Paul AUZEPY (1865-1918)


Auzepy, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

Son épouse meurt en mars 1956.

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1888). Ingénieur civil des mines.


Paul AUZÉPY
par Edmond DELAGE

Publié dans Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des Mines, , décembre 1918

Paul Auzépy naquit en 1865 dans l'Aveyron ; son père, M. François Auzepy, était attaché à une exploitation de houille ; les premiers regards de l'enfant le familiarisèrent avec l'aspect si particulier des centres miniers et de l'industrie à laquelle il devait plus tard se dédier.

Ancien élève de l'école d'Alais, qui a fourni à nos exploitations tant de bons chefs, aussi expérimentés que modestes, son père quitta l'Aveyron peu après 1870, pour s'établir à Saint-Laurent-le-Minier (Gard) : il fut appelé par la suite à y prendre la direction d'une très petite affaire nouvelle, la concession de Malines ; l'habile praticien ne devait pas tarder à mettre en valeur son riche gisement et développer la Société, qui allait devenir une des plus merveilleuses industries minières.

Paul Auzepy commença son instruction à l'école communale ; partageant les jeux des enfants du pays, qui travaillaient avec lui, il prit le goût de l'effort physique et de la vie au grand air, et l'a toujours conservé. Aussi dut-il trouver pénibles bien des heures d'internat au lycée de Montpellier, où il fit ses études à partir de l'âge de douze ans ; très bon élève, ayant le goût des sciences, il fit de bonnes mathématiques spéciales et fut admis, en 1885, à l'Ecole des Mines de Paris.

Après le cours préparatoire et l'interruption d'un an pour le volontariat, il suivit les cours spéciaux avec la promotion 1887 et sortit comme elle en 1890.

Avec son diplôme d'ingénieur, il reçut sa nomination à la Société des Malines, que son père dirigeait depuis 1886 ; il y apportait le bon bagage technique réuni pendant ses années d'études à Paris, un esprit sérieux et réfléchi, et la volonté de bien faire ; il y trouvait un gîte en plein développement, demandant des installations nouvelles qu'une belle situation financière permettait de réaliser ; enfin il y était placé sous les ordres d'un chef désireux de transmettre à son fils tout le bénéfice de sa longue pratique de la mine et des hommes. Il devait donc réussir : adjoint au Directeur, il fut désigné pour lui succéder au décès de M. Et. Auzepy en 1895.

Ce furent alors les plus brillantes années des mines des Malines : en 1898, avec une production de 45,000 tonnes de minerais marchands et en 1899 avec un bénéfice net de 3,985,000 francs à peu près équivalent à vingt fois le capital de la Société. Les plus riches mines métalliques n'ont pas fait beaucoup mieux et de tels résultats ont rarement été aussi durables : Paul Auzepy a pu par la suite penser avec une légitime fierté à la période particulièrement prospère de sa jeune direction.

En désaccord avec son Conseil d'administration, il résigna ses fonctions en 1899, s'établit à Montpellier et se créa un foyer en épousant Mlle Gottschalk. Il s'occupa dès lors de diverses questions minières et surtout de recherches, lui permettant d'appliquer le savoir étendu que sa pratique industrielle lui avait donné de bonne heure ; mais, désirant alimenter davantage son activité, il changea de résidence et vint à Paris. Dès lors, son existence fut partagée entre une vie famiale paisible et heureuse et l'étude d'affaires minières nouvelles, notamment de gisements de fer recherchés dans le Nord, en Normandie et en Anjou : ces derniers avaient amené le dépôt de demandes de concessions que doivent largement justifier leurs données techniques, le jour où l'Etat aura jugé que la situation légale permet d'en accorder.

Puis, la guerre survint : libéré d'obligations militaires, Paul Auzepy songea, en 1914, à reprendre ses galons pour combattre; ses forces ne le lui permirent pas. Il chercha donc à s'employer autrement, offrant son concours aux œuvres qui souhaitaient des collaborateurs bénévoles et dévoués : finalement, la Société de secours aux blessés militaires le nomma, en 1915, administrateur-adjoint à l'hôpital n° 6, puis, en octobre 1916, administrateur de l'hôpital 98. Ces dernières fonctions furent particulièrement difficiles et laborieuses pendant l'hiver rigoureux qui suivit : les installations sommaires de l'hôpital étaient fort éprouvées par le froid ; le ravitaillement en vivres et charbon se faisait mal : l'administrateur dut lutter chaque jour avec des difficultés renaissantes. L'été suivant, un congé trop court ne lui donna qu'un repos insuffisant et sa fatigue était grande quand la fermeture de l'hôpital, en novembre 1917, le libéra des devoirs quotidiens qu'il avait volontairement assumés.

Paul Auzepy tomba malade en février 1918 ; sa résistance diminuée ne lui permit pas de vaincre la typhoïde qui l'avait atteint : des complications survinrent, exigeant une opération qu'il subit courageusement.

Pendant ces épreuves physiques, il souffrit moralement : la situation militaire était grave et le bombardement de Paris avait décidé notre camarade à faire éloigner ses enfants ; admirablement réconforté par les soins constants d'une compagne aussi dévouée qu'intelligente, il put lutter et résister presque jusqu'au milieu de l'année : il s'éteignit le 25 juin, quelques semaines seulement avant la formidable et dernière attaque allemande qu'allait suivre la merveilleuse contre-attaque française, puis le martellement continu qui devait, en trois mois, obliger à capituler le plus abominable des ennemis.

Paul Auzepy fut un bon mineur : après avoir donné sa mesure dans le développement des Malines, il se consacra aux recherches, préface inévitable de toute œuvre minière nouvelle. Si une certaine dose d'imagination est généralement utile à l'industriel, elle est indispensable au prospecteur pour prévoir le gisement inconnu ; mais avant de transformer la presque hypothèse en réalité industrielle, le mineur a besoin de vérifications sérieuses et de déductions réfléchies pour ne pas engager dans une aventure les capitaux qui se rendent à son appel. Notre camarade avait au plus haut point la conscience des devoirs de sa mission lorsque son avis était demandé : prudent, sans être timoré, il réclamait les travaux nécessaires et l'on peut affirmer que les personnes qui lui faisaient confiance ne risquaient pas de déception dans les affaires minières au sujet desquelles ses études techniques, suivies de longues réflexions, le conduisaient à conclure favorablement.

Paul Auzepy était souvent silencieux ; mais cet homme de cœur vibrait réellement ; il a cruellement souffert de l'angoisse qui a tant de fois éprouvé les Français au cours de la lutte gigantesque soutenue par notre patrie pendant plus de quatre ans. Sa sensibilité profonde, un peu timide, était éprouvée par la conversation des blessés dans ses hôpitaux, par le sort des jeunes gens qu'il connaissait et savait absorbés par le devoir militaire, même le plus humble, exactement accompli, et souvent sacrifiés au salut du pays ; l'une de ses dernières paroles témoignait cette préoccupation, alors que cet excellent et tendre père était hanté presque constamment par la pensée de ses enfants éloignés de lui : ils comprendront plus tard l'étendue de la perte qu'ils ont faite prématurément et conserveront pieusement son souvenir comme nous garderons la mémoire d'un excellent camarade, qui fut un ingénieur consciencieux, un ami fidèle et un homme de cœur.

Edmond Delage (Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris, promotion 1886).