TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Première série -
(1978)

Pierre HOMMERIL
Historique des premières hypothèses géologiques d'une séparation Afrique-Amérique du Sud.

L'auteur travaille à l'Université de Rouen - 76130 Mont-Saint-Aignan.

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 16 juin 1978)

L'un des principaux arguments géologiques mis en avant par Alfred Wegener pour étayer sa théorie sur la dérive des continents est fondé sur l'identité géologique de l'Afrique du Sud avec l'Amérique du Sud. Cette identité est resté un excellent argument géologique de l'hypothèse de la tectonique des plaques, même si l'on ne raccorde plus les limites continent-océan, mais dorénavant, les limites externes des plateaux continentaux.

Si l'on se reporte à la bibliographie de l'ouvrage célèbre d'A. Wegener (2° édition anglaise, 1966, traduite par J. Biram de la 4° édition allemande de 1923, la 1° édition datant de 1915) l'on constate que les arguments géologiques et notamment pétrographiques mentionnés pour étayer le raccordement Afrique-Amérique du Sud sont dûs a des auteurs du début du 20° siècle.

D'ailleurs, A. Wegener n'a pas été le premier à exposer cette séparation entre continents africain et américain puisque l'ont notamment précédé, Pickering en 1907 et Taylor en 1908 (ce dernier cité par B.C. King, sans référence, dans la préface de la 2° édition anglaise de l'ouvrage d'A. Wegener).

Or, j'ai eu la chance de retrouver une publication scientifique du début du 19° siècle qui prouve que de telles hypothèses s'échangaient déjà, avec, ce qui est encore plus remarquable, des arguments non seulement basés sur la géométrie des deux continents, mais aussi sur une comparaison pétrographique de leurs séries géologiques.

Il s'agit d'un mémoire complet publié en 1818, relatant une expédition entreprise en 1816 pour reconnaître le fleuve Zaïre. Je cite in extenso la lettre du minéralogiste Charles Konig qui avait été chargé de l'étude des échantillons de roches rapportés : seules les conclusions sont publiées, le reste du mémoire est uniquement une relation botanique et zoologique :

Musée Britannique, 5 novembre 1817

à M. John Barrow, Esq. Secrétaire de l'Amirauté

"D'après votre désir, j'ai examiné les échantillons de rochers recueillis dans l'expédition du Congo, et présentés au Musée Britannique par les lords commissaires de l'Amirauté. Ces échantillons sont tous pris sur les rives du Zaïre, et sont en très petit nombre ; mais du moins suffiront-ils pour prouver la formation primitive des rochers des bords et des îles des parties basses de la rivière, et leur ressemblance parfaite avec ceux des pays au-delà de l'océan du côté de l'Ouest ; circonstance qui ajoute à la probabilité que les montagnes de Fernambouc, de Rio et d'autres parties de l'Amérique méridionale, étaient originairement réunis aux chaines opposées qui traversent les plaines du Congo et de Loango".

Charles KONIG

Il me paraît important de souligner qu'un siècle avant la publication de l'ouvrage d'A. Wegener, les savants fréquentant les cercles scientifiques agitaient déjà l'hypothèse que ces deux continents avaient jadis été réunis. En effet, je ne pense pas que Ch. Konig se soit permis d'insister sur cette ressemblance entre roches du Zaïre et du Brésil, si justement, elle ne venait pas étayer des propos déjà émis au sein de la communauté scientifique de l'époque.

BIBLIOGRAPHIE