Fils de Baptiste Adolphe Dominique BONNEFOY et de Eugènie Zéphirine Zoé CHARPENTIER. Né le 18/10/1854 à Artenay (Loiret). Mort en mai 1881 au fond de la mine de Champagnac.
Ancien élève de Polytechnique (promotion 1873 ; entré classé 10ème, sorti major de 226 élèves) et de l'Ecole des Mines de Paris. Corps des mines.
Le Corps des mines, déjà cruellement éprouvé par la mort tragique de M. Roche, vient encore d'être frappé dans un de ses plus jeunes membres, M. Bonnefoy, tué le 30 mai par une explosion de grisou dans les mines de Champagnac.
Averti qu'un coup de feu survenu dans ces mines venait de coûter la vie à un ouvrier, Bonnefoy était immédiatement parti pour Champagnac, et, arrivé le soir sur les lieux, il descendait dans la mine vers 9 heures, accompagné de l'ingénieur directeur des travaux, M. Dautheville, d'un ingénieur belge, M. Schmidt, venu pour surveiller l'installation de fours à coke, et de deux des maîtres-mineurs de la mine. Tous étaient munis de lampes Mueseler. A peine était-on arrivé sur le lieu de l'accident et avait-on commencé à procéder aux premières constatations que, par suite de circonstances encore inexpliquées, une explosion de gaz se produisait, brûlant grièvement les cinq personnes rassemblées sur ce point : Bonnefoy et les deux maîtres-mineurs étaient tués sur le coup ; les deux autres ingénieurs ne devaient survivre que peu de jours à leurs blessures.
Averti par dépêche du coup terrible qui le frappait, le père de Bonnefoy accourait à Clermont et partait pour Champagnac, afin d'en ramener le corps de son malheureux fils, accompagné dans ce douloureux voyage par un des camarades de celui-ci, M. Boutteville, ingénieur des ponts et chaussées. Sur l'initiative de M. Gaillard, maire de Clermont, ancien élève de l'École polytechnique, et sous la direction de M. Lemaire, ingénieur en chef des ponts et chaussées, tous les anciens élèves de l'École polytechnique résidant à Clermont organisaient un service funèbre, qui fut célébré le 1er juin à l'église de Saint-Genès-les-Carmes. Les élèves de l'École des mines, venant faire en Auvergne une excursion géologique, pour laquelle Bonnefoy s'était offert à servir de guide, étaient arrivés à Clermont la veille de la cérémonie, et y apportaient, au nom de l'École, le tribut des regrets que laisse à tous ses camarades ce jeune ingénieur ainsi frappé dans l'accomplissement de son devoir professionel.
A l'issue du service, au moment où le convoi rentrait à la gare du chemin de fer, M. Tournaire, inspecteur général du contrôle des chemins de fer de l'État, venu pour la reconnaissance du chemin de fer de Clermont à Tulle, et M. l'inspecteur général de Chancourtois, qui dirigeait la course de l'École des mines, ont prononcé les paroles suivantes.
Messieurs, avant de nous séparer de ce qui reste ici-bas de notre jeune et aimable camarade, mon successeur, après un long intervalle, dans le poste de Clermont, et l'un des collaborateurs de mon service actuel, je viens, en notre nom commun, lui adresser nos suprêmes et bien pénibles adieux.
La mort est surtout cruelle quand elle est si imprévue et qu'elle fauche, pour nous les enlever contre les lois ordinaires, de si heureux dons naturels et les meilleures promesses de l'avenir.
Que Bonnefoy fût aimé et estimé des jeunes hommes de son âge et dans l'intimité de qui il vivait, leur présence à ce convoi en si grand nombre, les soins touchants que plusieurs d'entre vous avez pris de ses funérailles et de son cercueil, pieusement veillé toute cette nuit, en témoignent plus que ne pourraient le faire mes paroles.
A nous, ses chefs, qui le voyions moins souvent et l'appréciions surtout par ses oeuvres, il nous avait inspiré une véritable affection. Toutes les questions qu'il avait à traiter étaient aperçues par lui avec une vue très nette et un excellent jugement. Il ne s'épargnait aucune peine pour les étudier à fond et les exposait avec talent. Sa modestie, si sincère et si simple, rehaussait son mérite. Son zèle l'avait poussé à se faire attacher à la Carte géologique détaillée de la France, et il avait reçu la mission de préparer la feuille de Clermont; c'était un grand et long labeur qui ne pouvait être mieux confié. Vous avez su avec quelle ardeur et quel plaisir il parcourait, le marteau à la main, cette belle contrée et ces curieuses montagnes de l'Auvergne.
