Comte Jean-Charles-Joseph LAUMOND (1753-1825), Directeur Général des Mines de 1810 à 1815

Citation du site http://www.napoleonica.org/ :

Secrétaire général de l'intendance des Flandres de 1773 à 1784 puis de Lorraine jusqu'en 1790, il est ensuite administrateur général des Domaines nationaux, puis consul à Smyrne. Commissaire civil à l'armée d'Italie en 1798-99, il est fait préfet du Bas Rhin le 11 ventôse an VIII. Conseiller d'Etat en service ordinaire du 27 fructidor an X à 1806, il est rattaché à la section de l'intérieur. En 1805, il passe en service extraordinaire et exerce les fonctions de préfet du département de la Roër, à Aix la Chapelle, jusqu'en 1806. Il revient en service ordinaire hors sections de 1806 à 1814. Préfet du département de Seine et Oise (à Versailles)de juillet 1806 à 1810, il est ensuite nommé directeur général des mines de 1811 à 1813. Commandant de la Légion d'honneur en 1805, comte d'Empire en 1810, il est promu conseiller d'Etat à vie en 1812.

Dossier AN : F1bI 166/16

Citation du livre de André Thépot : le Corps des Mines au XIXème siècle :

Avec Napoléon, la réorganisation administrative et le rétablissement de l'ordre aboutirent en 1810, non seulement à la modification de la législation sur les Mines mais aussi au dédoublement de la fonction de commandement et de la fonction consultative. En effet, le décret du 18 novembre 1810 créait un Directeur Général des Mines dont l'autorité se substituait à celle du Conseil des Mines : il avait donc la préséance sur les inspecteurs généraux. Par exemple, ceux-ci ne pouvaient quitter Paris sans son autorisation et le Directeur des Mines pouvait, en cas d'indiscipline, proposer au Ministre de les mettre aux arrêts pour dix jours. De plus, le Directeur présidait le Conseil des Mines. Le fait que le Directeur n'était pas un ingénieur, mais un Conseiller d'Etat, semblait montrer que la relative autonomie du Corps était bien terminée et que le Conseil était étroitement subordonné au Directeur. Tout dépendait de la personnalité de celui-ci.

Peu après le vote de la loi du 21 avril 1810, le Comte Laumond devint, par un décret du 6 août de la même année, Directeur Général des Mines. Conseiller d'Etat depuis 1802, Laumond avait derrière lui une longue expérience administrative puisqu'il avait été successivement Préfet du Bas Rhin, de la Roer et enfin de la Seine-et-Oise. Son séjour dans la Roer, où les mines étaient nombreuses, lui avait permis de se familiariser avec les problèmes du sous-sol. C'est lui qui eut la lourde tâche d'appliquer la réorganisation du Corps, prévue par la loi du 21 avril 1810. Sa manière de diriger semble avoir été décisive pour l'orientation du Corps. Au lieu d'agir de façon autoritaire, Laumond eut le souci de garder de bons rapports avec les ingénieurs : recevant régulièrement tous les ingénieurs en visite à Paris, il avait, parmi ses familiers, Hassenfratz, de Bonnard, Cordier, Calmelet, Hericart de Thury. De ce fait, la collaboration avec le Conseil Général des Mines ne sembla pas poser de problèmes. Cette familiarité avec ses subordonnés fit que Laumond défendit avec efficacité les intérêts des ingénieurs et s'attacha en particulier à empêcher tout conflit soit avec l'Administration préfectorale, soit avec le Corps des Ponts et Chaussées. On peut dire que, sous sa direction paternelle, le Corps des Mines trouva sa véritable place dans l'Administration et dans le pays. Laumond avait été en même temps Conseiller d'Etat à vie le 9 janvier 1812. A ce poste, il avait été l'artisan de l'élaboration progressive d'une jurisprudence sur les mines. C'est lui qui avait fait prendre le décret sur les redevances et surtout mit au point le décret du 3 janvier 1813 fixant les règles de l'exploitation des Mines. Peut-être avait-il pris trop à coeur les intérêts de ses subordonnés, aussi fut-il un des premiers à faire les frais retour des Bourbons au pouvoir : le 17 juillet 1815, la direction des Mines fut supprimée.

Le poste de Laumond disparut à la demande de Molé, Directeur des Ponts. Laumond ne réintégra que le ler janvier 1816 le Conseil d'Etat où il resta jusqu'au 31 décembre 1818.

