Pierre Blaise Emile MARTIN (1824-1915)

Né le 17 aout 1824 à Bourges. Mort le 21 mai 1915 à Fourchambault.

Pierre est le fils de François Marie Emile MARTIN (1794-1871, X 1812 qui a installé la fonderie de Fourchambault où ont été coulés notamment les tympans circulaires en fonte du pont des Saints-Pères à Paris). Ce père fut également député de la Nièvre; il avait épousé en 1820 Constance DUFAUD, fille de Georges DUFAUD et soeur de Achille DUFAUD.
L'épouse de Pierre MARTIN meurt en 1917 "de chagrin".
Pierre est le père de Joseph MARTIN, capitaine mort au combat à Langemarck (Belgique) le 16 octobre 1914, et de plusieurs filles.

Ancien élève de l'Ecole des Mines de Paris (promotion 1844). Ingénieur civil des mines.

Pierre MARTIN dirige l'entreprise familiale de forges à Sireuil (Charente) de 1854 à 1883, date où il a vendu l'usine et pris sa retraite.

Le Président Fallières lui fait obtenir la décoration d'officier de la Légion d'honneur en 1910, à la demande du Comité des Forges et de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris.

Voir aussi :

  • Le Génie Civil, 4 juin 1910 sur le site web du « Système d'information : patrons et patronat français XIXe-XXe siècles »
  • L'invention de l'Acier Martin : guide de recherche, par Guy Thuillier


    Extrait de l'exposé de M. Grosselin, Président de l'Association des Elèves et anciens Elèves de l'Ecole des mines de Paris, parlant au nom de tous les anciens élèves , le 29 juin 1933 lors de la remise de la croix de la Légion d'honneur à l'Ecole des mines de Paris par Albert LEBRUN :

    Monsieur le Président de la République,

    Permettez-moi, maintenant que vous avez vu revivre, en une éloquente évocation, quelques-unes des plus grandes figures de nos maîtres disparus, de vous inviter à vous pencher à nouveau sur le livre de nos morts, pour y rechercher le souvenir de ceux de nos camarades qui ont fait le plus honneur à la formation intellectuelle et morale qu'ils ont reçue ici.

    Voici d'abord l'illustre métallurgiste Pierre Martin, de la promotion de 1844.

    Fils et petit-fils de maîtres de forges installés à Fourchambault, il ne passe qu'une seule année à l'Ecole; il complète chez son père son éducation d'ingénieur et, bientôt, il a l'idée de substituer, aux opérations longues et onéreuses du puddlage de l'acier, suivi d'une fusion au creuset, la fusion directe de la fonte sur sole.

    Il y ajoute des riblons et du minerai dont l'oxygène brûle, à la fois, le métal et ses impuretés.

    Mais, pour obtenir la température nécessaire, il doit recourir aux flammes du gazogène Siemens et, pour réduire le métal, il doit faire des additions de manganèse, indiquées par Heath, dès 1837, pour la fusion de l'acier au creuset. Comme M. Henry Le Chatelier l'a rappelé, Pierre Martin n'a donc fait que combiner des procédés connus avant lui; néanmoins, son invention fut, suivant l'expression employée par notre vénéré maître, réelle et grande :

    Réelle, car toute une lignée de chercheurs s'étaient épuisés à sa poursuite;

    Grande, car c'est par milliards de francs que s'évalue la production de l'acier Martin dans le monde entier.

    Et voici que, vers 1910, on apprit que Pierre Martin, après avoir en vain tenté de faire reconnaître la validité de ses brevets, mis au point dès 1867, s'était enseveli, avec ses déceptions, dans une humble retraite de son pays natal, et qu'il avait quatre-vingt-six ans.

    On voulut lui apporter une réparation tardive, mais éclatante.

    Le Comité des Forges organisa, en son honneur, un banquet auquel prirent part les métallurgistes les plus notoires de la France et de l'Etranger.

    Le ministre des Travaux publics [M. MILLERAND] lui remit la croix d'officier de la Légion d'honneur, récompense bien modeste, en regard des services rendus.

    Et Pierre Martin remercia: ce vieillard, vraiment grand, qui avait consacré sa vie à doter l'humanité d'un procédé de fabrication, souple, sûr, fécond, économique, qui avait apporté un nouveau gagne-pain à d'innombrables ouvriers et enrichi maintes sociétés, alors que lui-même y perdait sa fortune, n'eut pas un mot de récrimination : il évoqua le souvenir de son père, les noms de ses propres collaborateurs, depuis l'illustre Sir William Siemens et jusqu'aux plus humbles de ses contremaîtres; ceux qui l'écoutaient durent reconnaître qu'il était bien du pays des Pasteur, des Moissan, des Le Chatelier, de tant de serviteurs désintéressés de la science de ce pays, où renommée vaut mieux que ceinture dorée.

    ...


    Citation de Encyclopédie YAHOO :

    Ingénieur et industriel français (Bourges, Cher, 1824 - Fourchambault Nièvre, 1915).

