TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.XIII (1999)

Claude BABIN
Joachim Barrande (1799-1883), paléontologue émigré, bohémien et... colonial.

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 20 mai 1999)

Le bicentenaire de la naissance de Joachim Barrande incite à évoquer la vie et l'œuvre de ce paléontologue qui demeure passablement méconnu des géologues de sa propre patrie. Il fait l'objet, en revanche, d'un certain culte des géologues de la République tchèque où plusieurs lieux rappellent sa mémoire et où le terme de Barrandien fut utilisé pour désigner la série paléozoïque du bassin de Prague. Un colloque a d'ailleurs été entièrement consacré, à Prague en 1969 (Boucek & Marek, 1970), à la célébration de notre compatriote.

Le titre adopté ici pour cette présentation me permettra de regrouper en trois rubriques d'inégale importance quelques aspects de la vie puis de l'œuvre scientifique de ce paléontologue original.

I - L'émigré

Né à Saugues (Haute-Loire) le 24 thermidor an VII (11 août 1799) dans une famille très dévote, Joachim Barrande sera toute sa vie un fervent royaliste légitimiste (il mourut de chagrin, dit-on, six semaines après le décès du comte de Chambord). Sorti major de l'Ecole polytechnique et ingénieur des Ponts et Chaussées, Barrande fut, en effet, choisi par le roi Charles X pour être précepteur de son petit-fils, le comte de Chambord (1820-1883), fils posthume du duc de Berry. Sa vie allait désormais rester liée au service de la famille royale.

Après six années de règne, le caractère conservateur et réactionnaire du gouvernement de Charles X aboutit aux émeutes de juillet 1830 qui chassèrent le roi. Celui-ci s'enfuit en Grande-Bretagne en emmenant avec lui le précepteur de son petit-fils. Joachim Barrande profita de cette première étape de son exil à Edimbourg pour se perfectionner en anglais. Le roi devait, deux ans plus tard, gagner l'empire austro-hongrois et s'installer à Prague. Notre paléontologue y apprendra l'allemand et le tchèque. Cette maîtrise de plusieurs langues lui permettra d'entretenir ultérieurement une vaste correspondance mondiale avec ses pairs comme d'avoir des relations aisées sur le terrain avec les habitants et les carriers.

Mais quelques intrigants obtiennent, en 1833, que Barrande, soupçonné de trop de libéralisme, soit relevé de ses fonctions de précepteur. Il conservera pourtant le crédit de Charles X qui lui confiera des missions pour régler ses affaires dans divers pays d'Europe. Notre homme doit néanmoins se trouver un emploi rémunéré. Ses titres lui ouvrent tout naturellement une carrière d'ingénieur aux chemins de fer de Bohême. Devenu ainsi l'un des artisans du développement des infrastructures de la région, il ignore alors que ces tâches vont rapidement le conduire vers des activités nouvelles auxquelles il devra sa notoriété.

Que sait-on de la vie privée de ce personnage dont le nom sera bientôt connu de tous les géologues et paléontologues européens ? Bout (1964, 1970b) en a dressé un portrait fondé sur une véritable « écocaractérologie » cherchant à expliquer son caractère fait, semble-t-il, d'une grande froideur, par les rigueurs du pays de la Margeride où il passa ses jeunes années. C'est, en effet, le souvenir d'un homme « austère dans sa vie comme dans sa tenue », d'une « dignité froide et bienveillante » et pour lequel « nul n'a osé franchir, à son égard, les bornes du respect » (Albert de Lapparent cité in Bout, 1970a, p. 29) que laissa Barrande à ceux qui l'ont connu. Célibataire [mais le poète tchèque Jan Neruda (1834-1891), fils de sa gouvernante, est parfois considéré comme son enfant putatif], sans amis intimes connus, Barrande s'est souvent montré, comme nous le verrons, sec et impitoyable dans ses propos à l'égard de ses adversaires scientifiques et plus encore lorsque ceux-ci étaient plus jeunes que lui. D'un respect confinant souvent à l'obséquiosité envers ses aînés « dont vous aimez, comme moi, à respecter l'autorité » (à propos d'Elie de Beaumont et de Roderick Impey Murchison, Bull. Soc. géol. Fr., 1854, p. 314), il mania, en effet, volontiers l'argument d'autorité à l'égard des nouveaux venus (voir plus loin l'affaire John Marr) et souvent le ton méprisant, « ...Les matériaux de M. Suess sont de misérables empreintes. J'ajoute que de tout cela, pas un morceau ne semblerait pouvoir être admis, même comme double, dans ma collection » (à propos de graptolites décrits par Suess, Bull. Soc. géol. Fr., 1852a, p. 303).

Barrande, dont les propos ne sont jamais frappés au sceau de l'alacrité ou de l'humour (sauf, peut-être, lorsqu'il désignera ses « colonies » par les patronymes de ses adversaires, voir plus loin) a été souvent suffisant et, semble-t-il, toujours obstiné et entêté.

