Le texte qui suit a été publié dans ABC Mines, bulletin 29, mai 2008, pp. 27 à 34

Verres, glaçures et couleurs uranifères : radiométrie, technique, histoire

par Henning von PHILIPSBORN

Radiometrisches Seminar, Universität Regensburg

Les verres

Le cendrier publicitaire Pernod illustré ci-contre, d'une séduisante couleur d'absinthe, provoque l'inquiétante « musique » du compteur Geiger : de sa teneur en uranium résulte en effet son rayonnement ionisant, ainsi que sa vive fluorescente provoquée par les rayons ultraviolets.


Cendrier Pernod, 11cm x 11 cm x 3 cm

De semblables cendriers se trouvaient probablement sur de nombreuses tables de bistrot dans les années 50, comme s'en souviennent peut-être certains ; personnellement, étudiant non-fumeur de l'année scolaire 1954/55 à la Sorbonne et à la Cité Universitaire, je ne me souviens pas en avoir vu. Une telle collection rassemblée il y a cinquante ans aurait été un bon investissement : aujourd'hui, ces cendriers sont présentés sur « Ebay » de 25 à 50 € pièce.

La fluorescence est un premier indice de leur teneur en uranium. Dans la littérature scientifique les premiers qui ont mentionné la fluorescence d'un verre jaune de Bohême et «d'urane» sont: Sir David Brewster (1781-1866), George Gabriel Stokes (1819-1903), Edmond Becquerel (1820-1891) et Wilhelm Conrad Röntgen (1845-1923)

Lors d'une conférence le 20 janvier 1896, Henri Poincaré donnait un rapport sur la découverte de Röntgen et, en réponse à une question d'Henri Becquerel (1852-1908), fils d'Edmond, il signale la fluorescence du verre du tube Geissler en des endroits frappés par le faisceau cathodique. Tout de suite Becquerel a deviné un rapport entre les rayons X et la fluorescence, son propre champ de recherche.

La fluorescence est une propriété de nombreux composés chimiques et de minéraux, même non uranifères. C'était donc un heureux hasard pour Henri Becquerel d'étudier le double sulfate d'uranyle et de potassium K2(UO2)(SO4)2.H2O. Ce composé, déjà étudié par son père, a conduit le fils à la découverte des radiations uraniques, phénomène inattendu, baptisé radioactivité par Marie Curie (1867-1934).

En 1852, Stokes parle de « canary glass » et Becquerel, en 1876, de verre d'urane. En anglais on dit canary ou vaseline glass. En allemand on dit Uranglas. Google et Ebay ont de nombreuses entrées canary glass et Uranglas , plusieurs entrées verre d'urane et de nombreuses entrées opaline ou ouraline. Ouraline est présent sur des dictionnaires tels que « Le Nouveau Petit Robert 2007 ». Le mot opaline désigne aussi les verres opaques non-uranifères. Je préfère le terme scientifique de « verre uranifère ».

Après la découverte d'uranium dans la pechblende en 1789 par Martin Heinrich Klaproth (1743-1817) et jusqu'à la découverte de la radioactivité, donc pendant tout le XIXe siècle, l'uranium fut employé uniquement pour la coloration des verres décoratifs, des glaçures de la céramique et des décors de la porcelaine. La manufacture du jaune uranique en Bohême, à St. Joachimsthal, Jachymov en tchèque, est bien connue depuis 1853.

L'extraction d'uranium étant l'unique but du traitement de la pechblende, les déchets miniers conservaient le radium, qui sera plus tard laborieusement extrait par Madame Curie. Comme la région de Jachymov est dépourvue de sable, ces déchets sablonneux ont été utilisés dans le mortier servant à la construction de maisons : un échantillon de la façade d'une ancienne maison de Jachymov provoque ainsi un signal marqué sur les instruments Inspector et Radeye.

Deux cendriers publicitaires Pernod se différencient l'un de l'autre par leur teneur en isotopes d'uranium 23892U et 23592U, dont le rapport des activités se mesure au moyen d'un spectromètre gamma muni d'un détecteur au germanium hyper pur de haute résolution énergétique, avec un blindage de protection de 5 cm de plomb. Le rapport R des activités des isotopes d'uranium présents dans un objet est le quotient de leur rapport massique à celui de leur demi-vie. A l'état naturel, l'uranium est constitué de 99,275 % d'23892U de demi-vie 4,4.109 ans et de 0,720 % d'23592U de demi-vie 7,1.108 ans, soit un rapport des activités de 21,7 calculé ainsi :
rapport massique = 99,275 : 0,720 = 138
rapport des demi-vies = 4,4.109 : 7,1.108 = 6,34
d'où rapport des activités R naturel = 138/6,34 = 21,7.

