Marcel GILLOT (1891-1935)


Marcel GILLOT, élève à l'Ecole des mines de Saint-Etienne (1911-1914)

Né le 21 avril 1891 à Paris. Fils d'un cadre des chemins de fer, en poste à Paris.
Epoux de Paule de BONY de LAVERGNE. 3 enfants (Michel, Dominique, Bernadette). Parmi les petits-enfants, Me Pascale GILLOT-MENIN, avocat à Fontenay aux Roses (Hauts de Seine).

Il décède en novembre 1935, vraisemblablement des suites d'une congestion cérébrale qui s'est produite 2 mois avant son décès.

Il suit une classe préparatoire à Lyon, le cours SOGNO à Lyon (devenu actuellement une école d'ingénieurs, l'ECAM Lyon).
Ancien élève de l'Ecole des mines de Saint-Etienne (promotion 1914). Ingénieur civil des mines.


Publié dans le Bulletin des anciens élèves de l'Ecole des mines de Saint-Etienne, pages 23 à 28 :

La mort prématurée de notre camarade Gillot a vivement ému les très nombreux camarades qui l'avaient personnellement connu.

Très « allant », très sympathique, Gillot avait été désigné après la guerre, lorsqu'il était à Saint-Etienne, pour représenter les camarades de sa génération au conseil d'administration de la Société amicale, où il siégea plusieurs années. Il remplit son rôle, en une époque difficile où se posaient de délicats problèmes, avec tout son cour et toute son intelligence, laissant à tous le souvenir du meilleur et du plus dévoué des camarades.

Allocution prononcée à ses obsèques, à Marsalès (Dordogne) le 27 novembre 1935
par M. Paul FAYARD,
chef des services administratifs des mines et usines de Decazeville

Ma chère Paule.

Mesdames,

Messieurs,

Au nom de la promotion 1914 de l'Ecole nationale supérieure des mines de Saint-Etienne, je viens, le cour serré par une émotion douloureuse, saluer la dépouille mortelle de notre camarade Marcel Gillot et lui adresser l'adieu suprême de ses camarades.

J'apporte en même temps à l'ingénieur qui, pendant 15 ans, servit aux usines de Decazeville, l'hommage attristé du personnel de la Société Commentry-Fourchambault et Decazeville.

Marcel Gillot, qu'une destinée cruelle enlève dans la force de l'âge, était entré en 1911 à l'Ecole des mines de Saint-Etienne et en était sorti en 1914, avec le diplôme d'ingénieur civil des mines.

La même année, il entrait comme ingénieur au laboratoire des usines de Decazeville où, en 1918, il devient sous-chef du service des aciéries.

Déjà, ses qualités techniques et sa compétence en matière d'électrosidérurgie ont attiré l'attention sur sa jeune personnnalité ; aussi, en 1919, la Société métallurgique de la Loire fait-elle appel à lui pour mettre en route l'aciérie électrique qu'elle vient d'édifier à Saint-Etienne. Gillot y reste jusqu'en 1922, puis il revient à Decazeville, où il assume la tâche ardue des études de la modernisation de l'aciérie Martin et des laminoirs.

Enfin, en 1926, à la mort de notre regretté camarade Grimard, Gillot est appelé à lui succéder dans les importantes fonctions d'ingénieur principal des usines.

Doué d'une puissance de travail peu commune, il trouvait le temps, pendant les quelques loisirs que lui laissaient ses occupations d'usine, de se tenir au courant des choses de la métallurgie, de compléter sa documentation sur les nouveautés de la technique. En collaboration avec son ami Guillermin, il envoyait à la Société de l'Industrie minérale des articles, des traductions de revues techniques étrangères qui lui valurent d'être honoré d'une récompense remarquée : le prix Danton.

D'ailleurs Gillot s'intéressait passionnément aux choses de sa vieille Ecole des mines ; au groupe du Sud-Ouest de la Société amicale, il faisait figure d'animateur et, lorsque, de 1919 à 1922, il alla se fixer à Saint-Etienne, ce groupe le désigna pour le poste d'administrateur au Conseil de la Société amicale. C'est à cette époque que, toujours en collaboration avec son ami Guillermin, il rédigea une notice de propagande en faveur de l'Ecole des mines de Saint-Etienne, qui fut publiée, en 1921, par la Société amicale.

Les qualités de l'homme étaient à la hauteur de celles de l'ingénieur et du camarade.

Animé d'une foi religieuse profonde, catholique militant, Gillot cherchait sans cesse à faire passer dans ses actes les principes de bonté, de charité et de justice que lui dictaient ses croyances.

Les obligations dont s'accompagne le rôle de conducteur d'hommes, qui est celui de l'ingénieur, rendent souvent difficile cette transposition : les règles nécessaires de la discipline, les exigences impérieuses de l'économie industrielle imposent à l'ingénieur des devoirs inéluctables. Gillot savait les concilier avec le besoin d'humanité qui tourmentait son âme de chrétien... Aussi était-il bon pour ses subordonnés et était-il aimé d'eux...

Ainsi, à 35 ans, notre ami avait déjà gravi les échelons de la hiérarchie, acquis une situation enviée, et voyait s'ouvrir devant lui un avenir plein de promesses.

C'est alors, ma chère Paule, qu'il vous rencontra... Il comprit qu'il trouverait en vous la compagne digne de sa vie d'ingénieur chrétien. En vérité, pouvait-il rêver d'une épouse plus compréhensive, plus animée des mêmes aspirations vers un même idéal de foi ? Pouvait-il désirer un foyer plus doux que celui qui fut le vôtre et., lorsque trois berceaux vinrent l'orner, pouvait-il se féliciter d'un bonheur plus complet ?

Hélas ! Trop tôt ce bonheur devait se voiler d'une inquiétude grandissante ; le mal, qui sourdement minait notre ami, se révélait plus grave de jour en jour, au point de l'obliger à renoncer à toute activité, puis, brutalement, l'arrachait à l'affection des siens.

Devant l'immensité du malheur qui vous frappe, je me sens incapable, ma chère Paule, de trouver les mots qui traduisent fidèlement la part que prennent dans votre chagrin tous ceux qui pleurent votre cher disparu.

Mais je sais que ce n'est point dans la vanité des réconforts terrestres que vous cherchez une consolation. La certitude d'avoir donné à votre mari, pendant les trop courtes années de votre vie commune, le bonheur qu'il méritait par ses vertus, d'avoir adouci ses derniers jours par un dévouement et une vaillance dans l'épreuve que tout le monde admire, et par-dessus tout, la certitude ou vous êtes que votre cher Marcel a trouvé, maintenant, dans un monde meilleur, la magnifique récompense de son acceptation du sacrifice, seront pour vous autant de sources où vous puiserez l'énergie nécessaire pour continuer la lutte jusqu'aux réunions définitives et pour diriger vos chers petits enfants dans la voie que leur a tracée leur papa et où ils poursuivront l'ouvre inachevée.

Et vous, Madame, qui perdez un fils aimant, puissiez-vous trouver une atténuation à votre douleur en pensant que si votre cher disparu ne fit sur la terre qu'un passage trop court, au gré de votre amour maternel, du moins ce passage fut-il marqué par des ouvres utiles et fécondes dont le souvenir restera.