II - Le Bohémien

Dès 1833, dit-on, l'attention de Barrande fut attirée vers les fossiles par la récolte d'un trilobite, un fragment d'Odontochile, et d'un céphalopode nautiloïde, aux environs de Zlichov, près de Prague (Plas, 1970). Peu après, le percement d'une voie ferrée lui permettait de trouver de très nombreux trilobites. Il allait consacrer les cinquante dernières années de sa longue vie à sa vocation nouvelle de paléontologue en entreprenant l'étude exhaustive des fossiles du Paléozoïque de la Bohême. Les libéralités de son royal protecteur lui permettront d'utiliser désormais tout son temps à ses activités paléontologiques et à la publication des résultats.

Joachim Barrande est dès lors devenu profondément attaché à cette région d'adoption qu'il va parcourir inlassablement à la recherche de nouveaux gisements, s'attachant les services de carriers et d'amateurs et constituant une immense collection. Ses nombreux déplacements - il viendra en particulier, à partir de 1850, souvent à Paris où il disposait d'un logement et où il participa à de nombreuses séances de la Société géologique de France - ne l'éloigneront jamais longtemps de Prague.

Ses méthodes d'investigation ont été celles d'un homme de terrain comme en témoignent ses carnets de relevés. L'anecdote est rapportée que son accoutrement le fit parfois considérer comme un vagabond et que la porte de l'hôtel de Kraluv Dvur lui fut ainsi interdite (Plas, 1970). Il rémunérait, en outre, les carriers afin que ceux-ci lui procurassent les pièces qu'ils récoltaient. Cela fut parfois très fécond ; Whittington (1970) rapporte ainsi que Barrande utilisait trois ou quatre fouilleurs pour se constituer une collection du trilobite Sao hirsuta, ce qui lui permit d'en étudier avec succès l'ontogenèse. En d'autres occasions, cette participation de collecteurs plus ou moins avertis comporta des risques. Boucek (1928, cité in Boucek, 1970) constata, par exemple, que des trilobites de la colonie Zippe ainsi recueillis par d'autres à Bruska et supposés être pour Barrande des spécimens mêlés des faunes de ses étages D et E, ne provenaient pas, en réalité, de la même lentille calcaire comme le démontrent les faciès différents des calcaires impliqués.

Sur ses principes directeurs de travail, Barrande s'est exprimé à maintes reprises et l'exergue de chacun des volumes du Système silurien du centre de la Bohême les résume : « C'est ce que j'ai vu ». Il a revendiqué une observation précise et objective sans souci de théoriser et insista souvent sur cette méthode. Il nous faut « donner à nos convictions la sécurité que l'observation des objets matériels peut seule produire » (Bull. Soc. géol. Fr., 1855a, p. 173) ; « Pour nous, la science se compose des faits bien établis et non des produits de l'imagination » (Système silurien du centre de la Bohême, vol. VI, 1881, p. 255). Cette exigence d'un total assujettissement aux seuls faits observés engage parfois l'auteur à refuser toute tentative d'explication : « Il ne nous appartient pas de chercher à expliquer cette curieuse anomalie » (Bull. Soc. géol. Fr., 1855b, p. 478, à propos de l'absence de dépôts intrasiphonaux chez certains nautiles à siphon large). Pour lui la théorie appartient « à la sphère de l'imagination » (cité par Matousek, 1970, p. 26). Curieusement pourtant, Barrande élaborera avec ses « colonies » toute une théorie, sans en avoir conscience peut-être...

Quoi qu'il en soit, cette activité, débordante mais soigneusement organisée, aboutira à de nombreuses publications. Parmi les 108 travaux parus de son vivant (1846-1881) et répertoriés par Bout (1964), 27 sont des notes à la Société géologique de France, 33 furent publiés en allemand, particulièrement dans le Neues Jahrbuch fur Mineralogie, Geologie und Paleontologie. Mais c'est le Système silurien du centre de la Bohême, dont la publication débutée en 1852 se poursuivra jusqu'en 1881, qui constitue une œuvre d'une étonnante ampleur. Publié en 250 exemplaires in quarto, ce monumental ouvrage comportera finalement, avec ceux parus après le décès de Barrande, vingt-deux volumes totalisant 4 773 pages et 1 406 planches pour décrire 4 630 fossiles ! Il était, en outre, publié sous un moindre format des « Extraits » de l'ouvrage.

Le cadre stratigraphique adopté fut présenté dès 1846 dans sa Notice préliminaire sur le Système silurien et les trilobites de Bohême. Barrande utilisera durant toute sa vie le Silurien dans l'acception première de Roderick Impey Murchison (1835), tandis que l'échelle standard en séparera le Cambrien dès 1835 avec Adam Sedgwick puis l'Ordovicien avec Charles Lapworth en 1879. Il convient de dire, à la décharge de notre auteur, que les débats demeurèrent longtemps confus à propos des définitions de ces systèmes comme le montrent les discussions qui eurent lieu lors du Congrès international de 1878 à Paris (Barrande, 1880). Mais Barrande intégra en outre, dans son Système silurien de la Bohême, le Dévonien, pourtant défini dès 1839 par Adam Sedgwick et Murchison. Il en résulte, aujourd'hui, quelques difficultés de consultation de l'ouvrage de notre auteur en termes de corrélations.

