COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 5 mars 1997)
Achille Etienne Oscar Delesse est né à Metz le 3 février 1817 dans une famille de serviteurs de l'Etat. Orphelin de mère très jeune, son père Sébastien Joseph mourut à son tour alors qu'il venait d'être nommé colonel d'état-major. Le jeune garçon, âgé à peine de sept ans, fut pris en charge par deux tantes qui le placèrent comme pensionnaire au lycée de Metz où il fit toutes ses études classiques.
Jean Barral, lorrain lui aussi, et qui fut journaliste, agronome et excellent physicien (il a été le légataire universel d'Arago) fut son condisciple. Il a laissé une description émouvante de leurs années de jeunesse au lycée de Metz.
Reçu cinquième à Polytechnique en 1837, il est second à la fin de la première année et sort premier de sa promotion en 1839, avec le grade de sergent-major. Parmi ses condisciples se trouve son camarade d'enfance Barral. Delesse est décrit dans sa fiche signalétique de l'Ecole ayant le visage plein, les yeux gris, un menton rond et le nez gros. Il mesurait 1,73 mètre. Il était domicilié à Putelange (Moselle) qui était probablement le lieu de résidence de ses tantes.
Il choisit le Service des mines où il achève sa formation de géologue à l'Ecole des mines sous les ordres d'Elie de Beaumont et de Dufrénoy. Ceux-ci lui confient le classement des collections pétrographiques de l'Ecole ; c'est l'origine de ses travaux sur les roches éruptives et métamorphiques.
Puis il parachève ses études en voyageant en Angleterre, en Allemagne, en Pologne et en Irlande. Sa thèse de doctorat et ses premiers travaux sur les roches lui permettent d'être nommé professeur de minéralogie et de géologie à l'université de Besançon en 1845. En même temps, il est ingénieur des mines dans cette ville. Il revient à Paris comme professeur suppléant de géologie à la Sorbonne et il est nommé maître de conférences de géologie à l'Ecole normale supérieure. Il est aussi nommé inspecteur des carrières du département de la Seine, poste qu'il occupera jusqu'en 1864.
La carrière d'Achille Delesse a donc eu de brillants débuts. Mais elle a été ralentie pour des raisons politiques sous le Second Empire. Delesse est un républicain convaincu et il ne s'en cache pas. Durant vingt ans il ne va pas avancer et ne sera nommé ingénieur en chef qu'en juillet 1870, à 53 ans, ce qui est très tard pour un major de Polytechnique, brillant fonctionnaire du Service des mines. Après la chute de l'Empire et sous la Troisième République sa carrière s'accéléra et sera couronnée par l'élection à l'Académie des sciences.
En 1864, peut-être pour le dédommager de la cessation de son affectation à l'Inspection des carrières, on le nomme à l'Ecole des mines de Paris où il crée un cours d'agriculture, de drainage et d'irrigation. Il devient enfin ingénieur en chef des mines en 1870, le 4 juillet et sera inspecteur général des mines en 1878 chargé du secteur sud-est. En 1875 il est président du premier congrès international de géographie et en 1877 il est nommé, sur concours, professeur de minéralogie-géologie à l'Institut national agronomique. Ce dernier vient d'être reconstitué et son directeur, Eugène Tisserand, s'attache à recruter les professeurs les plus efficaces et les plus prestigieux. La plupart sont membres de l'Institut. Delesse est d'ailleurs élu membre de l'Académie des sciences le 5 janvier 1879. Sa carrière se termine en apothéose.
Sa vie privée n'est pas sans nuages. Sa fille aînée meurt à vingt ans pendant le siège de Paris en 1870. Sa seconde fille meurt à son tour à dix-huit ans. Delesse peut cependant assister à la réussite de son fils et connaître les premières années de son petit-fils. Il meurt à Paris le 4 mars 1881 âgé de 64 ans.
Nous connaissons une partie de ceux qui ont assisté aux obsèques de Delesse, grâce à Barral qui cite ceux qui appartenaient à la Société d'agriculture. La liste est glorieuse : Barral, Bella, Becquerel, Blanchard, Chatin, de Dampierre, Daubrée, Duchartre, Jean-Baptiste Dumas, Raoul Duval, Guyot, Lecouteux, Hervé Mangon, Muret, Pasteur, Péligot, Perrier, Prillieux, Risler, Tassy, Tresca. Cette liste ne comprend pas les géologues, les ingénieurs et les géographes qui devraient, eux-aussi, être nombreux et prestigieux.
