COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 4 mars 1987)
Un tel texte ne peut manquer de faire vibrer de sympathie un géologue qui a jadis consacré des années à explorer un terrain très accidenté dans les Alpes franco-italiennes et à y rechercher inlassablement des restes de fossiles. Quel était donc ce prédécesseur enthousiaste ? Je l'ai découvert au travers d'un certain HOLLMANN, qui en 1753 citait le début de ce passage.
Van Gorp, ayant étudié à Louvain et beaucoup voyagé en Italie, France, Espagne, etc., fut un temps le médecin des soeurs de Charles Quint, mais s'est surtout occupé de Belles-lettres, versé dans les langues latine, grecque, hébraique, teutonique, etc. C'était un catholique zélé, révérant les Ecritures, mais passionné de démontrer l'accord entre l'histoire profane et l'Histoire Sainte. Il s'abstient de toute exégèse biblique trop directe, et notamment ne cherche pas à interpréter le Déluge, qui est absent de sa géologie.
Goropius ne s'est pas contenté de rechercher avec ardeur des coquilles dans les roches de cimes des Alpes du Trentin. Reprenons la citation de son texte (p.237) :
"Chez nos voisins du Limbourg, du pays de Liège, du Chondroz, du pays de Namur, du Hainaut, de l'Artois, du Tournaisis, et bien d'autres d'où l'on extrait nos marbres ou autres genres de pierres, notables sont la variété et l'abondance des tests. J'ai moi-même vu dans un marbre bleu sombre des plus solides, un Peigne dont le siège [moule externe] était si artistement dessiné, que l'art humain ne pourrait rien faire de semblable. J'ai vu dans du silex excessivement dur, apporté de Réthune pour en revêtir nos voies, une quantité telle de petits coquillages aux valves fermées entières, qu'on pourrait le juger avoir été fabriqué, avec grand soin et art, de leur assemblage par quelque ciment. La campagne suburbaine de Paris, exubérante de riches moissons en surface, est en large partie creuse en-dessous, avec accès des véhicules : j'y ai trouvé beaucoup de tests de coquilles turbinées marines, contournés selon une disposition ordonnée d'une grande délicatesse et remarquables par leurs tubercules, parfaits à tous points de vue, rien ne leur manquant en somme en perfection, comparés aux piscicules vivants".
Ainsi donc, Goropius a lui-même (il y insiste) observé les fossiles des calcaires marmoréens du massif ardennais (en gros, dinantiens), ainsi que les Gastéropodes turriculés (Potamides, etc.) des carrières de Calcaire grossier parisien. A la différence d'Agricola, de Cardano, de Gesner (qui décrivent des fossiles de collection, récoltés surtout par Valerius Cordus), il étudie les coquilles fossiles sur le terrain, dans leur gisement.
Il s'est aussi intéressé aux pièces de collection : "En Anglia, j'ai vu une pierre, extraite de sommets montagneux, qui reproduisait (l'image) d'une Perche comme d'après le vivant, avec une perfection où ne manquait pas le plus petit trait. Et à Venise, un bon nombre (de tels Poissons) m'ont été montrés par Andréas Lauredanus, observateur et conservateur très diligent de toutes les antiquités et des miracles de la nature.
Tout ce qui précède aboutit à une conclusion qui n'est pas celle que nous attendions : "La mer aurait donc jadis recouvert tous ces lieux ? - Il faudrait donc alors tenir pour probante l'argumentation qui se base sur les coquilles marines pour décider quelles étaient les limites de l'empire de Neptune". Ces deux contemporains, observateurs perspicaces du fait des fossiles, que nous avons quelque droit de mettre au rang des pionniers de la Paléontologie, à savoir Bernard Palissy et ce nouveau venu : Goropius - reculent tous deux devant l'idée que les mers aient pu s'étendre sur les terres actuellement émergées. Palissy a recours à de curieux réceptacles d'eaux salées au sein des terres et des montagnes. Goropius choisit la thèse de la génération in situ. Avant de nous interroger plus avant sur ses motivations, laissons-le continuer à nous faire part de ses observation, cette fois-ci sur le proche sous-sol même de sa patrie anversoise (il s'agit de dépôts meubles très fossilifères d'âge principalement miocène supérieur) :
"En certains points d'Anvers, après, en creusant (des puits), être parvenu à l'eau souterraine, nous trouvons une croûte particulière, de deux pieds et quelque, ou parfois moins épaisse, toute entière formée (...) par l'assemblage de coquillages accumulés, et qui est presque comme une veine de pierre ou de marbre. Nulle part dans la mer ou sur le littoral on ne voit un tel amas de coquilles, et ce ne serait pour nous qu'une vaine rêverie (de croire) qu'il a été accumulé par la mer se retirant peu à peu. Si tel avait été le cas, nous observerions des amas d'une semblable épaisseur gisant encore aujourd'hui sur les rivages de Zélande, de Hollande et de Flandre. Et quoi encore? - que grande est la rareté des Peignes sur nos rivages, au point que de St Jacques on les apporte, de la mer de Galice, comme des prodiges : or, de nos fossés (d'Anvers), on en extrait une quantité infinie, ce que chacun peut voir dans cette sorte de montagne qu'est le vallum [= la levée de terre des remparts]. Et s'il veut récolter de petites coquilles, nul besoin de se mettre en route vers le littoral : dans nos fortifications, il y en a en bien plus grande abondance" (p.239).