Barrande décrit finalement trois Divisions avec un ensemble de huit Etages désignés A à H dans lesquels il distingue éventuellement des bandes. En termes d'équivalences actuelles (Kriz & Pojeta, 1974), le Système silurien bohémien comprend alors:

En 1851, Barrande retient finalement deux divisions, inférieure (étages A-D) et supérieure (étages E-H) et ajoute que « la limite entre les deux divisions est tracée d'une manière très nette par une masse de trapps provenant d'un déversement plutonique qui a envahi tout le bassin » {Bull. Soc. géol. Fr., 1851, p. 151). N'ayant pas reconnu de discordances dans sa succession, il en a conclu que celles décrites ailleurs sont des « discordances locales ». Cela lui vaut un conflit avec d'Omalius d'Halloy qui a jugé cette assertion comme « tendant à faire reculer la science de trente ans » (cité par Barrande in Bull. Soc. géol. Fr., 1854, p. 311) ; il se réfère, pour se justifier, au réseau pentagonal d'Elie de Beaumont avec des zones affectées par des plissements, réparties en fuseaux discontinus et ne concernant que 1/18e de la surface terrestre (Ibid.).

C'est évidemment l'œuvre paléontologique qui mérite une attention particulière. Son examen montre que Barrande fut amené à des considérations très diverses concernant les fossiles qu'il étudia ; on peut regrouper celles-ci en diverses rubriques.

Les travaux de systématique

L'ampleur de l'inventaire réalisé s'exprime en quelques chiffres. En 1852, il annonce que 22 espèces étaient connues en Bohême avant ses recherches alors qu'il en est arrivé à environ 1 200 répertoriées dont 253 trilobites au lieu d'une douzaine. En 1881, il en sera à 3 560 « formes nommées » dont 350 trilobites, 1 127 céphalopodes (Teichert, 1970, en a dénombré 1 622) et 1 269 acéphales (mollusques bivalves). Au-delà de ces chiffres, c'est l'état d'esprit présidant à ces dénominations qu'il convient de souligner. « Il est très fâcheux en soi de compliquer la nomenclature par des noms inutiles qui ajoutent aux difficultés de la science » (Bull. Soc. géol. Fr., 1855b, p. 443) ; « ...il [A. de Volborth] exerce une sage et salutaire critique au sujet des espèces prodigalement multipliées par certains auteurs [il s'agit de trilobites] [...]. C'est rendre un grand service à la science que d'éliminer ainsi les superfétations de la nomenclature» (Bull. Soc. géol. Fr., 1863, p. 595). Mais il appliquera parfois son principe avec quelque excès, contestant, par exemple, des genres de nautiloïdes orthocônes comme Actinoceras Bronn, 1837, Ormoceras Stokes, 1838, créés, avec raison, en utilisant les caractères internes des coquilles qu'il connaissait pourtant bien ; aussi, se référant, pour sa part, à la seule morphologie de la coquille, sera-t-il conduit à attribuer plus d'un millier d'espèces au seul genre Orthoceras Bruguiere, 1789, et à ne créer que dix nouveaux genres (Ophidioceras, Ascoceras, etc.). Ailleurs, il figurera avec soin la variété des « combinaisons sans nombre de la disposition des ornements » du bivalve Cardiola interrupta (32 pages dont 8 planches dans le volume VI du Système silurien, 1881, lui sont consacrées), espèce différemment réinterprétée en plusieurs genres depuis (Kriz, 1979). Pourtant sur la fin de sa vie, Barrande parvint à une conception taxinomique plus pulvérisatrice si l'on en croit Perner qui, publiant le Volume IV consacré aux gastropodes, écrit : « On y rencontre une fâcheuse répétition de noms, un penchant trop prononcé à appliquer des dénominations spécifiques nouvelles à des individus montrant des divergences de peu de valeur, dues à des cas pathologiques, fortuits ou bien à l'état de conservation » (Système silurien, Vol. IV, 2, 1907, Avant-Propos, p. VIII).

Mais pour témoigner de son humeur, il convient de rappeler aussi que Barrande refusa de se plier aux nouvelles règles de nomenclature adoptées, sur proposition de Henri Douvillé, par le Congrès international de Géologie tenu à Bologne en 1881. L'auteur bohémien émet une « Protestation » contre ces résolutions et, « en vertu de la liberté » qu'il s'accorde, décide de ne pas s'y conformer. Il désigne ainsi vingt nouveaux genres de bivalves par « une série de noms empruntés à la langue nationale tchèque », en donnant, concession de sa part, le nom latin équivalent, Anuscula pour Babinka, Puella pour Panenka, etc. (Système silurien, Vol. VI, 1881, p. XXIII).

