Henri PETITCOLLOT (mort en 1916)


Petitcollot en 1908, élève aux Mines

Ancien élève de l'Ecole de mines de Paris (promotion 1905). Ingénieur civil des mines

Il décède le 22 février 1916. Il a un fils, Jean-Louis, né en 1915. Son épouse décède le 8/2/1933.


Publié dans Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des mi nes de Paris, Mars-Avril 1918 :

Dans un de nos précédents bulletins paraissait la notice, nécrologique d'Albert TASTU, elle était signée par Henri Petitcollot : notre camarade venait à peine de rendre ce pieux devoir à son meilleur ami qui est tombé à son tour face à l'ennemi, ajoutant son nom au martyrologe glorieux, mais hélas ! bien long de notre belle promotion.

Tous ses membres se trouveront unis pour déplorer cette mort avec une émotion particulièrement douloureuse, car même lorsque les circonstances et les exigences du métier les avaient éloignés de notre camarade, ils avaient gardé pour lui une amitié solide et une reconnaissance véritable. Petitcollot joua en effet un rôle prépondérant dans le mouvement qui, vers 1905, resserra dans notre Ecole les liens d'une camaraderie qui pour beaucoup d'entre nous fut l'origine d'amitiés précieuses et durables. Nommé commissaire à son entrée à l'Ecole, il occupa pendant quatre années cette charge peu enviée et nous consacra durant cette longue période son temps et ses peines, toujours avec le même dévouement et la même amabilité souriante.

Il collabora également à l'organisation de nos revues, de celle de 1905 en particulier, qui permit à l'Ecole de participer largement au soulagement des victimes de Courrières. C'est à lui surtout et à quelques autres de nos camarades que nous devons la fondation de ce cercle des élèves dont chacun de nous a gardé un souvenir si vivant.

Cette bonté, ce désir de se dévouer, Petitcollot les conserva à son départ de l'Ecole ; ses employés, ses ouvriers de Liévin en sont les témoins. C'était, dit un de ceux qui l'ont vu à l'œuvre, le chef bienveillant, traitant son personnel avec une sympathie éclairée, obéi par lui parce qu'il en était estimé et qu'il savait payer de sa personne. C'est que Petitcollot était mineur dans l'âme. Il n'était pas entré aux mines de Liévin par le hasard des circonstances mais par la volonté bien arrêtée de se consacrer définitivement à une carrière, pénible certes, mais attachante aussi par l'activité qu'elle demande, par la variété des problèmes qu'elle impose, par l'importance du personnel confié à l'ingénieur, par ses dangers même, souvent cachés mais toujours présents. Pour mener à bien cette tâche si dure pour un débutant, Petitcollot possédait une qualité maîtresse, le culte du devoir. Ce sentiment, il l'apportait en tout ; connaissant merveilleusement la fosse qu'on n'avait pas tardé à lui confier, il tenait à résoudre personnellement et à fond les problèmes si variés qui s'imposent à l'ingénieur. Il cherchait toujours la meilleure solution, ne se contentant pas d'un à peu près et ne se considérant comme satisfait que lorsque le résultat cherché se trouvait pleinement atteint. Aussi ses chefs avaient-ils bien vite reconnu la grande valeur de notre camarade : sa disparition, dit l'un d'eux, est pour la Société de Liévin, pour ses chefs et ses nombreux amis une perte irréparable. Pendant les six années qu'il passa dans le Pas-de-Calais, Petitcollot remplit inlassablement, avec la même conscience, son devoir de chaque jour. La guerre le trouva prêt et, tout naturellement, il s'éleva aux sommets du dévouement et du patriotisme.

Mobilisé dès le premier jour, il rejoignit en qualité de sergent son bataillon de chasseurs à pied à Lille, d'où il ne tarda pas à être envoyé sur la frontière de Belgique. Devant la redoutable avance allemande, il dut prendre part à la douloureuse retraite d'août 1914. Lorrain d'origine, il en souffrit doublement ; aussi, bien que sa santé fût très ébranlée, il voulut rejoindre le front à la première demande de renfort et c'est sur Verdun qui à ce moment était presque complètement investi qu'il fut dirigé les premiers jours de septembre. Quels ne furent pas ses rêves et ses espoirs ? Verdun étant la ville natale de son père et si proche du cher pays annexé où ses grands-parents dorment leur dernier sommeil ! Il donna immédiatement l'exemple de bravoure qu'on attendait de lui et gagna rapidement ses galons d'adjudant.

