Le Génie Civil, 28e année t. 13, 1908.

Dans la séance du 11 mai 1908 de l'Académie des Sciences, M. H. BECQUEREL, président, a retracé dans les termes suivants la vie de M. Albert de Lapparent, secrétaire perpétuel de l'Académie, décédé le 4 mai dernier.

Le soir même de notre dernière séance, un grand deuil frappait l'Académie; notre éminent secrétaire perpétuel, M. Albert de Lapparent, rendait le dernier soupir. Six semaines auparavant, comme il témoignait le désir de prendre quelques jours de repos, nous pouvions croire à une fatigue passagère ; rien alors ne faisait prévoir que notre confrère venait ici pour la dernière fois.

Jeune d'aspect jusqu'à faire illusion, répandant autour de lui le charme de qualités brillantes, tel il était, voila cinquante ans,à l'Ecole Polytechnique où il occupait le premier rang, tel encore il nous apparaissait quand nous l'avons élevé, l'année dernière, à ce poste d'honneur où nous pouvions espérer le conserver longtemps.

M. A. de Lapparent était né à Bourges le 30 décembre 1839. Dès sa sortie de l'ecole des Mines, en 1863, dans un mémoire sur la constitution géologique du Tyrol méridional, il s'était révélé géologue. Bientôt après, le jeune Ingénieur collaborait activement à la Carte géologique de France et se signalait, en particulier, par un mémoire sur le pays de Bray où. combinant les indications de la topographie avec celles de la géologie, il préludait à l'étude des questions qui devinrent plus tard le but principal de ses efforts.

A la même époque, comme secrétaire et rapporteur d'une Commission chargée d'étudier un projet de tunnel sous la Manche, il contribua, avec le concours de notre regretté confrère M. Potier, et de M. Larousse, à établir sur des données certaines les conditions dans les quelles le tunnel pouvait être exécuté.

Sans énumérer ici une suite presque ininterrompue de travaux techniques ou d'ouvrages d'enseignement, je me bornerai à citer l'oeuvre capitale de notre confrère, un Traité de Géologie, dont les éditions successives répandirent en France et à l'étranger la renommée d'un vulgarisateur hors de pair.

Les vues originales exposées dans ce livre constituèrent une science nouvelle que l'auteur développa plus tard sous une forme particulièrement attrayante; ses Leçons de Géographie physique montrent comment la science du géologue doit s'unir à celle du géographe pour établir l'histoire du modelé de la surface terrestre on remontant de l'état actuel jusqu'aux événements successifs des époques géologiques.

La science française porte le deuil de M. A. de Lapparent.

L'hommage que nous rendons à sa mémoire ne serait pas complet si je n'évoquais pas ici les souvenirs que nous laissent une bonté naturelle, une bienveillance charitable et une sincérité profonde. A côté des qualités de l'esprit, les qualités du coeur et la droiture du caractère avaient valu à notre confrère regretté des amitiés fidèles et la haute estime de tous ceux qui l'ont connu.

M. DARBOUX, secrétaire perpétuel de l'Académie pour la Section des sciences mathématiques, a également adressé quelques paroles émues à la mémoire de son collègue de la Section des sciences physiques.

Paragraphe rajouté par un commentateur inconnu dans Génie Civil, 1908 : Il n'est pas sans intérêt de remarquer que M. de Lapparent avait abandonné le Corps des Mines pour conserver la chaire de géologie et de minéralogie qu'il occupait à la Faculté catholique de Paris et pour se consacrer plus spécialement à son enseignement et aux études géologiques. C'est à cette orientation que nous devons très probablement les ouvrages si remarquables qu'il a écrits.