Mon cher Gillot, mon ami de vingt ans, repose en paix ! Tu as, certainement, trouvé maintenant la pleine lumière que tu as tant cherchée sur la terre ! Ton souvenir se grave, vivant, dans nos cours, uni à celui de tant de camarades partis, comme toi, avant l'heure !

Par ma voix, les débris de la malheureuse promotion 1914 t'adressent leur ultime adieu !


Marcel Gillot, peu avant son décès



Allocution prononcée par M. Victor GUILLERMIN,
ingénieur civil des mines, secrétaire général de la Société des Hauts fourneaux de la Chiers.

L'amitié a de cruels devoirs.

Tout étourdis du rude coup qu'est pour nous la disparition prématurée de Marcel Gillot. nous n'arrivons pas encore à nous rendre compte que nous ne le reverrons plus, et cependant, nous qui l'aimions tant, nous sommes ici pour la séparation définitive.

Au nom de la Société amicale des anciens élèves de l'Ecole des mines de Saint-Etienne, au nom des nombreux ingénieurs qui l'ont connu dans sa carrière trop brève, au nom de l'amitié qui nous liait, laissez-moi dire tout haut les pensées qui m'assaillent, et qui sont aussi en ce moment douloureux celles de tous ses amis présents et lointains.

Il était né le 21 avril 1891, à Paris, mais il vint très jeune à Nevers. Ses parents étaient nivernais eux aussi, et ce n'est pas sans émotion que nous nous rappelons son amour de ce terroir baigné par la Loire où tout est harmonie, calme et sérénité ainsi que dans ce pays périgourdin où il retrouvait l'atmosphère de son enfance. La majesté de la cathédrale qui domine la ville des ducs, la paix de la campagne nivernaise de Prémery, la lumière douce qui enveloppe les choses avaient contribué à la formation de son caractère dans lequel on retrouvait beaucoup des éléments du pays de son enfance, un pays dont il parlait avec une tendresse compréhensive et enthousiaste.

Dès ses jeunes années, autant la bienveillante règle familiale que l'éducation générale devaient l'orienter dans une voie qu'il ne quitterait jamais : travailler avec ferveur, faire son devoir quoi qu'il advienne, tels devaient être dès son tout jeune âge, dès ses études d'enfant, les guides de son activité.

Après de brillantes études secondaires à Moulins, puis à Nevers, il entrait au cours Sogno, à Lyon, dans la classe de mathématiques spéciales : c'était, après les études de culture générale, le début de la spécialisation pour le métier futur. Il voulait être ingénieur et préparait le concours d'entrée de l'Ecole des mines de Saint-Etienne. Remarquablement doué, il y fut reçu dans un excellent rang et sortait ingénieur en été 1914.

C'était alors le début des années terribles. Retenu loin du front par les suites d'une affection accidentelle qui l'avait atteint pendant ses jeunes années, il estima que son devoir lui imposait de travailler double, afin que l'absence des ingénieurs partis à l'armée ne cause pas un vide irréparable.

Sa carrière d'ingénieur, son amour du progrès viennent de nous être rappelés.« Aime ton métier et t'y tiens » a dit le sage : il s'était toujours donné de tout son cour à son métier. « J'aime, m'a-t-il dit un jour, tout ce qui tourne et tout ce qui fond. »

Mais cet esprit ouvert et cultivé n'était pas demeuré étroitement cantonné dans les activités de sa spécialité. Il lisait beaucoup et s'intéressait à beaucoup de choses : l'art médiéval des grandes cathédrales et des petites chapelles, la littérature de bon aloi, la poésie des beaux paysages, voilà quels furent ses délassements favoris.

En nous rappelant tout cela nous comprenons mieux quelle flamme illuminait le foyer que fonda ce brave cour guidé par un esprit si alerte. Le choc qui l'a terrassé, il y a deux mois, fut ce qui aurait été son crève-cour le plus grand s'il avait pu le prévoir, puisque sa belle intelligence y sombra.

Que d'amis le pleurent aujourd'hui ! Nombreux sont ceux qui, trop éloignés, n'ont pu venir. Ils se souviennent avec une peine infinie de la serviabilité extrême avec laquelle il accueillait ses camarades et de son dévouement jamais en défaut. Jamais il n'eût été absent par indifférence d'une réunion d'ingénieurs de l'Ecole des mines. En leur nom je m'incline avec une immense affection devant cette tombe trop tôt ouverte.

Mais nul mieux que la mère qu'il adorait, que son épouse passionnément chérie, que ses enfants tendrement aimés, n'a pu connaître tout à fait les qualité de ce cour d'or. Lorsqu'il fut heureux, il s'efforça de créer du bonheur autour de lui ; quand vint l'adversité il voulut espérer quand même, il se défendit avec âpreté contre le mal envahissant, aidé en cela par le dévouement d'une compagne admirable. Voilà, n'est-il pas vrai, un magnifique exemple laissé aux pauvres petits, trop jeunes encore pour réaliser tout le tragique du destin qui les sépare pour jamais de leur papa.

Lui qui aimait tant la lumière devait mourir sous un ciel gris de fin novembre. Mais il n'a jamais pensé une seconde que la séparation d'avec ceux qu'il a aimés ici-bas serait vraiment totale. Cet homme de bien fut un croyant ; il a puisé dans sa foi le courage de résister au malheur et si, dans l'immense peine qui nous étreint, il y a tout de même une lueur de réconfort, nous devons la trouver dans la pensée que dans l'au delà il aura la récompense des hommes de foi qui furent des justes.

Avec tous les siens cruellement éprouvés nous disons à Marcel Gillot, qui nous était si cher, en lui donnant tout son sens, ce mot qui renferme malgré tout un rayon d'espoir :

A Dieu, mon bien cher ami, à Dieu !


Sur cette photo de 1913 où figure une partie des effectifs du Cours SOGNO, on distingue Marcel Gillot, dernier rang, 2ème à partir de la droite.





Nous reproduisons in-extenso ci-dessous un opuscule de 1921 qui décrit l'Ecole des mines de Saint-Etienne, dont les auteurs sont Victor Guillermin et Marcel Gillot :


L'Ecole Nationale des Mines
de
SAINT-ÉTIENNE


NOTICE par V. GUILLERMIN et M. GILLOT
Ingénieurs Civils des Mines

OUVRAGES CONSULTÉS

  • Mémoires de Boussingault ;
  • L'Ecole des Mines de Saint-Etienne, par M. Babu, 1900;
  • Notes biographiques, par M. E. Jouguet, 1900;
  • Notice, Règlements et Programme de l'Ecole, Edition 1912;
  • Circulaires de la Société Amicale des Anciens Elèves ;
  • Annuaires de la Société Amicale des Anciens Elèves (1914-1920);

Nous avons fait de larges emprunts à l'ouvrage très documenté de M. L. Babu, ainsi qu'à la brochure « Notice, Règlements et Programmes ».

V. G. - M G.

L'ECOLE NATIONALE DES MINES
DE
SAINT-ÉTIENNE

GÉNÉRALITÉS

L'Ecole nationale des mines de Saint-Etienne a pour but de former des ingénieurs civils aptes à diriger des exploitations de mines et des usines métallurgiques. C'est un établissement d'enseignement technique supérieur, relevant du ministre des Travaux publics et recrutant ses élèves au concours dans les classes de mathématiques spéciales.

