L'École des Mines d'Alès
de 1841 à nos jours.



Cet ouvrage de référence sur l'histoire de l'Ecole des Mines d'Alès, est issu de la thèse de Cécile TURION, Docteur en Histoire, Créateur à l'Incubateur Technologique de l'EMA. Cette thèse a été soutenue le 27/6/2002.

Il est consultable auprès du Centre de Documentation de l'EMA, site Clavières à Alès et site EERIE à Nîmes.

Sa version grand public est disponible auprès de la librairie SAURAMPS, à Alès et Montpellier.
En voici un court résumé, établi d'après le mémoire de thèse.


Cette monographie, s'attache à montrer comment une école créée au milieu du XIX° siècle, dans un but et avec un fonctionnement très élémentaire, parvient à surmonter les obstacles et les fragilités inhérentes à son statut et à acquérir une place de choix dans le concert des grandes écoles françaises d'ingénieurs. L'évolution de son enseignement et de ses méthodes pédagogiques, les mutations de son recrutement, les adaptations du placement de ses diplômés, les aléas de son fonctionnement, l'action des hommes et les réseaux qu'elle a su faire naître, permettent de distinguer les mécanismes qui peuvent expliquer le parcours si particulier de cet établissement.
Il ne s'agit pas cependant de limiter cette vision au cadre étroit que constitueraient les murs d'enceintes de l'École d'Alès. Mais au contraire de la replacer dans le contexte général, afin d'essayer de montrer comment elle s'intègre, devance, influe ou se soumet à une conception globale de l'enseignement technique français. Ceci permet de tenter de mettre en lumière les liens complexes et les influences caractéristiques de l'appareil d'État, et des acteurs locaux.
Fille des idées progressistes qui circulent au XIX° siècle sur l'enseignement des masses et l'éducation des ouvriers, créée comme une école expérimentale, vouée à l'échec par certains, l'École s'est accommodée de ce caractère, parvenant à faire perdurer plus d'un siècle et demi plus tard l'esprit novateur de ses débuts.

Ce travail s'articule autour de 4 grandes parties :

La première partie s'attache à étudier le processus de création de l'École des Mines d'Alès. La réalisation du projet alésien, au milieu du XIX° siècle, s'accompagne de multiples difficultés dues plus particulièrement au positionnement fluctuant et indéfini du nouvel établissement, entre pouvoir local et pouvoir central, entre public et privé, et aux querelles plus générales concernant la scolarisation des ouvriers, et la mise en place d'un enseignement technique.

Deux chapitres constituent cette partie :

Le premier consacré à la genèse de l'École cherche à définir le contexte de sa création. Alors que la France connaît la première phase importante de son industrialisation, et que la société subit les premières transformations qui en découlent, la municipalité d'Alès, faisant appel à quelques hommes éclairés, décide de mettre sur pied une école originale destinée autant à rendre service à l'industrie minière naissante qu'à offrir à la ville un instrument de promotion sociale. L'étude du contexte économique, la mise en place des structures d'enseignement technique en France dans la première moitié du XIX° siècle et les réflexions idéologiques qu'elle suscite retiennent l'attention. Ces éléments permettent de mieux appréhender l'insertion du projet alésien dans son époque au travers des personnalités qui l'ont porté sur les fonds baptismaux, des buts qui lui furent attribués et des débats qu'elle soulève quant aux choix pédagogiques et aux lieux de son installation.

Le second chapitre, plus particulier à l'organisation et à l'administration de l'établissement doit permettre de dégager les grands principes qui la structurent et lui donnent les moyens de s'installer dans la durée.
La mise en place et la composition des instances de direction, l'étude du personnel et du rôle des directeurs, et la création de l'Amicale des Anciens élèves, sont autant d'éléments qui peuvent expliquer les succès futurs de l'établissement. Sans cette ossature l'École des Mines d'Alès serait-elle parvenue à surmonter les obstacles et à aplanir les difficultés de ses débuts laborieux ? Car l'établissement souffre alors de quelques maux qui auraient pu lui être préjudiciables. Entre un manque de reconnaissance officiel qui s'accompagne de difficultés budgétaires, une installation précaire dans des locaux qui lui sont vivement disputés et un enseignement si précisément défini qu'il laisse peu de marge de manœuvre, l'École parvient toutefois à s'imposer.