La mesure du rapport d'activités R d'un objet uranifère indique ainsi quelle est la proportion P relative aux deux principaux isotopes d'uranium : P = 238U / 235U = 6,34 R.

Les spectres gamma des deux cendriers donnent les valeurs R1 = 25 et R2 = 40, l'un contient de l'uranium en état isotopique naturel et l'autre de l'uranium appauvri en 235 U. L'uranium appauvri est un déchet de l'enrichissement d'uranium destiné aux armes atomiques et à l'énergie nucléaire. L'uranium appauvri n'existe, et est le seul à être commercialisé, que depuis environ 1950. Donc il est certain que l'un des deux cendriers fut réalisé après 1950 et l'autre avant, ou avec d'anciennes réserves d'uranium.

Les verres ont des teneurs pondérales de l'uranium de 0,11 à 1,23 %, déterminées par spectrométrie gamma à partir d'un grand nombre de perles ou boutons, dont nous avons assez pour remplir un volume calibré. La teneur en uranium est de 1 % si l'activité spécifique de l'U-238 est de 123 Bq par gramme de verre. F. Kirchheimer et K. A. Breit, donnent des teneurs en uranium similaires aux nôtres.

La radioactivité du verre uranifère est très faible, mais facilement détectée par un compteur Geiger-Muller. Comme la teneur en uranium est peu élevée et comme en plus l'uranium est scellé dans une matière solide et stable, le verre uranifère, du point de vue radiologique et toxicologique, est sans aucun risque pour le propriétaire. Mais les travailleurs dans les verreries peuvent s'exposer à des doses élevées ou aux contaminations et même aux incorporations, si les mesures de radioprotection ne sont pas strictement observées. Pour cette raison, la production du verre uranifère est bannie dans l'Union Européenne y compris dans la République tchèque.

Les verres uranifères existent en riche palette de couleurs. En état transparent, les couleurs les plus répandues sont le jaune et le vert, rarement le brun, le rose ou le bleu.


Verre à pied en verre uranifère jaune. Reprise d'une forme ancienne de 1840. Fabriquant inconnu, vraisemblablement Tchécoslovaquie, 1948-1990
Hauteur :15,5 cm , diamètre 9 cm


Verre à pied en verre uranifère vert. Cristallerie de Vallerysthal (France).
Hauteur : 11,5 cm, diamètre : 8,5 cm

En état opaque le verre blanc est nommé verre laiteux ou osseux, parce qu'il est opacifié par du phosphate du calcium sous aspect de cendre d'os. Un verre opaque de couleur vert pomme est nommé verre chrysoprase comme la variété du quartz à traces de nickel de même nom. Le verre uranifère opaque existe aussi en jaune brillant


Petit pot de la manufacture anglaise Davidson, en verre uranifère jaune, avec un bord laiteux.
Hauteur : 8 cm


Flacon haut de verre chrysoprase foncé
8 cm x 8 cm. Hauteur : 11,5 cm

Les objets en verre transparent se transforment partiellement en jaune blanchâtre opaque par un traitement thermique local, une spécialité de la manufacture de Davidson en Angleterre. Le verre uranifère, opaque blanc, un peu jaunâtre, surtout en forme de perles, possède une apparence d'ivoire, et, en forme de boutons, une apparence nacrée.

Les collectionneurs de verre uranifère demandent souvent à savoir la cause de la différence des couleurs jaune et vert. La teneur en uranium est plus élevée pour les verres jaunes que pour les verres verts ; ces derniers contiennent un peu de cuivre ou de chrome et sont, en général, moins fluorescents parce que ces éléments suppriment la fluorescence. Sur le plan technique on obtient les verres uranifères par l'addition de 1 - 2 % de diuranate de sodium Na2U2O7 aux mélanges standard de silice (sable), des carbonates de potassium et de sodium, des oxydes de calcium, de bore et de plomb. Pour les verres opaques, on ajoute du phosphate de calcium et pour le verre opaque couleur de chrysoprase, en plus, un peu d'oxyde de cuivre ou de chrome. Les objets vitreux sont formés en état visqueux par soufflage ou moulage et ennoblis par taille, polissage et gravure.

