COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 3 mars 1993)
Gaston de Saporta est issu d'une famille venue d'Espagne à la fin du XVème siècle et dont les premiers représentants en France sont des médecins de l'Université de Montpellier. On trouvera ensuite des parlementaires puis des militaires et le titre de marquis sera attribué sous Louis XV. Aîné de sa génération il en héritera en 1869.
Il a des ascendants du côté maternel qui se sont intéressés à la minéralogie, aux insectes et à la sylviculture, et son père s'est occupé d'entomologie ; il ne semble cependant pas avoir eu initialement d'autres goûts que la littérature.
Il se marie en 1846 ; un enfant naît l'année suivante, mais, en 1850, un drame se produit : la fièvre puerpérale emporte sa femme et son second enfant au moment de la naissance. Il cherche une diversion ; ce sera la botanique d'abord, puis, parce qu'on trouve chez les antiquaires d'Aix des empreintes venues d'un gisement proche (poissons, insectes, plantes), il va commencer l'étude de la végétation passée.
Il connaît Henri Coquand qui a été le premier conservateur du Muséum d'Aix, puis il entre en relation avec Philippe Matheron et surtout avec Adolphe Brongniart.
Une anecdote significative : il croit reconnaître un jour l'empreinte d'un Thuya qui vit aujourd'hui en Afrique du Nord, mais Brongniart le détrompe : c'est une autre espèce, qui a vécu en Europe avant de s'éteindre. Toute l'oeuvre scientifique de Saporta commence peut-être là. Comment comprendre qu'une espèce disparue soit remplacée par une autre qui n'en diffère que par quelques détails ? Comment expliquer la disparition dans nos régions et le relais actuel de l'autre côté de la Méditerranée ? Evolution dans le temps, migration dans l'espace ? Sera-t-il possible de répondre un jour à ces interrogations ?
Sa première étude sera l'inventaire des plantes du lac d'Aix à "l'époque de la formation des gypses" et il tentera de reconstituer le paysage correspondant.
Dans des calcaires tendres, des marnes comparables à des mille-feuilles, se trouvent de nombreuses empreintes, ce qui suppose une sédimentation tranquille où les débris sont enfouis dans une vase très fine : feuilles, rameaux, pommes de pin, fruits plats avec des graines, traces de corolle. C'est la nervation des feuilles qui sera l'élément fondamental pour établir des parentés avec la végétation actuelle.
Il y a des plantes aquatiques : nénuphars, potamots, joncs, roseaux, frêles graminées. Au bord du lac, il y a beaucoup de conifères mais aussi des formes devenues exotiques : palmier-éventail, dragonniers, bananiers, camphriers, acacias.
Des débris plus rares appartiennent à une flore plus froide, que l'auteur suppose transportée des reliefs environnants : ormes, érables, saules, peupliers. Il rapproche l'ensemble de la végétation actuelle des îles Canaries.
A partir de 1862 et jusq'en 1874, il donne des articles aux Annales des Sciences naturelles, qui, réunis, s'intituleront : "Etude sur la végétation du S-E de la France à l'époque tertiaire". En 1888 s'y ajouteront les "Dernières adjonctions à la flore fossile d'Aix".
En tout 459 espèces décrites, plus de quarante incertaines (nouvelles ou à rattacher aux précédentes).
Il étudie d'autres dépôts : Saint-Zacharie (Var), Bois d'Asson (près de Manosque), de niveaux voisins. Il a connaissance des travaux d'Oswald Heer "Le Monde primitif de la Suisse" (1872) sur la flore d'Oeningen, d'âge miocène. Bientôt il examinera les tufs pliocènes de Meximieux (1876) et, pour le début de l'ère tertiaire, il décrit la flore des travertins de Sézanne (1868) et la végétation des marnes de Gelinden (1873).
Il a ainsi conscience de l'enchaînement par lequel on peut relier des espèces. Sa correspondance avec Darwin commence et dans sa deuxième réponse (1874) celui-ci apprécie "son témoignage sur la manière extrêmement lente et graduelle par laquelle les formes spécifiques se modifient". La lettre s'achève avec cette phrase : "J'espère que vous pourrez convaincre bientôt nombre de vos compatriotes de croire à l'évolution et peut-être alors mon nom cessera-t-il d'être un objet de mépris".