On ne saurait, enfin, à propos de ces inventaires monumentaux, omettre d'indiquer que Barrande a tenté de replacer ceux-ci dans leur contexte spatio-temporel. Il a ainsi, dès le premier volume du Système silurien (1852), consacré aux trilobites, établi de nombreux tableaux de répartition stratigraphique et géographique des faunes décrites qui témoignent de sa connaissance exhaustive de la littérature de son temps. Il souligne, à juste titre, lorsqu'il confronte ses données à celles d'Angelin en Scandinavie (1856), les difficultés rencontrées dans de telles synthèses pour les comparaisons de faunes décrites par des auteurs différents. Mais il aboutira parfois à d'étonnantes conceptions comme celle-ci : « La faune silurienne aurait encore pu exister sous les tropiques au temps où la faune carbonifère existait déjà dans les mers polaires et la faune dévonienne dans les zones intermédiaires » {Bull. Soc. géol. Fr., 1854, p. 318).

Les études morphologiques

Barrande a été un observateur talentueux et consciencieux du matériel paléontologique. Il s'intéressa à tous les groupes présents dans les terrains étudiés et nous a laissé des descriptions très précises de nombreux caractères morphologiques.

Dès 1846, il consacre quinze pages (sur les quarante du Supplément aux trilobites) à « Quelques observations sur le nombre de segmens qui composent le corps des trilobites». Puis il remarquera (1856) que les trilobites les plus anciens offrent une prédominance du thorax et un pygidium réduit tandis que leurs successeurs montrent un développement du céphalon et du pygidium au détriment du thorax réduit à huit segments. Il ne tire d'ailleurs aucun argument évolutif de cette observation sur laquelle il insistera pourtant de nouveau (Barrande, 1880).

Pour les nautiloïdes, il effectua de remarquables observations et interprétations des structures internes des coquilles comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner (Babin, 1985). Après avoir contesté, avec raison, en 1855, les vues de Hall qui interprétait comme de jeunes individus dans le siphon de leur mère (génération vivipare) les emboîtements de cônes intrasiphonaux, Barrande consacra un autre article de la même année à l'examen du « remplissage organique du siphon dans certains Céphalopodes paléozoïques » (Bull. Soc. géol. Fr., 1855b). Se refusant à prendre ces structures en compte pour la systématique car « les dépôts intrasiphonaux peuvent avoir été modifiés secondairement», il définit les « anneaux obstructeurs », reconnaît « la disposition en couches concentriques dans la substance de l'anneau », indiquant qu'il s'agit d'une sécrétion animale, remarque « une activité de sécrétion inégale sur les côtés opposés du cordon charnu du siphon » (Ibid., p. 450), observe le remplissage fait de lamelles radiales chez Orthoceras Jovellani (= Jovellania), etc. De ses observations précises, Barrande entreprend une véritable analyse morphofonctionnelle en examinant « la cause ou le but » de ce remplissage. Il envisage un renforcement de la coquille mais il évoque aussi un rôle pour l'équilibre hydrodynamique « peut-être doit-il agir uniquement comme un poids inerte, nécessaire à l'équilibre, dans la combinaison de la station et des mouvements de la coquille » (Ibid., p. 478) pour ces orthocères « qui avaient besoin de la plus grande vitesse à cause de leurs habitudes carnivores... » (Ibid., p. 486). Dans un article ultérieur, consacré cette fois aux dépôts intracaméraux, il attribue aussi à ces derniers un rôle de « contrepoids contre leur tendance ascensionnelle trop puissante » (Bull. Soc. géol. Fr., 1859b, p. 845) et remarque que les coquilles longicônes en sont dépourvues : « leur grande chambre est généralement très développée en longueur, ce qui suppose un mollusque assez pesant» (Ibid., p. 849). Ces interprétations des sécrétions intracoquillières sont celles que l'on retrouvera illustrées chez les auteurs récents (Flower, 1957).

D'autres descriptions sont tout aussi éloquentes quant à ses qualités d'observateur. En 1860, il considère pour Ascoceras « la troncature naturelle de la pointe de la coquille comme inhérente à ce type » (Bull. Soc. géol. Fr., 1860a, p. 589) ; ce genre possède effectivement une partie apicale déciduale. Il envisage, pour réparer l'apex chez Orthoceras truncatum, « l'existence d'une paire de bras allongés et doués d'une faculté de sécrétion » {Ibid., p. 590). Cette hypothèse l'amena à conclure à la nécessité de ne pas appliquer de façon trop étroite une comparaison avec le nautile actuel. Réflexion fort pertinente sur l'application du principe actualiste aux faunes paléozoïques (voir Vannier et al., 1995).