L'origine du verre uranifère est sûrement en Bohême aux environs des années 1830. L'usage de l'uranium pour colorer les verres était recommandé déjà par Klaproth en 1789, mais les manufacturiers de verre gardaient leurs secrets. Une production importante de verre uranifère se développait en Bohême, Allemagne, France, Belgique, Angleterre, et aux Etats-Unis.


Verre uranifère avec une gravure : « Teplitz, 17 Juli 1841 ».
Propriété du professeur Karl-Heinz Jacobn, Berlin

Les objets en verre uranifère existent avec une grande variété de formes. Au XIXe siècle les gobelets d'amitié, les flacons à parfum et les garnitures de toilette étaient très à la mode. Presque tous les objets d'usage courant ou décoratif en verre existent aussi en verre uranifère. Moins connus sont les perles et les boutons dont nous avons trouvé une grande variété à l'occasion de plusieurs visites en Bohême à Jablonec, ancien Gablonz, fameuse ville du verre. Aux environs de Jablonec on fait encore des perles, des boutons et des objets de fantaisie à la main.

Les glaçures

En Novembre 1978, un de mes étudiants du cours de physique des rayons X, apportait un carreau céramique décoré avec une glaçure uranifère. Mon instrument de surveillance des rayons X en laboratoire cristallographique répondait brusquement. C'était un coup de foudre d'obtenir une source de rayonnement ionisant sans risque, pour démontrer en classe et en conférence publique les instruments de la radiometrie et les principes de la radioprotection.

Les glaçures ont une teneur pondérale de l'uranium de 15 % et plus, mais seulement dans la couche mince de la glaçure. Le débit de dose microSievert par heure à la surface d'une glaçure est beaucoup plus élevé que pour le verre uranifère. La démonstration avec un instrument est vite faite. Il y a des rayons alpha de l'uranium-238 et les rayons bêta et gamma à basse énergie du thorium-234, en équilibre radioactif avec l'238U. Contrairement aux minerais d'uranium, les composés chimiques d'uranium employés pour les verres et pour les glaçures ne contiennent pas de radium-226 et les descendants plomb-214 et bismuth-214, deux radionucléides avec des gammas à haute énergie. Donc, les rayonnements des glaçures uranifères sont facilement absorbés par quelques millimètres de plexiglas ou de verre ou par quelques décimètres d'air, une protection suffisante, démontrée avec les instruments Inspector et Radeye.

Les carreaux avec décors en glaçure uranifère donnent des autoradiographies magnifiques. Le film X-ray Agfa-Gevaert-Osray M3 a besoin de 5 jours d'exposition, mais 10 minutes sont suffisantes pour les images électroniques et digitales d'un appareil Instantimager Packard. Les glaçures uranifères existent dans une riche palette de couleurs, mais toutes sans fluorescence. Les couleurs les plus répandues sont l'orange, le jaune, le rouge, le brun et le noir, et rarement le vert. La couleur obtenue est déterminée par la composition chimique de la glaçure même, par la température et par l'atmosphère du fourneau. Les glaçures riches en plomb donnent un rouge à température inférieure à 1040 °C.


Vase. Hauteur 22 cm. Ouverture et pied de 11 cm.
Villeroy et Boch, vraisemblablement Dresde, avec un timbre

Les glaçures riches en bore donnent un jaune, qui passe au rouge à des températures supérieures à 1040 °C. Le noir est obtenu en atmosphère réductrice. Les couleurs brillantes des glaçures uranifères étaient très populaires dans les années 1920-1970. Les objets en céramique avec glaçure uranifère existent en grande variété de formes, illustrée par un grand nombre d'objets dans notre livre : des vases et des plateaux, des vaisseaux, et d'autres objets d'usage courant ou décoratif.

Un bon nombre de manufactures de céramique renommées ont appliqué des glaçures uranifères: Rosenthal et Villeroy & Boch en Allemagne, Rorstrand et Ekeby en Suède, Gmunden Keramik en Autriche et d'autres. Nos carreaux venaient de Bassano Torregilia en Italie et d'un producteur non identifié en France.