    Très jeune, il prit la direction de l'un des établissements sidérurgiques familiaux, à Sireuil, près d'Angoulême. Après les tentatives de Réaumur, de William Siemens et de Le Chatelier, il s'attaque au problème de l'élaboration de l'acier dans les fours à sole. Entré en contact avec Siemens en 1862, il met au point trois ans plus tard, grâce à plusieurs innovations, le procédé qui porte son nom. La sole du four est en briques acides ou basiques suivant la nature de la fonte utilisée et capables de supporter des températures élevées (1 700 °C) obtenues grâce au principe de la récupération de chaleur des gaz de combustion. L'ajout de fonte, de minerai, de ferrailles et de déchets d'acier facilite la fusion et l'affinage. L'acier ainsi obtenu, dit acier Martin, est d'excellente qualité; la durée de l'affinage est suffisamment longue (8 h) pour permettre un meilleur contrôle de la composition que par le procédé Bessemer - qui convient tout à fait pour les aciers courants -; les impuretés (carbone, phosphore, soufre) sont mieux éliminées, tandis que la composition est plus facilement ajustée ce qui permet d'obtenir des aciers fins et alliés. Le procédé se répand très vite: en 1870 une dizaine d'usines l'utilisent déjà.


    Lettre envoyée le 24 juin 1910 par J. FIEUX (ingénieur civil des mines) au président de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, publiée dans le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris (numéro d'août 1910) :

    MONSIEUR LE PRÉSIDENT,

    Cette année notre Assemblée générale va élire membre honoraire notre doyen, qui est en même temps une gloire de notre Ecole et même de la France.

    Je ne saurais trouver meilleure occasion pour vous prier de raconter une anecdote, digne de devenir un point d'histoire. Je commets peut-être ainsi une indiscrétion ; mais connaissant la modestie de mon ami M. MARTIN, je préfère agir à son insu.

    M. Pierre MARTIN, inventeur du procédé acide, a aussi découvert le procédé basique, et bien des années avant que les autres métallurgistes aient même songé à étudier la question. Seules, les circonstances extérieures, indépendantes de sa volonté, l'ont empêché de l'exploiter industriellement.

    Etant à la tête de l'usine de Sireuil, guidé par des considérations théoriques, il avait pensé qu'une scorie, riche en terres alcalines, devait réduire le phosphure de fer en formant des phosphures alcalino-terreux. Mais cette scorie, étant basique, attaquait les matériaux siliceux du four ; aussi essaya-t-il d'opérer sur une sole en chaux. Cette dernière, trop peu consistante, ne pouvait supporter le poids de la charge sans se déformer.

    Pendant qu'il cherchait ainsi la solution pratique d'une sole à la fois basique et résistante, un chaufournier, qui travaillait pour son compte, vint se plaindre de la « mauvaise qualité » de sa pierre à chaux qui ne « voulait pas cuire». MARTIN alla voir cette « mauvaise pierre » ; il constata qu'elle était dolomitique et qu'elle jouissait de la propriété de ne perdre, par la calcination, ni sa forme, ni son volume, ni sa cohésion. Immédiatement il pensa, avec raison, qu'il avait en mains la matière cherchée.

    Le problème de la dépbosphoration était résolu. Malheureusement survinrent en ce moment les circonstances citées plus haut, qui empêchèrent M. MARTIN de donner suite à ses travaux.

    Telle est l'anecdote que M. MARTIN me raconta un jour, incidemment, à propos de dolomites, avec une modeste simplicité et sans y attacher autrement d'importance.

    Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de mon respectueux dévouement.

    A la suite de cette lettre, l'Assemblée Générale de l'Association des Anciens élèves procéda à l'élection, à l'unanimité, de son doyen d'âge Pierre MARTIN comme membre honoraire (25 juin 1910).

    Dans une autre lettre datée de 1915, J. FIEUX ajoute :

    Pierre MARTIN avait une vocation prononcée pour la minéralogie, la passion du "caillou". Par contre, circonstance assez curieuse, il avait au début de sa carrière peu de goût pour la métallurgie. Son père l'embaucha ; et c'est donc à sa piété filiale que nous devons la découverte qui est la base de la sidérurgie contemporaine.

    Pierre MARTIN avait l'esprit ouvert ... ; savant et artiste, il aimait les vieux livres où il se plaisait à rechercher les origines de nos connaissances, les progrès successifs de l'esprit humain. Une seule faculté lui manquait, celle de savoir transiger avec une conscience dont la délicatesse fut parfois presqu'excessive. Aussi ne fut-il pas heureux en affaires.

    .. Profondément libéral et chrétioen sincère, il s'occupait encore à encourager les écoles libres, alors que son grand âge lui rendait toute application difficile, soutenu dans cette tâche par une épouse dévouée et par ses filles qui l'entouraient de leur affection ...



    Voir aussi, au sujet de Pierre MARTIN, les biographies de Alfred SAGLIO et de Georges DUFAUD.