La durée des études est normalement de trois années, elle a été provisoirement réduite à deux ans, du fait de la guerre. Les élèves ayant satisfait aux examens de sortie reçoivent le diplôme officiel d'ingénieur civil des mines, délivré par le Ministre des Travaux publics.

La Société amicale des anciens Elèves de l'Ecole des mines de Saint-Etienne fait partie de la Fédération des Amicales des grandes Ecoles civiles qui groupe l'Ecole des ponts et chaussées, l'Ecole centrale, l'Ecole des mines de Paris et l'Ecole des mines de Saint-Etienne. Il est à noter que seule, parmi ces quatre Ecoles, celle de Saint-Etienne est installée en province.

Si l'éloignement de la capitale, dans un pays d'excessive centralisation, présente quelques inconvénients, ils sont bien largement compensés par l'installation dans une des principales régions industrielles françaises. L'Ecole trouve dans le bassin houiller de Saint-Etienne et dans les usines métallurgiques qui se son établies au voisinage des mines, le champ d'études le plus instructif. Sans doute, le bassin de la Loire n'est plus, comme au milieu du siècle dernier, le premier des bassins français : le Nord et le Pas-de-Calais ont une production houillère plus importante, et la métallurgie a pris un plus grand développement en Lorraine. Mais au point de vue minier, il semble bien que c'est dans la Loire que les conditions de gisement et les méthodes d'exploitation se présentent avec le plus de variété et que les ingénieurs ont le plus de difficultés à vaincre: le grisou, les feux, les failles nombreuses et de grande amplitude, la puissance extrêmement variable des couches, les dégâts de surface très importants à cause de la densité de la population, il n'y a guère de difficultés que l'on ne rencontre et il se pose un grand nombre de problèmes délicats auxquels les élèves peuvent essayer leur jeune science, sous la direction des ingénieurs du bassin qui sont tous d'anciens camarades. La métallurgie de la Loire est également féconde en leçons de choses : les hauts fourneaux de Chasse, Givors et Firminy, les nombreuses aciéries (fours Martin surtout, mais aussi fours électriques, fours à creusets et petits convertisseurs), les forges et les laminoirs, les ateliers de construction mécanique et électrique permettent de suivre le fer et l'acier après leur élaboration et leurs transformations jusqu'au terme ultime de leur utilisation. Enfin, les grandes centrales thermiques des mines et les centrales hydrauliques établies sur les cours d'eau environnants complètent heureusement cet ensemble industriel de première importance.

D'autre part, les régions avoisinantes offrent aux courses géologiques des champs très variés : le Plateau central, avec ses roches cristallines et éruptives, les Alpes, avec leur tectonique complexe et maintenant si bien étudiée, la région du Mont-d'Or lyonnais avec ses nombreux fossiles, donnent des exemples tout particulièrement instructifs au futur géologue.

On voit donc que l'Ecole de Saint-Etienne s'est développée dans une région très favorable parce que extrêmement variée au point de vue industriel, et l'on peut préjuger que si elle a su se tenir en relations avec les industries qui l'entourent, elle aura considérablement gagné à ce voisinage. Nous verrons plus loin ce qu'il faut en penser.

I. - HISTORIQUE

LES ORIGINES

L'Ecole nationale des mines de Saint-Etienne a été institué par ordonnance royale du 2 août 1816, pour remplacer « les Ecoles des mines établies à Pesey et Geislautern et donner l'exploitation des mines de France tout le développement et pei fectionnement dont cette branche de l'industrie minérale es susceptible (1) ».

C'est d'ailleurs dans les fonds sauvés par Beaunier à Geislautern au moment de l'invasion, que l'Ecole trouva les premiers crédit pour solder les dépenses faites pour son établissement; de même une partie des ouvrages et des instruments de l'Ecole de Pesey furent envoyés à Saint-Etienne.

A cette époque, la grande industrie pénétrait en France "par-dessus la Manche, que les guerres de Napoléon avaient rendue si longtemps infranchissable aux hommes et aux choses. Elle s'installait surtout dans la Loire, et le premier initiateur de ce mouvement était aussi le fondateur de l'Ecole, son premier directeur l'ingénieur en chef des mines Beaunier, auparavant directeur de l'école de Geislautern.

Le même sentiment du progrès qui transformait l'industrie décidait la fondation d'une école de chefs à l'endroit même où cette industrie rénovée avait à trouver des ingénieurs dignes d'elle ; cette solidarité entre l'Ecole et l'industrie minérale ne s'est pas démentie depuis un siècle.

Les premiers ingénieurs sortis de l'Ecole contribuèrent d'ailleurs largement, en étroite collaboration avec les premiers professeurs, à l'éclosion progressive de l'exploitation méthodique et scientifique des richesses minérales. Ils virent la fusion des innombrables propriétés minières en quelques concessions capables d'une exploitation plus régulière et plus intensive. Ils assistèrent à la mise à feu des premiers hauts fourneaux au coke, ceux de Janon, et des premiers fours à creusets pour la fusion de l'acier, ceux de La Bérardière. Beaunier obtenait en 1823 la concession de la première voie ferrée française, reliant Saint-Etienne à Andrézieux, qui fut construite sous sa direction et avec l'assistance de plusieurs de ses anciens élèves.

Et comme gage certain d'un avenir brillant, Fourneyron, l'inventeur de la turbine et l'initiateur de l'industrie du fer-blanc, sortait major de la première promotion ; Boussingault, le grand chimiste membre de l'Institut, et créateur de la science agronomique, sortait major de la seconde.

L'ENSEIGNEMENT

L'histoire de l'Ecole est celle d'un organisme vivant qui se transforme pour rester adapté à sa fonction. L'évolution des études suit donc sans retard le progrès industriel.

A l'origine, nous notons : en première année des cours de mathématiques, topographie, physique, mécanique, chimie, minéralogie, exploitation des mines, comptabilité; en seconde année statique, mécanique appliquée et machines, constructions, perspective et stéréotomie, docimasie, métallurgie et préparation mécanique. Les exercices pratiques d'alors comportaient : dessin de machines, manipulations de chimie, études aux collections de minéralogie, courses géologiques, visites de mines et d'usines donnant lieu à la rédaction de mémoires.

En 1836, les leçons de chemins de fer apparaissent et les visites d'établissements industriels de la région sont complétées par un voyage d'études d'un mois en dehors du bassin de la Loire ; le nombre de ces voyages est porté à deux en 1855.

Les projets de concours d'exploitation des mines, de métallurgie et de machines sont institués en 1862.

L'enseignement théorique s'était naturellement développé depuis l'origine, la métallurgie, la mécanique et l'exploitation des mines ayant « progressé d'une manière inouïe jusqu'alors » ; mais cela avait finalement conduit à faire des cours d'une durée de trois heures, et cette surcharge de l'enseignement théorique entravait le développement des travaux pratiques, aussi une troisième année d'études, déjà demandée par Gruner, en 1852, est-elle créée en 1879.