Au moment où flotte peut-être encore dans certains esprits des idées de Révolutions du Globe, l'examen des flores successives élimine toute idée de cataclysme effaçant les espèces, suivi d'une création nouvelle qui serait l'exact prolongement de ce qui vient de s'éteindre. Darwin est très attentif à ces résultats et souhaite (1878) "connaître les conclusions auxquelles vous êtes parvenu touchant les plantes tertiaires les plus récentes, car la gradation insensible de telles formes me paraît un fait d'une suprême importance pour le principe de l'évolution".
A cause de l'importance de cette flore de l'ère tertiaire, pour laquelle de nouvelles découvertes sont prévisibles, Brongniart ne reprend pas la rédaction de son "Histoire des végétaux fossiles", l'urgence d'autres travaux l'ayant interrompue à la fin de l'ère secondaire.
Saporta ne reste pas un spécialiste de l'ère tertiaire. Il a donné une description détaillée de toutes les espèces du Jurassique recueillies en France (Plantes jurassiques, 1872-1891) : il y a des Fougères et surtout des Cycadées et des Conifères constituant des forêts très monotones.
Il voudrait trouver des Proangiospermes et il imagine ce que pourraient être ces végétaux antérieurs à la division entre Mono- et Dicotylédones : feuilles embrassant les tiges, organes floraux à éléments libres et multiples. Il pense que le groupe demeure obscur, dominé par les Gymnospermes et qu'il n'a pu laisser que peu de vestiges.
Il décrit Williamsonia, allant de l'Infralias à l'Oxfordien, dont les magnolias pourraient être les descendants.
On lui confiera, après le décès d'Oswald Heer, l'examen des végétaux découverts au Portugal, provenant du Jurassique et du Crétacé inférieur (Flore fossile du Portugal", 1894). On voit commencer à l'Albien des genres actuels, saules, aralias, magnolias, lauriers. Et cette flore est tout à fait comparable à celle du Potomac.
Il faut noter aussi une publication relative à l'ère primaire : "Mémoire sur les organismes problématiques des anciennes mers" (1885) où Saporta croit reconnaître des algues primitives qui ne devaient être que des pistes d'animaux.
On peut reprendre ici l'excellente formule d'Yvette Conry (Correspondance de Charles Darwin - Gaston de Saporta, 1971) par laquelle celui-ci se joint aux naturalistes et aux philosophes "intellectuellement séduits par Darwin, scientifiquement convaincus par le transformisme, mais affectivement angoissés par le darwinisme".
Il refuse l'aventure aveugle, ne se développant que par la concurrence acharnée et la survivance du plus apte. A la lumière de ses convictions religieuses, dans la montée progressive vers la complexité, il voit au contraire le résultat d'un plan se développant sur des myriades de siècles.
Les citations suivantes sont empruntées à son discours de réception à l'Académie de Marseille en 1872, et reprises dans "Le Monde des plantes avant l'apparition de l'homme" (1879).
"Partir de l'algue et du mollusque inférieur pour aboutir à l'homme et à l'homme intelligent, moral et religieux, n'est-ce-pas constater dans l'oeuvre de la Création le plus magnifique et le plus incontestable enchaînement de progrès ?"
"Quel spectacle que l'exécution de ce plan qui se poursuit inexorablement, comme un drame éternel marchant d'acte en acte, de scène en scène pour aboutir à un inévitable dénouement, celui où nous devenons acteurs nous-mêmes, en pleine possession de nos destinées et conscients du rôle qui nous est dévolu".
"Toute cela paraît grand, simple, facile à exposer, et cependant rien n'a été plus complexe, plus entremêlé de détours et d'irrégularités. Il faut effectivement distinguer le résultat suprême et dernier des accidents partiels, le but poursuivi de l'ensemble des voies accessoires qui ont contribué à la réalisation de ce but ; autant le point d'arrivée est certain et visible, autant les chemins sont difficiles à reconnaître".
