COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO)
TROISIÈME SÉRIE, t. XXVII, 2013, n° 2 (séance du 13 mars 2013)
Résumé.
Aujourd'hui, le concept de faciès métamorphique est couramment enseigné aux élèves de premier et second cycle en sciences de la Terre. Ce concept à été développé au début du XXe siècle par le géologue finlandais Pentti Eskola. Le présent travail propose de découvrir dans un premier temps qui était cet homme. La genèse, puis la maturation de ce concept sont ensuite retracées de manière chronologique, en suivant les différents travaux publiés par Eskola. Des exemples sont abordés et commentés, aussi bien sur l'avancée en pétrologie métamorphique due à ce concept, que sur les erreurs d'Eskola. Ce travail finit par mener à la classification des faciès métamorphiques telle que nous la connaissons aujourd'hui, ou tout du moins telle que l'a laissée son concepteur à la fin des années 1930. Un bilan de la classification actuelle est proposé de manière sommaire.
Mots-clés : Eskola - faciès métamorphiques - classification - pétrologie - XXe siècle.
Abstract.
Nowadays the concept of metamorphic facies is taught to all Earth Sciences undergraduate students. This concept was developed at the beginning of the 20th century by the Finnish geologist Pentti Eskola. This work deals first with the man, and then with the origin and the development of the mineral facies concept. Using example on the development as well as the mistakes done by Eskola during his work, we show how important is this concept for recent metamorphic petrology. This paper ends with the modern classification of metamorphic facies, which looks pretty similar to Eskola's vision at the end of the 30's.
Key words: Eskola - metamorphic facies - classification - petrology - 20th century.
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Les informations suivantes sont tirées de plusieurs sources, parmi lesquelles les biblio-biographies de Pentti Eskola (Barth, 1965 ; Marmo, 1965 ; Mikola, 1968 ; Amstutz, 2008).
Berndt Eelis Eskola est né le 8 janvier 1883 dans la ferme familiale de Lellainen (à quelques dizaines de kilomètres au nord de la ville de Turku, dans le Sud-Ouest de la Finlande, province où la minorité suédoise est toujours fortement implantée). Il est le second enfant d'une fratrie de six, dont deux seulement parvinrent à l'âge adulte. Pendant son enfance, il changea son prénom Berndt (d'origine suédoise) pour Pentti, un prénom d'origine finlandaise, celui de son ancêtre, premier propriétaire de la ferme dès 1640. Sa mère, Eeva Kristiina Ellaa meurt alors qu'il est âgé de six ans. Son père, Kustaa Eskola, déjà âgé de quarante ans lors de son mariage, n'a que peu de temps pour s'occuper du jeune Pentti qui est alors confié à la garde d'un oncle maternel.
En 1893, il entre à l'école secondaire de Pori où il se passionne pour le grec ancien et le latin. Il entre ensuite en 1901 à l'université impériale Alexandre d'Helsinki, où il se destine à l'étude du grec ancien, mais il change de voie et se réoriente vers la zoologie. Il échoue aux examens et décide alors d'étudier la chimie. Il obtient son diplôme en 1906, après avoir étudié les réactions dépendantes de la pression à l'état solide. Cette thématique se retrouve tout au long de sa carrière, comme lui-même le commente en 1951 : « Before that, however, I had decided to go over geology, not because I was unfaithful to chemistry, but in order to apply chemistry to the mineral kingdom ». Il devient en 1910 professeur de géologie dans le département d'agriculture économique de l'université d'Helsinki, puis obtient en octobre 1913 un poste d'assistant à l'institut de géologie et de minéralogie de la même université, où il restera jusqu'en 1953. En 1914, il présente son travail de thèse consacré à la pétrologie des roches de la région d'Orijarvi, dans le Sud-Ouest de la Finlande (Eskola, 1914). C'est également au cours de cette année qu'il se marie avec Mandi Wiiro dont il aura un fils en 1916 et une fille en 1920.
