Fils de Alexandre CHAMPIGNY et de Angélique Adélaïde AUTIN.
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique (promotion 1867 ; entré classé 14ème, sorti classé 84ème) et de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1869). Ingénieur civil des mines.
Publié dans le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, novembre 1909.
Notre camarade Armand CHAMPIGNY est décédé le 13 septembre 1909, à l'âge de soixante-deux ans (il était né le 3 février 1848 à Neuilly-sur-Seine) à la suite d'une longue maladie qui n'a eu cependant raison, qu'après deux années douloureuses, d'une constitution affaiblie et qui déclinait depuis longtemps.
À sa sortie de l'École polytechnique, en 1869, il était entré comme élève externe à l'École des Mines, et, presque dès les débuts de sa carrière, avait été nommé ingénieur à la Société des Mines d'Aubin (Aveyron) à laquelle il resta attaché pendant une dizaine d'années.
Quand la Régie d'Aubin cessa d'être la propriété de la Compagnie des chemins de fer d'Orléans, pour passer aux Aciéries de France, CHAMPIGNY rentra à Paris et, aussitôt, il orienta dans une autre direction les ressources de son esprit ingénieux, minutieux, apte aux combinaisons mécaniques, et familiarisé avec l'emploi de l'analyse mathématique. Déjà, avant son départ de la Compagnie d'Aubin, il avait préludé à ses inventions par l'étude et la construction d'une poulie pour câbles à grande adhérence, qui est entrée, sous le nom de son auteur, dans l'exploitation des Mines et dans l'enseignement technique des grandes Écoles. Plus libre de ses mouvements alors, il se tourna vers le perfectionnement des instruments de topographie. Pendant tout le reste de sa vie, de 1880 à la fin de sa carrière active, il n'a cessé, avec une persévérance qui excluait presque toute autre préoccupation intellectuelle, de labourer le terrain ingrat et infertile de la mécanique de précision, avec un tel souci de la perfection et une conscience si difficilement satisfaite, que, cherchant toujours le mieux, il n'a pu jouir d'un succès dont il aurait sans doute goûté les joies et reçu la récompense, si, plus aisément content des résultats obtenus et moins scrupuleux, il eût fait passer plus tôt dans la pratique industrielle des inventions qui sont restées inexploitées, et dont d'autres retireront probablement le bénéfice matériel et moral.
Sic vos non vobis....
Ce fut là, en effet, la caractéristique dominante de la méthode de travail de CHAMPIGNY. Il a marché lentement, parce que, ne voulant pas se contenter de l'à peu près ou de l'imperfection, il a toujours tenu à vérifier, par lui-même, la solidité des bases sur lesquelles il voulait dresser ses édifices, remontant aux sources, contrôlant les formules, analysant les résultats inscrits dans les livres et les soumettant à une critique sévère.
C'est, évidemment, le fait d'un esprit sérieux qui ne veut rien laisser à l'indécision et qui vise à la perfection absolue. Mais, hélas, la vie est si brève que la rapidité est toujours une des conditions nécessaires du succès, et que l'échéance imprévue nous atteint souvent avant que nous ayons pu recueillir les fruits de notre labeur.
Celui de CHAMPIGNY a été ininterrompu.
Pendant près de trente ans, il lui a consacré le meilleur de son existence, et il laisse derrière lui une oeuvre qui se compose de plusieurs brevets dont l'examen donne à l'esprit l'impression d'un effort considérable.
Outre la poulie dont il vient d'être question, CHAMPIGNY a fait breveter :
Le 21 mars 1884, des perfectionnements aux télémètres: collimateur, triangulateur ;
Le 20 mars 1885, un certificat d'addition au précédent ;
Le 17 juillet 1889. un pied-canne à allonge pour appareils photographiques, lunettes, instruments de topographie, etc.
Le 24 octobre 1892, un Tachéomètre auto-calculateur qui est son oeuvre principale, pour laquelle il reçut, sur un rapport très-élogieux du colonel Laussedat, une médaille d'or à l'exposition de 1900;
Cet appareil avait été antérieurement récompensé par une médaille d'or par le Comité des Arts mécaniques de la Société d'encouragement à l'Industrie nationale. Enfin, le 9 juillet 1898, il fit breveter un système optique à oculaire divergent et à réticule micrométrique.
Des travaux continus d'optique appliquée, des perfectionnements aux lunettes, aux jumelles, ont rempli les dernières années de sa vie.
L'oeuvre de CHAMPIGNY, peu connue, parce qu'elle est abstraite et accessible au petit nombre seulement, tient tout entière dans ces quelques lignes, mais ceux qui l'ont connu, et suivi de près, savent à quel point elle a absorbé son existence, et sur quel champ immense de recherches théoriques et expérimentales elle s'est étendue.
Tout particulièrement, les applications militaires de ses inventions ont été sa constante préoccupation. Capitaine de l'artillerie territoriale, il a, pendant de longues années, imposé à sa santé les fatigues de stages qu'il se serait plus sagement épargnés. Mais il trouvait, sur les terrains de manoeuvres, des éléments d'étude et l'utilisation de ses appareils topographiques, de ses télémètres, au tir des projectiles, et il n'a renoncé à ce devoir patriotique que vaincu par l'âge et ses infirmités.
Tant de méticuleuses recherches, si patiemment, si longuement poursuivies, une application si constante tendue vers le même objet, méritaient, à coup sûr, plus que des encouragements, et, peut-être, une secrète tristesse pour tant d'efforts, dépensés sans avoir atteint le but, a-t-elle assombri ses derniers jours.
Du moins, il laisse derrière lui, comme une consolation pour les siens, pour sa vieille mère qui lui survit et comme un exemple pour tous, le souvenir d'un désintéressement absolu et d'une vie ennoblie par le culte de la science.
Henry VIVAREZ.