En tout cas, il est certain que le Comte Laumond contribua fortement à fonder le Corps sur des bases solides. Sous sa direction, l'Administration des Mines avait été menée, semble-t-il, en collaboration avec les Inspecteurs Généraux du Conseil des Mines. La Restauration devait changer quelque peu les choses : la direction des Mines fut supprimée et intégrée dans une direction des Ponts et Chaussées et des Mines, au ministère de l'Intérieur. A ce changement, plusieurs raisons viennent à l'esprit. Faut-il y voir une pénalisation étant donné l'attitude pour le moins équivoque des principaux Inspecteurs Généraux lors de la chute de l'Empire ? Faut-il y voir le résultat d'un règlement de compte entre Molé, Directeur des Ponts et Chaussées et Laumond, Directeur des Mines et finalement un épisode de la rivalité entre les deux Corps ? Ou n'est-ce pas tout simplement un résultat de la politique d'économie budgétaire entreprise par le baron Louis ?

On serait tenté de tenir compte de ces trois raisons. Il semble bien, en tout cas, que le Corps des Mines en tant que tel ait été menacé de disparition puisque certains en réclamaient la suppression. Dans un certain sens, la réunion des deux Corps au sein d'une même direction a préservé les mineurs d'un sort plus funeste. Il n'en reste pas moins vrai que le Corps des Mines perdait dans une certaine mesure l'autonomie administrative et ne devait la recouvrer que sous le Second Empire.

Après l'effacement du comte Laumond, à partir du 25 mars 1815, Molé réunit à ses fonctions de Directeur des Ponts et Chaussées, depuis 1808, celle de Directeur des Mines : les deux Corps étaient réunis sous la même direction jusqu'au début du Second Empire. Lorsque Molé devint ministre de la Marine, Becquey lui succéda, le 24 septembre 1817, à ce poste qu'il conserva pendant toute la Restauration. Sous ce régime, comme celui de la Monarchie de Juillet, l'Administration Centrale fut dirigée par des Conseillers d'Etat. Dans les débuts de la Monarchie de Juillet (du 23 août 1830 au 9 juin 1832) Berard fut le Directeur Général des Ponts et Chaussées et des Mines. Puis, à partir de juin 1832, un autre Conseiller d'Etat, Legrand, présida aux destinées des Ingénieurs des Mines : d'abord comme Chef de l'Administration des Ponts et Chaussées et des Mines (jusqu'au 10 juin 1834) puis comme Directeur Général des Ponts et Chaussées et des Mines (jusqu'au 18 mai 1839) enfin comme Sous-Secrétaire d'Etat aux Travaux Publics (jusqu'au 20 décembre 1847).


Les instructions de Laumond en 1814

Après la chute de l'Empire, une réorganisation du service des Mines devenait nécessaire et, dans une circulaire du 1er septembre 1814, Laumond, Conseiller d'Etat, Directeur Général des Mines, fixait aux ingénieurs en chef les objectifs à atteindre pour les Ingénieurs du Corps et annonçait plusieurs améliorations importantes de l'Administration des Mines. "A présent que MM. les ingénieurs, de tout grade, se trouvent plus également répartis".

Laumond préconisait d'abord la constitution de bureaux dans chaque nouvel arrondissement et dans chaque nouvelle station. La nouvelle répartition des membres du Corps des Mines entraînerait l'inventaire et la reconstitution des archives des départements dont un double devait être envoyé à Paris. Ce travail de reconstitution devrait être bénéfique pour les ingénieurs : "Je leur indique, en outre, un moyen prompt de compléter l'état général des objets de leur ressort dans chaque département : c'est de consulter les rôles des patentes chez les Directeurs des contributions, ils acquerront aussi la connaissance des moindres minières, usines, verreries, tourbières et carrières qui auraient pu échapper aux recherches de l'Administration". Et le Directeur des Mines instaurait des règles précises pour la tenue des bureaux marquant ainsi la véritable consolidation de l'Administration. "Chaque mine proprement dite, chaque minière concessible, chaque minière fouillée à ciel ouvert, chaque usine, saline ou verrerie, chaque carrière ou tourbière, aura son dossier séparé". La composition de chaque dossier était fixée avec minutie par des instructions détaillées, de même celles-ci énuméraient les divers instruments que les ingénieurs devaient avoir dans leurs bureaux. (Il s'agissait d'une poche de mine, d'un graphomètre, d'une planchette, d'un niveau d'eau, de deux mires à coulisses et talon de métal et enfin d'une grande chaîne).