L'année 1915 marque un tournant dans sa carrière. C'est cette année-là qu'il publie sa célèbre monographie : Om sambandet mellan kemisk och mineralogisk sammansattning hos Orijarvi-traktens metamorfe bergarter (On the Relations between the Chemical and mineralogical Composition in the Metamorphic Rocks of the Orijarvi Region) (Eskola, 1915). Dans cette publication, il définit le concept de faciès métamorphique sur lequel porte la suite de cette étude.
Entre 1918 et 1924, il travaille en parallèle de sa carrière académique au Service géologique de Finlande en tant que géologue spécialisé dans la prospection minière. En 1919-1920, il séjourne à l'université de Christiana (Oslo), en Norvège, et rencontre Viktor Moritz Goldschmidt, l'un des pères fondateurs de la géochimie moderne. Il séjourne en 1921-1922 à Washington, au laboratoire de géophysique de la Carnegie Institution et tente de valider par une approche expérimentale le concept de faciès métamorphique. Il y rencontre Norman Bowen, le pétrologue des roches magmatiques qui a introduit le concept de cristallisation fractionnée. Pendant ce séjour en Amérique du Nord, il travaille également pour le Service géologique du Canada. Il rentre ensuite en Finlande pour occuper un poste d'assistant à l'université d'Helsinki. En 1924 est créée pour lui une chaire extraordinaire de géologie et de minéralogie dans cette même université. Il succède à Wilhelm Ramsay, dont il fut l'étudiant, en obtenant en 1928 le poste de professeur, toujours dans cette même université.
Parmi les événements importants de sa vie, il faut noter : en 1941 la mort au front de son fils, qui l'a beaucoup affecté durant le reste de sa vie, ainsi que la perte de sa femme en 1959. Ce n'est que peu de temps avant le décès de cette dernière qu'Eskola se replonge dans la religion, lui qui avait critiqué « l'Église et son influence limitée sur les sciences naturelles » (Marmo, 1965). C'est à la demande de sa femme qu'il reçoit, le 21 décembre 1950, un pasteur, Sigfrid Sirenius, qui deviendra par la suite l'un des plus proches amis d'Eskola. Il se remarie en 1962 avec Helena Syrjâlâ qui lui redonne la joie de vivre, mais malheureusement pour un temps très court car Pentti Eelis Eskola décède le 6 décembre 1964, jour anniversaire de l'indépendance de la Finlande. Des funérailles d'État sont organisées en son honneur le 14 décembre 1964 à Gamla Kyrkan, la plus ancienne église d'Helsinki.
Eskola a reçu un nombre important de distinctions honorifiques, parmi lesquelles les titres de docteur honoris causa des universités d'Oslo (1938), de Padoue (1942), de Bonn (1943) et de Prague (1948). À cette liste s'ajoutent les médailles de l'Association géologique allemande (1943 : médaille Gustav-Steinmann), des Sociétés géologiques américaine (1951 : médaille Penrose) et de Londres (1958 : médaille Wollaston), de la Société minéralogique d'Autriche (1960 : médaille Friedrich Becke), de la Société géologique allemande (1962 : Leopold von Buch-Plakette), ainsi que le Prix Vetlesen du Lamont-Doherty Earth Observatory (1964). En 1963, la Société géologique de Finlande crée la médaille Eskola dont l'éponyme reçoit la première à l'occasion de son quatre-vingtième anniversaire. Une autre preuve de reconnaissance est celle des Finlandais Olav Kouvo et Yrjo Vuorelainen qui lui dédient en 1958, l'Eskolaite, de formule Cr2O3 (Kouvo et Vuorelainen, 1958).
Une dernière anecdote mérite d'être mentionnée. Celle-ci est tirée du texte de Mikola (1968). Pentti Eskola a toujours été passionné par le grec et le latin qu'il étudia pendant longtemps, comme il a été mentionné plus haut. Mikola (1968) rapporte les faits suivants : lors d'une conférence aux États-Unis, Eskola rencontra un collègue grec. Eskola, familier avec l'anglais, son collègue, familier avec le français, décidèrent de parler en grec, leur seule langue commune, grec ancien pour le premier, démotique pour le second. Ce n'est qu'au bout d'une dizaine de jours qu'ils se rendirent compte que chacun d'eux parlait parfaitement allemand. Cette dernière anecdote illustre à merveille la passion d'Eskola pour le grec, passion, qui paraît-il, l'a suivi jusque sur son lit d'hôpital où il s'exprimait pendant de long moments dans la langue d'Homère.
