Jacques Bernard LEVY (1937-2012)


Né le 9 janvier 1937 à Constantine et décédé le 9 mars 2012 à Paris. Il était le fils de Gilbert Lévy, ingénieur général des ponts et chaussées, et de son épouse née Renée Cassin (nièce du prix Nobel René Cassin). Un jeune frère de Jacques devient aussi ingénieur général des ponts et chaussées.
Jacques Lévy a épousé Marianne Neuburger en 1964 ; le couple a trois enfants.

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1956, sorti classé 12 en 1958), et de l'Ecole des Mines de Paris (1959-1962 ; sorti classé 11ème. Corps des mines. Docteur d'Etat en sciences physiques de l'Université de Paris, juin 1963 (spécialité : métallurgie).

Activités des dernières années :

Activités d'enseignement et de recherche dans les Ecoles des Mines :

Carrière :

Distinctions :

Publications principales :


Jacques Lévy, élève de l'Ecole polytechnique
(C) Archives de l'Ecole polytechnique


Jacques Lévy en 1983, peu avant sa nomination comme directeur de l'Ecole des mines de Paris
La photo a été prise dans les locaux de l'Ecole des mines à Fontainebleau, lors d'une manifestation concernant l'environnement.
(C) MINES ParisTech


Souvenir de Jacques Lévy
par Benoît Legait

Publié dans MINES Revue des Ingénieurs • Mai/Juin 2012 • # 461

Jacques Lévy est né le 9 janvier 1937 à Constantine (Algérie) ; il était le fils de Gilbert Lévy, ingénieur général des Ponts et Chaussées, et de son épouse Renée Cassin (nièce du prix Nobel René Cassin).

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il trouva refuge dans un village en province, ce qui lui a peut-être sauvé la vie. Brillant élève, il entra en classes préparatoires en 1954 ; il en rapportait une anecdote qui serait inimaginable aujourd'hui : en retard pour le premier cours de 8h, il courut dans le couloir, dépassa le professeur, hésita, et par politesse le laissa passer devant lui à la porte de la classe. En guise de remerciement, le professeur lui dit : «Vous êtes arrivé après moi, vous êtes donc collé». Il entra à l'Ecole Polytechnique en 1956, dont il sortit 12ème. À l'École des Mines de Paris, en parallèle à sa formation d'ingénieur du Corps, il commença une thèse d'État ès Sciences Physiques qu'il soutiendra en juin 1963 à l'Université de Paris, sur la métallurgie. Pendant cette période, il passa une année (1961-1962), à la fin de la guerre d'Algérie, à l'arrondissement minéralogique d'Alger, où il assura les fonctions d'ingénieur des mines chargé du sous-arrondissement d'Oran, tout en préparant sa thèse pendant des soirées studieuses.

Jacques Lévy revint en métropole pour être affecté à l'École des Mines de Saint-Etienne, le 1er octobre 1962, comme professeur de métallurgie. À cette époque, il n'était pas nécessaire d'avoir une thèse d'État pour être nommé professeur ; mais il l'obtiendra moins d'un an après sa nomination alors que certains de ses collègues feront toute leur carrière de professeur sans thèse d'État. En 1964, il épousa Marianne Neuburger avec laquelle il aura trois enfants. Sa carrière sera marquée par trois étapes principales, en grande continuité les unes par rapport aux autres :


Il a consacré avec succès beaucoup de temps à organiser la communauté des directeurs d'établissements supérieurs : il fut le premier président du GEI Paris qui deviendra ParisTech ; il fut le premier président de la Conférence of European Schools for advanced engineering education and research (CESAER), qui regroupe de nombreuses universités européennes, il fut également président de la Conférence des Grandes Écoles, et d'Ariel, association qui organise des recherches public/privé transfrontalières.

Il était par ailleurs membre de l'Académie Royale des Sciences de l'Ingénieur en Suède, et membre de l'Académie des Technologies. Il présidait la Fondation des Industries minérales, minières, et métallurgiques françaises, depuis qu'il avait quitté la direction de l'École.

Une tumeur au cerveau l'a emporté le 9 mars 2012, après plus d'un an d'un traitement éprouvant dont il parlait avec humour et philosophie.

Il nous laissera le souvenir d'un très brillant scientifique, d'un homme de réseau, toujours extrêmement pertinent dans ses interventions, et dans les orientations qu'il donnait. Il faisait confiance à ses collaborateurs et trouvait les leviers de leurs motivations ; il prenait le recul nécessaire par rapport aux événements et aux hommes, qualité qui devient très rare à l'ère d'Internet. Il savait orienter dans la bonne direction ses collaborateurs, mais aussi un grand nombre d'interlocuteurs qui venaient lui demander conseil. L'État, l'École et la Fondation ont perdu un grand serviteur.