On commence à avoir une idée assez précise des flores et des faunes et il tente de discerner les étapes de ce plan, préoccupé de "déterminer par quelle voie, par quels procédés s'est accomplie l'évolution successive des animaux et des plantes terrestres, et la raison d'être des phases de cette immense évolution" (Lettre à Darwin du 16 décembre 1877).
Il observe l'existence d'insectes primitifs broyeurs, puis, avec l'arrivée des plantes à fleurs, l'apparition des "sécrétions gommeuses, huileuses, amylacées, de sucs mielleux et sucrés, la présence de bourgeons tendres. Le développement des Insectes suceurs a dû être solidaire de celui des plantes".
Ayant lu la publication de Darwin "Des effets de la fécondation croisée et de la fécondation directe dans le monde végétal" (1876), il lui écrit : "On conçoit très bien que les Angiospermes, dont les combinaisons florales et les croisements d'individus dépendent de l'action fécondante des Insectes n'aient pu se multiplier que sous l'influence impulsive de ceux-ci et que ces derniers de leur côté, n'aient pu devenir actifs et diversifiés, et s'attacher à tel type déterminé, qu'en raison même de l'apparition des végétaux qui favorisaient leur existence et en provoquaient l'extension".
A la diversité des dispositifs floraux répond donc la diversité des insectes : "Les insectes et les plantes ont été à la fois cause et effet".
Darwin est enchanté : "Votre idée que les plantes dicotylédones n'ont pas manifesté leur vigueur tant que les insectes suceurs ne se sont pas développés me paraît magnifique. Je suis surpris qu'elle ne me soit pas venue à l'esprit, mais il en est toujours ainsi lorsqu'on entend pour la première fois une explication nouvelle et simple. C'est la vieille histoire de l'oeuf de C. Colomb" (Lettre du 24 décembre 1877).
Cependant la vision de Saporta n'est sans doute pas tout à fait la même que celle de Darwin. On trouve en effet plus tard dans L'évolution du monde végétal (1885) à propos de cette situation : "La structure florale a donc varié dans un but déterminé et les insectes ont concouru inconscienmment à ce que ce but fût atteint plus sûrement".
On en revient au plan, où le règne végétal a un rôle pilote. Il l'écrit dans l'introduction de son ouvrage Plantes jurassiques : il "est l'aiguille régulatrice marquant l'heure avant laquelle les autres organismes ne sauraient accomplir les phases de leur évolution".
Dans cette montée vers la complexité, les Insectes ne seraient-ils que des auxiliaires, n'ayant pas eux-mêmes totalement réussi leur propre évolution ? "La respiration trachéenne et la circulation imparfaite ont dû opposer un obstacle insurmontable au développement de la classe au-delà d'une certaine limite de perfectionnement. On peut dire qu'elle s'est épuisée en une multitude de combinaisons secondaires, sans jamais rencontrer un passage vers une organisation supérieure" ("Le Monde des plantes avant l'apparition de l'homme", 1879, chap. 1).
Reprenons les étapes du plan et le rôle pilote du règne végétal, que paraît illustrer le développement des mammifères ; mais Darwin ne suivra pas Saporta dans ce deuxième cas.
Celui-ci souligne d'abord que la végétation houillère n'aurait pu offrir aux grands animaux qu'un abri et non des ressources : "Qu'auraient fait nos ruminants, nos pachydermes et même nos rongeurs aux prises avec une nature semblable ?" Il en sera de même au Jurassique "avec des végétaux guère susceptibles de nourrir des herbivores". "L'enfance prolongée des mammifères est due à cette pénurie de substances végétales qui ne cesse qu'avec le développement des plantes à fleurs et à fruits apparents" (Discours de Marseille, 1872). Ils n'ont pu "inaugurer leur marche ascensionnelle que lorsque celle du règne végétal a été accomplie" (Lettre à Darwin, 1877).
