COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 26 novembre 1997)

Sous la signature de Pierre-Louis Maubeuge vient de paraître un livre qui retrace les innombrables efforts, parfois inconsidérés, consacrés dans notre pays à la recherche du pétrole. Livre à vocation historique mais aussi ouvrage pratiquement inclassable car l'auteur ne se contente pas de recenser et de résumer les nombreuses tentatives de recherche pétrolière dont il a eu personnellement connaissance. Etant lui-même au nombre de ceux qu'il nomme, non sans emphase, les "admirables fous de l'or noir", il prend parti et s'enthousiasme, parfois de façon totalement stupéfiante, pour des aventuriers dont les tentatives étaient par avance irrémédiablement vouées à l'échec, telles celles de cette "admirable Mademoiselle Rolland" qui sans aucune connaissance géologique, mais uniquement inspirée par des suintements d'hydrocarbures qui s'étaient manifestés à plusieurs reprises aux environs de Guémené-Penfao (Loire-Atlantique), s'agite, convainc les autorités et obtient la délivrance d'un permis de recherche de pétrole et de gaz, avant de devoir finalement abandonner ce projet que l'on peut qualifier d'insensé dans une région dont le sous-sol est constitué de... Paléozoïque inférieur épimétamorphique !

D'autres recherches, tout aussi infructueuses, avaient cependant bénéficié d'une expertise géologique dont on peut parfois se demander si elle fut réalisée avec toute la compétence requise. Tel fut notamment le cas des prospections entreprises en 1948 aux environs de Parthenay (Deux-Sèvres). L'auteur soupçonne en effet que les indices ayant motivé ces investigations aient pu résulter d'une pollution locale ancienne.

Un échec fut également enregistré lors du sondage de Ferrières-en-Bray (Seine-Maritime), foré de 1923 à 1927. Cependant, dans ce cas, le sondage avait été implanté sur une structure anticlinale bien connue qui aurait pu fonctionner comme un piège à hydrocarbures.

Poursuivant son tour de France, l'auteur s'appesantit longuement sur Pechelbronn (Bas-Rhin) qui, jusqu'à la découverte en 1954 du gisement de Parentis (Landes) faisait figure, dans la mémoire collective nationale, d'eldorado de l'or noir (plus de trois millions de tonnes de pétrole en furent extraits jusqu'en 1964). Il évoque ensuite plus brièvement l'asphalte de Seyssel (Ain) exploité depuis la fin du 18e siècle, le pétrole de Briod, aux portes de Lons-le-Saunier, avant de s'enthousiasmer pour les recherches opiniâtres de Cyrille Vachon-France, qualifié de "pionnier malchanceux", qui s'acharna pendant plus de vingt ans à rechercher du pétrole aux environs de Gréoux-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence), hélas sans succès en dépit de la mise en évidence d'indices encourageants.

Plus satisfaisante avait été la prospection réalisée à Gabian (Hérault) entre 1923 et 1930 sous la direction de Louis Barrabé. Toutefois, la production totale n'y excéda pas 24 000 tonnes en un quart de siècle (la cargaison d'un petit tanker !).

Dans les Pyrénées, l'auteur évoque le gisement de gaz de Saint-Marcet (Haute-Garonne), foré en 1939, et celui de Lacq (pétrole et gaz découverts respectivement en 1949 et 1951) ; il ne se prive pas de rappeler à ce sujet qu'en 1928 et 1929, Charles Jacob, Jean Jung et Pierre Viennot avaient estimé dans un rapport que l'Aquitaine n'a aucun intérêt pétrolier.

Comme on peut en juger, l'auteur a réuni une abondante documentation dont on peut regretter qu'il n'indique pas clairement les sources, comme doit le faire tout historien. Toutefois, si ce livre traite essentiellement de l'histoire de la prospection pétrolière en France, il n'est pas à proprement parler l'oeuvre d'un historien mais celle d'un homme d'action passionné, engagé matériellement dans une entreprise risquée et mû par une idée fixe : découvrir du pétrole à tout prix. C'est pourquoi il ne peut se retenir de récriminer, d'exprimer vigoureusement son impatience, ses frustrations et ses exaspérations, face aux pesanteurs et aux lenteurs administratives, aux lois et règlements perçus comme des obstacles à la liberté d'entreprendre, au comportement timoré des décideurs économiques, à l'attitude mandarinale de tel ou tel universitaire dont la réputation, et donc l'influence, excédait souvent la compétence réelle.

On regrettera par ailleurs une rédaction au fil de la plume, dans un style relâché qui peut susciter chez le lecteur l'envie de réécrire de nombreux passages. Enfin, de trop nombreuses coquilles typographiques émaillent le texte.

Rappelons néanmoins qu'en 1991, Pierre-Louis Maubeuge avait déjà publié un autre ouvrage dans lequel il racontait, sous le titre L'Aventure du pétrole lorrain, ses souvenirs de découvreur du pétrole de Forcelles, au sud de Nancy.

On conseillera enfin la lecture d'un ouvrage collectif de forme plus académique, publié en 1994 sous la direction de Jean Prouvost.