Enfin, il convient de souligner la qualité de l'étude ontogénétique des trilobites. Après avoir constaté « des circonstances... qui m'ont permis de mettre hors de doute le fait de la métamorphose des trilobites» (Système silurien, Vol. I, 1852, p. 264), Barrande décrivit avec précision les formes larvaires de Sao hirsuta avec 20 « degrés successifs de développement » figurés sur sa planche 7. Il en conclut : « Cela tend à réduire la nomenclature [...]. Un auteur [Corda] avait fondé 10 genres avec 17 espèces nouvelles sur une partie seulement des âges de Sao hirsuta » (Ibid. p. 385). On sait quelle importance devait prendre par la suite l'étude des formes larvaires des trilobites et leur intérêt pour les hétérochronies.

Les conceptions anti-évolutionnistes

Barrande sut reconnaître la succession de faunes différentes dans le temps puisqu'il distingua ses étages de Bohême sur ce critère. L'étage C était caractérisé par la faune primordiale à Paradoxides, l'étage D par la faune seconde, les étages E-H par la faune troisième. On notera qu'il commenta à maintes reprises sa notion de « faune primordiale», caractérisée par de nombreux trilobites. «[...] aucune trace fossile quelconque n'a été jusqu'à ce jour signalée dans nos étages azoïques, nous persistons dans la croyance que cette dénomination est en harmonie avec la nature » (Parallèle entre les dépôts siluriens de Bohême et de Scandinavie, 1856, p. 39), « Il nous paraît donc constant aujourd'hui, que la classe des Crustacés a eu le privilège de paraître la première, pour animer les mers de notre globe » (Ibid., p. 40). Si l'on a su depuis que cette faune primordiale n'est pas la plus ancienne puisque la succession du « Barrandien » ne débute qu'avec le Cambrien moyen, il est néanmoins intéressant de noter d'autres remarques prémonitoires à l'égard des faunes cambriennes, comme celle-ci : « la faune primordiale a partout un caractère spécial, celui de ne présenter qu'un petit nombre d'espèces dans les genres rappelés [...] » (Bull. Soc. géol. Fr., 1857b, p. 454).

La succession des trois faunes définies suppose la disparition des plus anciennes. Barrande s'est exprimé à diverses reprises sur les causes de ces extinctions dont on sait combien leur examen est redevenu d'actualité depuis 1980. Notre auteur envisagea des causes extrinsèques « on conçoit aisément que les déversements des trapps [voir plus haut] au fond du bassin a [sic] dû anéantir d'un seul coup tous les êtres qui vivaient dans cette mer» (Bull. Soc. géol. Fr., 1851, p. 151). Plus tard, commentant les cataclysmes de Cuvier, il citera parmi les causes possibles envisagées « le choc de comètes », sans s'arrêter sur cette hypothèse, et en voyant plutôt une solution dans « les soulèvements brusques des montagnes » d'Elie de Beaumont (Bull. Soc. géol. Fr., 1854, p. 316). Mais Barrande pense aussi à des causes intrinsèques, « les espèces portent en elles-mêmes une cause intrinsèque qui amène leur disparition, de telle sorte qu'il n'y aurait qu'une certaine vitalité accordée à chaque espèce » (Bull. Soc. géol. Fr., 1851, p. 158) ou encore : « chaque création n'a été douée que d'une quantité déterminée de force vitale, destinée à s'éteindre après un certain laps de temps» (Bull. Soc. géol. Fr., 1852b, p. 408), puis de nouveau : « l'anéantissement n'a donc pas été la suite violente de la révolution locale [les trapps] [...] nous devons plutôt la considérer comme l'effet lent et normal de la grande loi de la nature qui régit la succession des êtres sur le globe » (Bull. Soc. géol. Fr., 1859a, p. 530).

Il transparaît dans ces propos que Barrande était créationniste, et cette « succession » des êtres n'est nullement à ses yeux la manifestation d'une transformation évolutive. Sa profonde dévotion en fit un esprit extrêmement anthropocentriste qui voyait en la Terre « cette demeure, destinée de si loin au séjour des intelligences humaines » (Bull. Soc. géol. Fr., 1854, p. 324). Il convient de dire qu'il n'était pas le seul géologue faisant pareille profession de foi puisque Elie de Beaumont dira son accord : « Le monde s'est successivement approprié à sa destination actuelle, savoir servir d'habitation à l'homme» (Bull. Soc. géol. Fr., 1857b, p. 454). Mais il est vrai que de semblables accents se retrouvent aujourd'hui dans des ouvrages comme celui de Denton (1997)... Quoi qu'il en soit, Barrande considérera que « la Paléontologie de récente origine » et « l'antique et noble Astronomie » « racontent [...] la puissance et la gloire du Créateur» (Système silurien, Vol. VI, 1881, Dédicace au comte de Chambord).