"Les deux règnes ont marché parallèlement et solidairement, mais pas simultanément. Le règne animal a été obligé d'attendre que l'autre fût complété de manière à lui fournir les ressources nécessaires pour qu'il accomplît sa propre révolution. Lorsque le règne végétal eut acquis toutes les formes qu'il est susceptible de comprendre, l'autre règne, reprenant sa marche, l'a poursuivie jusqu'au moment où tous les deux, également forts, riches et beaux, n'ont rien eu à s'envier l'un à l'autre". Il n'y a donc pendant l'ère secondaire que des mammifères discrets et "les Reptiles les remplacent ; ils se mangent entre-eux ou vivent d'autres animaux qu'ils recherchent surtout en suivant le bord des plages" (1872).
Darwin est réticent : "Sur la question du grand développement des mammifères pendant les plus récentes périodes géologiques, développement qui résulte de celui des dicotylédones, il faudrait prouver que des animaux comme les daims, les vaches, les chevaux n'auraient pu prospérer s'ils s'étaient exclusivement nourris de graminées et autres monocotylédones anémophiles ; or il me paraît qu'il n'y a aucune preuve sur ce point" (Lettre du 24 décembre 1877).
En 1878, la découverte de quarante squelettes d'Iguanodon en Belgique ravive l'attention sur les reptiles et l'année suivante dans "Le Monde des Plantes", Saporta modifie un peu sa vision : "l'absence d'herbages, de parties tendres et succulentes chez les végétaux s'est longtemps opposée à la multiplication des mammifères herbivores, et à celles des carnassiers qui vivent aux dépens des premiers. Il existait bien dans les temps secondaires quelques quadrupèdes mangeurs de végétaux, mais ce rôle était dévolu à d'énormes reptiles aux puissantes mâchoires, sortes de pachydermes à sang froid".
Quelques quadrupèdes ! Peut-être n'a-t-on pas encore mesuré l'importance de ces reptiles, dont la prépondérance est un obstacle au développement des mammifères. Dans le plan de Saporta, la réussite n'est promise qu'aux animaux à sang chaud, les autres ne représentant que des voies accessoires, imparfaites et sans avenir.
Il n'ignore pas la concurrence, mais elle n'intervient que dans un sens : il constate la supériorité momentanée des Brachiopodes, mais qui disparaîtra à l'arrivée des Mollusques. "Les trilobites n'eurent longtemps à redouter aucune concurrence ; ils purent donc conserver l'empire tant qu'aucun être plus actif, plus fort et plus intelligent ne vint le leur disputer" (Le Monde des Plantes, chap.2).
Il ne semble pas concevoir qu'un groupe puisse freiner le développement d'un autre, pourtant mieux équipé, ici aussi plus actif et plus intelligent. Mais alors, en présence des Dicotylédones, pourquoi l'essor des Mammifères ne commence-t-il pas au Crétacé supérieur ?
L'étude du lac oligocène l'a conduit à découvrir une flore de région plus chaude avec des espèces comparables aux formes actuelles d'Australie, du continent africain ou des îles Canaries. Mais en se rapprochant de l'époque actuelle, on constate que certaines espèces ne se retrouvent plus qu'au delà de la Méditerranée, tandis qu'une végétation venue du nord s'installe.
La terre se refroidit-elle ? Le feu central aurait-il entretenu une température tropicale à la surface du globe puis un jour commencé un déclin graduel ? Pourtant il semble que la température en surface ne dépende que du soleil.
Autre énigme, des voyageurs ont trouvé au nord du Canada, au Spitzberg, et au delà du cercle polaire, des traces de conifères, de bouleaux, de noisetiers, ayant vécu là au Miocène, et qui ont été identifiées par Heer. Comment expliquer la présence de ces végétaux, même avec une température plus élevée, dans les conditions géographiques actuelles, c'est-à-dire soumis à une alternance de 6 mois de jour et 6 mois de nuit ? Y aurait-il eu un changement de l'axe de la Terre, moins incliné alors sur l'écliptique.
Ce problème des climats prend une place très importante dans les réflexions de Saporta, l'abaissement progressif de la température à l'ère tertiaire semblant se prolonger avec les glaciations quaternaires. De nombreux articles témoignent de cette préoccupation :
1867 : Sur la température des temps géologiques (Ann. des Sc. phys. et nat).
1868 : Sur la flore fossile des régions arctiques (Bull. Soc. géol. Fr.).