Tout cela est finement observé et de ton déjà "moderne" dans la description des faits, ainsi que dans cette confrontation entre les données du sous-sol et celles de la frange littorale actuelle : on en oublie que nous ne sommes qu'en 1569. - II est probable que Goropius n'était pas seul à s'intéresser à cette question, et qu'il argumente ici contre l'explication toute simple fondée sur le retrait graduel de la mer. Il apparaît qu'un débat était en cours, car (p.234) Goropius mentionne expressément "nostri aduersarij" (nos adversaires), qui s'appuyaient sur les thèses d'Aristote et autres auteurs anciens renommés. Dès le départ (p.233), il se suppose interpellé par l'un d'eux :
"Quoi ! dit-il, tu t'enquiers de l'antiquité dans cette région, et tu situes l'Atuaticum (Anvers) des Anciens dans ce qui il y a peu d'années, était le domicile non des hommes, mais des poissons ? Si tu l'ignores, examine le vallum de notre cité, qui se révèle n'être rien d'autre qu'un amas de tests ; et pourtant il se dresse aisément à quarante pieds de haut au-dessus de la plaine, et s'étend au minimum sur soixante de largeur. Si donc une telle quantité de coquilles a là été sortie du sol, comment peut-il se faire que tu nies que la mer y ait été ? Il serait osé de refuser de reconnaître que la mer a jadis existé en un lieu où les coquillages se trouvent en une telle abondance. Et puis enfin, toute cette plaine des Flandres ne peut rien être d'autre, que l'alluvion des grands fleuves, peu à peu apportée depuis des lieux plus élevés".
Nous avons vu la réponse de Goropius : Impossible ! Cette mer ancienne alléguée diffère trop de la mer actuelle, en ce qui concerne tant les dépôts que les faunes de coquilles. Argument imparable à l'intérieur du cadre axiomatique du temps, où les durées géologiques étaient tout naturellement identiques aux quelques milliers d'années des durées tant de l'histoire profane que de l'Histoire Sainte biblique (et cela sans qu'il soit besoin d'une pression de l'Eglise). Mais Goropius dispose, grâce à son capital d'observations personnelles, d'un argument "paléontologique" encore plus frappant que celui des Peignes (= coquilles de Saint-Jacques). Il vient à l'appui de la génération in situ des fossiles (sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin) :
"C'est à la même cause que doivent être attribuées ces dents trouvées dans les fouilles du sol, et qui correspondent trait pour trait aux dents des (squales) Carcharias, si ce n'est qu'elles paraissent avoir pris une coloration sombre, de la terre où elles ont longtemps séjourné. Parmi elles, certaines sont dentelées, d'autres se tendent en pointe en deçà de la dentelure, mais toutes sont très aiguisées. Comme rares sont les gens qui ont vu les dents du Canis Carcharias, il est advenu qu'on les a communément nommées, non dents, mais langues de serpents, malgré l'absence totale de ressemblance. Dents ou langues, on en sort souvent, de ce type, des fossés entourant Anvers : miracle moindre que de ne pas y prendre connaissance du poisson dont il semblerait qu'elles soient la dent ; sans quoi on clamerait que le Carcharias a jadis vécu ici. Puisque ces pierres semblables à des dents sont nommées glossopètres, pour une raison équivalente, nous appellerons buglossus [ = langue de boeuf] une pierre également extraite des fossés de notre ville. Elle est longue d'une coudée et demie, et mesure trois quarts de coudées en sa plus grande largeur. Elle s'allonge peu à peu en forme de langue en pointe obtuse ; sa couleur et sa dureté évoquent le basalte, et son poids le fer ; en sa partie la plus large et épaisse, elle a deux foramens dont l'amplitude est celle des cavités oculaires d'un crâne de cheval ; quant au reste elle ressemble suffisamment à une langue de boeuf pour mériter en cela et vu sa taille énorme d'être appelée buglosse. Je le demande : de quelle (immense) bête marine dirons-nous que provient cet os, qui se serait changé en pierre, si toutes les parties animales y sont en proportion ? Pour moi, assurément, je n'en trouve aucune, et mon opinion est qu'il n'y en a jamais eu, pas plus qu'il n'a existé un animal dont la langue, ou la dent est dite glossopètre. Car, à supposer que quelqu'un postule qu'il s'agit de dents de Carcharias dans ces lieux peu distants de la mer, - dans le cas de la colline dominant Aquisgranum, il se persuadera malaisément qu'il ait existé autant de poissons de cette espèce que ce que l'abondance des glossopètres le ferait conjecturer. Celles-ci ont été engendrées dans la terre, tout comme les autres pierres de genre infini qui n'ont rien de commun avec les animaux vivants" (p.240).