Dès ce moment il ne compte pas ses sacrifices, il est prêt à tout donner à son pays et à la nouvelle que sa maison de Liévin a été pillé, que des souvenirs très chers ont été dispersés, il écrit : " Ce n'est qu'un petit sacrifice au nombre de ceux que le pays put exiger de nous. " Son bataillon ayant un certain élément de mineurs, Petitcollot les prit immédiatement en affection, ne cessant de les encourager, de les secourir au besoin, sachant leur faire du bien et leur parler, et aussi tirer de ces natures difficiles tout ce qu'elles peuvent rendre : et dans leur simplicité touchante ses hommes avaient, comme autrefois ses ouvriers, un véritable culte pour lui.

Au début de 1915, Petitcollot, très éprouvé par les fatigues d'un séjour presque ininterrompu dans les tranchées, devint sérieusement malade et dut être évacué à Nice. Il y resta quelques mois et y revit ceux qui lui étaient chers, trêve providentiellement accordée à sa tendresse d'époux et de père. Et pourtant, il souffrit bientôt de son inaction et, malgré les avis des médecins, il multiplia les démarches pour reprendre un service actif. La question se posa pour lui d'entrer dans une usine de munitions : son état de santé, ses connaissances techniques rendaient toute naturelle une demande dans ce sens. Il ne le voulut pas. " Je puis être de ceux qui parviendraient à y être utiles, écraivait-il; je ne suis pas de ceux qui sont indispensables, ce sont, ces derniers qu'il faut retirer du iront. " Et comme il était de nouveau affecté à l'infanterie, alors qu'il eût préféré un poste plus adapté à ses connaissances de mineur, il écrivait encore : « Il y a pour cela des services compétents : les intéressés n'ont qu'à obéir et à se taire, quoi qu'ils en pensent. Nous vivons des jours pendant lesquels notre attitude doit se répercuter sur toute notre vie et sur celle de nos enfants. Ce qui est en jeu, c'est un patrimoine d'honneur dont un chef de famille est responsable et, dans l'intérêt même des siens, la considération du danger à courir ne doit pas l'empêcher de préserver sa conduite de toute équivoque. Quelle rectitude dans l'appréciation du devoir et quelle rectitude surtout, bien plus méritoire encore, dans la décision, la ligne de conduite une fois tracée. Cette volonté nette de ne pas se laisser tromper même par les considérations les plus respectables, cette acceptation sans phrases et bien arrêtée des conséquences du devoir reconnu sont plus belles que l'héroïsme d'une heure ou d'un jour sur le champ de bataille.

Mais cet héroïsme, notre camarade l'avait aussi et il le montra bientôt. Il repartit pour le front en qualité d'agent de liaison du lieutenant-colonel Driant ; déjà connu et apprécié de lui, il ne tarda pas à l'être plus encore. Dans le poste difficile qu'il occupait, il devint l'auxiliaire indispensable d'un chef qui fut aussi pour lui un ami très cher. [Le Lt-colonel Driant meurt lui-même au combat peu après son collaborateur].

Nommé sous-lieutenant, il participa pour sa large part aux préparatifs de défense contre l'attaque allemande qu'on savait imminente. Elle se produisit contre le bois des Caures ; au cours du bombardement, Petitcollot voulant rejoindre son colonel au poste de commandement, n'hésita pas à traverser un tir de barrage des plus violents, et s'élança dans la fournaise.

Il fut grièvement blessé et quelques heures après, il expirait, « Le sous-lieutenant Petitcollot, Henri-Marie-Emile, du 56e bataillon de chasseurs, adjoint au lieutenant-colonel commandant le groupe. Très brillant officier, possédant les plus belles qualités militaires. A rejoint le commandant du groupe de chasseurs à travers un tir de barrage très violent. A été blessé très grièvement. »

Tel est le texte de la magnifique citation qui perpétuera pour les enfants de notre camarade la gloire de leur père.

La veille de l'attaque, le 20 février au soir, Peticollot parlait à l'aumônier de son bataillon de la mort du mineur, qu'il admirait : ce fut la sienne, en effet, toute de dévouement dans la lutte obstinée et sans espoir.

Nous savons que cette mort fut douce, entourée de l'affection du chef qu'il aimait et de quelques camarades. Il mesura son sacrifice en pleine connaissance ; il ne le jugea pas trop grand pour la cause sacrée qu'il servait et il l'accepta. Ceux qui ont connu le foyer de notre camarade savent pourtant combien dures étaient la séparation et le renoncement à la mine d'espoirs très nobles et très chers que ce camarade méritait entre tous de voir réalisés.

Cette acceptation même, la certitude du revoir final, la victoire enfin pour laquelle Petitcollot a donné son sang, seront pour sa veuve et ses enfants la consolation dans leur terrible épreuve.

Gény.