C'est dans sa publication de 1914 qu'on peut trouver l'une des premières traces du concept de faciès métamorphique. Eskola décrit les paragenèses (assemblages minéralogiques à l'équilibre) des roches métamorphiques de la région d'Orijarvi comme étant contrôlées par des lois simples en rapport avec la composition chimique de la roche (Eskola,1914). Cette idée, aussi anodine soit-elle de nos jours, était en réalité une constatation d'une grande importance. Mais, c'est un an plus tard que naît le concept de faciès métamorphique (Eskola, 1915). Ce concept qu'Eskola (1915) qualifie de général, est défini de la manière suivante :
« Dans toute roche métamorphique qui a atteint un équilibre chimique via le métamorphisme dans des conditions de température et de pression constantes, la composition des minéraux est contrôlée uniquement par la composition chimique [de la roche]. »
[« In any rock of a metamorphic formation which has arrived at a chemical equilibrium through metamorphism at constant temperature and pressure conditions, the mineral composition is controlled only by the chemical composition »]
A true equilibrium can be arrived at only if the conditions of temperature and pressure remain approximately constant during the transformation. Among the petrologists there have been different opinions in the question treating of the occurrence of truly stable associations among metamorphic rocks. The author has by means of an investigation of an Archaean formation ascertained that equilibrium has been reached in a very high degree. Consequently it appears plausible to the writer to treat these metamorphic rocks from the standpoint of chemical statics. Metastable relics and secondary alteration products are not taken into consideration. Under these circumstances we may start from the following thesis, based on the fundamental theories of physical chemistry.
In any rock of a metamorphic formation which has arrived at a chemical equilibrium through metamorphism at constant température and pressure conditions, the mineral composition is controlled only by the chemical composition. |
Un rapprochement est à faire avec les faciès stratigraphiques qui s'appliquent à des sédiments relevant des mêmes conditions de dépôt (Eskola, 1915). Une chose importante est que le concept d'Eskola est indépendant du type de métamorphisme (e.g., métamorphisme de contact, métamorphisme régional) à l'inverse des classifications en zones de profondeurs qui étaient appliquées uniquement à un métamorphisme régional (Becke, 1903 ; Grubenmann, 1904-1907). Eskola, avant même de définir les faciès métamorphiques, met en avant le fait que cette classification doit être retravaillée, et que le nombre de faciès est certainement plus important que le nombre de zones de profondeur établies par les autres auteurs. Dans cette publication, Eskola ne fait qu'aborder le concept de faciès sans proposer une classification générale. Il n'y aborde qu'un seul faciès, celui des roches d'Orijarvi (qui appartiennent au faciès qu'il définira plus tard comme celui des amphibolites).
Il peut paraître étrange d'utiliser ici un terme différent de celui employé au paragraphe précédent; mais c'est à Pentti Eskola qu'on doit ce changement de terminologie. C'est dans une publication de 1920, intitulée The mineral facies of rocks, qu'Eskola va généraliser l'idée qu'il avait avancée en 1915. Il s'est donc passé cinq ans avant qu'Eskola ne précise ses idées des faciès minéraux, période pendant laquelle il a rencontré Goldschmidt à l'université de Christiana [Oslo] lors de sa visite entre 1919 et 1920 (Eskola et Goldschmidt conversaient des heures durant, et ce serait à la suite d'une nuit entière passée à discuter dans les couloirs du laboratoire qu'Eskola eut l'idée de généraliser le concept de faciès minéraux).