Ce texte appelle des commentaires. En 1558, Conrad Gesner avait prudemment comparé les "glossopètres" aux dents des squales actuels, figures à l'appui, malgré quelques dissimilarités.
Ici encore, c'est une argumentation actualiste qui est mise en oeuvre pour nier l'origine naturelle des fossiles : l'idée de faunes anciennes étrangères à celles du monde d'aujourd'hui était proprement, et pour longtemps, impensable. Goropius a également été frappé par un échantillon de ce qui semble être un Céphalopode fossile : "J'éloigne de même (des animaux vivants) les serpents de pierre d'Irlande, dont j'en ai vu un en Anglia, enroulé en spirale, né dans les roches d'une mine (...). Foin de ceux qui, s'appuyant sur je ne sais quelles fables, sont persuadés qu'il s'agit de serpents vivants qui ont été changés en pierre par des enchantements. Nous avons là en vérité des miracles non des hommes, mais de la nature". -Apparemment, ces "serpents de pierre" des Iles Britanniques étaient très connus (mais pourquoi ce qualificatif "d'Irlande", alors que c'est en Angleterre que pullulent les Ammonites, encore appelées "snake-stones" au XVIIè siècle ?).
Un peu plus loin (p.246), Goropius mentionne explicitement une "corne d'Ammon" (terme issu de Pline et repris par Agricola, qui décrit les Ammonites à "armure" dorée, c'est-à-dire pyriteuse, du gisement de Hildesheim, fouillé par Valerius Cordus) : "Nous avons vu une corne de ce genre, sans nulle armure métallique externe, mais comme couverte par du marbre blanc, et enroulée sur elle-même en spires ne ménageant au centre aucun espace libre. Voilà en vérité un étonnant jeu de la nature, qu'elle a façonné avec un tel art, qu'il est difficile de dire à quelle fin et pour servir à quoi" (p.246). (Les Ammonites et formes apparentées, autres que les Nautiles, ne cesseront de poser un problème durant les deux siècles suivants, du fait qu'on ne leur connaît aucun analogue vivant. On conçoit qu'elles renforcent Goropius dans son rejet de la solution "naturelle" par l'ancien séjour des mers).
Le livre II des Origines... est intitulé Gigantomachia. Contrairement à ce que le titre pourrait faire supposer, il ne s'agit nullement de mythologie, mais d'une étude critique approfondie de la notion d'Homme du passé de taille alléguée phénoménale. En particulier, il s'attaque à la légende du Géant fabuleux d'Anvers, dont on aurait retrouvé les ossements. Goropius déteste apparemment les fables, les mythes, les traditions populaires non fondées sur des bases rationnelles solides. L'histoire elle-même doit être passée au crible. Seule la "sacrosancta narratio" biblique peut être prise à la lettre : or, les géants (tel Goliath) n'y sont pas donnés comme de taille extraordinaire.
Or, parmi les restes du Géant d'Anvers, une dent retient l'attention. Avec la précision d'un médecin, Goropius tout d'abord l'identifie comme étant une molaire. Encore entière, elle devait être longue de cinq doigts. De là (p.175-176) il calcule les dimensions du maxillaire, puis la hauteur de la face (dans l'hypothèse où il s'agirait d'un homme), soit treize paumes et un demi-doigt. En multipliant par neuf, on obtient la hauteur du géant : dix-neuf coudées et demie. Passons sur d'érudites digressions sur les proportions harmonieuses du corps humain, ou Microcosme, bien de leur temps. Elles ramènent la hauteur calculée à dix-sept coudées et demie ce qui est le triple de la taille du Goliath biblique (p.178). C'est absurde et incroyable, estime Goropius. - Un autre calcul, basé sur les poids respectifs de la fameuse dent et d'une molaire humaine, lui fait estimer que si le tout est au tout ce que la partie est à la partie, le poids du géant aurait été cent-vingt fois celui d'un homme normal.
Il se trouve que près de Bruxelles, à Vilvoorden, on avait sorti de terre les squelettes partiels de deux Eléphants, dont l'un avec ses "cornes", ou "dents proéminentes". Apportés à Goropius, ils lui ont fourni la preuve certaine que les ossements d'Anvers étaient également d'un Eléphant. Son inépuisable érudition historique lui fait dire que ces animaux ont probablement été amenés là par l'empereur Gallien. Il donne ensuite des détails sur l'anatomie de l'Eléphant et notamment sa denture. Sa conclusion est formelle : la dent géante d'Anvers est une dent d'Eléphant, un mâle âgé de quelques huit ans. La description d'Aristote confirme ces données.
Cette attribution, dit-il, rencontre de l'opposition.
Louons cette prudence : "nescio" (j'ignore). S'agissant d'animaux terrestres, Goropius ne se sent nullement contraint de nier l'origine naturelle de ces ossements. La génération in situ des fossiles d'allure marine n'est pour lui que la conséquence logique de son refus absolu et catégorique d'envisager un ancien séjour de la mer sur les terres émergées actuelles.