Quelques mois plus tard, le président de l'Académie des sciences annonce à ses confrères que Madame veuve Delesse et son fils ont fait don de la "bibliothèque de travail" du savant et qu'ils ont fondé un prix destiné à récompenser tous les deux ans un travail de géologie en souvenir de leur père et mari.
Les travaux et les publications de Delesse sont, d'après la notice rédigée par Albert de Lapparent (1882), au nombre de 252 ; Barral (1884) en dénombre plus de 400. Probablement, sans compter tous les rapports qu'il a dû rédiger comme ingénieur du Corps des mines. Beaucoup ont été publiés dans la Revue de Géologie dont il fut le fondateur et le collaborateur pendant seize ans, et dans les Annales des Mines, mais il y en a aussi dans d'autres publications de l'époque : comptes-rendus et bulletins des Sociétés d'agriculture, de géologie, de géographie, etc.
Delesse a lui-même rédigé la notice de ses titres et travaux en 1878 à l'occasion de sa candidature à l'Académie des sciences. On y trouvera l'analyse détaillée de son œuvre scientifique.
C'est surtout entre 1850 et 1870, quand sa carrière est ralentie, que Delesse publie le plus. Deux aspects de ses recherches sont notés par tous ses biographes. D'abord l'étendue de son champ d'intérêt : A. de Lapparent le lui reproche d'ailleurs amicalement. En second lieu, la volonté, presque maladive, de s'attaquer aux problèmes les plus ardus et de leur trouver, à force de travail et d'essais, une solution valable.
Delesse était un excellent chimiste et sa fonction à l'Ecole normale lui permettait probablement d'avoir accès à des moyens d'analyse les plus modernes de l'époque. Il a fait des milliers d'analyses de roches, de terres et d'eaux pour ses cartes. "Avec cette patience infinie... il avait recueilli des faits innombrables et il les avait groupés d'une manière saisissante sur ses cartes..." (Risler 1881). On sait qu'il préparait une carte des terres du territoire français et que six mille instituteurs lui avaient envoyé des échantillons des sols de leurs localités.
On traitera, dans la seconde partie de cette note, de ses travaux cartographiques. Mais le reste de sa production est considérable. Barral, de Lapparent et Daubrée l'ont analysé. Rappelons quelques points principaux.
C'est par la pétrographie des roches éruptives et métamorphiques, en particulier des roches microcristallines, qu'il a attiré l'attention sur la minutie de ses observations et la clarté de ses interprétations. Delesse a donné une contribution fondamentale à la compréhension du métamorphisme.
Son ouvrage La lithologie du fond des mers (1872) est encore aujourd'hui considéré comme le point de départ de l'océanographie moderne par les auteurs étrangers. Ce travail de compilation a attiré l'attention sur un sujet qui n'a pris sa véritable dimension que cent ans plus tard !
L'hydrogéologie de la région parisienne et la connaissance de son sous-sol doivent énormément à Delesse. Il en va de même pour l'étude des sols et des applications agricoles de la géologie. Mais sa carte agricole de la France traite, en termes économiques, d'un sujet absolument nouveau.
Les thèmes abordés par Achille Delesse sont innombrables. Lui-même, par exemple, donnait beaucoup d'importance (1878) à ses recherches sur la teneur en azote des roches : c'est le début de la géochimie organique qui connaît depuis vingt ans un développement remarquable. On pourrait citer bien d'autres voies ouvertes par le laborieux et génial ingénieur des mines.
D'après Barral, son "caractère distinctif était de ne se laisser arrêter par aucune difficulté... Pour l'ardeur au travail et la persévérance, il n'eut jamais d'égal... On demeure presque confondu de l'étendue de son œuvre...".
Daubrée (1881) a mentionné de son côté : "L'étendue et la rectitude d'esprit de Delesse, de son étonnante puissance de travail, sa science profonde, sa douceur sympathique, qui était associée à une modestie vraie et à une grande loyauté...".
Le jeune orphelin, pensionnaire solitaire du lycée de Metz, s'était renfermé et réfugié dans le travail et l'étude. Comme le souligne Albert de Lapparent, "un voile de mélancolie" n'était pas dissipé par les succès de la fin glorieuse de cette carrière entièrement consacrée au travail et à la science.
Sa désignation comme président du premier congrès mondial de géographie était parfaitement justifiée. Delesse avait été l'un des premiers à pratiquer la méthode cartographique à diverses échelles y compris au niveau national, et dans trois disciplines aussi différentes que la géologie, l'agronomie et l'hydrogéologie. De plus, il avait inauguré des méthodes originales : représentation du revenu en argent des terres et courbes de niveau des gisements souterrains par exemple.