Benoît Legait (CM76)


Une manifestation a eu lieu à l'Ecole des mines le 25 février 2013, en l'honneur de Jacque Lévy. Une plaque commémorative à ce grand directeur a été dévoilée dans la grande salle de lecture de la bibliothèque centrale de l'Ecole, à Paris.
Voici quelques propos entendus à cette occasion :

Romain Soubeyran : introduit la manifestation, rappelle qu'il a travaillé avec Jacques Lévy pendant 2 ans, mentionne le harcèlement par la Cour des Comptes jusqu'en 2006.

Benoît Legait : Très humain, très tolérant, grande faculté d'écoute et de communication notamment avec ses collaborateurs.
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Intarissable sur l'histoire des institutions.
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Homme modeste, plein d'esprit ; grand humaniste. Il assumait pleinement ses décisions. La Cour des Comptes avait engagé vers 2000 une procédure disciplinaire contre les anciens directeurs de l'Ecole des mines au sujet d'ARMINES ; l'acharnement de Jacques Lévy a permis d'obtenir un abandon des poursuites, puis la loi de 2006 qui a définitivement acté la légitimité de ARMINES.
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Un de ses détracteurs aurait dit de lui : "Il est plus conservateur qu'Ivan le terrible".
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Dans une conversation, il aimait évoquer et commenter des passages de la Bible. Par exemple, le passage qui dit que, grâce à Dieu, Adam donna des noms à toutes choses, pouvait être interprété, selon Jacques Lévy, comme l'origine de la démarche scientifique !

Claude Riveline : Jacques était une sorte de clone, une sorte de jumeau ... Nous avons été très proches ...
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Parmi les 12 tribus d'Israël, la tribu de Lévy est la tribu des prêtres ... Lorsque les juifs étaient esclaves en Egypte, la tribu de Lévy n'a jamais été esclave ... Jacques Lévy était en effet un parfait aristocrate. ... Immense orgueil, mais pas une once de vanité. Entièrement tourné vers le service de la Science et de la Patrie ...

Pierre Laffitte a expliqué pourquoi, en 1975, lorsque Michel Turpin a exprimé le souhaite de quitter l'Ecole des mines, il a choisi Jacques Lévy pour le remplacer. En effet, Jacques avait déjà fait ses preuves à Saint-Etienne, il avait été accueilli dans la Commission métallurgie du CNRS, il avait organisé avec succès un colloque avec le KTH (Stockholm), il avait un goût pour l'innovation et l'organisation, et donc il compléterait bien, par ses qualités, les dispositions de son directeur ... qui se qualifie lui-même d'anarchiste !

François Pineau précise le caractère toujours actuel de la thèse de doctorat de Jacques Lévy sur la Microscopie électronique des joints de grains. Ses études avaient porté sur des bicristaux d'Aluminium. Ce genre de travaux est toujours d'actualité.

Un fils de Jacques Lévy a enfin évoqué la place de son père au sein de sa famille, qui était très importante pour lui. Il était proche de sa soeur qui avait émigré en Israël ; il rendait de longues visites à ses parents. Il avait une affection sans faille pour son épouse.
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Il s'était fait des amis à chaque époque de sa vie. Il était désireux de transmettre principes et valeurs. Toujours d'humeur égale.
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Il étudiait régulièrement des textes bibliques en hébreu, souvent le matin pendant les vacances. Il a assuré à Saint-Etienne un enseignement religieux. A Paris, il a été membre du Consistoire.
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Lors de son service militaire, le commandant est parti 15 jours en vacances et lui a confié le commandement d'une troupe nombreuse.
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Ses qualités : Détermination, lucidité. Par exemple, il a fait des études littéraires jusqu'à l'entrée en classe de première, puis il a décidé de rattraper en quelques semaines toutes les matières scientifiques pour poursuivre en 1ère scientifique.
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La notion de temps très court l'obsédait. Pendant sa dernière maladie, il se fixait des buts, le dernier était de retourner skier après l'anniversaire de ses 75 ans ; ce ne fut hélas pas possible.
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Il analysait toujours les événements en cours à la lumière de faits historiques.
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Il aimait citer Georges Dumézil qui était réputé connaître 70 langues, et qui disait que le plus dur était de maîtriser les 10 premières.
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Très bon pianiste (à Saint-Etienne), et danseur (à Paris). Au mariage de son fils, il a pris le rôle de Rabbi Jacob !