Il a succombé, comme au champ de bataille, victime de son devoir professionnel et de sa ferme volonté de n'en rien omettre. Hélas! après un tel événement, on désirerait qu'elle eût été moins scrupuleuse ; mais il se refusa à différer cette funeste visite aux mines de Champagnac, motivée par une constatation d'accident, bien qu'elle contrariât ses projets et que d'autres obligations de service, auxquelles il était appelé en même temps, en eussent rendu le retard légitime.
Notre pensée s'est souvent portée sur son respectable père dans ce voyage de douleur qu'il a fallu précipitamment entreprendre. Rien assurément ne pourra remplir le vide que ce fils laisse en son coeur. S'il était des consolations en des circonstances si dures, elles se trouveraient dans ces regrets universels qui accompagnent les siens.
Adieu, cher Bonnefoy, votre mort, malgré votre jeunesse, peut-être devrais-je dire en partie à cause d'elle, laissera parmi nous et dans cette ville une trace longue et profonde.
Né auprès de Paris, il était complètement étranger à la ville de Clermont, lorsqu'il y fut appelé il y a deux ans; mais aux témoignages d'intérêt particulier dont il est l'objet, à, l'émotion générale qui s'est manifestée pendant cette triste cérémonie, on voit bien que par ses qualités personnelles il y avait déjà conquis le droit de cité. Les membres de la grande famille polytechnique, si éminemment représentée à Clermont où elle a la bonne fortune de compter dans ses rangs le maire de la ville, l'avaient d'ailleurs accueilli avec leur bienveillance habituelle. Dans un élan commun, tous ont voulu, avant l'arrivée de son malheureux père, préparer les honneurs funèbres de ce dernier départ vers la terre natale. L'Ecole des mines se trouvant de passage à Clermont, ses jeunes camarades viennent en habit de travail se joindre au cortège, et comme son plus ancien maître, au nom de toute l'École, je dois à mon tour rendre hommage à sa mémoire.
La courte carrière de Bonnefoy a été bien remplie. Les mémoires sur les terrains schisto-cristallins et les gîtes de minerais subordonnés où il avait consigné les résultats de ses voyages d'étude en Bohême et en Scandinavie ont été jugés dignes d'être insérés dans les Annales des mines. Il nous avait donné des preuves de sa vocation particulière pour la géologie, en Auvergne même, dans la dernière excursion à laquelle il avait pris part comme élève en 1878 et dont l'intérêt avait déterminé le choix qu'il avait pu faire de la résidence de Clermont. Mais on pouvait à tous égards lui prédire un brillant avenir.
En venant dernièrement nous offrir ses services pour le renouvellement de l'excursion périodique d'Auvergne, il nous annonçait que, malgré les exigences administratives d'un service fortement et diversement chargé, il avait pu préparer déjà pour la Carte géologique détaillée de la France une contribution notable, et nous comptions mettre à profit les résultats de ses explorations sur plusieurs points où il souhaitait vivement nous guider.
Une lettre, la dernière peut-être qu'il ait écrite, m'informait de l'accident qui l'appelait à Champagnac, et de l'espoir qu'il conservait de nous rejoindre en temps utile. Il comptait d'ailleurs prendre part au voyage du train d'essai sur la ligne de Clermont à Tulle dont le contrôle lui était réservé.
Hélas! ces projets ne sont plus que de douloureux souvenirs !
Ou n'a pas encore de détails sur le désastre. On sait seulement qu'avec Bonnefoy ont été tués, par ce nouveau coup de grisou, MM. Lafond, chef mineur, et Dumas, chef boiseur, et que MM. Dautheville, ingénieur de la mine, et Schmidt, ingénieur auxiliaire de la compagnie, sont grièvement blessés. Ce n'est pas dans la capitale d'une région où les aptitudes scientifiques et techniques sont généralisées comme par héritage culturel du plus glorieux passé qu'il est nécessaire de rappeler tous les périls de l'exploitation des mines.
Chargé d'abord de veiller au maintien des précautions que l'habitude journalière, et par suite le mépris du danger, tend à faire négliger par les travailleurs, l'ingénieur du gouvernement doit, en cas d'accident, aller présider au sauvetage et procéder à l'appréciation des causes.
C'est souvent alors que les périls s'aggravent et que la lutte du mineur contre les difficultés naturelles devient un véritable combat. Nous pouvons donc dire, à titre d'encouragement plus encore que de consolation pour les survivants et d'adoucissement, s'il en est un, à la cruelle douleur de ses parents : Bonnefoy est mort au champ d'honneur !