En 1915, Eskola avait proposé le terme de faciès métamorphique pour désigner un groupe de roches caractérisées par un assemblage minéralogique acquis sous certaines conditions (de pression et de température), dont les minéraux sont en équilibre parfait (Eskola, 1915) les uns avec les autres. Il est important de noter qu'à ce stade Eskola répète que la composition des minéraux varie avec celle de la roche totale, et ce de manière graduelle. Eskola précise également que, quel que soit le type de cristallisation, la tendance est d'aller vers un état d'équilibre. Il est donc possible de généraliser le concept de faciès métamorphique en un concept plus vaste, celui de faciès minéral. Il existe trois paramètres majeurs : la pression, la température, et la composition chimique du protolithe. Un faciès minéral comprend donc toutes les roches qui se sont formées dans des conditions similaires de pression et de température, avec une composition chimique équivalente, indépendamment des mécanismes de formation.
Eskola propose que la classification soit fondée sur l'assemblage minéralogique et non sur la profondeur, comme l'étaient faites les précédentes classifications. Il propose donc de décrire les roches de la manière suivante : désigner les minéraux caractéristiques et préciser le faciès. Ce type de classification avait déjà été utilisé par Goldschmidt lors de ses études sur les cornéennes (où le terme Hornfels représentait le nom du faciès ; par exemple : pyroxen-hornfels). Cependant, Eskola juge prématuré de proposer une nomenclature précise. Il se contente de définir cinq faciès métamorphiques (et leurs équivalents magmatiques) qui correspondent aux grandes lignes des epi, meso et cata zones :
Avant de commencer une description des différents faciès, Eskola (1920) revient sur quelques définitions. Les minéraux ou associations critiques désignent ceux dont la présence constitue un critère d'appartenance à un faciès. Les minéraux typiques désignent tous les minéraux stables dans un faciès, soit qu'ils se soient formés dans ce faciès ou qu'ils aient cristallisé dans un autre faciès mais sont demeurés stables dans le faciès considéré (c'est-à-dire, « les reliques stables d'Eskola », concept qui lui était cher ; exemple : le quartz est typique de bon nombre de faciès métamorphiques).
Après ce préambule, il est donc possible de définir les faciès d'une manière plus formelle.
Le faciès des sanidinites comprend toutes les roches pyrométamorphiques qui contiennent, si elles sont silicatées, des associations à : sanidine, plagioclase, sillimanite, cordiérite, clinoenstatite-diopside, wollastonite, olivine. Parmi ces phases, la sanidine et le mélange clinoenstatite-diopside sont critiques.
Le faciès des cornéennes (Hornfels en allemand) comprend les roches du métamorphisme de contact qui montrent les mêmes assemblages minéralogiques que les roches de la zone interne de métamorphisme de contact dans la région de Christiania [Oslo], cela indépendamment de leur histoire pré-métamorphique, et excluant toutes les roches dites cornéennes et montrant un assemblage minéralogique différent. Les minéraux types sont : l'orthose, le plagioclase, l'andalousite, la cordiérite, la biotite, le mélange hypersthène-enstatite, le diopside, la wollastonite, le mélange grossulaire-andradite, l'olivine. L'association critique est hypersthène et diopside.
Le faciès des amphibolites comprend les roches qui suivent les mêmes associations minérales que celles de la région d'Orijarvi (Eskola, 1914, 1915). Ces roches contiennent toujours des minéraux de la famille des amphiboles, qui sont critiques. Peuvent également être observés, les minéraux suivants : microcline, plagioclase, muscovite, andalousite, almandin, anthophyllite, cummingtonite, diopside, wollastonite, et le mélange grossulaire-andradite.
Le faciès des schistes verts contient les minéraux suivants : albite, séricite, chlorite, talc, serpentine, épidote, calcite, dolomite. Les associations caractéristiques d'Eskola sont séricite-chlorite et épidote-albite.