Aussi ne doit-on pas s'étonner de ne trouver, après 1859, aucune allusion à l'ouvrage de Charles Darwin dans les écrits de Barrande. Il niera d'ailleurs toute forme d'enchaînement phylogénétique. « Nos observations sur les acéphales de notre bassin ne nous ont révélé jusqu'à ce jour aucune trace certaine de filiation d'une espèce quelconque dérivant d'une espèce antérieure» (Système silurien, Vol. VI, 1881, p. 235) et il calcule à cette occasion un « taux de filiation » de 0.000 ! Il arguera des caractères de sa « faune primordiale » pour réfuter tout accroissement progressif de la complexité des organismes : « L'une [des opinions à réfuter] consistait à considérer les êtres primordiaux comme devant appartenir aux classes les plus infimes de la série animale, sous le rapport de l'organisation. Il nous paraît démontré aujourd'hui, que les premiers représentants de la vie sur le globe ont été généralement des Trilobites, c'est-à-dire des Crustacés qui, par le degré déjà élevé de perfection de leurs organes, occupent à peu près le milieu dans la série ascendante des êtres animés » (Parallèle entre les dépôts siluriens..., 1856, p. 66). Notons incidemment combien Barrande était convaincu du rôle central joué par les arthropodes dans sa faune primordiale. Lorsqu'il cita « les petits fossiles recueillis par le Dr Pander aux environs de St-Pétersbourg » -il s'agissait de la découverte des conodontes -, il ajoutait : « quelques autorités compétentes ont démontré que ces formes, quoique semblables à de très petites dents de poissons, ne pourraient être que des épines ornant la surface de quelques crustacés » (Bull. Soc. géol. France, 1857b, p. 453). Lorsqu'il décrivit, dans son volume VI (1881, p. 253) le petit bivalve Fordilla troyensis du Cambrien inférieur d'Amérique du Nord, il se refusa à l'interpréter comme un mollusque et put conclure à « l'absence jusqu'à ce jour des acéphales et des céphalopodes dans la faune primordiale ».

Barrande concevait, finalement, la suite des faunes comme le résultat de créations successives : « Toutes les formes qui représentent la vie organique n'ont pas été créées à la fois, mais au contraire ont apparu à des époques successives » pour aboutir « à la faune actuelle qui réunit tous les types de formes de la vie » (Bull. Soc. géol. Fr., 1857b, p. 447). Mais il admettra l'existence de « centres de création distincts» (Parallèle entre les dépôts siluriens..., 1856, p. 66) et que l'on « sait que tous les groupes de formes animales sont annoncés d'avance par quelques apparitions sporadiques que M. Agassiz [un autre célèbre anti-évolutionniste] nomme les espèces prophétiques » (Bull. Soc. géol. Fr., 1857b, p. 444).

III Le colonial

Ces dernières citations pourront s'accorder avec la curieuse théorie que Barrande va élaborer, et défendre avec âpreté contre tous ses détracteurs pendant plus de trois décennies, celle des « colonies ». Ce sont des pseudo-mélanges d'éléments de ses faunes seconde et troisième qui l'ont conduit à ces aberrations mais aussi à des assertions, lors de débats parfois vifs, qui ne sont pas toutes dénuées d'intérêt.

Lors de la première mention de la notion de « colonie » faite devant la Société géologique de France en 1851, Barrande explique qu'il interprète la présence d'éléments de la faune la plus récente au contact de ceux de la faune plus ancienne comme le résultat de l'immigration des premiers à partir de centres, extérieurs au bassin, où ils sont déjà apparus. Il s'agit donc là de véritables « colonies » de formes de l'étage E dans l'étage D, représentants précurseurs de l'installation ultérieure de l'ensemble de la faune E caractéristique. Il peut conclure : « le fait des colonies que je viens d'exposer tend donc à modifier les conclusions habituelles de la science jusqu'à ce jour» (Bull. Soc. géol. Fr., 1851, p. 153).

