Ernest Frédéric Honorat MERCIER (1878-1955)

Né à Constantine. Fils de Jean Ernest MERCIER, interprète et historien de l'Afrique du Nord (religion protestante), et de Marie Ernestine de STYX (fille du recteur de l'Univ. de Bade). Marié à Madeleine TASSIN en 1904, veuf en 1924, épouse en 1927 Marguerite DREYFUS nièce du capitaine Alfred DREYFUS. Sa fille Christiane épouse en 1930 Wilfried BAUMGARTNER, qui fut gouverneur de la Banque de France et ministre des Finances, membre de l'Institut.

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1897 ; sorti classé 13 sur 223 élèves). Corps du génie maritime.

Après un début de carrière à Toulon et avoir suivi des cours à Sup Elec, Ernest MERCIER entre à la société Nord-Lumière en 1912, où il étudie l'électrification de la région parisienne. Mobilisé en 1914, il va au Montenegro, aux Dardanelles, aide l'armée roumaine sur le Danube. Colonel à la fin de la guerre, il est nommé au cabinet du ministre de l'Armement, Louis LOUCHEUR. Il préside la STEAUA ROMANA, crée l'Union d'électricité, conçoit l'usine de Gennevilliers. Il fonde Alsthom. En 1921, il crée la Compagnie Française des Pétroles, en 1929 la Compagnie Française de Raffinage, en 1931 la Compagnie Navale des Pétroles. Participe à la Résistance à partir de décembre 1940 (date à laquelle il est obligé d'abandonner diverses présidences parce que marié à une femme juive). Après guerre, il préside le Comité français de la Chambre de commerce internationale et participe à divers conseils d'administration.

En 1925, Etienne MERCIER avait créé le mouvement du "redressement français" dont l'objectif était de faire adhérer les patrons français aux idées américaines sur la consommation de masse. En 1932, il cède la présidence à un autre polytechnicien parpaillot, Marcel CHAMPIN (1878-1945 ; X 1894). Il dissout le mouvement en 1935, par dépit devant son faible impact.

Grand Officier de la Légion d'honneur.


Ernest Mercier, élève de Polytechnique
(C) Photo Collections Ecole polytechnique


D'après Maurice GUIERRE , publié dans son ouvrage sur Robert CAYROL :

Quels étaient les titres de cet ancien ingénieur du Génie Maritime ? Bien connu déjà en tant que pionnier de l'industrie électrique en France, il avait débuté dans l'industrie du pétrole en 1921, époque à laquelle il était devenu président de l'Omnium International des pétroles. En 1922, il avait pris, avec le groupe de l'Anglo-Persian, le contrôle de la Steaua Romana, la plus importante société pétrolière de Roumanie ; la même année, il avait créé la Steaua française, dont il était devenu le président.

Alors unique en France, son expérience de ces problèmes, autant que sa personnalité, en faisait l'homme providentiel capable de créer dans notre pays une industrie nationale du pétrole. Le président Poincaré l'avait pressenti qui, par une lettre du 23 septembre 1923, lui demanda d'accepter, malgré ses nombreuses occupations, la présidence du Syndicat Français d'Etudes Pétrolières et ultérieurement, de la Compagnie Française des Pétroles à fonder. E. Mercier ne pouvait que s'incliner devant un tel désir, mais, précise-t-il dans ses notes : « Appréciant les difficultés d'une tâche qui allait se heurter à des résistances extraordinairement puissantes et pour sauvegarder un suffisant ascendant moral, j'ai accepté en ne stipulant qu'une condition, celle de ne recevoir aucune rétribution de mes fonctions »


Extrait d'un article publié dans Les Echos, 27/7/2006 sous le titre : Les Français, enfin : Ernest Mercier et la CFP et rédigé par Tristan Gaston-Breton, historien d'entreprises.