Le faciès des éclogites, peut difficilement être défini rapidement selon Eskola. Il le décrit en ces termes : les minéraux typiques sont le grenat et le clinopyroxène (qui a une composition intermédiaire entre le diopside, la jadéite et la pseudo-jadéite). Il cite également la présence en petite quantité d'orthopyroxène, d'olivine ou de disthène. Ce qu'il donne comme assemblage critique est un grenat comprenant au moins 30% de pyrope (pôle magnésien) et un clinopyroxène jadéitique (pôle sodique). Le rutile est décrit comme composant commun, mais mineur. À cela il ajoute que la biotite peut être observée, mais qu'aucun autre minéral potassique n'a été trouvé.
Cette brève description des faciès donne au lecteur une idée de l'ampleur du raisonnement d'Eskola. En effet, la plupart des faciès sont toujours décrits d'après des assemblages minéralogiques assez proches. D'autre part, l'accent est porté sur l'action combinée de la pression et de la température qui joue un rôle dans la transition graduelle entre les faciès. Afin de poursuivre son raisonnement, Eskola propose une description graphique des faciès. Dans le but d'éviter les complications pétrologiques au lecteur, un seul faciès sera présenté en détail, celui des amphibolites.
Précisions sur la représentation graphique
Ici, le but est de représenter graphiquement et de manière simple une roche, et son assemblage minéralogique, directement lié à la chimie de la roche totale. Une telle représentation graphique est possible si le nombre de constituants qui composent les minéraux est réductible à trois, ce qui permet une représentation simple, c'est-à-dire dans un triangle. Comme le principe du triangle d'Osann permet une représentation uniquement ternaire, Eskola construit une représentation qui lui convient en combinant les constituants.
la seule phase sodique est l'albite (pour les faciès des schistes verts, des amphibolites et des cornéennes).
En résumé, pour des roches non alcalines, et présentant un excès de silice, la représentation dans l'espace ACF est celle qu'il avait introduite auparavant (Eskola, 1914). Des corrections sont apportées aux différents constituants en soustrayant les phases comme l'ilménite, la magnétite, le sphène, l'apatite, la calcite, l'orthose et l'albite. Les proportions, calculées comme suit, sont ensuite normalisés sur 100% :
Pour l'étude de ce faciès, Eskola regroupe toutes les analyses de sa précédente étude de la région d'Orijarvi (Eskola, 1914, 1915), ainsi que celles extraites d'un certain nombre de publications sur les roches archéennes de Suède et de Finlande. Eskola note que la correspondance entre la composition de la roche totale, et la composition minéralogique est extrêmement régulière, ce qui permet de calculer avec une grande exactitude les proportions des minéraux (c'est-à-dire les modes) à partir de la composition chimique de la roche. De plus, Eskola constate que la quantité d'eau est toujours suffisante pour former des phases hydratées. Les proportions de ces phases sont donc uniquement contrôlées par la chimie de la roche.
Mis à part ces explications, la figure associée est probante. La démonstration d'Eskola est magistrale : les analyses de roches totales, se replacent exactement dans les champs qui contiennent les assemblages minéralogiques observés.
En ce qui concerne les autres faciès, la démarche est la même, mais Eskola dispose de trop peu d'analyses chimiques pour se reposer sur l'analyse graphique. La démonstration pour le faciès des éclogites est aussi probante que pour celui des amphibolites. Les données de roches totales montrent que l'assemblage majoritaire doit être un clinopyroxène sodique et un grenat, la présence de disthène étant accessoire.
Une dernière remarque est celle qu'Eskola fait à la fin du chapitre sur le faciès des éclogites, qui clôture la partie sur les faciès métamorphiques. Il mentionne un faciès proche de celui des éclogites, dont la paragenèse peut être la suivante : grenat, glaucophane, lawsonite et paragonite. Ce faciès est désigné par Eskola (1920) comme celui des éclogites hydratées, mais il n'en présente pas une étude détaillée. Ce faciès préfigure celui qui est aujourd'hui nommé le faciès des schistes bleus.
En incluant ce dernier faciès, la classification des faciès métamorphiques proposée par Eskola (1920) est donc très proche de celle utilisée actuellement.