La deuxième partie est consacrée justement aux progrès et à l'affirmation de l'École. Au cours de son premier siècle d'existence, celle-ci s'impose petit à petit dans le monde minier local, national, puis international. Elle améliore son installation, augmente son niveau, développe son audience, et sert même de modèle à la création d'autres établissements.

Deux chapitres constituent cette partie :

Le premier s'attarde à montrer de quelle manière l'École parvient à s'imposer, acquérant doucement une réputation qui l'amène à dépasser largement les cadres que lui avaient assignés ses fondateurs. Complètement en phase avec son siècle, l'École résonne alors des échos des batailles politiques et religieuses. Mais celles-ci restent bien souvent cantonnées au niveau de la direction et n'entravent en rien le développement du recrutement ou la diversification du placement de l'établissement. Très vite les hommes formés sur ses bancs essaiment à travers le monde, profitant de l'expansion coloniale pour occuper des postes importants à la tête des exploitations. L'École adopte alors un "rythme de croisière" se préoccupant essentiellement de recruter et de former le mieux possible les jeunes élèves qui décident de lui confier leur destin. A l'écart des institutions parisiennes, Alès entame une progression lente, mais sûre, portée par les hommes qui en ont la charge aussi bien que par ses anciens élèves attentifs à son succès.

Marquée dans son fonctionnement et dans sa chair par le conflit de 1914 -1918, l'École ne vit pas de la même façon le second conflit mondial. Moins meurtrière, pour ces élèves, cette période n'en est pas moins difficile pour tous, la direction de l'École, comme l'Amicale s'efforçant de rendre service aux élèves en détresse et de les protéger du départ au STO. L'établissement profite, lors du second conflit mondial, de sa position en zone libre pour aller de l'avant et réaliser un certain nombre de progrès. Le quatrième chapitre s'attarde donc sur cet épisode délimité par les deux conflits mondiaux. D'une guerre à l'autre, l'École qui progresse pourtant ne parvient pas à faire reconnaître officiellement les améliorations de son niveau. Elle perd un peu de son attrait, et connaît une première crise sérieuse de son recrutement. L'action vigoureuse de ses défenseurs lui permet pourtant de se redresser et de continuer à progresser. Elle améliore son niveau d'entrée, gagne une année d'étude supplémentaire, obtient la reconnaissance de l'excellence de sa formation pour les exploitations coloniales, mais, ni la direction, ni les Anciens Élèves, malgré leur pugnacité, ne parviennent à lui faire attribuer le titre d'école d'ingénieur.


La troisième partie s'attache à décrire la période 1946-1966, vingt années particulièrement denses dans l'histoire de l'École puisqu'elles marquent pour l'établissement l'entrée dans des années de luttes et de batailles difficiles pour l'obtention d'une reconnaissance nationale et officielle des avancées réalisées, sans laquelle l'École ne peut plus espérer poursuivre son parcours. Période charnière, moments particuliers et douloureux de la vie de l'École. Entre crise existentielle et identitaire, l'École vacille, mais le sursaut de ses défenseurs et le ralliement des instances parisiennes permettent de redresser la barre et d'obtenir enfin le droit de délivrer le diplôme d'ingénieur. Cette renaissance nécessita beaucoup d'efforts de la part de ceux qui ne voulaient pas laisser choir l'établissement. Ce sont ces multiples rencontres, ces essais plus ou moins fructueux, ces décisions malheureuses, ces hésitations mais aussi ces engagements forts, ces soubresauts du désespoir qui retiennent notre attention dans les deux chapitres qui structurent cette partie.


Le premier démarre à la fin de la seconde guerre mondiale. Les fêtes du centenaire de l'École, en 1946, sonnent le glas de la grande époque pour l'École des Mines d'Alès et les années qui suivent sont certainement à compter parmi les plus noires de son existence. Malgré la relance économique qui s'appuie en grande partie sur le charbon et qui fait des mineurs les véritables héros de la reconstruction du pays, l'École ne parvient pas à faire valoir ses ambitions et à concrétiser ses velléités d'augmentation de niveau. Les difficultés d'entente et d'accord avec l'École de Douai ne facilitent pas la prise en compte de revendications visant à l'obtention du droit à délivrer le diplôme d'ingénieur.
Les années 1950 voient s'effriter petit à petit les piliers sur lesquels s'appuyait l'édifice patiemment construit de l'École des Mines d'Alès. L'économie du charbon, qui connaît un court regain au sortir du conflit mondial, doit bientôt faire place à la concurrence des charbons étrangers, beaucoup moins chers et à l'exploitation de nouvelles sources d'énergie tandis que la France accepte dans la douleur d'accorder leur indépendance aux pays qui faisaient la gloire de son Empire colonial. Pour l'École, c'est le début d'une grande période d'interrogations, de doutes et de difficultés. Mal installée, dans des locaux vétustes qui freinent toute possibilité d'expansion, l'École parait avoir perdu un quelconque intérêt. Elle n'attire plus les candidats et ne parvient plus à intéresser à son sort les industriels qui ne lui trouvent plus d'utilité, pas plus que l'administration parisienne qui ne sait trop comment réagir.
Seule la remise en question de l'existence même de l'établissement et la perspective pure et simple de sa fermeture, parviennent à réveiller les consciences.