Il exposera longuement de nouveau son argumentaire devant la Société en 1860. Regrettant d'entrée l'absence de Claude-Emile Bayle qui lui a dit : « Je ne crois pas à vos colonies », il affirme, au contraire : « je crois que la doctrine des colonies en ait arrivé [sic] au point d'attirer l'attention sérieuse de tous les géologues» (Bull. Soc. géol. Fr., 1860b, p. 603). Dans un historique de ses démarches, il explique : « La colonie Zippe [la première décrite] présentait le mélange des deux faunes (seconde et troisième). Ce fait nous ayant été révélé vers la fin de 1847, nous a confirmé dans l'interprétation des autres colonies que nous connaissions depuis plus de six ans, sans oser nous hasarder à une publication à ce sujet, tant il nous paraissait impossible de trouver en défaut les lois admises dans la science, relativement à la succession absolue des faunes » (Ibid., p. 616). C'est qu'en effet : « Quelle est la conséquence principale de notre doctrine des colonies ? C'est que les faunes [...] ont joui d'une contemporanéité partielle » Ibid., p. 665). Cela paraît donc bien restreindre drastiquement les règles de la biostratigraphie établies auparavant, en particulier par les travaux d'Alcide d'Orbigny. Aussi des opposants se sont-ils manifestés et Barrande lui-même signale que Haidinger, directeur de l'Institut géologique impérial de Vienne, lui a fait connaître les réserves du professeur Krejci qui « est arrivé à admettre que ces anomalies peuvent être expliquées par de véritables dislocations» (Ibid., p. 604). Pourtant d'autres géologues ont déjà suivi Barrande, lequel peut citer Murchison qui a jugé la théorie «incontestable» dès 1854, Lyell persuadé lors d'une visite, Edouard Suess qui convaincra finalement Haidinger. Barrande signale des exemples glanés dans la littérature concernant le Silurien ou le Jurassique de Grande-Bretagne qui lui montrent également des « phénomènes d'intermittence » des faunes et il conclut avec quelque emphase et suffisance : « les colonies seront paisiblement incorporées dans la science, leur mère patrie » (Ibid., p. 666).

La controverse va pourtant se poursuivre. Lorsque Barrande présentera ses colonies en France et en Espagne, Saemann rappellera qu'il a toujours été « de ceux qui ont considéré la théorie des colonies comme insuffisamment établie » (Bull. Soc. géol. Fr., 1863, p. 520). Pour répondre à ses détracteurs, Barrande a entrepris la publication d'une série intitulée Défense des colonies qui comportera cinq opuscules publiés de 1861 à 1881, soit 725 pages, deux planches et deux dépliants. Le ton y sera souvent agressif, désobligeant. Dès le premier volume, il attaque avec violence Lipold qui a soutenu que les colonies « sont simplement des lambeaux de notre étage E, renfermés entre les plis de la bande d5 » (Défense des colonies, 1861, I, p. 13), en qualifiant les travaux de ce dernier « d'inconcevables négligences, de graves erreurs, de licences inouïes » (Ibid., p. 19). En 1862, alors que carte et profil de ce géologue viennent de paraître, il y voit une incompatibilité entre le système des plis et la réalité des faits matériels.

En 1865, il place complaisamment en exergue une phrase de W. Haidinger qui vient de se rallier à sa doctrine : « Vos colonies ont glorieusement gagné du terrain » mais son ton demeure acerbe pour Krejci auquel il conseille « un devoir de science et de charité le ramenant le plutôt [sic] possible à l'enseignement de la vérité » (Défense des colonies, 1865, III, p. 1).

En 1870, il cite d'Archiac, décédé, mais qui avait écrit en 1868, après avoir constaté la complexité tectonique du bassin : « On comprend bien alors ces réapparitions d'une même faune à des niveaux différents, ces colonies, ces soi-disant alternances, toutes ces prétendues anomalies, qui ne sont en réalité que des illusions stratigraphiques, résultats d'une appréciation incomplète de faits jugés sur des apparences déceptives » (Défense des colonies, 1870, IV, p. 13). Barrande qui y voit « une manifestation anti-coloniale du vte d'Archiac » (Ibid., p. 15) lui dédie, comme il l'a fait précédemment à plusieurs adversaires, mais ici à titre posthume, une nouvelle colonie qu'il décrit. Désormais triomphant puisqu'il vient d'obtenir le ralliement apparent de Krejci, il intitule l'une de ses parties Paix aux colonies. D'autres géologues adhèrent d'ailleurs à sa théorie. Choffat annonce au Congrès international de Géologie de 1878 à Paris la reconnaissance de colonies dans le Jurassique français (Choffat, 1880).
Cela fournit l'occasion à Jules Gosselet d'émettre une opinion en termes très nuancés : « La doctrine des colonies qui a excité tant d'émoi lors de son apparition, paraît maintenant un fait normal. Cette doctrine conduit à admettre que des faunes légèrement différentes ont pu vivre en même temps dans des bassins séparés. Elle est en relation avec l'idée, également récente, de faciès paléontologiques distincts pour des dépôts qui se sont formés en même temps, mais dans des conditions différentes de sédimentation ». Mais, ajoute-t-il : « [...] continuons à assimiler les couches quand elles renferment les mêmes fossiles, tout en reconnaissant, lorsque ce sera bien démontré que deux dépôts, ayant une faune un peu différente, peuvent néanmoins être contemporains; restons fidèles à notre vieux système paléontologique [...]» (Ibid., p. 205). En 1880, c'est Jules Marcou qui annonce la présence de colonies en Amérique du Nord.

