Léopold BABU (1862-1904)

Né le 04/07/1862 Saint-Maixent (Deux-Sèvres) ; mort à Paris, le 28/11/1904. Fils de Claude BABU et de Augustine Zélie RONDEAU. Son grand-père était cultivateur.
Deux de ses fils ont fait Polytechnique : Pierre (X 1919S ; 1897-1989) et Jean (X 1910 ; 1891-1914).

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1881, entré classé 33 et sorti classé 8 sur 218 élèves), et de l'Ecole des Mines de Paris (entré classé 7 sur 7 élèves). Corps des mines.

Directeur de la société des mines de Nickel de Nouvelle-Calédonie (1891-1894).
Ingénieur chargé d'une mission spéciale d'etude de grandes exploitations en Australie (1894).
Professeur de Métallurgie-Analyse minérale-Chemins de fer à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne (1894-1900) ; directeur adjoint de l'Ecole de 1898 à 1900. En 1895, il est envoyé en Asie Mineure par Von Hement Higgins et Cie. En 1896, il expertise des gisements de fer dans l'Oural pour la banque de Paris et des Pays-Bas (Schneider, de Wendel, Demachy et Seillière). En 1998, il expertisa avec 2 autres ingénieurs du coprs des mines (Primat et Rateau) un litige qui opposait les constructeurs d'une conduite forcée alimentant l'usine de Chedde et la société des Aciéries de Longwy.
Commissaire technique adjoint pour le service des mines dans la commission militaire de navigation et des mines (1901).
Ingénieur chargé de l'arrondissement minéralogique de Rouen (1901).
Professeur de Chimie générale à l'Ecole des Mines de Paris (1901-1904)

Chevalier de la Légion d'honneur (1903).



Babu, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP


DISCOURS PRONONCÉ AUX FUNÉRAILLES
DE M. LÉOPOLD BABU
INGÉNIEUR EN CHEF DES MINES, PROFESSEUR A L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DES MINES
Par M. Ad. CARNOT,
Membre de l'Institut, Inspecteur général des Mines, Directeur de l'École Supérieure des Mines.


le 1er décembre 1904,

Publié dans Annales des Mines, 10e série, vol. 6, 1904.

S'il est douloureux de voir s'éteindre brusquement la vie d'un camarade ou d'un ami, qui a terminé son oeuvre et assuré l'avenir de ses enfants, combien n'est-il pas plus poignant encore de se séparer d'un homme jeune, comme M. Léopold Babu, en pleine vigueur d'esprit, en pleine maturité de talent et de savoir, à qui souriait l'avenir, mais à qui une longue série d'années était encore nécessaire pour soutenir et diriger sa nombreuse petite famille !

Aussi la nouvelle de cette mort si inattendue a-t-elle causé parmi tous ses amis, ses collègues, ses élèves, une sorte de stupeur et de consternation.

Il avait fait son cours à l'Ecole des Mines, mercredi dernier, et il était venu, aussitôt après, prendre part à la séance du Conseil de l'École ; jeudi il avait fait faire à ses enfants une promenade instructive au Musée de Cluny, comme il le faisait souvent avec eux. Le soir même, il se sentit fatigué, puis bientôt la parole lui manqua et les bras se paralysèrent. On espérait que sa jeunesse lui permettrait de triompher du mal; mais trois jours plus tard, lundi, il avait cessé de vivre, sans avoir recouvré l'usage de la parole.

Il laisse six enfants, dont l'aîné a treize ans et le plus jeune trois ans seulement, avec leur mère éplorée. Combien cette famille aurait eu besoin de conserver longtemps son guide et son soutien ! Tous ses amis sont profondément navrés d'un si grand malheur.

Léopold Babu, né le 4 juillet 1862, à Saint-Maixent (Deux-Sèvres), était entré à l'Ecole polytechnique en 1881 ; en 1883, il fut classé 7e dans le service des Mines ; pendant la durée des études à l'École des Mines, il gagna six rangs et sortit le 1er de sa promotion.

En 1887, il fut attaché au secrétariat du Conseil général des Mines et, bientôt après, chargé du service du sous-arrondissement minéralogique du Mans, où il devait. deux ans après, contracter l'union la plus heureuse avec Mlle Buttner, fille du Directeur de la Manufacture des tabacs, au Mans.

De 1891 à 1894, M. Babu accomplit une mission importante, d'abord en Nouvelle-Calédonie, où il resta trois ans comme Directeur de la Société des Mines de Nickel, puis en Australie, où il étudia quelques grandes exploitations minières.

De retour en France, il devint successivement professeur des cours de Métallurgie, d'Analyse minérale et de Chemins de Fer à l'École des Mines de Saint-Étienne, et Directeur adjoint de cette École; puis, en 1901, il fut appelé à l'École des Mines de Paris, comme professeur du cours de Chimie générale.

Il fut aussi, pendant ces dernières années, attaché à la Commission militaire de la Navigation et des Mines, à la Commission de Statistique de l'Industrie minérale et à la Commission du Grisou.

Il était, en outre, fréquemment appelé à étudier certaines questions spéciales, relatives au travail dans les mines, afin d'éclairer les débats des Commissions parlementaires, notamment en ce qui concerne la sécurité, les salaires, la durée de la journée et les retraites des ouvriers mineurs. Il abordait ces questions avec un esprit de bienveillance et de justice en même temps que de prudence, qui rendaient précieux ses avis. Il s'acquittait de cette mission délicate avec une conscience et un tact qui lui avaient valu la complète approbation et la vive sympathie du Ministre des Travaux publics, M. Maruéjouls.

C'était un laborieux par excellence. Jamais il ne reculait devant une tâche, quelque fatigante qu'elle pût être. Aussi, tout en remplissant ses fonctions successives de la façon la plus distinguée, trouva-t-il le moyen d'écrire une série de notes et de mémoires techniques dans les Annales des Mines et dans le Bulletin de la Société de l'Industrie minérale de Saint-Etienne.

Dans ces derniers temps, il avait entrepris un grand travail, malheureusement inachevé, mais fort avancé. Il avait rédigé, sur un plan nouveau, la première partie d'un Traité de Métallurgie générale en deux volumes ; le premier avait déjà paru, et il préparait le second, lorsque la mort brutale est venue le surprendre.

Le Gouvernement avait bien reconnu les hautes qualités du jeune Ingénieur ; aussi avait-il accédé sans retard aux propositions de ses chefs directs et l'avait-il récompensé de ses services exceptionnels par la promotion au grade d'Ingénieur en chef des Mines (décret du 29 mai 1902) et par la nomination de Chevalier de la Légion d'honneur (décret du 18 juillet 1903).

Il n'y eut qu'une voix parmi ses camarades pour applaudir à des distinctions si bien méritées.

M. Babu était, d'ailleurs, entouré de l'estime et de l'affection de toutes les personnes qui le fréquentaient, charmées par l'ouverture de son esprit et par la droiture de son coeur.

C'est une grande perte que vient de faire en lui le corps des Mines, au nom duquel je parle ici en même temps qu'au nom de l'École des Mines. Nous nous associons bien sincèrement à la douleur de sa famille, et nous voudrions que cette sympathie si vraie pût apporter quelque adoucissement à son deuil profond.


Léopold Babu, élève de Polytechnique
(C) Collections Ecole polytechnique