Les Anciens Élèves, la Direction des Mines, qui exerce alors la tutelle de l'établissement, les politiques locaux se mobilisent pour permettre à l'École de sortir de la crise. Ce sont ces efforts qu'analyse le sixième chapitre de la thèse. L'École s'applique alors à retrouver un semblant d'éclat afin de pouvoir prétendre avec succès à délivrer un diplôme d'ingénieur. Bâtiments, programmes, débouchés, orientations et définition même de l'établissement, de l'enseignement que l'on souhaite y dispenser, du public que l'on désire y former sont autant de réflexion et d'action à mener dans l'urgence.
L'augmentation du niveau de l'École, le renouvellement de son concours d'entrée, lui permettent enfin d'accéder, en août 1966, au rang d'École d'ingénieur. Sa réorientation vers d'autres débouchés que ceux de la mine, son installation dans des locaux neufs offrent à l'École de nouvelles perspectives. Ce moment est une véritable rupture dans la vie de l'établissement qui quitte douloureusement le monde de l'enseignement technique pour entrer dans celui de l'enseignement supérieur.
De nombreux documents d'archives et quelques interviews, permettent d'appréhender la mécanique des processus décisionnels à l'œuvre dans ces instants décisifs. Les forces et les faiblesses de l'établissement se révèlent, en temps de crises, sous un jour nouveau, de façon presque caricaturale. La personnalité des directeurs, l'influence de l'Association Amicale, la concurrence de Douai, les desiderata de l'administration parisienne jouent alors sur le destin de l'École de façon criante. Il semble cependant que la faveur ou la défaveur de Paris, envers l'École s'avère désormais plus décisive que par le passé. Il est fini le temps où Alès, éloignée de la capitale, jouissant des bonnes grâces des industriels locaux, pouvait se permettre de passer outre les décisions parisiennes et parvenir, en biaisant, à obtenir plus ou moins ce qu'elle voulait. Il faut désormais compter avec Paris, mais aussi apprendre à se passer du soutien des industriels locaux qui entrent tout doucement dans la crise charbonnière et ne peuvent plus, comme par le passé, consacrer autant d'attention et de soin à l'École.


La dernière partie permet justement d'analyser les mutations contemporaines. Après s'être consacrée, suivant les désirs de ses créateurs, exclusivement à la formation de personnel minier et s'être forgée une réputation d'école de promotion sociale, l'École des Mines d'Alès devient une école d'ingénieur, ouverte à d'autres spécialités que celles de la mine. Les années qui suivent sont celles d'une nouvelle adaptation. L'enjeu est de taille. L'École doit se forger une nouvelle image, trouver une place différente dans une société et dans un environnement économique en mutation. Elle doit réussir à s'imposer dans son nouveau rôle, prouver qu'elle méritait le diplôme que l'on vient de lui accorder, trouver sa place et se faire une réputation qui lui permette d'attirer à elle les élèves sollicités par un nombre toujours plus important d'écoles d'ingénieurs d'un niveau équivalent au sien.


Le chapitre sept s'attache à montrer comment l'École s'installe dans ses nouvelles fonctions. Entre tradition et innovation l'École des Mines d'Alès, hésite encore. Fidèle à certaines des valeurs que lui attribuèrent ses fondateurs ou que le temps et l'histoire se chargèrent de lui imposer, l'École essaie toutefois de se départir, comme le bassin d'Alès en général, de son image minière, trop réductrice et, il faut bien le dire, dévalorisante dès le milieu des années 1970. L'École se cherche alors de nouvelles références.
Cette mutation de l'École d'Alès s'accomplit alors que le monde de l'enseignement en général et de l'enseignement supérieur en particulier connaît une véritable explosion et tente d'intégrer des étudiants de plus en plus nombreux tout en apportant une répondre aux besoins urgents des nouvelles économies industrielles en techniciens, chercheurs, ingénieurs, cadres commerciaux et enseignants. Cette explosion étudiante implique l'ouverture de nouvelles universités, la fondation d'instituts et d'écoles supérieures mais également le renouveau des centres éducatifs plus anciens.