Goropius apporte une passion froide et acharnée dans sa démolition des thèses des auteurs grecs les plus renommés qui se sont faits les avocats d'un tel séjour, au premier rang desquels Aristote. P.305, il est tout-à-fait explicite : ayant traité de "monstrosa" sa permutation incessante de la mer et des terres, il dit que "tout au contraire, à la place de cette inconstance instable et absurde de la nature, nous soutenons hardiment la constance et la fermeté perpétuelle et éternelle de ces deux éléments, que nulle durée des siècles n'ébranlera".
Au début du chapitre (p.233-236), il a exposé impartialement l'essentiel des positions des Anciens. Car c'est aux chefs de file qu'il faut s'en prendre d'emblée.
Le premier est Hérodote : il affirme que l'Egypte est un ancien golfe marin, comblé par les limons noirs du Nil ; c'est ce qu'appuyent les coquilles que l'on trouve jusque dans les montagnes, et les efflorescences salines un peu partout visibles. De plus il tient des prêtres égyptiens que du temps du roi Myris, 900 ans plus tôt, la crue du Nil devait être de huit coudées pour inonder le pays, tandis que maintenant il en faut quinze ou seize.
Aristote précise que l'Egypte se dessèche peu à peu ; tout le pays est une alluvion du Nil. Les habitants ont gagné peu à peu les anciens marais asséchés en perdant par longueur de temps le souvenir des origines. A lire Homère, l'Egypte de son temps, c'était Thèbes, Meraphis n'existant pas encore ou étant insignifiante. - Goropius rappelle les thèses générales des Météorologiques I (qu'il résume fidèlement) sur l'alternance de l'humidité et de la sécheresse correspondant à l'hiver et l'été de la Grande Année, tout devant permuter "dans la durée infinie d'un temps infini" ; le Tanais (= le Don), le Palus Méotide (= mer d'Azov) et le Pont (= mer Noire) iront en s'asséchant.
Platon est cité pour son Atlantide. - Plutarque dans son Osiris est cité à leur appui par les adversaires de Goropius, car il dit que selon le témoignage d'Homère, le Phare était alors à un jour de navigation de l'Egypte, et que toute l'Egypte a été couverte par la mer : d'où les coquilles nombreuses trouvées dans les mines et les montagnes, et les eaux salées et amères dans tous les puits. - Polybe qui craint pour la navigation dans le Pont n'est que le subalterne d'Aristote. - Pour la suite, citons Goropius (p.236). :
"Je n'interrogerai pas les autres écrivains, qui jugent de ces choses, du moment que je vois que les coryphées de toutes connaissances, non les soldats seuls d'avant-garde, mais les chefs d'armée de toutes les disciplines, ont la même opinion, et en fait, s'appuyent sur les mêmes raisons. Il n'est donc pas étonnant que les hommes, nos compatriotes, abusés par ces mêmes arguments que ces auteurs antiques, ne tiennent pour rien de plus certain, que toute cette étendue de plaines, délimitée par la Meuse, l'Escaut, l'Océan et l'Ardenne, ait été à un certain moment le cantonnement des Dauphins, et du reste de l'armée de Phorcus [fils de Neptune], et non des animaux terrestes. Ainsi donc (...), je l'espère, cette assertion apparaîtra comme toute entière nulle, légère comme des flocons, si l'on pèse dans la balance le seul poids des arguments, et non les noms illustres des témoins. Je soutiens pour commencer que les preuves que sous les applaudissements, Hérodote et Plutarque tirent des coquillages, sont entièrement vaines, et plus légères que paille. Car elles obligent à admettre que les plus hautes Alpes ont un temps été cachées sous l'Océan. Admettre cela, c'est combattre l'ancienneté autant de notre région, que de la terre émergée entière" (ici suit le texte cité tout au début).
Arrivé à ce point du débat, nous comprenons mieux la stratégie de Goropius, et le zèle qu'il a manifesté dans sa quête de coquilles contenues au sein même des rochers des plus hauts sommets alpins. Leur seule présence ruine toute explication facile par le va-et-vient de langues marines sur les parties basses des continents, selon les vues d'Hérodote, d'Aristote et leurs continuateurs. Elle ne saurait rendre compte de la présence des fossiles dans l'intérieur des montagnes élevées : problème majeur dont la solution définitive sera longue à venir. Il nous parait tout à l'honneur de notre savant érudit anversois de l'avoir si lucidement explicité à une date aussi précoce que 1569 (on comprend pourquoi dans sa revue historique de 1753, Hollmann tient en estime Goropius, malgré leurs opinions divergentes sur l'origine des fossiles : "vir pereruditus").