Mais si le Directeur des Mines incitait les ingénieurs à multiplier contrôle et surveillance, il reconnaissait que le Gouvernement n'avait pas les moyens de leur fournir des adjoints. C'est pourquoi, Laumond incitait les ingénieurs en chef "à profiter des ressources locales qui pourraient fournir les moyens d'établir des conducteurs partout où il en est nécessaires". Il citait alors plusieurs exemples de financement privé des conducteurs existant dans plusieurs régions, soit que le paiement des conducteurs ait été assuré par des concessionnaires eux-mêmes, ou financés par le produit des mines ou minières communales ou domaniales, ou par celui des tourbières communales. Laumond allait même jusqu'à suggérer l'utilisation des garde-champêtres. "Ce moyen très économique peut être utilisé dans plusieurs circonstances. C'est à MM. les ingénieurs en chef à en solliciter l'emploi partout où il existe des fonds susceptibles de recevoir cette application".

Le repli sur l'hexagone devait permettre aux Ingénieurs des Mines d'utiliser au maximum les possibilités d'action que leur avait donné la loi de 1810. Et, de fait, Laumond incitait les ingénieurs en chef à appliquer la législation dans toute son intégralité et à réaliser ainsi tout ce qui avait été différé du fait des guerres. Les objectifs fixés par le Directeur des Mines en 1814 permettaient de faire, en quelque sorte, un bilan de l'action des Ingénieurs des Mines sous l'Empire, en faisant ressortir ce qui restait à faire. L'organisation du service des mines proprement dit ne semblait guère poser de problèmes : tout au plus pouvait-on constater un certain retard dans l'application des lois et règlements. Aussi, le Conseiller d'Etat Laumond recommandait-il d'accélérer l'expédition des affaires en instance "qui concerne des mines dont l'exploitation pourrait pérécliter, faute de décision prompte de la part de l'autorité supérieure" et d'autre part, de dresser la liste des exploitants qui n'étaient pas encore en règle vis-à-vis de la législation sur les concessions.

Par contre, Laumond reconnaissait implicitement que la loi du 21 avril 1810 n'était pratiquement pas appliquée en ce qui concernait les minières de fer dont il réclamait un inventaire. De même, il constatait que de nombreux propriétaires d'usines ne s'étaient pas mis en conformité avec la loi. Il ajoutait : "L'existence de plusieurs usines est même, jusqu'ici, restée inconnue à l'Administration", et demandait que l'on établît sans retard un état des usines dans chaque département et que l'on fît "à ce sujet, les recherches les plus exactes sur l'existence des petites usines à cuivre, des petites usines à fer et des patouillets, comme aussi des établissements sujets à permission, existant dans les villes". Le Directeur des Mines demandait même aux ingénieurs en chef un inventaire des verreries existantes dans chaque département bien que celles-ci ne fussent explicitement considérées comme étant de leur compétence. Il insistait aussi pour que l'on fît de même pour les carrières et les tourbières.

Mais, déclarait Laumond "si MM. les ingénieurs doivent exercer une surveillance active sur les mines, minières, usines, tourbières et carrières exploitées par des particuliers, ils doivent des soins plus immédiats aux exploitations domaniales et communales". Il rappelait aussi que l'article 38 du décret du 18 novembre 1810 ordonnait que les établissements de mines, exploités au compte du Gouvernement, soient dirigés par les Ingénieurs des Mines. Les ingénieurs en chef des Mines devaient donc prendre contact avec les Préfets pour l'exécution de cet article "partout où il n'aura pas encore reçu son application" "quant aux exploitations affermées, MM. les ingénieurs doivent saisir l'occasion des renouvellements des baux pour obtenir les changements et les améliorations nécessaires dans leurs travaux". Une politique d'intervention permanente était préconisée. Dans l'esprit de Laumond, elle devait s'étendre aux autres usines domaniales, telles que fonderies et salines. Celles-ci, affermées le plus souvent à des entrepreneurs et dépendant de ministères différents, échappaient à la surveillance des Ingénieurs des Mines et avaient été données, le plus souvent, aux Ingénieurs des Ponts.

Devant une telle situation, le Directeur des Mines invitait ses subordonnés "à prendre les renseignements nécessaires, à prévenir les renouvellements des baux, pour revendiquer leurs attributions, et à faire, en temps convenable, et avec prudence, toutes les propositions qu 'ils jugent nécessaires pour que l'Administration des Mines soit rétablie dans ses droits". Et, en ce qui concernait les usines domaniales, dont le Corps des Ponts et Chaussées n'avait pas la surveillance, il était affirmé avec force que les Ingénieurs des Mines en étaient "les surveillants naturels pour la partie technique ". La même revendication était formulée pour les exploitations communales, placées sous la tutelle immédiate des Maires et des Préfets, et dont la direction "ne saurait appartenir à d'autres gens que ceux de l'Administration des Mines".

