Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1906). Ingénieur civil des mines.
Publié dans le Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des Mines (décembre 1924)
Cet excellent camarade est mort à Hanoï le 8 septembre, à la clinique Saint-Paul, des suites d'une opération d'un abcès au foie, maladie consécutive à la dysenterie. Ce nom doit être gravé et pieusement au tableau d'honneur des camarades morts au cours de missions lointaines.
Ses obsèques ont eu lieu à Haïphong le 9 septembre, au milieu d'un grand concours de population et notamment tous les camarades du Delta y assistaient. Le deuil fut conduit par le camarade Gautheron, à la fois son chef, son camarade de promotion et son ami, qui prononça sur sa tombe l'émouvant discours suivant :
Mon cher Directeur et Ami,
Ta vie a toujours été simple, les manifestations bruyantes ont eu peu d'influence sur ta sage bonhommie ; aussi, ne crois pas que je troublerai ton repos par un long discours.
Cependant, je ne peux pas te laisser partir sans te dire que nous t'aimons et que nous te pleurons.
Directeur de la Société Française des Charbonnages du Tonkin, tu as été mon collaborateur de confiance et tu as su dominer, par ta justice et ta grande bonté, le cœur et l'esprit de tes chefs de service. Ils sont ici presque tous, ceux qui ont travaillé sous tes ordres, et plus d'un retient avec peine le sanglot qui monte à la gorge.
Tu avais donné aux Charbonnages tout ton temps, toute ton intelligence et pendant un an et demi de labeur tu avais obtenu des résultats remarquables dans les divers facteurs de la prospérité : recrutement de la main-d'œuvre, production, prix de revient, recherches des gîtes.
Au nom du Conseil d'Administration de la Société Française des Charbonnages du Tonkin, au nom de son ingénieur-conseil, M. Albert Massenet, notre camarade et ami commun [Joseph Félix Albert Massenet (1883-1951 ; X 1903 EMP 1906), ingénieur civil des mines], au nom de tous les travailleurs de la Concession de Hongay, je te remercie de tes bons services. Aujourd'hui, le Directeur se retrouve seul et il est inquiet devant la difficulté de la tâche que tu ne partageras plus avec lui.
Père de famille, tu as été l'exemple parfait, vivant en communion intime avec la femme noble et affectueuse que ton cœur avait choisie, élevant avec amour quatre charmants enfants qui t'adoraient et leur donnant l'inestimable exemple d'une vie pleine de vertu et de labeur.
Mais tu as été aussi un fils modèle ; tu as entouré tes parents d'une attention respectueuse, et jusqu'à ta mort, lu les as soutenus de ton affection et de tes prévenances.
Je suis ton ami, Charles, et je me rappelle avec émotion le temps que nous avons passé ensemble au régiment, à l'Ecole des mines, en voyage de vacances. Je revois avec précision la magnifique journée d'été qui vit consacrer ton mariage, à Challes-les-Eaux, dans le décor merveilleux des Alpes au pied du mont Granier, à l'entrée de la vallée du Grésivaudan.
Puis, la guerre, après un court rapprochement en août 1914 (c'était alors la naissance de ton premier enfant, Alice), nous sépare jusqu'en 1919.
A Hongay, j'avais le bonheur de te retrouver, de voir s'établir une douce intimité entre nos deux ménages, de me réjouir avec toi de la joie turbulente de tes beaux enfants.
Mais hier, j'ai eu le terrible honneur, à côté de ton épouse héroïque, de te fermer les yeux.
Mon cher ami, tu étaie catholique et pratiquant et tu as eu la suprême consolation des Saints Sacrements, avant de remettre ton âme à Dieu. Ton attitude, dans les dernières heures de lucidité, a été d'une sagesse admirable et je ne doute pas que tu aies trouvé, derrière le voile mystérieux de l'au-delà déchiré par la mort, le grand secret de toutes choses, la plénitude de possession du beau et du bien que Dieu réserve à ses élus, à ceux qui ont été des hommes de bonne volonté.
Mais, mon cher ami, aux tiens qui restent, accablés de douleur, à la femme, à tes enfants, à ton père et à ta mère, qui vont recevoir en France le coup terrible qui brise, avant la mort, la vie des parents âgés, quelles paroles pourrait-on prononcer qui pût les consoler ? Chers parents de mon ami, chère épouse et chers enfante, celui que vous pleurez était un juste ; que ce soit là votre consolation.
J'ai encore un devoir à remplir, Charles. Tu n'es pas seulement mon ami, mais aussi un camarade de la promotion 1906 de l'Ecole Nationale Supérieure des Mines. Le petit groupe de camarades que nous comptons en Extrême-Orient, la grande famille des mineurs parisiens dispersés à travers le monde, t'exprime sa reconnaissance, son affection, sa douleur car, dans la vie privée aussi bien que dans la profession d'ingénieur, tu as tenu très haut la réputation de notre vieille Ecole du boulevard Saint-Michel.
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Brulard laisse une veuve et quatre jeunes enfants, dont l'aîné a 10 ans et dont le dernier est né à Hanoï à la fin de l'an dernier.
Depuis son arrivée au Tonkin, sa santé avait été éprouvée par le climat. Mais, appartenant à cette élite pour qui le dévouement absolu au devoir prime toute autre considération, il reprenait son poste après chaque attaque, sans attendre une guérison suffisante. C'est ainsi qu'aujourd'hui il n'est plus.
J. Boulinié (ancien élève de l'Ecole des mines de Paris, promotion 1895)