement rageur du canon, notre camarade garde encore notre terre de France !
Son général, camarade d'école de son père, prononça sur sa tombe quelques mots émouvants. Et lorsque, en terminant, il s'écria, s'adressant à la batterie : « De telles morts, mes amis, doivent être vengées. Le Boche est encore sur notre sol : point de repos que vous ne l'en ayiez chassé, que vous ne lui ayiez fait payer cher la perte de votre chef aimé. » L'éclair qui passa soudain dans les yeux de ces braves fut un hommagne poignant qui dut le faire tressaillir de joie... là-haut !
Robert Le Chatelier.