1870 : Les anciens climats (Revue des Deux Mondes).
1874 : Sur le climat présumé de l'époque quaternaire de l'Europe centrale d'après des indices tirés de l'observation des plantes (Congrès international d'anthropologie et d'archéologie préhistorique, Stockholm).
1877 : Sur le climat des environs de Paris à l'époque du Diluvium gris, à propos de la découverte du Laurier dans les tufs quaternaires de La Celle (Ass. fr. pour l'Avancement des Sciences).
1878 : Les anciens climats de l'Europe et le développement de la végétation (Conférence à l'Ass. fr. pour l'Avancement des Sciences).
1881 : Les temps quaternaires : deux communications à la Revue des Deux Mondes :
1889 : Les théories cosmogoniques et la période glaciaire. Revue des Deux Mondes.
Curieusement, le lac oligocène s'inscrit dans le paysage actuel où l'on reconnaît la montagne Sainte-Victoire et les petites corniches calcaires qui sont à son pied sur le versant sud.
Le marquis Gaston de Saporta a consacré sa vie à une science naissante, la paléobotanique ; c'est un autodidacte mais son savoir, ses qualités d'observation, ses déterminations, les dessins qu'il exécute à partir des empreintes découvertes vont très vite le faire connaître dans la communauté scientifique et il deviendra membre de nombreuses sociétés savantes qui ont sollicité sa participation.
Il est libre de son temps, sans le souci de gravir les échelons d'une carrière, sans susceptibilités à ménager, sans enseignement à donner. C'est un homme affable, toujours disponible, ayant le souci de chercher et de découvrir la vérité. Il est prêt à accepter les arguments de ses adversaires s'ils s'avèrent irréfutables ; il est ulcéré quand il se heurte à l'entêtement de ceux qui ne se donnent pas la peine d'examiner avec soin les documents qui les dérangent.
En 1875 on l'invite à poser sa candidature à l'Académie des sciences comme correspondant. Il pense que la seule énumération de ses travaux lui permettra d'obtenir ce titre, mais il apprend qu'il sera mis en compétition avec d'autres — la seule fois de sa vie — et qu'il doit préparer cette élection en allant rendre visite aux académiciens. "Il faut pour ainsi dire pointer les voix, je vais faire un drôle de métier" (Lettre à son collaborateur et ami Marion, 27/8/1875).
Il est élu en 1876. En 1894 on lui propose de devenir membre titulaire mais il est trop tard, sa santé ne lui permet pas d'envisager d'aller s'installer à Paris. Il mourra trois mois plus tard.
Ainsi, Saporta a participé grandement aux progrès de la géologie au XIXème siècle ; ses études de paléobotanique ont apporté la démonstration d'une continuité et, jointes à d'autres, permettent un regard nouveau sur l'ensemble des êtres actuels, aboutissement d'un arbre généalogique développé sur des centaines de millions d'années. "Soyons satisfaits d'avoir tenté d'ouvrir la voie, d'avoir jeté vers le but qui se cache à l'horizon des regards inquiets et d'avoir fait appel en vue de l'avenir à cette curiosité insatiable de l'esprit humain qui saura bien un jour pénétrer assez loin pour atteindre l'inconnu et percer les derniers voiles qui nous dérobent le "comment" de la création" (Saporta, "Origine paléontologique des plantes cultivées", 1886).
Dans la notice nécrologique qu'il a rédigée pour la Revue des Deux Mondes, Albert Gaudry rappelle leur rencontre il y a plus de trente ans : "Depuis ce temps j'ai toujours marché de concert avec le savant paléontologiste de la Provence ; à distance nous nous communiquions nos idées et maintenant qu'il vient de mourir je déclare que je n'ai pas rencontré de naturaliste auquel j'ai trouvé plus d'ingéniosité et de profondeur... Il était si naturellement grand seigneur qu'il n'avait nul besoin de tâcher de le paraître".
Note - Le lecteur consultera avec profit la notice de René Zeiller (1896) : "Le marquis G. de Saporta, sa vie et ses travaux", Bull. Soc. géol. France, (3), 24: 197-232, dans laquelle il trouvera toutes les références des travaux cités dans le présent article.