Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1890, entré classé 138, sorti classé 4 sur 181 élèves) et de l'Ecole des Mines de Paris (entré classé 4 sur 4 élèves-ingénieurs). Corps des mines.
Fils de Henri Emile CALTAUX, fabricant de clous, et de Caroline Eugénie GÉRARD. Né le 26/3/1871 à Nouzon (Ardennes). Mort le 30/9/1937.
Publié dans Annales des Mines, 1937 tome XII, pp. 275-277.
A la veille du jour où la limite d'âge allait l'atteindre, comme si le sort voulait que toute sa vie fût consacrée au service public, Pol Caltaux a succombé brusquement, entouré de l'affection des siens, des plus hautes amitiés, non seulement de l'estime, mais de l'affectueux respect de tous ses collègues du Corps des Mines.
Il avait consacré toute sa belle et brillante carrière à l'Administration. Il avait 19 ans quand il entra à l'Ecole Polytechnique. Voici qu'a 66 ans la mort vient le prendre au faite de la hiérarchie, ayant accompli son oeuvre, avec cette simplicité souriante qui cachait modestement les plus rares mérites.
Je suis peu qualifié pour dire ce que fut l'ingénieur, ses hautes connaissances scientifiques et techniques, sans cesse enrichies par l'expérience. Il n'était pas homme de doctrine et de science livresque. La vie était à ses yeux la pierre de touche, à laquelle s'éprouvaient les idées et les théories. Ceux qui l'ont le mieux connu ont parfois perçu chez lui un regret de n'avoir pas été mélé plus activement à la pratique industrielle et ses belles qualités d'équilibre, de bon sens, de fine bonhommie y eussent trouvé un aussi bel emploi que dans sa vie de fonctionnaire.
Tous conserveront le souvenir de cet homme de sens, qui jugeait avec tant de pondération et de tact. Son esprit alerte savait pénétrer le sens profond des hommes et des choses: sa critique s'exerçait, non point destructive, mais souriante et sympathique, avec une pointe de malice débonnaire, qui le préservait des enthousiasmes hâtifs et des adhésions aveugles, mais aussi d'un scepticisme desséchant.
Il était humain et, dans la réserve de son attitude, dans l'objection qu'il opposait souvent à son interlocuteur, un certain tour de bonté et presque de tendresse mettait, plutôt que le dédain méprisant d'une certitude altière, une invitation à la sagesse, à la recherche sans cesse renouvelée d'une approximation plus parfait, plus proche de la vérité.
Sa carrière s'est écoulée pour la plus grande part à Toulouse où il a laissé d'inoubliables souvenirs. Le hasard a voulu que j'apprenne sa disparition dans mon bassin houiller de l'Aveyron où nul n'a oublié l'ingénieur en chef Caltaux, qui resta pendant treize ans à la tête du service des mines.
Hier encore, les ouvriers mineurs auxquels j'annonçais la triste nouvelle me rappelaient la catastrophe du 14 juillet 1913, qui coucha quatorze morts au fond de la mine de Gransac. Le coup de grisou s'était heureusement produit un jour de fête et un désastre plus épouvantable fut encore épargné. Mais quelle consternation quand l'effroyable nouvelle se répandit! Un sentiment d'horreur, d'indignation contre le sort, une sorte de terreur indicible se répandait parmi la population qui allait, dans cet après-midi, à la joie de la fête nationale. Et puis se répand la nouvelle que la mine était en feu; le bruit courait qu'on allait la noyer. C'étaient pendant des mois le chômage, la misère pour des milliers de familles. N'était-ce pas peut-être la fermeture définitive, la ruine du pays?
Personne n'osait juger sainement. Personne n'osait aller voir, organiser les équipes de sauvetage.
Mais voici le père Caltaux, comme l'appelaient les ouvriers avec une nuance d'affectueux respect. Il vient ; il apaise; avec les délégués mineurs, il descend au fond; il organise les secours; il juge le danger et le remède. L'ordre se rétablit; les fronts s'éclairent; la confiance reparaît. La mine fut sauvée par la science de l'ingénieur, mais aussi par le sang-froid de cet homme de jugement et de bon sens.
Je veux sur ce cercueil, parmi la douleur des siens, apporter le tribut de ses collègues du Corps des Mines qu'il honora, du Gouvernement, qui exprime à ce grand serviteur du bien public la reconnaissance du pays.
Permettez-moi d'y ajouter l'hommage des ouvriers mineurs qui l'ont vu à l'oeuvre et dont il a sauvé le pain et la vie.
Puissent ces sentiments émouvants donner à celle qui pleure le compagnon de sa vie, à ses parents, à ses amis, le réconfort d'une consolation. L'homme de bien ne meurt jamais tout entier, laisse au coeur de tous le souvenir des bienfaits accomplis et la leçon d'un exemple.