Mais c'est la Bohême qui va revenir dans le débat lorsqu'en 1880, John Marr, un jeune géologue anglais âgé de 22 ans qui a visité la Bohême en 1879, présente ses résultats à Londres. Barrande se réfère à cette séance londonienne dans son nouvel opuscule de 1881. Marr a conclu, nous dit-il, que les colonies « ne sont que des lambeaux de notre bande e1 enclavés dans notre bande d5 par l'effet de dislocations » et il a trouvé le soutien de Charles Lapworth pour lequel les colonies sont « reconnues comme des apparences trompeuses » (Défense des colonies, 1881, V, p. 2). Barrande se veut dès lors cruel envers ce jeune homme : « M. J. Marr a exécuté une déplorable expédition en Bohême » (Ibid., p. 4). Le géologue anglais, qui retrouvait ainsi les interprétations antérieures de Krejci et de quelques autres, avait pourtant raison comme le montrent les coupes que l'on peut dresser aujourd'hui de ces « colonies » assimilables à des écailles tectoniques (Fig. 1). Mais Barrande, obstiné, se promettait de dédier, dans un futur volume, inachevé et resté inédit, des colonies à ces malheureux égarés car « Nos réserves de semblables honneurs sont loin d'être épuisées » (Ibid., p. 76).

Joachim Barrande s'éteignit le 5 octobre 1883 au château de Frohsdorf près de Vienne, emportant avec lui cette doctrine que la littérature géologique allait désormais ignorer définitivement, mais léguant, en revanche au Musée national de Prague l'immense collection de fossiles qu'il avait étudiée avec tant de brio.

L'œuvre paléontologique de Joachim Barrande est, sans conteste, monumentale. Elle n'a certes pas apporté de conceptions révolutionnaires pour la paléontologie mais le caractère méthodique du travail et la grande méticulosité des observations lui confèrent toute sa valeur. Bien qu'il soit de consultation peu aisée avec nos démarches systématiques actuelles et le cadre stratigraphique moderne, le Système silurien du centre de la Bohême demeure un ouvrage de référence, souvent inévitable, pour l'étude des faunes du Paléozoïque inférieur et du Dévonien. Pour être moins connues, de nombreuses autres publications de cet auteur méritent lecture. Nous avons vu qu'elles exposent souvent des observations et réflexions de grande qualité, qui ont été parfois celles d'un précurseur, comme pour les analyses morpho-fonctionnelles des sécrétions intracoquillières des nautiloïdes ou les études ontogénétiques des trilobites. De même, le concept de « faune primordiale », s'il s'est avéré inexact dans son qualificatif, n'en comporta pas moins de pertinentes remarques sur la relative pauvreté spécifique des genres décrits ou sur l'étonnante prédominance des arthropodes dans les faunes cambriennes. Les controverses autour de la notion obsolète de « colonies » elles-mêmes ne sont pas dénuées d'intérêt car elles permettaient d'aborder diverses questions qui restent aujourd'hui discutées telles celles des migrations ou des taxons dits Lazare (Jablonski, 1986).




Figure 1. Les « colonies » de Joachim Barrande. A-B. Coupe schématique de la partie centrale du bassin bohémien.
A. D'après Barrande (1852) avec les étages E-H, les bandes d4, d5 et la position des « colonies ».
B. Conception actuelle de la structure du bassin. D'après Kriz & Pojeta (1974).
1 - Ordovicien supérieur ; 2 - schistes graptolitiques et diabases (Llandoverien, Wenlockien) ; 3 -voicanites (Wenlockien, Ludlowien) ; 4 - calcaires (Ludlowien, Prodolien) ; 5 - calcaires (Lochkovien) ; 6 - calcaires (Praguien) ; 7 - calcaires (Zlichovien) ; 8 - schistes de Daleje (Dévonien moyen) ; 9 -calcaires de Trebotov et de Chotec (Dévonien moyen) ; 10 - schistes du Dévonien moyen.
C. coupe schématique dans la Colonie Krejci et en haut, à droite, schéma structural montrant l'origine des « colonies ».
1 - schistes graptolitiques et diabases du Silurien ; 2, 3, 4 - formations de Kosov, de Kraluv Dvur et de Bohalec (Ordovicien).

Personnage complexe que son extrême dévotion rendit aveugle à la révolution transformiste, d'un entêtement souvent suffisant et maniant volontiers l'argument d'autorité, Barrande sut avoir aussi des relations cordiales et simples avec ses collecteurs des campagnes tchèques si l'on en croit les propos, rapportés par Plas (1970), de ceux qui le fréquentèrent. Il est injuste que Joachim Barrande, ce véritable autodidacte qui ne connut les fossiles qu'après l'âge de trente ans, avant de devenir l'une des sommités de la paléontologie de son époque, demeure si méconnu dans sa patrie d'origine.

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Références

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ADDENDUM

Depuis la rédaction de ce texte, deux plaquettes de nos collègues tchèques ont été publiées à l'occasion du bicentenaire de la naissance de Barrande :

Horny R. & Turek V. (1999). Joachim Barrande (1799-1883). His life, work and héritage to worldpalaeontology. Narodni muz., Praha, 55 p.

Kriz J. (1999). Joachim Barrande. Cesk. geol. ust., Praha, 41 p.