Ancien élève de Polytechnique (promotion 1854) et de l'Ecole des Mines de Paris (promotion 1856 : admis le 8/11/1856 classé 12, il ne passe pas en 2ème année en 1857, est rayé puis réintégré en 2ème année en septembre 1857, enfin en 3ème année le 1/6/1858 classé 6 mais démissionne en septembre 1858). Il n'a pas obtenu le diplôme d'Ingénieur civil des mines. Voir le bulletin de notes de Banderali.
Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des Mines, 1890
Nous avons eu la douleur de perdre cette année un de nos plus sympathiques camarades, David Banderali, enlevé le 30 mars 1890, à l'âge de 54 ans, par une affection du foie qui, au début, n'avait pas semblé grave. Banderali s'était occupé d'une manière toute spéciale de notre Association ; il avait fait partie de son Comité, et jamais il ne perdit une occasion d'obliger l'un de nous ou d'aider un jeune camarade à ses débuts dans la carrière.
Né à Paris le 18 janvier 1836, Banderali entra à l'École polytechnique en 1854 et à l'École des mines, comme externe, en 1856. Peu après sa sortie de l'École, en décembre 1859, il fut attaché à la Cie du Nord, qu'il ne devait plus quitter. D'abord inspecteur de traction à Amiens, puis sous-ingénieur du matériel des voitures, il fut chargé, en 1873, du service central du matériel et de la traction, fonctions qu'il occupa jusqu'à sa mort avec de légères modifications de titre. De concert avec l'ingénieur en chef, notre camarade Edouard Delebecque, disparu peu de temps avant lui, il prit part à l'étude et à la réalisation des principaux perfectionnements introduits pendant cette période dans le service du matériel et de la traction. Nous citerons spécialement les freins continus, les dispositions de nature à faciliter la circulation en courbe des locomotives et des voitures, l'organisation du service des mécaniciens et chauffeurs de manière à augmenter les parcours des locomotives.
L'activité extrême de Banderali et son excellente méthode lui permettaient de mener à bien des travaux nombreux et variés. Il s'occupa du matériel des chemins de fer à voie étroite ; il prit une part active aux diverses expositions, aux congrès de chemins de fer, à leur organisation militaire ; de nombreux voyages dans toute l'Europe, surtout en Angleterre, une excursion aux Etats-Unis, le tenaient au courant de tous les faits importants concernant les chemins de fer.
Il a publié un grand nombre de mémoires, de rapports, qui sont en général des modèles de clarté et d'exposition ; on en trouvera plusieurs dans la Revue générale des chemins de fer, dans les Annales des mines, dans la Revue scientifique.
Les obsèques eurent lieu le 2 avril, au milieu de la douleur générale de tous ses amis. MM. Griolet, vice-président du conseil d'administration de la Cie du Nord, Sauvage et Contamin, ingénieurs de la Cie, parlèrent devant sa tombe. Les paroles de M. Griolet sont reproduites dans la Revue générale des chemins de fer ; nous donnons ici celles de M. Sauvage.
« Nous quittons un de nos amis plein de force et de santé ; quelques jours s'écoulent et nous le retrouvons couché dans la tombe. Que de fois, hélas! nous avons déjà fait cette triste expérience. Notre cruelle destinée nous condamne à voir disparaitre un à un ceux que nous aimons, ceux avec qui nous avons vécu; nous voyons s'éclaircir les rangs de nos parents, de nos amis, et la douleur que nous cause chaque perte nouvelle vient s'accroître de la douleur avivée des pertes passées.
« Qui ne ferait aujourd'hui ces tristes réflexions en conduisant à sa dernière demeure terrestre l'ami que nous regrettons et qui ne laisse pas d'indifférents parmi ceux qui l'ont connu ? Tous, en effet, nous sommes ses obligés : aux uns, il a rendu, sans les compter, de signalés services ; pour d'autres, il a fait preuve d'une inépuisable complaisance. Toutes les fois que nous avions besoin d'aide dans une affaire quelconque, d'informations, de conseils, nous nous adressions à Banderali ; et pour beaucoup d'entre nous, c'était une telle habitude et nous obtenions si facilement et si complètement ce que nous désirions, que nous ne pensions même plus à la complaisance de notre ami, à la peine qu'il prenait pour nous. Ce qui, d'un autre, nous eût paru un important service, de lui nous semblait tout naturel, tant était grande son obligeance, et simple sa façon d'obliger.
« Mais je me laisse entraîner à parler du caractère si bon et si plein de charme de notre ami, et je voudrais dire aussi quelques mots de ses travaux, pendant sa vie si active ; mais ses travaux mêmes, n'était-ce pas plus pour les autres que pour lui-même qu'il les taisait? Jamais nous n'avons vu leur fruit légitime consacré à des satisfactions égoïstes : toujours il pensait à ceux qui l'entouraient, soit qu'au besoin il donnât une aide puissante à ceux qui le touchaient de près, soit que ses plaisirs mêmes fussent surtout de procurer à ses amis d'intelligentes récréations.