L'École des Mines d'Alès s'intègre plus ou moins à ces diverses mutations. Son implantation dans une ville moyenne française, où elle demeure le seul établissement d'enseignement supérieur, son rattachement à un Ministère qui n'a pas en charge les problèmes globaux de l'Éducation nationale, son histoire, font de l'École des Mines d'Alès un établissement à la fois atypique et à la fois complètement intégré dans un processus mondial de développement de l'enseignement. Les événements qui structurent l'École au cours des années 1970-1980 tout en étant caractéristiques de processus globaux laissent apparaître également une force propre à l'École qui lui permet de dessiner les contours d'un destin particulier et original. L'École quitte donc petit à petit ses vieux habits pour endosser le costume neuf d'une école d'ingénieur. Le passage ne se fait parfois pas sans mal. Il faut imposer les changements et accepter de voir changer l'École.

Entre passé et avenir l'École trace son chemin, surmontant ses difficultés d'argent, ses crises internes, ses problèmes de bâtiments, affrontant sans trop de mal la disparition du secteur industriel qui fut sa raison d'être pendant plus d'un siècle. Assise sur des bases solides, ayant fait reconnaître ses capacités à former et même à bien former des ingénieurs, l'École peut désormais songer à se lancer dans des activités qui lui sont moins communes, mais qui devraient lui permettre de resserrer ses liens avec l'industrie et de se bâtir petit à petit une nouvelle image de marque, de se donner de nouveaux buts, de modifier sa scolarité afin de former un ingénieur capable de franchir sans encombre le cap du XXI° siècle. Ce sont ces dernières modifications que s'attache à analyser le dernier chapitre.
Dans les années 1980-90 les choses s'accélèrent pour l'École, les changements dans la direction de l'établissement, l'attention nationale se portant sur la formation des ingénieurs pousse à une ouverture plus grande vers la société et ses besoins. Le début des travaux de recherche dans les laboratoires de l'École engendre un renouvellement spectaculaire de l'établissement.
Avec la recherche l'École entre dans une dimension qui était jusqu'à présent fort éloignée de la sienne. L'enseignement n'est plus l'unique préoccupation de l'École. C'est par la recherche que l'établissement parvient à renouer les fils distendus de ses relations avec les entreprises et à retrouver une symbiose étroite avec le monde économique local. Les activités de transfert de technologie et d'aide à l'industrie relancent le dialogue et les laboratoires deviennent alors autant de centres névralgiques, dispensateurs de progrès et moteurs de développement.

L'activité des chercheurs, qui nécessite espace et proximité avec les industriels, pousse l'École à multiplier ses locaux sur Alès (développement des sites de Clavières, de Croupillac et de Rochebelle) et à diversifier ses implantations (à Pau puis à Nîmes.) Éloignée de sa région par le recrutement et le placement de ses élèves, l'École retrouve par ce biais un lien fort et étroit avec son bassin, renouant presque, avec l'esprit qui animait ses créateurs à ses débuts, à savoir : servir surtout et avant tout le développement de l'industrie locale et, par ricochet, nationale.
C'est donc en s'adossant sur ses activités de recherche que l'École parvient à se développer et à s'imposer. Alors que le siècle se termine et que se profile à l'horizon un nouveau millénaire, la société subit un certain nombre de mutations. Les progrès de plus en plus rapides de la science et de la technologie modifient considérablement les modes de vie, les moyens de transport et de communication, accélérant les échanges, fluidifiant les mouvements de capitaux et de marchandises, mondialisant l'économie.
Alors que les découvertes et les avancées scientifiques acquièrent un impact de plus en plus vite mesurable sur la société, alors que les limites du possible semblent repousser de jour en jour, la société s'interroge sur le pouvoir de la science, sur le devoir des scientifiques, sur la place de l'homme dans cet univers de technique. Dans ce monde en mutation, on n'accorde plus une crédibilité aussi aveugle que par le passé aux bienfaits de la science et à l'omnipotence de la technique.
L'ingénieur est longtemps apparu comme l'homme qui maîtrisait les techniques et savait les dominer pour les mettre au service d'une société industrielle à la recherche de la satisfaction de ses besoins vitaux. Son rôle évolue forcément dans cette société nouvelle où les crises ont montré la fragilité des grands groupes, la généralisation du chômage et le pouvoir du consommateur.
Face à ces mutations on s'interroge sur la formation à dispenser aux élèves ingénieurs, sur les qualités qu'on voudrait leur voir acquérir, sur les métiers qu'on voudrait leur voir exercer, sur le rôle qu'on voudrait leur voir tenir dans la société. Si on ne revient pas sur la nécessité de lui donner une solide connaissance scientifique on souhaite surtout lui inculquer de nouvelles aptitudes, lui insuffler un état d'esprit différent, lui permettre de faire montre d'initiative, d'ouverture d'esprit et de développer ses capacités d'adaptation et d'innovation.
L'École des Mines d'Alès tente donc, elle aussi, d'apporter une solution aux problèmes soulevés par ces changements. Son histoire et sa culture qui la lie étroitement au milieu économique régional, tout en lui donnant une sensibilité forte à l'étranger et un engagement très marqué dans des actions de recherche et de transfert de technologie lui permettent d'adopter une démarche originale basée sur le désir de promouvoir l'ouverture internationale, l'esprit d'entreprendre, la création d'entreprise.