Ce sont donc des cartes thématiques ou chorographiques (chorographie, du grec Khora, contrée : description d'un pays) qui indiquent l'extension d'un phénomène, ou ses lignes d'égales valeurs, ou encore sa situation par rapport au sol ainsi que les caractéristiques de chaque catégorie. Ces cartes ont la valeur de leur légende et la précision de leurs dessins et contours.
On trouvera dans le tableau ci-joint la liste des cartes publiées par Delesse et celle des cartes qu'il préparait et n'a pas eu le temps de terminer.
Delesse utilise comme support de ses cartes les nouvelles cartes d'état-major dressées par le Service géographique de l'armée (dites "du Dépôt de la guerre"). Ce sont, à l'époque, parmi les plus complètes et les plus parfaites d'Europe et du monde. Ses rapports avec les officiers de ce service devaient être facilités par sa qualité de fils d'officier supérieur et de major de Polytechnique.
Il utilise au début l'échelle du 15/100 000 puis le 1/25 000 et le 1/20 000 ainsi que le 1/100 000 pour les cartes départementales. La carte agricole de la France est sur un fond à un quatre millionième. Les cartes sont mises en couleur par procédé chromolithographique, parfois en camaïeu correspondant aux intensités des phénomènes représentés. Des courbes d'isovaleur les complètent.
Travaux cartographiques d'Achille Delesse
D'après la notice nécrologique rédigée par Albert de LAPPARENT (1882) Cartes publiées
1862. Carte hydrologique du département de la Seine publiée par ordre du préfet de la Seine, et exécutée sur la carte topographique du Dépôt de la guerre, Paris, 1862 ; 4 feuilles imprimées en chromolithographie. Echelle 15/100 000.
1865. Carte géologique du département de la Seine, échelle 1/25 000, exécutée sur la carte topographique du Dépôt de la guerre, Paris, 1865.
1874. Carte agricole de la France avec notice explicative. 1864-73. Carte hydrologique de Seine-et-Marne à 1/100 000 : 2 feuilles imprimées en chromolithographie. 1864-78. Carte agronomique de Seine-et-Marne ; 2 feuilles avec notice explicative. Echelle 1/100 000. 1880. Carte géologique cotée du département de la Seine représentant le gypse, le calcaire grossier et la craie d'après les ordres de M. Hérold, préfet de la Seine, conformément à la délibération du Conseil général. Echelle 1/25 000. Profils géologiques de Paris à l'Océan et de la Manche à la Méditerranée, publiés en collaboration avec MM. Mille, Triger et Guillier.
1872. Carte lithologique des mers de France. Carte lithologique des mers de l'Europe.
Ces cartes sont difficiles à consulter. Certaines se trouvent dans le dossier Delesse de l'Académie des sciences, d'autres à la bibliothèque de l'Ecole des mines ou à celle du Muséum national d'histoire naturelle. |
L'inspecteur des carrières du département de la Seine était le mieux placé pour étudier, en place, les coupes géologiques et pour avoir accès aux documents déjà accumulés dans les archives. Il faut noter que les travaux de Delesse intéressent uniquement la région parisienne, département de la Seine-et-Marne. Les cartes inachevées qu'il laisse à la fin de sa vie concernent la Beauce. Pour un ingénieur du Service des mines de la seconde moitié du dix-neuvième siècle cela représente des surfaces assez limitées, et pour un spécialiste du métamorphisme des zones de stratigraphie limitées au Crétacé et aux terrains plus récents et de tectonique tranquille. Delesse était plus un homme de laboratoire qu'un homme de terrain. En outre, à partir de 1864 il se consacre à des travaux hydrogéologiques et agronomiques ainsi qu'à l'océanographie.
La carte de la Seine-et-Marne est le fruit de ses occupations de vacances. Il avait une propriété à Dammartin où il venait se reposer en été. "Il fallait à Monsieur Delesse un repos studieux... il tenait à ce que ses loisirs ne fussent inutiles..." (de Lapparent, 1882, p. 314).
Ces cartes sont pleines de "renseignements... la peine qu'il faut se donner pour acquérir un mode de notation nécessairement complexe, est amplement récompensée par une moisson d'informations précieuses. C'est là qu'a été appliquée, pour la première fois, la représentation des couches souterraines par courbes de niveau, méthode si instructive, qui révèle au premier regard, toutes les modifications éprouvées par une assise postérieurement à son dépôt". Ce langage assez ampoulé est celui d'un très grand spécialiste de la géologie, Albert de Lapparent (1882, p. 313). Il précise que les courbes de niveau ont été utilisées pour représenter ce que nous appelons aujourd'hui le toit de la craie, du calcaire grossier et pour "le sommet de la haute masse du gypse".