En 1888, apparaissent des leçons d'économie industrielle et de nouveaux cours de paléontologie végétale. Les conférences d'électro-technique faites depuis quelques années sont transformées, en 1894, en un cours d'électricité, avec travaux pratiques correspondants.

En 1898, la répartition des cours et travaux pratiques est la suivante :

Cours Travaux Pratiques
1re Année. Analyse mathématique ;
Perspective, Stéréotomie ;
Mécanique rationnelle et appliquée ;
Physique ;
Chimie ;
Minéralogie ;
Levé de plans.
Dessin et levé de machines ;
Laboratoire de Chimie;
Laboratoire de Minéralogie ;
Levé de plans superficiels et souterrains ;
2e Année . Exploitation des mines ;
Métallurgie générale et Sidérurgie ;
Constructions ;
Machines ;
Analyse minérale ;
Pétrographie et Paléontologie ;
Pétrographie et Paléontologie ;
Laboratoire de Chimie ;
Projets de machines, Exploitation de mines et métallurgie ;
Visites hebdomadaires de mines et d'usines ;
Courses géologiques ;
Voyage d'études.
3e AnnéeMétallurgie; - 2ème Partie.
Paléobotanique et Géologie ;
Electricité ;
Chemins de fer ;
Législation et Economie industrielle ;
Comptabilité ;
Laboratoire de Chimie ;
Laboratoire d'Electricité ;
Projets de machines, métallurgie, Exploitation des mines et construction ;
Courses géologiques ;
Voyage d'études.

Depuis 1900, à côté de l'extension des cours existant déjà, on note la création des cours de chimie industrielle, d'hygiène et secours aux blessés, et la séparation du cours d'économie industrielle primitivement rattaché au cours de législation, Par contre, le cours de stéréotomie, réduit, rentre dans le cours de constructions.

Enfin, un laboratoire de métallurgie est installé quelques années avant la guerre.

INSTALLATIONS DE L'ECOLE

Toute cette évolution entraîna fatalement une continuelle extension des installations. Jusqu'en 1850 l'Ecole était située rue de la Préfecture ; certes l'aménagement ne devait pas être luxueux, et cependant dans ses mémoires Boussingault dit : « Je fus saisi d'admiration en entrant dans un charmant laboratoire de chimie, bien autrement élégant que celui du Collège de France que je fréquentais à Paris. » Ce laboratoire, établi sur des plans rapportés d'Angleterre par Gallois, semble bien avoir été, au début, l'un des plus beaux de France. C'est là qu'en 1819 Boussingault, encore élève, fit sa première découverte scientifique : la présence du silicium dans les fontes et aciers. Puis, s'attaquant au platine réputé jusqu'alors infusible, il parvint à le fondre et le transformer en une fonte analogue à celle du fer par la combinaison avec le carbone et le silicium, et en un acier par la cémentation. Ces recherches n'allèrent pas sans occasionner un commencement d'incendie de l'Ecole.

La loi du 23 juillet 1847 autorisa l'achat du château de Chantegrillet, en vue du transfert de l'Ecole dans un domaine de 124.000 m2, dont une partie a été cédée depuis à la Ville de Saint-Etienne. Roussel-Galle, alors directeur, décrit dans son rapport au ministre les avantages du nouvel emplacement : « La belle position de Chantegrillet, sur le flanc d'un petit coteau qui touche à la ville, loin du bruit qui distrait de l'étude et peut la troubler, au-dessus de la région de la fumée et de la poussière qui sont de véritables fléaux pour les collections minéralogiques, des modèles, des instruments de physique et de chimie, dans une atmosphère salubre et exempte de brouillards malsains ... Chantegrillet avec ses jardins et ses ombrages réunit l'agrément, la salubrité et l'utilité. »

Depuis 1850 des transformations et agrandissements ont dû être faits, à la suite de la création d'une troisième année d'études en 1879, puis ensuite pour l'installation des laboratoires d électro-technique et de métallurgie.

Malheureusement les Compagnies minières voisines poussent leurs travaux souterrains sous Chantegrillet, au grand dommage des bâtiments. D'ailleurs l'installation actuelle, suffisante lorsqu'elle fut édifiée, ne répond plus entièrement aux conceptions modernes et elle est appelée à disparaître bientôt. Un projet de reconstruction complète, comportant de vastes agrandissements, avait été approuvé par les ministres des Travaux Publics et des Beaux-Arts en 1909. La loi des finances du 4 août 1913 avait en outre attribué des crédits qui devaient être complétés par la Ville de Saint-Etienne, le département de la Loire, la Chambre de Commerce, et surtout par les généreuses et larges donations des industriels français. Ce projet, dont la guerre a interrompu la réalisation, a été repris en 1920 et l'on peut espérer qu'il aboutira dans un délai rapproché. A ce propos nous devons remarquer que jusqu'à présent l'installation des grandes Ecoles, celle de Saint-Etienne surtout, et cela pour de multiples raisons, n'a pas assez attiré la bienveillante attention des pouvoirs publics. C'est donc un grand hommage rendu au génie français, à la science des professeurs et à l'intelligence des élèves que cette parole d'une sommité américaine au Congrès de l'industrie minérale de 1889 : « Les grandes Ecoles françaises sont si riches en forces intellectuelles qu'elles peuvent en donner à tout le monde sans s'appauvrir. »

NIVEAU DES EXAMENS D'ADMISSION

Le programme des examens d'admission présente des modifications parallèles à celles des programmes d'enseignement.

Au début, les candidats étaient cotés avec les coefficients suivants :

Instruction générale..........................................................1
Physique, chimie et mathématiques.............................................3
Exploitation des mines........................................................3
Dessin .......................................................................2
Raisons de convenance.........................................................4

La rubrique « raisons de convenance » nécessite un éclaircissement ; voici ce qu'en dit le commentaire de l'article 11 du règlement de 1817 : «Le but essentiel de l'Ecole est évidemment de porter les secours des lumières de l'expérience au sein même des exploitations et des établissements industriels... C'est donc chez les jeunes gens qui se trouvent déjà liés par des liens d'intérêt, de propriété, de parenté, etc., à cette branche intéressante de l'industrie nationale et qui garantissent ainsi à la société l'emploi profitable de l'instruction qu'ils auront reçue qu'il importe surtout de répandre les connaissances relatives à l'art des mines. » Aussi donne-t-on pour note de convenance 19 sur 20 au neveu du principal actionnaire des mines de Montrelais qui doit en prendre la direction, et 16 sur 20 au fils du gouverneur le plus expérimenté de Rive-de-Gier. Cette préférence d'origine se retrouve dans d'autres Ecoles où elle fut maintenue en pratique beaucoup plus longtemps qu'à Saint-Etienne. Elle nous parait un vestige d'anciennes coutumes corporatives et a pour excuse la recherche de l'intérêt national dans une société orgauisée différemment de la nôtre. Ces considérations sont néanmoins curieuses à rappeler pour qui connaît les garanties d'impartialité des concours ouvrant actuellement la porte de nos grandes Ecoles.

Les examens d'admission se passaient alors dans chaque arrondissement minéralogique devant un ingénieur du corps des mines, et l'admission était prononcée après avis du Conseil de l'Ecole. A partir de 1841, l'examen d'admission se passe à Saint-Etienne.

