René Abel BEZARD (1920-2008)

Né le 7 août 1920 à Le Mans (Sarthe). Fils d'Abel BEZARD, fonctionnaire, et de Madeleine BIHOREAU. Marié en 1945 à Madeleine DROUET. Décédé le 30 mars 2008.

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1941). Ingénieur civil des mines.

Chevalier de la Légion d'honneur.


Mines, Revue des Ingénieurs, juillet-août 2008 :

Son parcours a été hors du commun pour un ingénieur civil des mines

Il passe d'abord seize ans dans l'industrie cinématographique où, à des titres divers, il participe à près de 150 films et obtient deux fois la Palme d'Or à Cannes, pour avoir produit la Dolce Vita et le Guépard.

Puis, quand il pressent que l'intrusion des Maths Modernes va désarçonner élèves, parents et enseignants, il rédige un ouvrage de vulgarisation pour tous, les "Mathématiques pour Papa" (1968) qui obtient un immense succès dès sa parution. Il est traduit jusqu'en japonais et son tirage atteint finalement les 100.000 exemplaires

Enfin, pendant 25 ans il est le Délégué Général du Groupement des industries électroniques où sa faculté d'écoute et son talent de négociateur lui permettent de mener à bien les difficiles tractations de cette branche au plan international.

Dans la dernière décennie de sa vie, il souffre des séquelles du traitement à la bombe au cobalt qui avait suivi une grave opération. Il ressent des douleurs difficilement supportables qui imposent des sédatifs de plus en plus puissants.

René Bézard était un humaniste au plein sens du terme. Homme de grande culture, il était toujours disponible pour écouter les autres et avait le don de se faire des amis et de les conserver.




Les camarades vétérans de la promotion 1941 des MINES de Paris ont rédigé la notice biographique suivante en hommage à leur camarade qui disait :

"l'immortalité, c'est simplement le temps que l'on demeure dans la mémoire de ses amis"


Nous remercions Jacques THOMAS, délégué de la promotion, de nous l'avoir communiquée.

René BEZARD (P. 41)

René a suivi un parcours d'ingénieur civil des mines particulièrement atypique.

D'excellentes études classiques à l'Institution Saint-Louis du Mans, illustrées par une adresse en latin au Cardinal Grente lors du centenaire de l'Etablissement, semblent le destiner à passer par Khâgne pour devenir un jour "un normalien sachant écrire", suivant la formule du Général. Mais, pour faire plaisir à son père, il opte pour la Taupe.

Reçu à l'Ecole en 1939, il sollicite un congé et s'engage dans la Marine pour la durée de la guerre. Alors qu'il achève l'Ecole des transmissions de Lorient, la débâcle l'évacue vers le Verdon sur le vieux rafiot en bois servant l'été au service des plages. Il en a la vie sauve car les autres bateaux, qui sont métalliques, sautent sur les mines magnétiques qui ont été semées dans le chenal par l'aviation allemande. Au Verdon, il est incorporé à l'état major du Massilia dont il vit les tribulations parmi les Daladier, Mandel, Zay et divers autres jusqu'à Casablanca. Il y est affecté aux transmissions de la Marine où il est de service lors des événements de Mers-el-Kébir. Puis il est muté à la Légion Etrangère et trace des routes dans le Sud marocain, d'où les amibes en font un rapatrié sanitaire au début de 1941.

Il revient à l'Ecole pour être inscrit à la promo 41, ce qui le conduit à passer l'année du STO à la Fosse 4 de Liévin. Il y est tout d'abord aide-foudroyeur, puis assistant boute-feu, et termine son année comme sous-ingénieur. De son contact avec le "fond" il garde le souvenir d'un beau "métier d'homme" dont l'évocation émaille son interview par Jacques Chancel lors d'un Grand Echiquier.

Diplômé en 1945 il entre à l'Energie Industrielle, cette branche du Groupe de J-M Durand qui devient EdF en 1947. Comme il ne se sent pas une âme de fonctionnaire, il se fait muter dans la branche Pathé Cinéma. Là, après avoir été directeur des studios, puis directeur général de la distribution, il devient producteur et son nom figure dès lors aux génériques. La difficulté pour exporter les films français, lui fait imaginer de coproduire avec des firmes étrangères. Les "Sorcières de Salem" avec Signoret et Montand, qui sont tournées aux studios de Babelsberg en RDA sont un succès. Elles sont suivies de co-productions avec l'Italie et même l'Egypte.

Sa période cinéma dure 16 ans. A des titres divers, il participe à près de 150 films et fait tourner Gabin, de Funès, Blier, Fernandel, Michel Simon, Bardot et bien d'autres. Par deux fois il se voit décerner la Palme d'Or à Cannes, car c'est lui qui a produit "la Dolce Vita" et le "Guépard".

Il quitte le cinéma après la fusion entre Pathé et Gaumont. Et, après une année consacrée à la musique et à la lecture, il entre comme Délégué Général au Groupement des industries électroniques. Là, pendant 25 ans, c'est lui qui en conduit tous les délicats pourparlers.

