Ancien élève de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne (Promotion 1941). Ingénieur civil des mines
Mines, Revue des Ingénieurs, janvier 1999
TURIER, mon ami,
Pardonnez-moi Nicole de m'adresser à lui avec ce pseudonyme qu'il portait en 1944 quand j'ai fait sa connaissance ; plus tard grâce à vous TURIER est devenu pour tous "JEF".
Chers Philippe, Béatrice et Sylvie,
C'est avec beaucoup de tristesse et d'émotion que je me dois, en mon nom personnel, mais aussi en celui de tous les anciens élèves de l'Ecole des Mines, d'évoquer en cet instant le personnage et l'ami qu'a été Joseph AUCOUTURIER.
Nous nous sommes connus en 44 lorsqu'admis à l'Ecole des Mines, mes camarades de promo et moi-même avons été accueillis par nos Anciens. Un seul avait vraiment le souci de nous faciliter les choses, c'était "TURIER". Les autres moins attentifs songeaient surtout à chahuter les nouveaux arrivants.
Il manifestait ainsi son sens de l'accueil et son ouverture aux autres qui font partie de ses très nombreuses qualités au point que chacun de nous voulait avoir TURIER comme parrain. Il a fallu faire un arbitrage, je n'ai pas eu la chance d'être son filleul. Mais pendant l'année que nous avons vécue ensemble, notre amitié réciproque s'est développée en toute confiance et déférence envers l'ancien. L'été 45, TURIER avait été recruté comme Ingénieur du fond aux Houillères des Cévennes. Ce que sachant, avec trois autres camarades de promo, nous avons obtenu de faire un stage ouvrier dans son secteur. Il n'était pas marié mais avait déjà eu droit à l'attribution d'un logement que nous avons occupé pendant un mois, avec châlits et paillasses.
Puis vint le mariage avec Nicole. Il m'avait demandé d'être son témoin, ce que j'ai accepté avec joie, comme témoignage d'une solide amitié. Quelle cérémonie et quelle fête !
C'est à partir de ce jour que TURIER a laissé la place à "JEF".
Nous avons ensuite suivi des carrières parallèles, lui dans les Cévennes, moi en Provence.
Les enfants venus, il nous arrivait de nous retrouver à Grand Combe ou à Gardanne, en compagnie des "MESMEUR". C'était toujours une joie. Son humour et sa gaieté rendaient ces petites réunions amicales très agréables.
Vint enfin le moment où j'avais été sollicité pour prendre la direction des Houillères des Cévennes. Je n'ai pas voulu donner mon accord sans avoir rencontré "JEF", et alors que je lui proposais une entrevue en terrain neutre à Avignon, il m'a simplement dit "je suis informé, viens donc dîner à la maison avec Janou, Nicole sera heureuse de vous recevoir". Toujours ce sens de l'accueil et de la loyauté.
Et pendant 4 ans, nous avons travaillé ensemble à modifier l'avenir des Houillères des Cévennes. Sa connaissance du terrain et des hommes m'a beaucoup aidé. Sans lui, nous n'aurions pas atteint l'objectif difficile qui nous avait été assigné.
Puis nous avons tous deux quitté Ales, lui pour la Direction Technique du Bassin de Centre Midi à St-Etienne, moi pour la Lorraine.
Mais dès sa retraite, il est revenu vivre à Ales, sa ville d'adoption. Depuis 1945, il y avait créé avec Nicole, un groupe d'amis fidèles qu'ils nous ont fait connaître nous permettant ainsi de passer 4 ans inoubliables à Ales. Mais en retraite, il ne s'est pas contenté de cultiver son jardin. Avec son attention permanente aux jeunes, il a oeuvré pendant plus de 5 ans à l'Ecole des Mines d'Alès. Sans doute a-t-il pu leur communiquer ses connaissances techniques mais surtout il a su susciter chez eux son enthousiasme pour ce magnifique métier d'Ingénieurs qu'il a merveilleusement pratiqué.
Homme de devoir et de mérite comme son père que j'aime associer à cet hommage, il a été promu dans l'Ordre National du Mérite. Mineur de coeur il a reçu la plus belle récompense pour ceux de notre métier : la Médaille d'Or des Mines.
Tout cela est très bien, mais rien n'est suffisant pour témoigner des qualités de coeur, d'intelligence, de courage , de loyauté, de lucidité, de fidélité à ses idées et à ses amis de cet homme de bien qu'a été "JEF". Nous devons en garder le pieux souvenir.
Adieu mon ami.
Je voudrais exprimer devant sa famille et ses amis le souvenir que laisse Joseph AUCOUTURIER à ses camarades Anciens Elèves de l'Ecole Nationale Supérieure des Mines de St-Etienne, à tous ceux qui l'ont connu dans sa profession ainsi que dans ses activités diverses, en particulier pour l'Ecole des Mines d'Alès.
Pour tous, il restera comme un être exemplaire. Etudiant brillant à l'Ecole, il participe avec ses camarades au S.T.O. comme ouvrier mineur auquel le travail physique et bien fait ne fait pas peur.
Après la guerre, il devient ingénieur du fond aux Houillères des Cévennes. Là, il se montre un chef apprécié de son personnel avec lequel il sait communiquer sans perdre son autorité. Il fait preuve d'un grand courage lors d'un grave accident dans la mine de Pontil, courage pour lequel il reçut la Médaille d'Or du courage et du dévouement. Sa carrière d'ingénieur du fond se développe brillamment de poste en poste, jusqu'à celui d'Ingénieur en Chef.
La direction générale des Houillères du bassin de Centre Midi fait appel à lui et il quitte les Cévennes pour St-Etienne. Dans cette période difficile pour l'avenir des mines de charbon françaises les qualités qu'on lui connaît le font nommer directeur technique de l'exploitation des différentes houillères du bassin, poste délicat où il sait manier l'autorité et la juste appréciation des problèmes spécifiques à chaque houillère.
Chevalier de l'Ordre du Mérite, il prend sa retraite à Ales avec des activités variées, dont je ne citerai que l'intérêt qu'il porte au développement de l'Ecole des Mines d'Alès dont il perçoit l'importance croissante parmi les écoles d'ingénieurs.
La maladie vient ralentir son action et, aujourd'hui, JEF, en te disant adieu je ne peux que répéter que pour tous ceux qui t'ont connu, tu demeures un exemple.