Pourquoi Goropius déploie-t-il tant d'énergie à nier l'ancienne extension des mers ? Il peut y avoir une motivation théologique ; plusieurs textes de la Bible affirment que Dieu a donné à la mer des limites intangibles (ainsi Jérémie 5, 22 ; Prov. 8, 29 ; Job 38, 8-11 ; Ps. 104, 9). Palissy les connaît bien et y trouve probablement ses raisons de refuser, si peu logiquement à nos yeux, que les fossiles trouvés au sein des terres soient d'origine proprement marine. Par contre Goropius est muet à ce sujet.
Nous pouvons hasarder une autre explication : si les Anciens disent vrai, l'Egypte avec ses coquilles fossiles a été conquise sur la mer en un temps historiquement très court par les atterrissements du Nil. Mutatis mutandis, on aura beau jeu d'interpréter de même la plaine flamande avec ses sables regorgeant de coquilles à fleur de terre et les puissants cours d'eau qui se jettent dans la mer du Nord. Cela signifie pour Van Gorp que sa patrie n'a pas de passé, et qu'il est vain d'enquêter sur ses origines... Or, tout son effort est tendu vers ce but.
Elle est longue, détaillée, et s'étale sur plus de soixante pages. En voici quelques points saillants :
1) Le sel : l'argument ne vaut rien. Plutarque ne s'est pas enquis d'autres causes possibles de la présence du sel dans les puits. Pour Goropius, le sel est un suc de la terre congelé (Chez Bernard Palissy également, le "sel" joue un rôle considérable dans le dynamisme souterrain, mais non dans la genèse première des organismes fossiles.), formé sur place, notamment par l'ardeur du soleil (d'où sa fréquence dans les lieux arides). On connaît dans les Alpes de grands amas de sel, et des sources salées un peu partout : ici encore, comme pour les coquilles, prétendre qu'il est d'origine marine impliquerait que la mer a tout couvert, thèse inacceptable.
2) Les données sur le temple de l'oasis d'Hammon (rapportées par Strabon d'après Eratosthène et Straton) : les huîtres, coquilles, etc. n'ont pas plus de signification qu'ailleurs. - Les fragments de navires : fort intelligemment, Goropius note que très loin de la mer, un lieu de pèlerinage réputé, tel, de nos jours, le sanctuaire de Guadalupe en Espagne, peut voir affluer des rescapés de naufrages apportant des épaves en ex-voto. - Le sel : voir ci-dessus. - Donc rien n'autorise à invoquer ici une ancienne extension de la mer. Strabon est indigne du nom de Physicien.
3) Le Pharos : ce sont les travaux de César qui ont rattaché cet îlot au continent. La prétendue journée entière de navigation au temps d'Homère entre lui et le littoral du Delta repose sur une mauvaise lecture des textes.
4) Les dires d'Hérodote sur la hauteur nécessaire des crues du Nil : rien de ce que cet auteur rapporte sur l'histoire ancienne de l'Egypte n'est fiable. En son temps ce pays était vieux, on ne savait plus lire les hiéroglyphes, et Hérodote s'est laissé abuser. Tout indique que rien n'a en réalité changé quant aux crues du Nil. Il existe de nos jours sur la rive du Nil, en face des Pyramides, une colonne de pierre où est marqué la hauteur des eaux : - quinze coudées, ce sera d'abondantes récoltes ; plus de seize, c'est l'annonce de dommages ; dix-huit, cela tourne au désastre. Absolument rien n'a donc changé depuis l'époque d'Hérodote (p.250). - Un tel Nilomètre existait déjà autrefois, sous le nom de Neiloskopeion : d'où le titre de Niloscopium que Goropius donne à tout son chapitre (ou livre) III. Apparemment, ce terme et cet objet récapitulent toute la démonstration de la fausseté des thèses grecques sur l'évolution des rivages et les modifications générales de la géographie. Goropius se livre à un calcul : supposons (avec Hérodote) qu'en 900 ans le niveau du sol se soit bien élevé de sept coudées au moins. Depuis son temps, environ 2000 ans se sont écoulés : proportionnellement, le sol aurait donc dû s'élever encore de quinze coudées ; et les crues d'autant, pour exercer leurs bienfaits, donc être aujourd'hui de trente coudées au minimum : ce qui n'est absolument pas le cas, comme on l'a vu plus haut.
5) Les prévisions sur les atterrissements futurs. - On a déjà parlé ci-dessus du cas du Pharos, où il est manifeste que le littoral n'a pas bougé depuis l'Antiquité. De même, en dépit des prédictions d'Aristote ("mon précepteur") et de Polybe, rien n'a changé ni dans le cours du Tanais, ni dans la navigation dans le Palus Méotide et le Pont Euxin. "Je les engage tous deux à dormir sur leurs deux oreilles, bien à l'abri de telles grandes mutations" (p.302-303). Vanité aussi de l'oracle cité par Strabon, selon lequel les apports du Pyrame dans la mer joindront un jour Chypre au continent.
— Indépendamment les uns des autres et de Goropius, plusieurs auteurs ultérieurs constateront à leur tour l'échec des prévisions faites par les Anciens sur le déplacement des rivages (ainsi WOODWARD, 1695 ; Elie BERTRAND, 1766 ; DOLOMIEU, 1793).