En 1882, le programme d'admission subit une modification notable. Il comportait auparavant les mathématiques du baccalauréat ès sciences et un programme de sciences physiques nettement plus développé que celui du dit baccalauréat. On introduit alors, et en une seule fois, l'algèbre supérieure et la géométrie analytique, on élargit la géométrie descriptive et la chimie. Ce n'était pas une révolution, mais la consécration d'une évolution, conséquence de « ce fait remarquable, et qui s'est produit à toute époque à Saint-Etienne, que les établissements qui préparent les jeunes gens à l'Ecole devancent en quelque sorte les augmentations officielles de programmes et anticipent sur les cours de l'Ecole ». C'est dire la part importante qui revient, dans la progression ininterrompue du niveau de l'Ecole, aux principaux établissements préparatoires d'alors.

Cependant, le programme de physique, sensiblement le même depuis 1867, était fort étendu; il est simplifié par un arrêté de 1887 qui complète, en compensation, le programme d'algèbre supérieure et de géométrie analytique. Le Conseil de l'Ecole fait d'ailleurs remarquer que, malgré les suppressions effectuées, les programmes de sciences sont de beaucoup supérieurs à ceux des autres écoles, et que le concours conserve ainsi « son caractère spécial résultant de la difficulté des examens de physique et de chimie ». Cette caractéristique était un grand inconvénient pour les élèves des classes de mathématiques spéciales autres que celles destinées spécialement à la préparation à Saint-Etienne, aussi un arrêté du 26 septembre 1887 décidait que les jeunes gens admissibles aux examens du deuxième degré à l'Ecole polytechnique pouvaient demander à n'être interrogés à l'oral que sur les programmes de cette Ecole.

En 1893 apparaissent les examens de langues vivantes ; la session extraordinaire du concours qui avait lieu en octobre est supprimée en 1891. Enfin en 1906 de nouvelles modifications sont apportées au programme d'admission qui exigeait jusque-là des études particulières entraînant une sorte de monopole d'un certain nombre de lycées et établissements similaires organisés spécialement ; la préparation peut, dès lors, s'effectuer dans toutes les classes de mathématiques spéciales.

LES PROFESSEURS

Jusqu'en 1919, tous les professeurs étaient réglementairement pris parmi les ingénieurs du Corps national des mines. Le décret de 1919 élargit ce recrutement et permet ainsi de charger des personnalités diverses (surtout des ingénieurs civils) de certaines chaires ; parmi ces professeurs nouveaux on trouve en particulier d'anciens élèves qui se sont distingués par leurs travaux techniques et scientifiques. Néanmoins, les ingénieurs du Corps des mines formeront toujours la majorité du corps enseignant. Cela présente l'avantage, mis en évidence dès le début par Beaunier, d'établir une unité de vues évidemment très désirable entre les ingénieurs exploitants et l'administration chargée du contrôle. Le Corps des mines est d'ailleurs une pépinière d'hommes illustres dans la science et la technique, et leur prépondérance dans un corps de professeurs est une garantie de la haute tenue scientifique de l'enseignement.

Une grande Ecole technique doit se proposer deux buts principaux pour la formation de ses élèves : leur apprendre à réfléchir et leur donner des connaissances scientifiques et industrielles assez générales et assez nettes pour former un fonds solide que l'ingénieur pourra prendre comme appui sérieux dans sa carrière. Il faut reconnaître à la louange des professeurs que les deux buts ont été sans cesse poursuivis par eux, et l'on n'en peut citer aucun sans les nommer tous ; on les a vus chercher sans cesse à former l'esprit critique de leurs élèves, à donner dans leurs leçons le dernier mot du progrès ; les cours sont même en si constante transformation qu'en peu d'années ils ont toujours été modifiés profondément sur des points importants. C'est là une garantie de bonne éducation technique que les industriels prisent éminemment : l'Ecole ne donne pas l'intelligence, elle ne tente pas de former des encyclopédistes, on ne lui demande pas cela, mais sélectionnant les intelligences à l'entrée, elle s'efforce, grâce à une pléïade de professeurs d'élite, de développer chez les futurs ingénieurs le bon sens et la méthode. « Il faut chercher surtout à penser et à parler juste » disait La Bruyère ; il semble que le corps enseignant ait eu sans cesse cette devise présente à l'esprit.

Les rapports entre professeurs et élèves ont toujours été empreints d'une grande courtoisie, et les joyeuses et inoffensives moqueries de la fameuse revue de Sainte-Barbe (à laquelle assistent les professeurs) sont accueillies par un fin sourire de ceux que l'on critique et qui donnent souvent le signal des applaudissements. Le respect des professeurs a d'ailleurs toujours été à l'Ecole la première base de la discipline.

LE RÉGIME

Le régime de l'Ecole fut toujours l'externat, aussi la vie, hors de l'Ecole, des élèves depuis cent ans serait-elle intéressante f étudier dans le détail. Sur l'origine, les mémoires de Boussingault donnent d'intéressants renseignements : « On jouait deux fois par semaine le théâtre, le prix des places au parterre, debout était de 50 centimes. On y rencontrait toujours un certain nombn d'élèves mineurs reconnaissables à leur uniforme bleu clair, orné de deux pics en croix, brodés en or. Dans les grands jours, on mettait le chapeau à cornes et 1'épée que j'ai portée pour la première fois... Les élèves vivaient dans une grande familiarité avec les professeurs et avec les capitaines d'artillerie attachés à la Manufacture d'armes. Toute la jeunesse s'occupait de politique ... Un ministre, M. de Serres ... logea à l'Ecole. De bon matin on écrivit sur les murs de l'escalier par où devait monter Son Excellence : « Vive la Charte ». Ce fut un grand scandale dans la maison. »

En 1830, les élèves, pénétrés des idées libérales qui ont alors cours dans toute la jeunesse des Ecoles, accueillent les journées de Juillet avec enthousiasme et sont incorporés dans la garde nationale.

De nos jours, la politique a disparu des discussions, mais la camaraderie est restée aussi remarquable qu'au début, et les élèves se forment en petits groupes dans les restaurants et dans leurs diverses distractions. A certaines périodes, et depuis un temps fort lointain, depuis le début, toutes les promotions se réunissent dans les banquets et dans les fameux « mouths » traditionnels où l'on chante des chansons faites par des poètes improvisés parfois pleins de talent. Ces « mouths », dont les anciens gardent un si vivace souvenir, se raréfient actuellement, comme ont disparu certaines coutumes de joyeux monômes, mais un autre élément est venu resserrer encore plus, s'il se pouvait, les liens de camaraderie : c'est le Cercle, fondé en 1908, don généreux des anciens Elèves. Ce cercle était désiré depuis toujours, et une première demande d'autorisation était faite en 1836. En 1818 un cercle existait après une autorisation donnée par le commissaire du gouvernement, mais sur l'insistance du directeur, craignant ds néfastes effets, la faculté de le renouveler fut bientôt retirée. Le Cercle actuel montre, au contraire, tous les avantages intellectuels, moraux et matériels que l'on peut retirer d'une telle institution.