Le même souci d'élargir le champ d'action des ingénieurs a poussé Laumond à critiquer la loi du 20 mars 1813 qui avait ordonné l'aliénation de plusieurs propriétés appartenant aux communes. Il déplorait en effet que les mines, minières et carrières n'aient pas été soustraites du partage des biens communaux ainsi qu'il l'avait été précisé par les lois antérieures(65). Et il invitait les ingénieurs à intervenir, lors des adjudications, dans la formation des cahiers des charges et "à proposer les conditions qu'ils jugeront convenables pour la conservation des choses, la sûreté et la salubrité". Il rappelait enfin que la loi du 20 mars 1813, dans son article 2, avait formellement exclu les tourbières et que les ingénieurs en chef devaient veiller à ce que ces dispositions conservatrices soient exécutées "partout où leur application pouvait avoir lieu ".

Nous constatons donc qu'à la fin de l'Empire, l'Administration amorçait une véritable "reconquête du marché intérieur". Ne pouvant plus donner libre cours à leur curiosité technique, en dirigeant les installations industrielles de Belgique, de Westphalie ou de Carinthie, les ingénieurs s'attachèrent à tirer le meilleur parti possible des ressources nationales et de la loi de 1810. C'est ce qui explique en fait que la période de la Restauration soit devenue la période de l'application maximum et intégrale de la loi de 1810. Il s'agit donc d'un désir de véritable reprise en main de l'appareil industriel français par l'Administration des Mines.

Pour terminer, Laumond voulait aller plus loin dans la connaissance des ressources minières. "Par le moyen des états d'exploitation pour les redevances, l'Administration possède déjà un dénombrement raisonné des mines et minières concessibles du Royaume, il lui manque un état détaillé, non seulement des mines en recherche, mais encore des mines délaissées, soit récemment, soit anciennement, qui pourraient être reprises avec apparence de succès. J'invite MM. les ingénieurs en chef à remplir, dès qu'ils le pourront, ces deux lacunes pour chaque département de leur arrondissement". On le voit, la Statistique de l'industrie minérale était déjà en germe dans ce programme de travail qui devait comporter, en outre, une évaluation approximative de la quantité et de la valeur du produit brut de chaque exploitation. Et en ce qui concernait les usines, il était recommandé de préciser un certain nombre de critères d'appréciation d'importance, le nombre de feux, le produit brut de chaque produit et même le nombre des ouvriers.

C'était donc un programme global d'évaluation des virtualités industrielles de leurs départements qui était fixé aux ingénieurs en chef par l'instruction du 1er septembre 1814. Waterloo, il est vrai, allait, dans une certaine mesure, compromettre ce programme. Il n'en reste pas moins qu'il montre avec précision les buts poursuivis par l'Administration des Mines en ce début de XIXe siècle, lorsque les contraintes de la guerre paraissaient disparues.

Pourtant l'action de contrôle des Ingénieurs des Mines qui devait, selon la loi de 1810, s'étendre à toutes les industries minérales sans exception, a été progressivement limitée au seul contrôle des mines et de la métallurgie. Les faibles effectifs d'ingénieurs ne permettaient guère d'aller plus loin. Mais, sous la Restauration, le Corps des Mines fit un gros effort pour que soit rétablie la plénitude de ses prérogatives. Dans sa séance du 22 janvier 1818, le Conseil Général des Mines, approuvant un rapport de Cordier, insistait pour que le contrôle des ingénieurs s'étende aux verreries. Sa déclaration montre bien l'étendue du contrôle que l'on voulait exercer : "Le Conseil approuvant les observations renfermées dans le rapport et considérant, particulièrement relativement aux verreries, que l'intervention de l'Administration des Mines est nécessaire dans l'instruction des demandes en permission pour surveiller l'emploi des substances minérales, indiquer la meilleure application des procédés minéralogiques, faire substituer, quand il y a possibilité, les combustibles minéraux au bois, et surveiller l'emploi des combustibles minéraux, examiner à cet effet les plans qui, souvent, présentent formes de fourneaux défectueux ou même inexécutables, et les faire rectifier".