COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 17 décembre 1998)
Rhoda Rappaport, professeur d'histoire à Vassar College, est une célèbre historienne de la géologie, dont les lecteurs de la Revue d'Histoire des Sciences ont pu lire en 1991 un article sur Fontenelle et l'histoire de la Terre. Elle s'était antérieurement fait connaître par ses travaux sur Lavoisier. C'est dire si elle connaît notre pays, où elle vient régulièrement travailler.
Ce qu'elle vise dans le présent ouvrage, c'est l'époque, à cheval sur les XVIIe et XVIIIe siècle, où les géologues mesurent l'histoire du globe dans les mêmes unités de temps que les historiens. Elle critique les historiens (des sciences) modernes qui méprisent les auteurs de l'époque qui croyaient aux chronologies courtes : les preuves des longues durées, qui nous semblent évidentes, pouvaient être inférées, mais non directement observées. Elles ne convainquaient pas ceux qui s'en tenaient à l'observation. On n'avait d'ailleurs le choix qu'entre l'éternité et le temps de la Bible (situant la Création entre 5870 et 3945 ans avant le Christ, selon les versions).
Après des chapitres sur « la république des lettres » (terme de Denis de Sallo, 1665, pour désigner l'organisation des journaux de savants qui se met en place), et sur les sciences de la certitude et celles de la probabilité, R. Rappaport passe par l'étude de l'histoire naturelle et civile, pour déboucher sur une série de problèmes géologiques : la question des fossiles, le Déluge, partisans et adversaires, les solutions « alternatives » au Déluge, solutions partielles ou synthèses (de Sténon à Moro, par Robert Hooke, Leibniz et quelques autres), avant de terminer sur Buffon et le rejet de l'histoire.
Quand Buffon rédige sa Théorie de la Terre (1744), il est admis que le globe a notablement changé depuis qu'il est sorti des mains du Créateur. L'intendant du Jardin du roi n'envisage pas pour autant une histoire de la Terre : il décrit un système physique. Sur ce point, l'auteur suit les travaux de Jacques Roger. Buffon ne deviendra historien de la terre (dans ses Epoques de la nature) qu'après qu'il aura étudié « la succession des formes fossiles dans les strates ». Je ne l'aurais sans doute pas dit ainsi. Mais c'est là, si l'on ose dire, une autre histoire qui sort des limites que se donne R. Rappaport.
Un livre dense, riche, appuyé sur une bibliographie de quelque mille titres, qu'on ne saurait trop recommander.