ACTION SOCIALE DES ÉLÈVES

Les élèves n'ont jamais ménagé leur dévouement dans les accidents de mines qui nécessitent de longs et périlleux sauvetages ; en particulier à la catastrophe du Bois-Monzil en 1831, les élèves se mettent spontanément à la disposition du directeur adjoint, Delsériès, qui dirige le sauvetage. Jour et nuit ils se tiennent sur les travaux et en partie grâce à leur admirable zèle, l'heureuse délivrance des ouvriers est obtenue le sixième jour.

Cette spontanéité dans la mise à la disposition des autorités compétentes est toujours restée dans les traditions. On la retrouve encore en 1920, lors des grèves de cheminots où tous les élèves, avec l'autorisation du directeur, offrent leurs services à la Cie P.-L.-M. ; là encore, leur zèle, pendant les deux grèves successives ne se dément pas un seul jour, malgré les fatigues, les menaces et même les agressions, et cela se fait discrètement, sans réclame. A la fin de la seconde grève, les deux tiers ont leur brevet de mécanicien, et conduisent, assistés seulement d'un chauffeur, les trains de marchandises et les omnibus, tandis que d'autres, les éclopés de la grande guerre, assurent des services moins pénibles, mais cependant indispensables, dans les ateliers et les postes d'aiguillage.



Si nous avons omis, dans cet historique trop sommaire, de parler de la discipline au cours des différentes époques, de la difficulté des examens et des sanctions allant du refus du diplôme jusqu'à l'exclusion prononcée par le ministre, c'est que ce sont là choses toutes naturelles si l'on veut qu'une école soit une grande Ecole et s'honore de résultats dignes d'elle.

II. - L'ÉCOLE ACTUELLE

ADMINISTRATION

L'Ecole des mines de Saint-Etienne est dirigée par un inspecteur général des mines ou un ingénieur en chef des mines nommé par le Ministre des Travaux publics. Le directeur est secondé par un sous-directeur, choisi parmi les professeurs titulaires et assisté par le Conseil de l'Ecole et le Comité d'enseignement.

Le Conseil de perfectionnement, existant depuis un depuis un décret de 1882 portant organisation de l'Ecole, a été supprimé par le décret du 19 septembre 1919. Répondant aux desiderata forrmellement exprimés par le Comité central des houillères et le Comité des forges de France, ce décret présente deux caractéristiques importantes :

D'une part, on note la place prépondérante, faite dans la gestion de l'Ecole aux représentants qualifiés de l'industrie minérale française. En particulier on trouve à l'article 4 : « Sont nommés par arrêté ministériel pour quatre ans membres du Conseil de l'Ecole : Douze représentants de l'industrie des mines et de l'industrie de la métallurgie, dont six au moins anciens élèves de l'Ecole, choisis sur des listes présentées par le Comité central des houillères de France, par le Comité des forges de France, par la Chambre syndicale des mines de fer et par la Chambre syndicale des des mines métalliques».
(En 1921 le Conseil, composé de 23 membres, comprend 13 industriels dont 7 anciens élèves. Son président, nommé par arrêté ministériel, est depuis 1920, M. Petit, Président de la Société amicale des anciens Elèves.)

D'autre part, on remarque une tendance nettement accusée vers la décentralisation. Le Conseil statue en dernier ressort sur nombre de questions, et pour les sujets réservés au pouvoir décisoire du ministre « les délibérations prises par le Conseil sont exécutoires si, dans le délai d'un mois à compter de leur notification par le directeur de l'Ecole au Ministre, ce dernier ne les a pas annulées par un arrêté motivé, ou ne les a pas retournées avec ses observations pour une nouvelle délibération».

Ces deux caractéristiques sont une garantie de l'union toujours plus étroite qui doit exister entre l'enseignement technique et l'industrie, elles portent en elles le germe de rapides progrès.

Par les lois de 1906 et de 1907, l'Ecole est investie de la personnalité civile et de l'autonomie financière.

LE CORPS ENSEIGNANT

L'article 20 du décret de 1920 définit ainsi sa composition :

    « L'enseignement est réparti entre :
    1° Des professeurs titulaires ;
    2° Des professeurs adjoints ;
    3° Des professenrs suppléants ;
    4°Des maîtres de conférences et des chargés de cours ;
    5° Des répétiteurs, des chefs de travaux pratiques et des assistants.

« Chaque professeur est chargé de l'enseignement oral des matières sur lesquelles porte son cours, et des examens sur les dites matières. Il doit organiser et surveiller effectivement les exercices pratiques, l'établissement des projets, les visites de mines et d'usines ainsi que les voyages d'études correspondant à son enseignement. Il est, en outre, chef du laboratoire ou conservateur de la collection correspondant à son enseignement. »

En 1921, sous le régime provisoire de deux années d'études, le corps enseignant comprend :

    10 professeurs, dont 6 titulaires.
    1 Maître de conférences (Paléobotanique).
    4 Chargés de cours (Langues vivantes).
    5 Chefs de travaux pratiques.

Le corps enseignant est assisté d'un personnel de laboratoire et d'un personnel administratif (secrétariat, bibliothèque, etc.)

Le nombre des professeurs n'est pas élevé, mais, en règle générale, l'enseignement à l'Ecole est leur fonction primordiale, parfois unique.

Quelques conférences sont faites par des personnalités ne faisant pas partie du corps enseignant.

PROGRAMME DE L'ENSEIGNEMENT

La durée normale des études à l'Ecole est de trois ans. « Toutefois, dit le décret du 19 septembre 1919, elle peut être reduite temporairement à deux années. » A partir de la réouverture de l'Ecole, en 1917, la durée des études a été ainsi réduite afin de compenser, dans une faible mesure, le retard apporté par la guerre dans les études des élèves, et afin, également, de pourvoir rapidement au remplacement des ingénieurs morts au Champ d'honneur L'organisation actuelle est donc tout à fait momentanée, aussi étudierons-nous l'organisation normale. (Ce régime des deux années comporte la suppression des cours de chemins de fer et des conférences d'hygiène. Le cours de chimie industrielle est réduit. Enfin, une modification dans la répartition des cours permet de faire le premier voyage d'études pendant les vacances de première année. Ce régime transitoire est grandement favorisé par la suppression de l'enseignement militaire qui était auparavant donné aux élèves depuis la loi de 1905.)

La répartition des cours entre les trois années est la suivante :

Première Année.
Analyse mathématique, 54 heures
Perspective, 6 heures
60 heures
Mécanique
Mécanique rationnelle
Mécanique appliquée
Mécanique des fluides
80 heures
Physique
Optique physique
Acoustique
Thermodynamique
Electricité théorique
70 heures
Chimie.
Chimie physique
Chimie générale
Chimie analytique
80 heures
Minéralogie.
Cristallographie
Minéralogie
60 heures
Résistance des matériaux 40 heures
Levés de plans superficiels et souterrains 20 heures
Conférences.
De langues vivantes
De dessin industriel
De « machines-outils »
100 heures

Deuxième année.
Exploitation des mines. Exploitation
Préparation mécanique
100 heures
Métallurgie (1re partie).
Métallurgie générale
Sidérurgie
110 heures
Machines
Machines hydrauliques
Machines pneumatiques
Machines à vapeur
Moteurs à gaz
Machines frigorifiques
80 heures
Chimie industrielle 60 heures
Electrotechnique (1re partie).
Mesures
Courant continu
30 heures
Paléontologie et Pétrographie 40 heures
Conférences.
De langues vivantes
De paléobotanique
72 heures

Troisième année.
Métallurgie (2me partie).
Métaux autres que le fer
40 heures
Géologie.
Stratigraphie, tectonique
50 heures
Géologie appliquée. Statistique minière et industrielle : prospection 40 heures
Electrotechnique (2me partie).
Courant alternatif
Installations industrielles
30 heures
Constructions
Constructions métalliques
Maçonneries
Béton armé
40 heures
Chemins de fer.
Transports par fer
Transports par eau
Transports par route
30 heures
Législation minière et industrielle 32 heures
Comptabilité
Economie sociale et industrielle 40 heures
Conférences.
D'hygiène et secours aux blessés 20 heures
De langues vivantes 48 heures

Des conférences d'administration et d'organisation scientifique ont été annexées au cours d'économie sociale et industrielle, répondant ainsi à un besoin mis en relief par un savant et grand industriel français, M. H. Fayol, ancien élève de l'Ecole, dans son ouvrage L'Administration générale et industrielle.