Sa faculté pour écouter les autres et ses talents de négociateur expliquent son succès dans la plupart des importantes tractations qu'il y mène, tant sur le plan hexagonal qu'international.

Mais, pour décrire une personnalité tellement atypique, il faut maintenant en venir aux activités importantes qu'il mène simultanément à ses fonctions.

D'abord, pendant 25 ans il est membre puis Secrétaire de l'Académie du Maine, annexe provinciale du Quai Conti, qui organise des cycles de conférences et attribue annuellement plusieurs prix littéraires. Comme Secrétaire, il accueille Ionesco, Achard, Otto de Habsbourg, Louis Armand et beaucoup d'autres.

C'est une période qui fourmille d'anecdotes cocasses. Ainsi, ce jour où, pour un essai de sono avant sa conférence, André Maurois ayant récité l'entrée d'Alceste dans le Misantrope, René a enchaîné par la réponse de Philinte et, de fil en aiguille, ensemble, ils ont récité la première scène du Misantrope, au grand ébahissement des membres présents.

En 1963, il est effaré par l'énoncé à base de bijections entre ensembles d'un problème pour l'examen de sortie d'une école de puéricultrices belges. Il se souvient qu'en fin de 1° Année, on nous avait mentionné les singuliers travaux des Bourbakistes avec leurs curieux symboles.

Alors, il entreprend la rédaction d'un ouvrage de vulgarisation pour permettre à tout un chacun de comprendre le sens des maths modernes. Perfectionniste, il y consacre plus de deux ans, mais son manuscrit n'intéresse personne. Il est éconduit par l'ensemble des principaux éditeurs et Pierre Lazareff lui exprime même "ne te fatigue pas, ça ne fera pas un sou".

Mais, en 1967 c'est la réforme de l'enseignement, avec les maths modernes mises au programme en désarçonnant élèves, parents et professeurs. A ce moment, les éditions Chiron cherchent à éditer un ouvrage de vulgarisation et découvrent par hasard l'existence d'un manuscrit tout prêt. Toutefois, René doit le remanier de fond en comble pour coller rigoureusement aux programmes scolaires. La première édition parait finalement en 1969 sous le titre de "Mathématiques pour Papa", suivie de "Mathématiques pour Maman". Et c'est un immense succès. Chiron en sort dix éditions successives. Les deux ouvrages sont traduits, jusqu'en japonais et tirent à plus de 100.000 exemplaires.

Tout au long de sa vie, malgré une immense activité, René a été capable de consacrer du temps aux choses de l'esprit qu'il aime, comme la musique, la lecture, l'écriture, la méditation et le contact avec les autres.

En 1° Année d'Ecole, il découvre la musique et en reste imprégné toute sa vie durant. Ainsi, à l'époque de son STO à Liévin, bien des fois il prend le train de Paris pour suivre 3 ou 4 concerts dans le week-end et rentrer par le train du lundi matin. Et, un jour, entre Arras et Liévin, son train est pris pour cible par un avion qui le mitraille, tuant les deux autres voyageurs de son compartiment.

René a toujours eu un joli brin de plume. A l'Ecole, il en use pour écrire 3 revues successives. Ensuite, quotidiennement, il note ses réflexions sur toutes choses et, vers 1997, il les rassemble en un recueil "En enfonçant les portes ouvertes ..." adressé à quelques amis.

Le jour où il reçoit la Légion d'Honneur, son discours de récipiendaire est un prodigieux exercice puisqu'il juxtapose un peu plus de 50 citations littéraires d'Alain à Wilde.

A l'époque de sa retraite, il écrit ses mémoires intitulés "et ton beau cheval". Ce titre, interrogation de la cantinière retrouvant Fabrice au soir de Waterloo, exprime que les grands faits ont souvent de petits témoins qui ne font pas œuvre d'historien mais rapportent une parcelle de la vérité.

Son amour des bonnes choses en avait fait un cuisinier de grande classe et des maîtresses de maison ont acquis une réputation de cordon-bleu grâce à des recettes qu'il avait crées, telles la sauce verte aux pamplemousses ou bien le rizotto de la mer façon Port-Cros.

Et aussi, comme il faut bien se délasser, il compose des grilles de mots croisés minéralogiques dont les définitions très personnelles sont dans la mémoire des lecteurs de la revue ABC Mines.

Dans sa dernière décennie, il ressent les séquelles d'une opération ancienne qui avait été suivie d'un traitement à la bombe au cobalt, pas encore très bien maîtrisée à cette époque. Il ne peut que difficilement s'éloigner de chez lui et des vertèbres qui avaient été atteintes finissent par écraser des nerfs entraînant des douleurs insupportables qui imposent des sédatifs de plus en plus énergiques.

Pendant cette période, il garde un contact étroit avec ses amis auxquels il adresse ses réflexions sur des sujets aussi divers que la philosophie du Pape Jean-Paul II ou la splendide collection de minéraux d'un de nos camarades.

René était toujours disponible pour écouter les autres et savait ne jamais être indiscret. Il possédait un contact des plus chaleureux, avec le don de se faire des amis et de les conserver dans les milieux les plus divers, stars du théâtre ou du cinéma, célébrités du monde politique ou littéraire, ou simplement les modestes personnes ordinaires.