Cette sensibilité à la création s'ajoute à l'acuité du regard qu'elle porte sur le monde industriel et économique de sa région depuis plus de 160 ans. Consciente du rôle que peut jouer une école de son niveau dans la mobilisation des énergies et dans le développement d'une ambiance entrepreneuriale, l'École réfléchit entre 1996 et 1999 à la manière la mieux adaptée de répondre aux bouleversements technologiques qui secouent la société et sur le rôle des ingénieurs dans le développement des nouvelles technologies et des entreprises.
Elle choisit d'innover dans la manière d'enseigner, bien décidée à offrir à ses élèves la possibilité de donner un autre sens à leur vie professionnelle en réveillant leur goût d'entreprendre, leur créativité, leur réactivité. Elle met en place de nouvelles méthodes pédagogiques, basées sur la pédagogie-action, avec l'insertion dans le cursus de travaux pédagogiques complètement novateurs dans une école d'ingénieur, inspirés de l'expérience d'HEC entrepreneur. Ces exercices appelés "missions de terrain" permettent à l'élève de s'immerger complètement dans l'entreprise et d'y jouer un rôle actif et marquant. Un dispositif qu'elle complète en offrant aux élèves porteurs d'un projet personnel et désireux de le concrétiser, la possibilité d'aménager leur scolarité.
L'École amorce là, un virage radical, une révolution, qui devrait lui donner la possibilité de se constituer une nouvelle image et de se démarquer des autres écoles d'ingénieurs par son originalité et son dynamisme. L'histoire de cette réforme, très récente, reste cependant écrire.


Retracer l'histoire de l'École sur plus de 160 ans d'existence offre la possibilité de montrer comment cet établissement créé pour répondre à un besoin précis, d'une industrie particulière, à un moment singulier de son développement et en un lieu bien déterminé, parvient à passer outre la disparition de ses buts premiers, à survivre et à renaître dans des rôles totalement différents. En fait, l'École fait montre, au fil de ces siècles, d'une formidable capacité d'adaptation, et d'un dynamisme qui la pousse toujours à rechercher le progrès; à l'accompagner et à le devancer quand cela lui est possible.

Quelques conclusions peuvent être tirées de ce travail :

L'histoire de l'apprentissage ou plutôt de l'enseignement des techniques et des méthodes de production est injustement négligée. De nombreux analystes affirment que le système éducatif français se concentre sur l'acquisition d'une culture générale et la formation d'une élite et a toujours négligé la formation technique et les possibilités de promotion sociale qu'elle peut apporter. Or, nous espérons contribuer à montrer que le rôle et l'importance de ces établissements ont été sous-estimée parce que maintenu trop à l'écart du cursus général des études en France. Pourtant industriels, décideurs locaux, et représentants de l'administration française ont su très tôt doter le pays d'un système vigoureux d'enseignement professionnel, capable de donner à l'industrie les techniciens dont elle avait besoin tout en offrant aux enfants des classes populaires la possibilité d'une promotion sociale.

