COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 17 décembre 1998)
L'ouvrage, publié dans la Variorum Collected Studies Series, où il porte le n° CS628, est un recueil d'articles de notre ami David Oldroyd, dévoué Secrétaire général de l'INHIGEO et membre étranger de notre comité. Ceux qui connaissent l'auteur savent que sous sa grande modestie, il cache une oeuvre riche et variée. Plusieurs livres d'abord, notamment The Arch of Knowledge (1986), très belle introduction à l'histoire de la philosophie et de la méthodologie des sciences, The Highlands Controversy (1990), et récemment, Thinking About the Earth (1996), une histoire des idées en géologie. Mais aussi de très nombreux articles, dont une sélection, de 1972 à 1984, donc antérieure à ces ouvrages, est opportunément réunie dans le présent ouvrage.
Dans sa préface, il explique en toute simplicité comment il est devenu historien des sciences. Lors de ses études à Cambridge il s'était intéressé simultanément aux sciences naturelles et à la musique de chambre, situation inconfortable le mettant à cheval sur les fameuses « deux cultures » de C. P. Snow. C'est après qu'il est devenu professeur de chimie qu'il découvre, à l'occasion de conférences, l'intérêt de la dimension historique de la science. Il fait alors le projet de se lancer dans cette étude quand il saisit l'occasion d'aller enseigner en Nouvelle-Zélande. La suite de sa carrière l'amène en Australie où il vient de prendre sa retraite à l'Université de Nouvelle-Galles du Sud.
Les articles réunis dans le présent livre sont classés en quatre thèmes. Le premier, sur un texte « géologique » de l'Antiquité, contient un seul article, rédigé en 1979 avec P. B. Paisley, est consacré au fameux poème Aetna.
Second thème : idées anciennes sur les minéraux et l'analyse minérale. Dix articles, classés dans l'ordre chronologique des sujets y figurent. Sans pouvoir les détailler tous, disons qu'on part des influences néo-platonicienne et stoïcienne sur la minéralogie aux XVIe et XVIIe siècles, pour arriver à Edward Daniel Clarke (1769-1822) et son rôle dans l'histoire du chalumeau, en passant par la chimie de Stahl et les thèmes phlogistiques en minéralogie, Cronstedt, la minéralogie et la révolution chimique.
Ce thème correspond en fait au sujet de son PhD, soutenu en 1974, From Paracelsus to Haüy : the development of mineralogy in relation to chemistry. Il le présente avec humour dans sa préface en disant qu'il voulait initialement étudier l'influence de la révolution chimique sur la minéralogie, et qu'il avait dû, pour y parvenir remonter au phlogistique, puis à la Renaissance, enfin aux néo-platoniciens et stoïciens. Ce qu'il nomme joliment le syndrome de Leibniz, lequel avait dû, pour écrire l'histoire de la famille de Hanovre... commencer par une histoire de la terre, sa célèbre Protogée.
Le troisième thème, qui contient des articles publiés entre 1972 et 1984, se rapporte à la Terre, méthode et histoire. S'y trouvent les articles les mieux connus (du moins de moi). Son étude sur Robert Hooke qui présente la méthodologie de l'auteur des Discourses of Earthquakes, méthodologie utilisant le modus iollens des scolastiques si cher à Karl Popper.
Puis son travail, avec W. R. Albury, sur l'application des Mots et les choses, de Michel Foucault, aux sciences de la Terre, de la minéralogie de la Renaissance à la géologie historique. On voit, dans cet article, l'influence des auteurs français sur David. C'est, dit-il dans sa préface, Randall Albury, qui connaissait Condillac, Lavoisier, Bichat, Vie d'Azyr et Hauy, qui l'orienta vers ce sujet. J'ai retrouvé récemment les effets de cette influence en lisant le preprint de l'exposé qu'il a fait à Liège en juillet 1997, au Congrès d'histoire des sciences, sur des Non-Written sources in the Study of the History of Geology (et qui doit paraître bientôt dans Annals of Science), où il évoquait la « phénoménotechnique » bachelardienne (qui connaît, même en France, ce concept que, pour ma part, je crois important ?).
Ensuite, son gros article en deux parties sur l'historicisme et l'essor de la géologie historique, fondamental à mes yeux. Ce papier paru dans History of Science en 1979 fut le point de départ de la correspondance qui n'a jamais cessé, depuis, entre nous. Ce qu'il nomme historicisme : « the view that the history of anything is a sufficient expianation of it», correspondant à ce que j'appelle la contingence historique. Il dit aujourd'hui, notamment après lecture du dernier livre de Rhoda Rappaport, When Geologists were Historians : 1665-1750 (1997), qu'il ne le réécrirait pas de la même manière.
Suit une étude sur Buckland et la communauté géologique anglaise au début du XIXe siècle. Il s'agit en fait d'une double recension, de N. A. Rupke, The Great chain of history, et de M. Rudwick, Cognitive styles in geology. Occasion pour David de prendre position sur le « programme fort » de l'école d'Edimbourg en sociologie des sciences.
Et l'ouvrage se clôt par son travail sur Sir Archibald Geikie (1835-1924) qui pose le problème de la Whig Historiography of Science, c'est-à-dire de la tendance des géologues à décrire l'histoire de leur science comme une accumulation continue des connaissances, à la façon dont le parti Whig voyait le progrès de la société anglaise. Là encore, la préface nous avertit qu'il fut whiggiste dans ses premiers travaux, puisqu'il ignorait tout de l'épistémologie : il se rappelle qu'il ne connaissait pas même le nom de Kuhn quand il partit pour Sydney.
Pour ceux qui ont lu certains de ces articles, il est utile de les posséder sous la forme d'un seul volume, où la pagination est celle de la publication originale, ce qui permet de les citer dans leur version primitive. Pour ceux qui ne les connaissent pas, c'est une occasion de pénétrer dans une ouvre qui allie à sa bonne connaissance de la géologie un intérêt rare pour la philosophie... et notamment la philosophie française.