On s'est très souvent étonné que nos prédécesseurs aient pu si souvent prétendre expliquer la présence des fossiles dans les roches par une théorie aussi bizarre et absurde à nos yeux que leur genèse minérale, telle quelle, au sein des roches. Au-delà des accusations d'ignorance, de superstition, etc., certains ont pensé que c'était là une position de refuge, pour s'épargner les foudres de l'Eglise au cas où l'on aurait soutenu la thèse toute naturelle d'organismes abandonnés par les mers anciennes au cours de ses allées et venues sur nos terres actuelles. Je montre ailleurs le caractère erroné de cette vue en ce qui concerne le XVIème siècle.
On aura relevé avec quelle honnêteté il déclare que parmi les fossiles qu'il a découverts, ou simplement eu l'occasion de voir, certains sont jusque dans le moindre détail similaires à leurs analogues vivants. Pour Bernard Palissy, cette identité de figure avait pour corollaire l'identité d'origine.
Mais nous avons vu aussi que Goropius est bloqué dans cette voie par sa crispation sur la fixité des terres et des mers, qui est pour lui un préalable absolu. Ayant mis en pièces les arguments contraires exposés par les grands auteurs anciens et ruiné leur autorité, il lui reste toutefois à dénier toute signification à la présence de coquilles et autres dans le sous-sol.
La dissemblance entre les faunes anciennes et celles des mers proches actuelles est à ses yeux un argument de poids, accru par le fait de formes fossiles manifestement sans équivalents modernes.
"(...) Une solution vraie sera fournie. Elle ne pourra pas être donnée par les monuments de l'Histoire, mais doit être recherchée en entier dans les arcanes de la Philosophie (...). La matière sujette à la génération peut recevoir pour ainsi dire également toutes les formes, mais ne peut en susciter aucune par elle-même. Si en effet elle les suscitait, c'est qu'elle les posséderait déjà en elle (...). Il y aurait eu dans la matière une forme, efficace pour produire d'autres formes : ce qui est absurde. D'ailleurs procèdent les formes, et les essences des choses. Non des éléments, non du ciel, dont les formes sont vouées à des actions et mouvements donnés propres, de sorte qu'elles ne peuvent rien accomplir de plus élevé, que ce qu'apporte leur puissance de se mouvoir par eux-mêmes. Nous affirmerons qu'il n'est rien qui puisse donner à autre chose une vie plus excellente que celle qu'elle possède (...). Si le ciel engendrait l'homme, ceci ferait qu'il lui serait donné un surplus d'excellence, par la faculté de penser et de comprendre. Le ciel ne donne pas la forme ; il dispose et rend apte la matière à recevoir des formes (...). Peut-être devons-nous au ciel certaines figures : mais si la vie survient, il nous faut chercher un opifex qui soit plus excellent que le ciel. Nous proclamons l'existence de ce donneur des formes, qui en s'insinuant par tout l'univers, présent partout, donne les formes à la matière déjà préparée, et les lui conserve aussi longtemps que son assemblage et sa composition peuvent le supporter. Qu'il soit seul, ou qu'il ait sous lui de multiples intelligences, il gouverne le monde par son empire et sa puissance entière des formes ; il donne par lui-même à chaque matière ce qui lui est approprié pour engendrer. La matière étant d'abord préparée par le ciel, il dispense les formes, ici aux grenouilles et petits poissons à l'air libre, là aux souris et vers et aux autres êtres vivants engendrés de la fange. Partout donc où se trouve une humeur ou liqueur appropriée à la vie des testacés, des testacés vivants sont engendrés (...). Ces formes, ou figures précises et propres des animaux, je ne les attribue pas au ciel (...) mais au donneur des formes (...). Dans une certaine carrière d'Anvers, on a trouvé à l'intérieur du marbre un crapaud vivant : puisque dans ce lieu il s'est trouvé une liqueur propice au crapaud, qu'est-ce qui interdit que parfois dans la roche il se trouve une liqueur grâce à laquelle des animaux marins soient engendrés, vivants si le lieu et l'humeur le veulent, uniquement corporels si l'humeur n'admet pas la vie ? En effet l'opifex avance jusqu'où la matière le souffre, ne progressant que si le défaut de lieu et de matière ne l'exclut pas. Il n'est donc pas étonnant de trouver des tests dans les sommités montagneuses, dans lesquelles il y a quelque salure pareille à la salure marine. Ainsi en Egypte, région riche non seulement en salinités, mais même en nitre, pourquoi s'étonner que des coquillages soient engendrés ? Pourquoi s'en étonner dans notre région pour ce sable souterrain, qui par le lieu et la nature, répond aux bas-fonds marins ?".
(Ici l'auteur enchaîne sur le sous-sol d'Anvers : par de multiples canaux, ce sable absorbe quelque liqueur marine qui, en se communiquant jusque chez nous, y induit des figures de coquillages, pouvant recevoir la vie, si le lieu se prête à la vie des organismes correspondants. C'est là l'origine des coquilles et notamment des amas lités ci-dessus décrits).