Si les carreaux à glaçures uranifères couvrent une grande surface de murs, par exemple dans une cuisine ou une salle de bain, le taux de radiation au centre de la pièce est élevé. Nous avons ainsi mesuré dans une cuisine un débit de dose en surface de 7-10 microSievert par heure. Supposant une exposition de 3 heures par jour, cela donne une dose en surface de 10 milliSievert par an, correspondant à une dose efficace de 1 milliSievert par an, ce qu'il faut éviter.

Il ne faut pas exposer les glaçures uranifères aux acides de fruit ou de vinaigre, parce que les glaçures sont attaquées lentement et cela peut conduire à des contaminations et même à des incorporations, un risque renforcé par la présence de plomb dans la glaçure. Le débit de dose externe d'un grand vase de table en glaçure uranifère est élevé, mais la dose est minime et sans risque, parce que personne ne tient un tel objet dans ses bras plusieurs heures par jour.

Les couleurs

Une application toute spéciale du noir uranifère se trouve dans le décor "feuille de vigne", de la manufacture de porcelaine de Meissen, les feuilles vertes en oxyde de chrome, et les tiges en noir uranifère. Les deux couleurs peuvent supporter la haute température du fourneau de 1400° C, nécessaire pour la bonne qualité de la porcelaine. Ce décor est fait depuis 1817. Le décor était imité par deux manufactures en Bavière, Rosenthal à Selb et Hutschenreuther à Weiden.


Détail du décor à feuille de vigne d'un plateau de petit déjeuner de la manufacture de porcelaine de Meissen

En 1999 un minéralogiste amateur nous a montré dans le Musée de Theuem des pièces de porcelaine d'usage courant de Bohême de la première moitié du XIXe siècle avec, en couleur noir, des "veduta" ou vues architectoniques ou topographiques, très à la mode bourgeoise en Biedermeier Allemand (1815-1848). L'amateur avait découvert la radioactivité des images par hasard avec son compteur Geiger, utilisé pour chercher des minéraux radioactifs. Les marques sur ou dans la surface inférieure des pièces indiquent des manufactures bien connues autour de Karlsbad/ Karlova Vary en Bohême et des années 1811 jusqu'à 1867 seulement. La littérature spéciale décrit ses décors faits par "transfer printing" et "sous la glaçure". Nos études radiométriques donnaient deux surprises. Première surprise, par sondage alpha : la couleur noire radioactive n'est pas "sous la glaçure" mais bien dans la glaçure. Deuxième surprise, par spectrométrie gamma : la couleur noire n'est pas de l'uranium chimique, mais bien de l'uranium minéral avec ses descendants radium-226 plomb-214 et bismuth-214. Donc, il s'agit de la pechblende minérale sans traitement chimique. Vraiment une méthode exceptionnelle pour sceller la pechblende en robe artistique, sans risque de contamination et très utile pour toutes sortes d'expériences.

Lors d'une visite d'un marché aux puces près de Ratisbonne, nous avons trouvé, par hasard, une autre application des couleurs uranifères de porcelaine. Le compteur Geiger à la recherche des céramiques, répondait, mais pas à cause d'un vase suspect, mais à cause de la figurine d'un chien en porcelaine, placé à côté. Le Musée de la Porcelaine à Hohenberg a récemment reçu une riche collection de figurines animalières en porcelaine, la plupart avec des couleurs uranifères. L'uranium se trouve dans presque toutes les couleurs de ces figurines, qui sont cuites à haute température de 1400 °C, nécessaire pour la stabilité des formes complexes. L'uranium seul peut supporter cette température.


Papillon. Gotha, vers 1930. Glaçure polychrome.
Hauteur : 5 cm, longueur 8 cm

La fabrication des figurines animalières est très délicate et demande beaucoup d'expérience aux porcelainiers. Les couleurs appliquées en solution aqueuse ou huileuse ne donnent aucune idée des couleurs obtenues après la cuisson. La température est très critique pour la couleur finale et la stabilité mécanique. Donc il y a beaucoup de rebut, ce qui augmente les frais de production, les prix de vente sont très élevés, et réservent ces objets à de riches collectionneurs. Les manufactures les plus renommées étaient actives vers 1900 : KPM Kopenhagen, KPM Berlin, Villeroy & Boch Dresden, PM Meissen et Rosenthal Selb en Allemagne ; en France Utzschneider & Co. à Sarreguemines, Camille Tharaud à Limoges, et la Manufacture de Pierrefonds dans l'Oise.