Son tact et sa profonde délicatesse lui ont toujours fait éviter de réunir des amis par trop différents les uns des autres, pour ne pas risquer de gêner certains.

Sa parfaite connaissance du latin et du grec, évoquée au début de cette notice, l'a toujours conduit à manier un français d'une extrême rigueur. Ainsi, l'un de ses derniers visiteurs lui ayant dit : "maintenant que tu as pu quitter la clinique pour revenir chez toi, dans tes meubles et avec tes livres, en es-tu heureux et en éprouves-tu un sentiment de bien-être" il lui répond : "je le saurai lors de mon autopsie ... ".

De retour chez lui, son interlocuteur, resté perplexe, consulte le gros Larousse au mot "autopsie" où il en découvre la définition étymologique : "période de retour sur soi précédant la rencontre avec Dieu ...".

René mourût quelques jours plus tard.






Ses vieux camarades, qui ont rédigé cette notice biographique, pensent que notre chère Ecole, si réputée pour la formation des dirigeants du monde industriel, peut être fière d'avoir contribué à la culture d'un personnage aussi exceptionnel dans les domaines de l'esprit, de l'humanité et de la morale.

Promo 1941

Nous avons reproduit le poème

Méditation

qu'il avait composé pour être lu, lors de ses obsèques, en guise d'adieu à ses amis

Méditation

Lorsque j'aurai fini ma route
Au dernier train de mon dernier adieu
Je voudrais bien pouvoir partir heureux
Quitter enfin mes nuits de doute

Il me faudra pousser la porte
Et embarquer sans espoir de retour
Pour le pays de l'éternel séjour
Sans défilé et sans escorte

J'épouserai ma solitude
Compagne froide de mes longues nuits
Et brume grise de mes jours de pluie
Ma sœur de larme et d'inquiétude

Bien que n'ayant aucun bagage
J'emporterai les mille et une fleurs
Que j'ai cueillies au détour du bonheur
Chez tous mes amis de passage

Le souvenir des jours de peine
S'effacera dans le dernier matin
Et je n'aurai dans le creux de mes mains
Que le regard de ceux que j'aime

Et si je n'ai vécu ma vie
Que pour aimer d'un impossible amour
Que pour rêver qu'il rime avec toujours
Je sourirai de ma folie

Et si c'était une naissance
Une autre terre et un autre soleil
Et si c'était comme un nouveau réveil
Une éternelle renaissance

René Bézard







Voici les solutions d'une grille de mots croisés, conçue par René Bézard et publiée dans ABC Mines, décembre 1997, bulletin n° 12. Le responsable éditorial, Alexandre Delerm, notait que sur 14 solutions reçues par la rédaction de la revue, seule une était totalement correcte, à savoir celle de Maurice Mermet.

Voici quelques commentaires envoyés par R. Bézard lui-même sur la solution de la grille :

Horizontalement

1 - Au XIXe, l'analyse minérale s'appelait docimasie.
2 - Zanzibar fait partie de la Tanzanie.
3 - *,*,* les yeux d'Eisa, inévitablement...
4 - Homophonie entre "Anon" et "Ah non !"
7 - Sonnet "Après Cannes" de José-Maria de Hérédia :

13 - *,* "Liron" est synonyme de "Lérot". * Il s'agit évidemment de l'Eire.

Verticalement

I- * "Ecrivisses"... * "Tapette", appellation familière de tue-mouches ménager.
II - * Sainte Marguerite-Marie Alacoque. * Penser aux aétites..
V - * Ancienne appellation de Tokyo.
IX - *, * Penser aux ilôts pancréatiques.
XI - *, * A bon entendeur (en tant d'heures...) salut !.
XII - *, *, *, * Les sels de manganèse précipitent souvent en rose.
XIII - Mets l'anneau. T'es quitte !....
XV - *, * L'ami noir. Touche pas à mon pote ! ...




Satisfait du niveau de difficultés ? Vous pouvez essayer de résoudre le mot croisé n°4, toujours préparé par René Bézard dans le même numéro de la revue. Alexandre Delerm prévient les lecteurs par l'introduction suivante :

René Bézard informe les lecteurs que :

Le Figaro à domicile distribue ce matin aux abonnés un luxueux catalogue Dior consacré à la mode masculine intitulé "Détente" ! ...
Gérard C., auquel je signale cette aberration me fait valoir à juste titre que nombre de plumitifs ne savent pas "entendre l'écrit".
Me concernant, Dieu merci, à tout bon entendeur salut fraternel ...

Chers lecteurs, vous êtes prévenus : le présent mot croisé ne sera pas savant, pas besoin d'incunables ni besoin de dictionnaire sanskri à consulter ; par contre il sera fait appel de temps en temps au sens auditif des mots. Aujourd'hui on ne sait plus entendre les mots au'on écrit, avait dit René Bézard.

Horizontalement

Verticalement

Si vous croyez avoir trouvé, vous pouvez toujours envoyer la solution à la rédaction de la revue. Sans pouvoir prétendre au cadeau minéralogique qui récompensa le vainqueur.