De toutes les écoles à finalité professionnelles nées dans la première moitié du XIX° siècle, l'École des Mines d'Alès est sans doute celle qui présente le parcours le plus original. Malgré les obstacles et les embûches que l'on a volontairement dressés sur son chemin elle parvient à se maintenir sans cesser d'améliorer ses programmes, le niveau de son diplôme et à trouver des emplois pour ses anciens élèves, devenant pour le XIX° siècle et le début du XX° le principal pourvoyeur de techniciens, d'ingénieur et de cadre d'exécution de l'industrie minière française.
Malgré ce que disaient jusqu'en 1966 les textes officiels sur l'École d'Alès, seule une petite minorité de ses élèves ( 32% en 1903, 6,4% en 1931) sont restés dans les fonctions inférieures de maîtres-mineurs, de contremaîtres ou de géomètre. Et lorsque la métropole se refusait à reconnaître leur mérite, les diplômés d'Alès, savaient aller chercher dans les lointaines contrées d'Afrique, d'Asie et d'Océanie, la reconnaissance qui leur venait alors facilement. Nombreux sont ainsi les Alésiens qui ont inscrit leur nom dans l'histoire de l'industrie coloniale.

Fortement marqué par cette conception industrialiste et technicienne du XIX° siècle, l'École parvient pourtant à franchir le cap difficile des deux guerres mondiales, à surmonter la crise des années 1950, à une époque où justement elle peine à trouver sa place dans un pays qui se modernise alors qu'elle renvoi l'image d'une école encore gouvernée en plein XX° siècle par des préceptes mis en place plus de 120 ans plus tôt.
Secouée, l'École plie, mais ne rompt pas, elle redresse même plutôt fièrement la barre et adopte petit à petit l'image d'une école d'ingénieur moderne et dynamique. Des changements qui ne lui font pourtant pas perdre son âme puisqu'elle continue à rester fidèle a quelques-uns des préceptes qui firent son succès passé à savoir :
- l'immersion des élèves dans le monde de l'entreprise.
- le désir de faire œuvre de promotion sociale
- le goût et l'envie d'aider au développement des pays les moins favorisés
- l'insertion toujours plus grande dans la société et l'implication de plus en plus forte dans le développement local.

L'établissement a toujours eu un rôle de catalyseur vis à vis de son environnement local, un rôle qui s'affirme surtout dans la dernière partie de son existence. Placée au centre d'un des bassins les plus industrialisé de la région Languedoc-Roussillon, demeurant longtemps la seule école d'enseignement technique supérieur du département du Gard, l'École a toujours agi comme un centre fédérateur.
L'établissement jouit très tôt de la stature de ses directeurs, ingénieurs du Corps des Mines, qui s'occupent en plus de sa direction du contrôle de l'arrondissement minéralogique, puis du Service des Mines et de l'Industrie et enfin de la Direction Régionale de l'Industrie de la Recherche et de l'Environnement, et sont de ce fait en contact permanent d'abord avec les exploitants des mines, puis avec les industriels en général, au centre d'un véritable réseau dont profite l'établissement. L'importance donnée, de tout temps, aux stages en entreprises, le développement de la formation continue, puis celui de la recherche appliquée et du transfert de technologie offrent à l'École de multiples occasions de resserrer ses liens avec les industriels, de rester à l'écoute de leurs besoins, de répondre à leurs difficultés.
Cette acuité du regard, permet à l'École de déceler très tôt les besoins du bassin en matière de renouvellement industriel. Elle profite de l'élan donné à la reconstruction des bassins miniers sinistrés, pour se lancer dans l'aide à la création d'entreprise, et réfléchir à la meilleure façon d'aider à l'implantation de ces entreprises sur le département. Consciente du rôle que peut jouer une école de son niveau dans la mobilisation des énergies et dans le développement d'une ambiance entrepreneuriale, elle réfléchit et innove dans la manière d'enseigner à ses élèves, mais elle se lance aussi dans la création de technopôles véritables instruments d'aide au développement économique. Si bien que l'on peut dire, qu'en grande partie grâce à l'École, la ville d'Alès ne s'est pas enfoncé dans le triste destin que connaissent aujourd'hui bien des anciennes citées minières encore florissantes il y a 50 ans.