Nous éprouvons quelque peine à pénétrer la pensée de Goropius sur ce problème de la génération. On note d'emblée qu'il ne fait nullement intervenir le Dieu chrétien, créateur tout-puissant, dans ce processus ordinaire, sinon quotidien. En effet, la matière, incapable par elle-même de se donner à elle-même une forme (au sens philosophique du terme), reçoit celle-ci d'un opifex d'essence supérieure. Ce mot est utilisé par Ovide (Métam., I, 79) au sens du dieu créateur, source du monde meilleur. Ici, cet "artisan" est sans doute le dèmiourgos néo-platonicien, ordonnateur du Monde mais inférieur en rang au Créateur proprement dit : l'opifex distribue les Formes, il ne les crée pas. Le ciel astral est encore de rang inférieur, et peut tout au plus susciter certaines figures (notion inférieure à la forme, qui est une totalité) ; et surtout, il prépare la Matière à recevoir de l'opifex la Forme. Mais cette dispensation trouve des limites : "l'opifex avance jusqu'où la matière le souffre". Il convient notamment que le "lieu" (au sens philosophique comprenant les conditions du milieu) s'y prête. Ainsi, la présence d'une salinité favorise l'engendrement de coquillages d'allure marine. Si les circonstances (notamment les "sucs" ambiants) l'autorisent, l'opération génératrice ira jusqu'à la forme totalement achevée, c'est-à-dire l'être vivant. Sinon, elle restera inachevée, et par exemple seuls les tests seront produits, sans l'animal (le "poisson").
Comme tout système idéologique mûr et élaboré, celui de la génération selon Goropius avait réponse à tout, tant que l'on restait sur son terrain. Sa grande souplesse facilitait l'esquive, et les solutions doubles. Alors qu'au Livre II, l'auteur nous avait offert une démonstration convaincante du fait que les prétendus ossements de géants n'étaient que des restes notamment d'Eléphants, au chapitre III, p.242, il affirme avec Théophraste, Pline et Agricola que des os d'animaux tant marins que terrestres sont engendrés dans la terre, où ils se pétrifient, ou non.
Car Goropius accepte aussi des transformations ultérieures dans le sol affectant les tests et autres déjà présents (p.241) : "Certains se lapidifient, d'autres non (...). Parmi les tests de coquillages, l'on en voit encore à l'état de tests, d'autres passés à l'état de pierre. Nous avons vu des crabes tout en roche, dans lesquels la carapace et tout l'intérieur étaient dégénérés en pierre".
Ce dernier passage peut être un souvenir des opinions exprimées par Fracastoro (in SARAINA, 1540) (voir note précédente), de même que le texte détaillé (p.241) sur les gros blocs de pierres du littoral d'Ancône, que l'on brise pour en extraire les délicieux Solens ou Dactyles trouvés bien vivants dans des "nids" clos. L'intelligence dispensatrice des formes les a formés là avec leur gaine, tout vivants dans ce cas. (Ce sont les Cappa longa des Vénitiens).
A supposer que les Origines Antverpianae aient été perdues de vue un demi-siècle plus tard (ce qui n'a sans doute pas été le cas), la reproduction par ALDROVANDI en 1606 des pages pour nous essentielles (voir préc.) les avait réactualisées. Fabio COLONNA, dans sa Dissertation De glossopetris réfute méthodiquement les thèses de Goropius sur la génération spontanée des fossiles, en se limitant aux Glossopètres.
On ne peut ici que rappeler très brièvement l'argumentation de Colonna en faveur de l'origine organique des Glossopètres : 1) Soumises au feu, elles se carbonisent avant de passer en chaux, à la différence des pierres banales. 2) Les cristaux minéraux ont des formes variables, alors que l'effort de la nature était d'accomplir parfaitement la figure de ces dents. 3) Toute la structure externe et interne des Glossopètres est conforme à des dents ayant poussé par la racine. 4) La nature ne fait rien en vain : que signifieraient ces dents sans usage, ainsi que des tests fragmentaires ne pouvant protéger, des os ne soutenant pas un animal ? 5) L'expérience enseigne que toutes les parties d'un homme, d'un boeuf, etc. proviennent de la même excrétion séminale : comment une telle semence pourrait-elle se trouver en terre ? 6) Supposons qu'il y ait eu "végétation spontanée" dans la roche : si le "tuf" encaissant était déjà consolidé lors de la formation des dents, il fallait que ce tuf ait eu la faculté de former préalablement en lui des cavités à l'image des dents ; sinon leur croissance aurait fendu la roche. 7) D'une dent à l'autre, la racine est brisée de façon variable. 8) Leurs formes variées et élégantes correspondent tout-à-fait à celles, également variées, des dents du "Lamia"actuel, dont chaque individu porte plus de 200 à la fois. 9) Si la Nature avait engendré jadis dans le sol de telles formes, elle ne manquerait pas de le faire encore dans notre siècle. 10) Les écrivains profanes, mais aussi l'Ecriture sainte, nous affirment que la mer a jadis couvert les montagnes. 11) Quant aux Cappa longa, leur logement ne porte nullement leur empreinte ; jamais leur croissance n'a fendu la roche encaissante ; jamais on ne trouve seulement une moitié ou un fragment seul, né spontanément.
