Pierre RÉCAMIER (1876-1915)

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1899). Ingénieur civil des mines.


Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, mars-avril 1916 :

Notre camarade Pierre Récamier est mort à Paris des suites de ses blessures le 18 juin 1915.

Né à Paris le 27 mai 1876, il était le petit-fils de l'illustre docteur Récamier.

Il fit ses études au collège Stanislas et fut reçu en même temps à l'École Centrale et à l'École Supérieure des Mines. Il opta pour l'École des Mines et entra aux cours spéciaux en 1899. En sortant de l'École, il fit un voyage scientifique en Amérique, puis une année d'électricité, et entra aux Établissements d'Évry-Petit-Bourg.

En 1904, il épousait Mlle Mayoussier, fille de M. Mayoussier, directeur général à la Compagnie de Saint-Gobain. En 1906, il entrait à la Compagnie du Touage de la Haute-Seine. Sous-directeur en 1907, il en devenait le directeur en 1908. Depuis 1911, il était administrateur de la Compagnie d'assurances « Le Patrimoine ».

Appelé à la mobilisation, comme sergent au 30e territorial, il était un mois après versé au 302e de réserve, où, disait-il : « je me sens plus peut-être dans mon devoir ». Nommé adjudant, il fut brusquement versé au 102e actif et partit la nuit même pour Montdidier. Engagé dès son arrivée, avec sa section, dans l'action qui se déroule autour des villages de Saint-Aurin et de Saint-Mard, il prend part, dans la journée du 4 octobre, à l'attaque menée par toute sa division contre la ville de Roye occupée par les Allemands. C'est là qu'en marche d'approche en ligne de sections par quatre, Récamier tombe blessé par un shrapnell qui l'atteint à la cuisse et pénètre jusqu'au bassin. Il continue à donner ses ordres, fait progresser ses hommes, mais tente vainement de les suivre. Évacué sur Marquevilliers et Montdidier, il arrive enfin à Paris, n'ayant pas dormi depuis sept nuits. Son admirable conduite le fit citer à l'ordre du Corps d'Armée.

Admirablement soigné à l'hôpital Saint-Michel, après de longs mois de souffrances, alors que ses amis et sa famille escomptaient son prompt rétablissement, une nouvelle et malheureuse phlébite se déclara et une embolie l'emportait le 18 juin 1915.

Récamier était un camarade absolument sûr, inébranlable dans ses principes, ses croyances et ses affections. Depuis l'hiver 1889, qu'il passa à Alger, nous étions liés d'une amitié que les relations de famille, Stanislas, l'École, devaient affermir encore. Il réalisait à merveille la devise inscrite sur la cheminée de la bibliothèque dans l'hôtel familial de la rue du Regard : RECtus AMIcus ERis.

D'une érudition profonde, il aimait à discuter sur les sujets les plus divers : histoire, littérature, politique, théologie. Son frère, médecin du duc d'Orléans, qui accompagna le prince dans ses explorations polaires, réunissait tous les samedis des amis, des camarades, Récamier, qui était souvent distrait, peu communicatif, rêveur, devenait à ces réunions animé, causeur. Il dévoilait dans ces joutes oratoires tout ce qu'il avait de finesse, de vivacité, de malice et de gaieté.

Il savait prendre les hommes et s'en faire aimer. Pendant les inondations, il se dépensa sans compter pour remédier au fléau et pour soulager la misère de ses mariniers. Comme chef de section, que ce fût à l'attaque ou aux tranchées, il était toujours en tête ou près des sentinelles, allant reconnaître lui-même en avant, en rampant, les ombres douteuses qui passaient dans la nuit.

Fils d'un père mort en pèlerinage à Jérusalem, d'une mère incomparablement chrétienne, neveu de la fille d'Ozanam, frère, cousin de filles de la Charité, Récamier était profondément religieux, d'une piété éclairée et douce. Il écrivait, le 19 septembre, cette phrase inoubliable : « Je vais là où Dieu me mène, là où Il a décidé que j'aille; l'important est d'y aller chrétiennement et courageusement et d'accepter d'avance tout ce qu'il a décidé. Cela, je l'ai fait. »

De tels sentiments engendrent des héros.

Son souvenir a été perpétué par le Conseil d'administration de la Compagnie du Touage. Une plaque commémorative a été inaugurée, en présence de son oncle le général Récamier, dans les bureaux de la Compagnie, le 28 novembre 1915.

La grande famille de l'École, fière du patrimoine de gloire que lui lèguent ses héros, conservera pieusement le souvenir de ceux qui sont morts pour la Patrie.

Et, notre pensée en deuil va auprès de Mme Pierre Récamier, comme à l'hôpital auxiliaire 41, auprès du frère et de la sœur de notre camarade, comme aussi auprès de son cousin notre camarade Frédéric Laporte, pour leur dire toute notre douloureuse et profonde sympathie.

Aux armées : Capitaine Combe