« Ses travaux sont nombreux, car c'était un infatigable travailleur, et grâce à sa vive intelligence et à sa méthode parfaite, il savait accomplir des tâches qui, pour d'autres, eussent été bien longues. La liste des mémoires et des notices qu'il a publiés, surtout sur des sujets touchant aux chemins de fer, est longue ; mais il convient d'y joindre tant de notes et de rapports manuscrits qui restent dans les archives de la Cie du Nord et qui, souvent, sont des modèles de clarté et d'élégance.
« Peu d'hommes savaient comme lui entrer dans les détails d'un sujet sans s'y perdre, en donnant à chacun sa juste valeur ; peu savaient traiter une question d une manière aussi exacte et aussi précise, la caractérisant par quelques phrases ou quelques mots qui la résumaient de la manière la plus heureuse, l'éclairant par quelqu'une de ces comparaisons ingénieuses qui se gravent dans la mémoire du lecteur.
« En voyant tant d'oeuvres isolées remarquables, on ne peut même s'empêcher de regretter que le labeur incessant et toujours renouvelé du service des chemins de fer, ne lui ait pas laissé le loisir de composer d'ouvrages de plus longue haleine. Nous savons aussi combien sa parole était claire et précise, et c'était un plaisir d'entendre ces conférences qu'il a quelquefois faites sur des sujets techniques.
« Rappelons à cette occasion, et c'est une nouvelle preuve de son activité, que pendant le temps très court qui avait séparé sa sortie de l'École des mines et son entrée à la Cie du Nord, il avait commencé sa carrière comme professeur, et comme professeur distingué.
« Parmi les travaux les plus importants auxquels il a pris part, vous venez d'entendre citer l'introduction des freins continus sur le réseau du Nord : après de longues études en Angleterre, il fit avec Ed. Delebecque, en 1876, de nombreuses expériences de ces appareils, puis travailla à leur application étendue.
« Son attention se porta aussi d'une manière spéciale sur les dispositions facilitant la circulation en courbe du matériel des chemins de fer, et l'un de ses derniers mémoires est un travail complet sur cette question rédigé l'année dernière pendant un congé qu'il avait demandé sous prétexte de repos.
« Citons ses études considérables pour l'établissement du matériel à voie étroite, matériel qui doit unir la légèreté et la flexibilité à la puissance, pour les machines et pour les véhicules, à un confort qui fasse oublier au voyageur leurs dimensions forcément restreintes. Plusieurs solutions heureuses de ce difficile problème sont dues à Banderali.
« Rappelons enfin la part importante qu'il prit à l'étude de la meilleure organisation qu'on puisse donner au service du personnel des machines, question importante et qui intéresse toutes les compagnies de chemins de fer.
« Banderali savait s'assimiler avec une extrême facilité ce qui le frappait dans ses nombreux voyages, surtout en Angleterre qu'il connaissait pour l'avoir habitée puis mainte et mainte fois parcourue, ensuite dans toute l'Europe et aux États Unis. Toutes les fois qu'il voyait au dehors une chose lui paraissant mieux faite que chez nous, aussitôt il désirait introduire ce progrès; et, loin d'y voir l'idée de dénigrer ce qui nous entoure, j'y vois au contraire l'amour de notre tâche commune, et même, d'une manière plus générale, l'amour de notre pays, amour qui supporte impatiemment une infériorité quelconque chez nous, et qui, au lieu de nier la supériorité des autres, voudrait nous voir devenir à notre tour leurs égaux ou leurs supérieurs en toutes choses.
« Parlerai-je de l'un des côtés les plus délicats de cette délicate nature ? Rappellerai-je les soins infinis dont il entourait sa mère, infirme depuis plusieurs années, sa tendre sollicitude pour elle et son inaltérable bonne humeur pour l'égayer un peu ?
« Parlerai-je enfin d'un des chagrins qui vinrent assombrir les derniers jours de notre ami ? Un rapprochement douloureux s'offre ici à toutes les mémoires : il y a dix-huit mois, nous étions réunis pour les obsèques de notre regretté chef Ed. Delebecque.
« Sait-on combien, plus que pour aucun de nous peut-être, cette mort était cruelle pour Banderali et en faisait, comme il l'a dit lui-même sur la tombe d'Ed. Delebecque, le plus malheureux de ses amis ? Il était auprès de lui lorsque l'accident l'a surpris, il a partagé sa funeste distraction à ce moment.
« Plus d'attention de sa part, comme de la part de la victime, eut évité le malheur. Et la raison avait beau dire que c'était là un de ces cas fortuits qui nous surprennent et nous trouvent impuissants, c'était un souvenir bien cruel pour une âme aussi délicate que celle de notre ami.
« Il me reste enfin à exprimer devant cette tombe, au nom de la 2e Division de la Cie du Nord, les profonds regrets que nous cause la mort de notre camarade. D'abord, ceux de notre chef, M. Ferd. Mathias, retenu loin de nous aujourd'hui, mais qui se joint à nous de coeur pour pleurer notre ami ; puis ceux de tous les collègues de Banderali, de tous ceux qui ont servi sous ses ordres. Pour moi, depuis de si longues années j'avais vécu près de lui qu'il me semble perdre un parent bien proche.
« Confiants, dans la divine Providence, notre ami, nous te disons au revoir. »