Dans son ouvrage sur la lithologie du fond des mers (1872), des cartes à petite échelle des mers de France d'Europe et du monde traduisent les informations de l'époque sur ce sujet, avec évidemment une précision bien moindre.
Delesse étudie aussi les nappes phréatiques et profondes, et en dresse une carte générale pour la France, ainsi que des cartes régionales. D'après J. Barral (1882, p. 315) "Les cartes... de la ville de Paris, de la Seine et de la Seine-et-Marne resteront des modèles où la distinction des différentes nappes souterraines et leur représentation par des courbes permettent de résoudre une foule de questions relatives à la salubrité, au régime des rivières, au drainage et l'exécution des travaux en profondeur. Delesse a montré par exemple que ce sont les versants qui alimentent la rivière et non la rivière qui crée la nappe latérale. Les courbes de niveau se relèvent en effet à partir du talweg.
Le livre du centenaire de Polytechnique (T. 3, p. 182) précise que ces cartes donnent "au moyen de courbes horizontales et de teintes spéciales, la position et les conditions de gisement des nappes d'eau souterraines ainsi que leur mode d'écoulement".
En matière de carte agricole, il y avait un précédent célèbre : Arthur Young avait publié en 1792 en annexe de son ouvrage Voyages en France une carte figurant sept catégories de terrains définis par leur texture ou par leur végétation ; par exemple "limons" ou "bruyère". Delesse ne se risque pas, probablement faute d'informations et faute de connaissances directes à dresser une carte de ce genre. Il faudra attendre les années 1960 pour que la carte des sols de la France soit levée et publiée par J. Dupuis.
En 1864, Delesse est déchargé de la direction du Service des carrières du département de la Seine. Peut-être est-ce pour le dédommager et à cause de son intérêt pour l'hydrologie que le Service des mines le charge du cours d'agriculture, de drainage et d'irrigation de l'Ecole des mines. Il entreprend alors une grande enquête sur les sols français grâce à six mille échantillons recueillis à sa demande, dans tout le pays, par des instituteurs. Ceux-ci rédigeaient en outre une fiche de renseignements sur les cultures et sur l'entourage du lieu de prélèvement. Cette énorme source d'informations n'a pas été entièrement exploitée. La mort ne lui a pas permis de mener à bien cette tâche.
Au niveau national, Delesse a dessiné une carte remarquable, mais avec une démarche insolite pour un géologue et très originale pour l'époque. Publiée à 1/4 000 000 mais d'un dessin très fin, très détaillé et très soigné, elle supporte l'agrandissement à 1/1 000 000. Delesse choisit de caractériser les terres de la France par leur revenu annuel. Il y a une raison simple à cela : faute d'autres informations, il utilise les résultats d'une enquête des services des finances sur les revenus fonciers, établie en 1851 et publiée en 1852, commune par commune. Mais comme le fond topographique qu'il utilise pour rédiger sa minute est à 1/500 000 et ne figure que les limites des cantons, c'est sur les moyennes cantonales qu'il appuie ses calculs.
Une autre raison a peut-être joué dans le choix d'une approche économique : Isnard, directeur de l'Ecole normale venait de traduire et de publier les travaux des agronomes latins qui font un grand cas des conditions extrinsèques dans l'évaluation de la valeur d'un domaine. Or on sait que c'est Isnard qui a conseillé à Pasteur de chauffer les vins comme le faisaient les romains. C'est l'origine de la pasteurisation. Les discussions de couloir de la rue d'Ulm ont-elles aidé Delesse dans son choix ?
La Notice de cette "carte agricole" est particulièrement originale. Elle décrit en particulier les facteurs de la fertilité d'un sol : profondeur, capacité pour l'eau, texture, composition minéralogique etc. avec une précision dont la littérature technique ne donnera de nouvel exemple que cent ans plus tard avec le texte du Groupe d'Etude des Problèmes de Pédologie Appliquée (GEPPA) sur les contraintes agronomiques. Cette notice justifie en outre la légende adoptée.