L'homme qui s'apprête, en ce début des années 1920, à porter les ambitions françaises dans le pétrole a tout du parfait technocrate. Né en 1878 à Constantine, en Algérie, envoyé en France pour y suivre ses études, il est sorti dans les premiers de l'Ecole normale supérieure et de l'Ecole polytechnique. Ayant choisi de faire carrière dans la marine, il a été affecté, en 1899, à l'arsenal de Toulon, dont l'archaïsme du réseau électrique a éveillé son intérêt pour les questions électriques. Les idées originales qu'il a développées dans ce domaine lui ont valu d'être envoyé à Paris par ses supérieurs pour y suivre les cours de l'Ecole supérieure d'électricité. A son retour à Toulon, il a mené à bien la modernisation de l'arsenal avant de rejoindre le ministère de la Marine. C'est là qu'il rencontre Albert Petsche, le patron de la Société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage. Séduit par la rigueur d'Ernest Mercier et par ses conceptions visionnaires, il lui propose, en 1912, de rejoindre le groupe de Messine, un club de réflexion sur l'industrie électrique dont il est l'un des principaux animateurs et qui travaille alors à la création d'un grand réseau en région parisienne. Ernest Mercier joue ainsi un rôle clef dans la création, en 1919, de l'Union d'Electricité, qui regroupe les principales sociétés d'électricité de la région parisienne. Les années passées au sein du groupe de Messine lui permettent également de nouer d'utiles contacts. Avec les grandes banques françaises et les entreprises industrielles qu'elles contrôlent, d'abord. Mais aussi avec Louis Loucheur, ministre de la Reconstruction au lendemain de la guerre. C'est par son intermédiaire qu'Ernest Mercier est mis en contact avec Raymond Poincaré.

Pari audacieux

Un industriel pas tout à fait comme les autres. Un homme de réseau mais aussi un spécialiste de l'organisation industrielle : telles sont les principales raisons qui poussent le président du Conseil à choisir Ernest Mercier pour organiser la participation française dans le pétrole mésopotamien. En 1923, l'industriel est officiellement chargé de constituer la compagnie pétrolière française que les pouvoirs publics appellent de leurs vœux. Un an plus tard, en mars 1924, naît la Compagnie Française des Pétroles (CFP), dont Ernest Mercier devient le premier président. Société privée, elle a pour actionnaires les principales banques françaises ainsi que les grandes sociétés françaises de négoce de produits pétroliers. Son principal actif est constitué des 25 % dans la Turkish Petroleum Company.

Confier à une entreprise privée la défense des intérêts énergétiques français : le pari de Raymond Poincaré et d'Ernest Mercier ne manquait pas d'audace. Pour autant, il ne met pas fin aux débats qui, depuis 1918, agitent la Chambre. La découverte des premiers gisements dans la région de Kirkouk, en 1927, vient à point nommé donner de l'eau au moulin des partisans du monopole. Maintenant que la CFP est assurée de recevoir du pétrole irakien, n'est-il pas préférable de la nationaliser afin de préserver les intérêts du pays, argumente-t-on à gauche. Discussions et projets de loi se succèdent jusqu'en 1931. En juillet de cette année-là, une loi donne à l'Etat 35 % du capital de la CFP. Une solution de compromis, habilement négociée par Ernest Mercier, qui n'a pas hésité à mettre sa démission dans la balance pour éviter une mainmise totale des pouvoirs publics sur la société qu'il préside. L'Etat restera actionnaire de l'entreprise -rebaptisée Total-Compagnie Française des Pétroles en 1985 -jusqu'au milieu des années 1990. La France peut être satisfaite. Grâce à Raymond Poincaré et à Ernest Mercier, elle dispose d'un accès à la principale région productrice de pétrole brut du monde. Sous la houlette d'Ernest Mercier, la CFP se développe rapidement dans les années 1930, menant ses propres efforts d'exploration en Colombie et au Venezuela, édifiant deux importantes raffineries à Gonfreville, près du Havre, et à Martigues, sur les bords de l'étang de Berre, créant même sa propre compagnie de transport maritime pour convoyer le brut d'Irak vers la France. Développer des activités pétrolières intégrées : telle est la stratégie d'Ernest Mercier. En décembre 1940, l'industriel est contraint d'abandonner ses différents mandats afin de se mettre en conformité avec la législation anti-juive de Vichy. En 1927, à la mort de sa première femme, il a en effet épousé Marguerite Dreyfus, la nièce du capitaine Alfred Dreyfus. La paix revenue, il est élu président du Comité français de la Chambre de commerce internationale et participe à divers conseils d'administration. Il meurt en 1955.


Voir aussi : biographie de Jules Mény, directeur de la CFP dès 1928 puis Résistant