Les photos illustrant cette conférence sont de Rudolf Geipel. Nous remercions tout particulièrement le professeur Henning von Philipsborn d'avoir prononcé sa conférence en français et de nous avoir communiqué son texte également en français. (NDLR)

Présentation de l'ouvrage du professeur von Philipsborn par J-P Adloff, in Radioprotection Vol. 41 n°4 (2006)

Uranfarben, Uranglasuren ; radiometrisch, technisch, historich. H von Philipsborn et R. Geirel. Volume 46 des publications du Musée des exploitations minières et de l'industrie de l'est de la Bavière. Theuren, 2005. 160 pages. ISBN : 3-925690-55-7

Lorsqu'il découvrit l'uranium en 1789, Martin Heinrich Klaproth (1743-1817) releva la couleur jaune-orange des composés de l'élément et suggéra leur emploi pour la coloration de porcelaines. Quelques années plus tard les premières porcelaines uranifères étaient produites en Allemagne par les manufactures Meissen et Wien. Au milieu du 19e siècle, les minerais d'uranium abandonnés à St Joachimstahl considérés jusque-là sans valeur furent utilisés pour la préparation de colorants à base d'uranium. Ainsi naquit une industrie prospère d'abord en Allemagne puis en Europe pour la confection de porcelaines, faïences, carreaux et émaux utilisant une palette d'une trentaine de teintes.

Une impressionnante collection d'objets d'art uranifère a été rassemblée au Musée des exploitations minières et de l'industrie à Theuren dans le Land de Bavière, proche des centres historiques de l'industrie verrière. Elle est présentée et commentée dans l'opuscule « Couleurs, verres et émaux uranifères : radiometrie, technologie, historique ». Plus de la moitié de la publication rassemble des photographies en couleur illustrant agréablement les chapitres décrivant les mesures radiométriques, les techniques relatives à la préparation des colorants et la confection des objets présentés. Le document est rédigé sous la direction de Henning von Philipsborn, Professeur à l'université de Ratisbonne, auteur de nombreux travaux sur la métrologie des rayonnements.

Les chapitres traitant de la radiométrie qui intéresseront davantage le radioanalyste s'ouvrent d'emblée par la question : les objets présentés sont-ils dangereux ou inoffensifs pour le public ? La réponse est rassurante : la dose d'exposition annuelle au contact des objets est 0,01 mSv alors que la dose naturelle en Allemagne est 2,4 mSv-.La teneur pondérale de l'uranium est inférieure au pourcent, l'activité de quelques dizaines de Bq/g. Jusqu'à la fin du 19e siècle, comme le révèle la spectrométrie gamma, l'uranium peut contenir des quantités variables de radium, mais celles-ci ne se retrouvent plus dans les échantillons postérieurs à la séparation industrielle du radioélément. Le rapport expérimental des activités 238U/235U est proche de la valeur naturelle 21,7 jusqu'en 1950. Pour les colorants plus récents utilisant de l'uranium appauvri ce rapport est nettement plus élevé. Cette observation permet de dater certains objets. À titre d'anecdote les rapports isotopiques mesurés pour deux cendriers identiques fabriqués en France et portant la marque publicitaire «Pernod» sont respectivement 25 et 39, donc confectionnés avant et après la dernière guerre.

Si la radioprotection au voisinage des objets uranifères ne pose pas de problème particulier, il n'en est pas de même pour l'utilisation de vaisselle à base d'émaux céramiques de couleur rouge ou orange pour lesquels la teneur superficielle en uranium peut dépasser 15 %. Leur utilisation est proscrite et leur fabrication est maintenant interdite.

Le lecteur germanophone appréciera les explications détaillées sur la préparation des colorants et la confection des objets d'art, et l'histoire des deux siècles de l'industrie verrière à base d'uranium, incluant de nombreuses anecdotes. L'amateur d'objets d'art, non familier avec la langue de Goethe, admirera la magnifique reproduction de près de trois cents chefs d'œuvre. L'un et l'autre seront ainsi incités à visiter la belle collection du musée de Theuern.