Depuis le début de ce mémoire, il n'a été question que des faciès métamorphiques, mais comme il a été mentionné brièvement ci-dessus, Eskola fait état des faciès ignés, qui sont en quelque sorte jumeaux des faciès métamorphiques. Il en définit également cinq : le faciès des gabbros à hornblende (équivalent des amphibolites), le faciès des gabbros (équivalent à celui des cornéennes), le faciès des helsinkites (équivalent des schistes verts), le faciès des diabases (équivalent, comme déjà mentionné, du faciès des sanidinites) et le faciès des éclogites ignées dont l'équivalent n'est autre que le faciès des éclogites. La définition de ces faciès magmatiques est très importante, notamment en ce qui concerne celui des éclogites. En effet, Eskola met en avant le fait que, pour lui, les éclogites sont d'origine magmatique (tout du moins en ce qui concerne celles étudiées par lui, sur la côte occidentale de la Norvège (Eskola, 1921). Il se fonde sur le fait que les grenats sont dépourvus d'inclusions, alors qu'ils en contiennent dans toutes les autres roches métamorphiques qu'il a observées.
Le concept de faciès minéraux repose sur une publication essentielle (Eskola, 1920). Les publications d'Eskola (1929, 1939) viennent ensuite compléter la classification faite auparavant. Ces deux publications permettent à Eskola d'introduire de nouveaux faciès. Dans Eskola (1929), le faciès des schistes à glaucophane est ajouté à la classification. Ce faciès était déjà mentionné dans une publication précédente (Eskola, 1920).
La classification des faciès minéraux est de nouveau améliorée en 1939 (Eskola, 1939), et les faciès suivant sont ajoutés :
Les assemblages minéralogiques critiques pour les faciès métamorphiques sont désormais ceux présentés dans la figure 6. Il faut rajouter à ce tableau les assemblages critiques du faciès des sanidinites (sanidine-clinoenstatite-diopside) et des zéolites (agrégats de zéolites).
Fig. 6. Analyses de roche totale et proportions modales pour huit faciès, parmi lesquels le faciès des granulites, et celui des schistes à glaucophane.
En résumé, l'oeuvre d'Eskola (1914, 1915, 1921, 1929, 1939) montre la genèse, puis la maturation d'un concept aujourd'hui fondamental en pétrographie/pétrologie métamorphique. En définissant de manière simple un concept, et en le fondant sur des observations précises, mais également sur une intuition forte, bien que pas toujours justifiée (origine magmatique des éclogites), Eskola a su apporter au monde de la pétrologie métamorphique une possibilité de classifier les roches d'une manière simple, le seul microscope permettant d'établir un diagnostic souvent irréfutable. C'est certainement pour cette raison que la plupart des étudiants en sciences de la Terre de premier cycle se doit de connaître le nom de Pentti Eelis Eskola, personnage qui aura su désigner si simplement des roches que seuls deux mots peuvent résumer une partie de ce qu'elles ont à nous dire.
Aujourd'hui, cette classification est toujours utilisée (Fig. 7), améliorée bien sûr, mais fondamentalement identique à celle d'Eskola (1939), à l'exception des faciès magmatiques qui ont disparu. Les schistes bleus ont été subdivisés en deux sous-faciès : celui des schistes bleus à glaucophane-lawsonite et celui des schistes bleus à glaucophane-épidote. Le faciès des prehnites-pumpellyites à été ajouté dans les bas degrés ; les éclogites ont également été subdivisées, mais il n'est pas nécessaire d'évoquer ces complications dans le cadre de ce travail. Il est à noter qu'un faciès d'ultra-haute pression (UHP) a été découvert et que la classification s'étend au fur et à mesure, mais que la plus grosse contribution reste néanmoins celle de son créateur et développeur, Pentti Eelis Eskola.
Je tiens à remercier Gaston Godard qui m'a permis de présenter ces travaux lors d'une réunion du Cofrhigeo après m'avoir ouvert à l'histoire de la géologie. Je tiens également à remercier Gaston Godard et Jacques Touret pour les remarques et conseils formulés sur une précédente version de ce travail.