L'enseignement de langues vivantes comporte l'anglais, l'allemand et l'espagnol ; les élèves répartis en plusieurs sections d'après leurs capacités, se perfectionnent d'abord dans l'étude de l'une des deux premières, puis la dernière année ils peuvent opter entre les trois. Un voyage à l'étranger pendant les vacances de première année, voyage recommandé, mais facultatif, complète cet enseignement.

Analyser les cours professés dans le cadre restreint de cette étude sommaire est chose impossible, on en donnerait une idée trop imparfaite ; de même il serait trop long d'insérer ici leurs programmes officiels, réunis d'ailleurs en une brochure de plus de cent cinquante pages. La lecture de ces programmes montre que les professeurs ne laissent, sans l'approfondir, aucune théorie pouvant être utile à un ingénieur mineur ou métallurgiste, dans les domaines des sciences exactes ou naturelles. Il montre aussi l'étendue, l'esprit et l'ordonnance des cours d'application.

TRAVAUX PRATIQUES

L'Ecole de Saint-Etienne a toujours donné beaucoup d'impor tance aux travaux pratiques, elle a voulu, dans l'ensemble de soi enseignement, allier la science théorique et la technique, cher chant à former des esprits critiques et observateurs plus que de* esprits dogmatiques éduqués par un enseignement livresque. Le jeune ingénieur sortant de l'Ecole ne connaîtra pas tout, mai il doit être surtout formé pour n'admettre aucune recette, qu i lui faudra appliquer ensuite, sans la raisonner. Les travau: pratiques ont surtout pour but de former le jugement.

Dans le résumé ci-dessous de ces travaux, il ne faut pas oublie que le temps, indiqué comme consacré à telle ou telle matière, es celui de présence obligatoire, mais qu'en réalité les laboratoires collections, salles de travaux, restent ouverts et sont largemen fréquentés en dehors des heures de présence réglementaire.

I. Dessin. - En première année, 180 séances de 2 h. 1/2 son consacrées aux travaux graphiques proprement dits, ils comportent: croquis cotés à main levée, dessin au trait ou au lavis épures de perspective, d'assemblages et de constructions, relevés de machines dans les mines, usines et ateliers de construction (comportant les croquis pris à l'atelier, les dessins finis et de notices explicatives).
En deuxième et troisième années il n'y a pas de séance consacrées spécialement au dessin, mais sa place demeur importante dans les projets, rapports de visite, etc.

II. Levés de plans. - En première année deux semaines son consacrées aux levés souterrains dans les mines de Saint-Etienne (levés à la boussole et au thpodolite). Deux autres semaines son consacrées aux levés superficiels (au théodolite et à la planchette.)

III. Exercices d'analyse, de mécanique et de résistance des matériaux.- Indépendamment des exercices signalés aux élèves comme application immédiate des questions de cours et dont l'exécution, d'ailleurs facultative, n'a d'autre sanction que les interrogations trimestrielles, les élèves font obligatoirement pendant le cours de première année :

a) quatre compositions d'analyse mathématique ;

b) quatre compositions de mécanique rationnelle, deux épures d'engrenages avec calculs de résistance, des études de diagrammes, de rendements, d'établissement de conduite d'eau et d'air comprimé, des abaques.

c) quatre exercices de résistance des matériaux comportant des calculs de poutres, d'organes de machines, de ponts et transporteurs aériens.....avec application de statique graphique. Dix-huit séances de 2 heures 1/2 sont consacrées à ces exercices de résistance des matériaux, dont six en première année et douze en seconde année.

IV. Projets. -

    a) En seconde année :
      1 projet d'exploitation des mines ;
      2 projets de métallurgie ;
      1 projet de machines (machines hydrauliques ou pneumatiques) ;
      1 projet de construction.

    b) en troisième année :
      1 projet d'exploitation des mines ;
      1 pi'ojet de sidérurgie;
      1 projet de métallurgie des métaux autres que le fer ;
      1 projet de construction ;
      1 projet de machines (machines à vapeur, moteurs à gaz) ;
      1 projet d'électrotechnique.
Le nombre des séances officiellement consacrées à chacun de ces projets est généralement de dix-huit. Toutefois pour le projet final (exploitation ou sidérurgie suivant les élèves), une période de deux semaines est intégralement consacrée aux projets.

V. Géologie Les collections de géologie sont ouvertes aux élèves en dehors des heures de cours, conférences et exercices pratiques prévus à l'emploi du temps. Les élèves ont, en outre, à leur disposition des collections spéciales d'études pour :

    la cristallographie ;
    la minéralogie ;
    la paléontologie ;
    la pétrographie.
Ils s'exercent à l'emploi du microscope polarisant sur une collection de lames minces, à l'emploi du goniomètre, du chalumeau, etc.

Ces travaux de géologie sont complétés par des excursions d une ou plusieurs journées effectuées aux points les plus intéressants de la région par les élèves de deuxième et troisiè années, sous la conduite des professeurs compétents, notamment dans les environs immédiats de Saint-Etienne, au Mont-d'Or lyonnais, au Puy, à Clermont-Ferrand, en Ardèche. En outre les élèves de troisième année font, à la fin juin, sous la direction des professeurs, une course géologique d'une dizaine de jours généralement dans les Alpes françaises ou dans le Jura.

TRAVAUX DE LABORATOIRE.

A. Laboratoire d'analyse minérale. - Les élèves font trois périodes de manipulations de chimie par année. Chaque période comprend douze séances de 2 h. 1/2, obligatoires, et le laboratoire reste à leur disposition en dehors des heures de cours le matin jusqu'à midi et l'après-midi jusqu'à 18 heures. Les élèves s'y exercent aux analyses qualitatives et quantitatives, et exécutent les dosages les plus usuels : acidimétrie, dosage hydrotimétrique, chlorométrie, iodométrie, dosages pondéraux du chlore, du soufre, du phosphore, du silicium, du carbone, de la chaux, de l'alumine, de la magnésie, etc. ; analyses de silicates, carbonates, phosphates, analyses immédiates de combustibles, de minerais oxydés ou sulfurés (fer, cuivre, zinc, plomb, manganèse, chrome, etc.). Ils font en outre les dosages des carbone, silicium, phosphore, soufre, et manganèse des fontes et aciers, un essai de coupellation et des analyses de gaz, des essais électrolytiques et des recherches qualitatives au chalumeau.