La légende comporte quatre catégories : terres arables, vignes, prairies et bois. Une teinte est affectée à chaque catégorie et des teintes en dégradé, depuis la plus forte valeur jusqu'à la plus faible, indiquent les différentes classes dans chaque catégorie. Pour les terres arables c'est le revenu de 20 en 20 francs jusqu'à 120 francs par hectare et par an.
Pour la vigne les classes ont comme bornes 50, 100 et 150 francs de revenu annuel par hectare. Les bois sont divisés en trois catégories : revenus inférieurs à 25 francs par hectare, compris entre 25 et 50 et supérieurs à 50 francs. Les prés sont plus détaillés avec des catégories de 40 à 80, puis 120, 200 et 400 francs par hectare.
Une étude des pourcentages de chaque classe dans la catégorie et des indications géographiques sur les principales régions agricoles françaises complètent la notice et témoignent de l'immensité des informations réunies par l'auteur.
La personnalité attachante de Delesse que nous avons évoquée à la fin de la première partie, peut être mieux perçue par l'étude de son œuvre cartographique. Ce géologue d'administration était un chercheur hors pair. Mais il se complaisait dans les travaux de laboratoire et de bureau. Certes, il a contribué à l'excursion de la Société géologique de France dans les Vosges en 1847 et a relevé des coupes géologiques entre Cherbourg et les Pyrénées et entre Paris et l'Océan. Il a voyagé en Europe. Mais ses levers de cartes sur le terrain se limitent pratiquement à ses occupations de vacances. L'essentiel de son œuvre est formé d'examens au microscope, d'analyses de laboratoire, de compilation de documents, de mises en forme sur cartes ou par des définitions rigoureuses de roches, de terres, de strates etc. C'est, avec les moyens d'observation et de mesure de la fin du dix-neuvième siècle, une attitude encore très proche de celle des savants du début de siècle.
Les géologues qui lui succéderont, de même que les géographes ou les agronomes, seront beaucoup plus attachés à la collecte d'informations et d'observations sur le terrain. Lorsque Delesse meurt en 1881, Dokuchaev commence, en Ukraine, sa célèbre thèse sur le "chernozem russe" qui va inaugurer une nouvelle façon de concevoir les sols, de les définir, de les classer et de les représenter sur une carte. En géologie, les travaux de terrain vont se multiplier et les nappes d'eaux souterraines seront de mieux en mieux repérées par sondages.
Précurseur incontestable, analyste précis et novateur, prodigieux travailleur, Achille Delesse est actuellement méconnu car c'est, d'une certaine manière, un savant de l'ancien temps. Il clôt une période comme son collègue Pasteur en inaugure une nouvelle. C'est une question d'attitude : dans la dialectique entre les théories et les faits, l'un donne plus d'importance à ceux-ci que l'autre. Tous deux ont en commun le courage, la lucidité, et une admirable énergie.
Bibliothèque de l'Ecole polytechnique - Dossier d'Achille Delesse : une dizaine de pages : fiche et lettres diverses.
BARRAL J. (1881) - Discours aux obsèques d'A. Delesse. C.R. des séances de la Société d'Agriculture, 41, p. 222-226.
BARRAL J. (1884) - Notice nécrologique d'A. Delesse. C.R. des séances de la Société d'Agriculture, 44, p. 55-79.
BOULAINE J. (1989) - Histoire des pédologues et de la science des sols. INRA, Paris, 297 p.
BOULAINE J. (1996) - Histoire de l'Agronomie, 2e édition. Lavoisier, Paris, 432 p.
DAUBREE A. (1881) - Discours, au nom de l'Académie des Sciences et du Corps des mines, aux obsèques de A. Delesse. C.R. des séances de la Société d'Agriculture, p. 228-230.
DELESSE A. (1877) - Notice sur les titres scientifiques de M. Delesse (candidature à l'Académie des sciences). Gauthiers-Villars, Paris.
Ecole polytechnique (1898) - Livre du centenaire. Tome 3, p. 182 et 396-398, Ecole polytechnique, Paris.
FRANCESCHINI A. (1965) - Delesse (Achille-Ernest-Oscar-Joseph). In : Roman d'Amat et R. limouzin-Lamothe (Ed.), Dictionnaire de Biographie française, T. X, p. 804, Paris, Librairie Letouzey et Ané.
LAPPARENT A. de (1882) - Notice nécrologique sur M. A. Delesse. Bull. Soc. géol. Fr., (3), 10, p. 306 à 319, avec bibliographie complète p. 319-328.
RISLER E. (1881) - Discours aux obsèques d'A. Delesse. C.R. des séances de la Société d'Agriculture, 41, p. 227.