Comme on le sait, la solide argumentation de Colonna n'a pas suffi à convaincre ceux pour qui la génération spontanée minérale des fossiles était une foi préalable enracinée. En 1667, STENON reprend cette démonstration, en introduisant cette idée nouvelle fondamentale : les roches se sont formées par le dépôt de strates superposées de sédiments qui, encore meubles, ont englobé coquilles, dents et autres restes d'organismes. Complétée par le génial Prodromus en 1669, l'affaire aurait dû être close : ce qui n'a pas été le cas. En 1684, REISKIUS publie un traité De Glossopetris Luneburgensis... où il entend réfuter expressément Colonna et Sténon. En science aussi, il n'y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Fort de son énorme capital de lectures historiques, Goropius s'emploie par ailleurs à mettre en pièces tout ce que les Grecs nous ont légué à l'appui de la théorie de la lente permutation entre mers et terre, et du recul au large des rivages par suite des apports fluviatiles. C'est toute la vision uniformitariste antique en la matière qu'il entend annihiler. Il se considère, ce faisant, comme un novateur authentique et audacieux. Ce serait une grave erreur de décréter a priori qu'avec sa génération spontanée des fossiles, Goropius est en triste recul par rapport à la science antique. Car en fait, il a en fin de compte parfaitement raison de donner tort aux Anciens, à l'intérieur des durées alléguées. A nouveau, sa négation se fonde sur une logique actualiste sans échappatoire. Les prédictions par extrapolation au futur, qualitatives et parfois même quantitatives, ne se sont rullement réalisées durant les quelque deux mille ans écoulés. Sa conclusion formelle est que la délimitation des terres et des mers est fixée une fois pour toutes. (On ne pourra renouer avec la vision antique qu'à la fin du XVIIIème siècle, lorsque l'on aura pris conscience que les durées géologiques sont immensément plus longues que les durées de l'histoire humaine). -Donc, ici encore, la démarche de Goropius mérite le nom de scientifique, même s'il nous semble qu'elle s'enracine dans une volonté préalable de rejeter à tout prix la thèse de l'ancien séjour des mers. Toute science part de postulats.
C'est cet ardent désir qui nous apparaît alors comme ayant motivé son assez étonnante chasse aux coquilles fossiles dans les Alpes. Il précise, fort justement, que les coquilles sont dans les montagnes et non sur les montagnes. D'admettre que ce sont d'anciennes vraies coquilles marines, serait ouvrir un gouffre vertigineux d'interrogations, qui devaient rester sans solution satisfaisante pendant deux siècles et demi. C'était peut-être aussi (il ne nous le dit pas) violer sa fidélité à l'Ecriture, donc à sa conscience. D'où alors, très naturellement, le corollaire de ce refus : ces objets sont dus à une génération spontanée in situ, survenant au sein du terrain, tant meuble que rocheux. Ce terrain était considéré distraitement, comme une sorte de donné immémorial, sur la constitution et l'histoire duquel on n'avait même pas l'idée de se poser des questions.
Les auteurs gréco-romains avaient déjà manifesté une semblable indifférence (que l'on décèlerait aisément chez beaucoup de nos contemporains).
"If an ancient conception fits in with the theoretical conceptions of the time in which it was held and with the scientific method and the then known facts, we should positively appreciate it, even when the theory seeras now completely wrong. For, however incomplete the facts known and however obsolete the opinions held, the method might have been "scientific" : Not all that is scientific is necessarily true, and not all that is wrong is necessarily unscientific. The scientific result may now be known not to be conformable to what then was considered physical reality and it may have been found, not by pure guessing, but by observation and consistent thinking".
Et le grand historien nous presse d'élever notre contact avec les auteurs d'autrefois au-delà de la simple intellectualite, en essayant de laisser leur vie intérieure comme s'infuser en nous : "Not only "learning", but also "wisdom", not only science, but also "con-science" is needed in historiography. This makes the history of geology such a great pleasure to its cultivators : it makes them share the pleasure the geologists of the past had in their discoveries. We went out to discover facts and ideas and we end by meeting people of our own kind. Is there a better means of "humanizing" geological science ?".
Je conclus, en rêvant que redevenu jeune, je fixe des crampons à mes souliers et me hisse en compagnie du jeune Van Gorp, à la recherche passionnée de ces étranges coquilles pétrifiées, contenues ici ou là dans la roche des cimes magnifiques des.Alpes tridentines. Tant de beautés dans la Nature, et tant de mystères aussi ! Merci, Ami Goropius, qu'il m'ait été donné la joie de faire ta connaissance ! Je te serre la main par-delà les siècles. Vale !