Si l'École a agit sur Alès, le contraire s'avère également exact et il est important de souligner combien la localisation de l'École, dans la ville d'Alès joua un rôle capital dans l'existence et le devenir de l'établissement. Fille de la ville d'Alès, qui en conçoit l'idée, en soutient la création, en propose le développement, l'École vit et prospère longtemps au rythme des chevalements et des cheminées du Gard. Offrant aux enfants de ce pays la possibilité d'accéder à une vie meilleure et à ses industriels le choix de recruter les meilleurs éléments.
L'existence à Alès, n'est pas toujours facile et isole bien souvent l'établissement des grands courants réformateurs de l'enseignement. Mais dans un autre sens, cet éloignement permet à l'École d'échapper au contrôle trop strict de l'administration parisienne et de mener en solitaire son petit bonhomme de chemin.
Éloignée des grands centres universitaires, à l'écart des axes de communication, l'École vit dans cette vallée cévenole qui lui imprime un peu de sa mentalité, faite de résistance à la centralisation, d'opiniâtreté, d'amour du bel ouvrage et du travail accompli. Autant de trait qui lui seront nécessaire à chaque crise, pour se relever, s'imposer à nouveau, s'adapter aux conditions nouvelles, proposer des solutions qui feront son succès.

Nous voudrions pour finir dire un mot du rôle capital de l'Amicale des Anciens élèves de l'École. Cette association née quelques 40 ans après l'École voit son poids et sa respectabilité se renforcer au fil du temps, alors que ses adhérents parviennent à occuper des positions de plus ne plus élevées dans l'industrie, asseyant leur réputation et consolidant leur situation dans le monde économique ou administratif. Les réseaux créés sont mis au service d'une seule idée, l'amélioration de la réputation de l'École et l'acquisition du diplôme d'ingénieur qui donnerait à l'établissement une image plus glorieuse et plus en conformité avec les positions respectables qu'occupent désormais ses diplômés.

Ce que nous avons appelé la bataille pour le diplôme d'ingénieur, débute très tôt dans la dernière décennie du XIX° siècle, elle n'est pas toujours efficace, mais elle sera jusqu'en 1966 le cheval de bataille de l'association. Celle-ci, lorsqu'elle est unie derrière une équipe de dirigeants efficaces et charismatiques, fait avancer les choses et seconde efficacement la direction de l'École, quand elle ne lui indique pas la marche à suivre.
Véritable groupe de pression, contre pouvoir ou "organisme de contrôle", l'Association sera aussi à plusieurs reprise l'artisan du relèvement de l'école, voire de son sauvetage lorsque des problèmes de recrutement ou de placement se font sentir. Depuis le début des années 1980 pourtant l'Association a changé de visage, un cap qu'elle a commencé à franchir dès 1966, après l'obtention tant attendue du diplôme d'ingénieur, comme si c'était cette lutte qui l'a structurait et lui donnait un sens. La construction de la Maison des Élèves, qui permet à l'École de se lancer dans la recherche fut la dernière de ses actions d'éclats. Depuis, le nombre grandissant des élèves, la diversité de leurs origines géographiques, leur dispersion professionnelle ont distendu les liens de solidarité. Les jeunes diplômés adhérent de moins en moins nombreux à l'Amicale qui ne parvient plus à les réunir autour d'idéaux communs, dont le principal était la grandeur de l'École.

L'Association saura-t-elle reconquérir les élèves, saura-t-elle à nouveau se mobiliser autour de thèmes porteurs d'idéaux et de rêves, c'est le grand défi que lui lance le siècle nouveau. L'école renouvelée a-t-elle encore besoin de s'appuyer sur son aide et son action efficace ? Le personnel peut-il désormais jouer en interne le rôle de contre-pouvoir que détenait jusqu'à présent l'Amicale ? L'École, lancée dans des réformes importantes qui doivent lui permettre de conquérir une place nouvelle sur le marché de plus en plus concurrentiel des écoles d'ingénieurs, peut-elle se soumettre encore au contrôle et au jugement de ses Anciens élèves ? Parviendra-t-elle de la même façon à attirer sur Alès l'intérêt du plus grand nombre, y compris des étrangers, afin de renouveler complètement son image et celle de son bassin ?


Cette étude permet de montrer la solidité et la pérennité de l'École. De par sa longévité et son expérience elle est devenue un modèle, une référence dans le concert des grandes écoles d'ingénieurs aussi bien sur le plan national, qu'international, nous en voulons pour preuve que le ministère, qui s'est si longtemps tenu éloigné d'elle, la choisit désormais comme école pilote, notamment en ce qui concerne sa réforme entrepreneuriale.