B. Laboratoire de métallurgie. - Les élèves exécutent en deuxième et troisième années des travaux ayant pour objet : la mesure des hautes températures, les essais mécaniques des métaux, l'étude des traitements thermiques des fontes, fers, aciers et principaux alliages et la pratique de la métallographie par la méthode des refroidissements différentiels, la dilatométrie et la micrographie.

G. Laboratoire d'électrotechnique. - Les travaux comportent, en deuxième et troisième années, des manipulations sur la mesure des grandeurs électriques et l'essai des machines. Quinze séances de 2 h. 1 2 sont consacrées à ces essais qui donnent lieu concurremment à des essais mécaniques tels que relevés de diagrammes, mesures au frein de Prony, etc. Ces exercices sont complétés par des compositions consistant en calculs d'application.

Il y a lieu de noter, d'autre part, qu'en première année le cours de physique générale donne lieu à des essais de laboratoire portant sur l'optique physique et l'électricité théorique.

VISITES ET STAGES INDUSTRIELS

Visites hebdomadaires de mines et usines. - Les élèves répartis par groupes de deux font chaque jeudi matin en seconde année des visites de mines et d'usines métallurgiques. Ce ne sont pas des visites superficielles et hâtives : pour les visites de mines, l'élève reste affecté deux mois de suite à la même fosse ; chaque visite d'usine a pour objet nettement défini l'étude d'un service en particulier. Les rapports doivent être remis le lendemain aux professeurs.

En outre, des visites de fond par groupes, des visites collectives d installations de surface, d'établissements métallurgiques et de construction ont lieu sous la conduite des professeurs correspondants.

Ces visites continuelles sont une possibilité heureuse pour l'Ecole de Saint-Etienne ; l'élève est mis en contact direct et constant avcc les réalités industrielles, le rendement de son travail est remarquablement augmenté puisqu'il est appelé à se mouvoir dans un milieu industriel. L'enseignement des professeurs est complété à pied d'oeuvre par l'enseignement donné par les ingénieurs praticiens de la région stéphanoise, dont la majorité sont d'anciens élèves. Les cours pratiques sont illustrés par la pratique elle-même, et l'on peut dire que les ingénieurs qui guident les jeunes élèves dans leurs visites constituent une sorte de corps auxiliaire de professeurs.

Voyages d'études. - Après avoir reçu dans le bassin de Saint-Etienne une première initiation à leur futur métier, les élèves font leur tour de France et même d'Europe pour observer comment il se pratique dans des conditions différentes. Chacune des deux dernières années d'études se termine par un voyage qui dure environ deux mois. Le voyage de seconde année débute par un stage de trois semaines à un mois dans une même mine ou dans une même usine métallurgique. Le reste du temps, ainsi que tout le voyage de troisième année, est consacré à la visite de mines et usines diverses. Les élèves remettent au retour deux journaux de voyage, l'un de mines, l'autre de métallurgie, un rapport de stage et un rapport sur un sujet spécial. En troisième année, les observations ne se bornent plus comme en seconde année à la technique seule, mais portent aussi sur des questions économiques et commerciales.

Le coeflicient attribué à ces travaux de voyage dans le classement est fort élevé. L'itinéraire des voyages est établi de concert avec les professeurs. Ces voyages sont en principe individuels, mais se font souvent par groupes de deux ou trois et certains groupes se réunissent pour former des ensembles plus importants lorsque certains établissements seraient gênés par des visites trop répétées. Le premier voyage et le stage se font en France, le second prend en général pour but des bassins industriels étrangers. Les voyages sont destinés spécialement à l'étude de la mine et de la métallurgie, mais il va sans dire que les élèves en profitent pour s'intéresser aux autres industries sur lesquelles ils remettent aussi des rapports, suivant en cela l exemple des promotions très anciennes qui étudiaient, entre autres, en 1835, les ponts suspendus sur la Loire au cours de leurs voyages.

On a souvent dit que les grandes Ecoles françaises se tenaient trop éloignées de la réalité industrielle. C'est une affirmation gratuite de la part de personnes incompétentes. Nous venons de voir à Saint-Etienne le contact permanent avec l'industrie pendant les périodes de cours ; nous insistons sur ce fait que, d'autre part, les voyages d'études y datent de cent ans : « Dès la première année de l'ouverture des cours, dit M. Babu dans son historique de l'Ecole, le Conseil s'était préoccupé de familiariser les élèves avec les travaux de mines, et du Ier au 10 mai 1818, les élèves de la première division avaient séjourné aux mines de Rive-de-Gier, sous la conduite de Desroches, alors professeur d'exploitation. Leur programme comportait la visite des principales exploitations, l'exécution de quelques travaux et la rédaction « d'un rapport aussi détaillé que possible de tout ce qu'ils auront exécuté, remarqué et observé. » L'année suivante on élargit le champ d'observation ; les élèves ne se bornent plus à séjourner sur les mines du voisinage immédiat de Saint-Etienne, ils vont jusqu'à Sain-Bel étudier l'exploitation des minerais de cuivre, leur traitement et l'affinage du cuivre métallique. On leur demande même de traiter dans leurs rapports des questions économiques, par exemple les débouchés pour la vente du cuivre, les causes politiques favorables ou défavorables à cette vente, et même quelques questions sociales telles que l'influence de l'établissement sur l'agriculture, le commerce et les moeurs des habitants. » C'est d'ailleurs aussi dès le début que l'on voit apparaître les courses géologiques qui se faisaient alors individuellement ou par groupe de deux, suivant des itinéraires déterminés sur lesquels les élèves doivent faire de nombreuses observations et prélever des échantillons de roches et de fossiles caractéristiques.

LES BATIMENTS

Nous avons déjà signalé plus haut que l'Ecole actuelle était sur le point de faire place à des installations plus importantes dont nous donnons ci-contre les plans. Chantegrillet, en effet, devenu trop étroit, a grand besoin de « refaire sa toilette » ; Il faut d'ailleurs remarquer que si l'architecture et les plans spacieux sont grandement désirables pour une école, son outillage l'est plus encore ; et, à ce propos,la comparaison entre les laboratoires de géologie de l'Université de Strasbourg et ceux de l'Ecole de Saint-Etienne, faite par le savant minéralogiste qu'est M. Friedel, n'est pas à l'avantage de l'installation allemande (Leçon inaugurale à l'Université de Strasbourg).

L'installation actuelle comprend :

A. Un bâtiment dit « Le Château », abritant la direction, les collections et les laboratoires de minéralogie, de pétrographie,, de paléontologie et de géologie.

B. Un bâtiment à deux ailes latérales et comprenant dans la partie centrale : trois amphithéâtres, la galerie des modèles, d'exploitation et de machines, 12 salles d'études et de dessin, la bibliothèque des élèves (4 000 volumes), les salles des services administratifs, etc. ;

Dans l'aile gauche : les laboratoires de chimie, d'analyse minérale et de recherches électrolytiques et le bureau d'essais ;

Dans l'aile droite : les laboratoires de métallurgie, de physique et d'électro-technique, la bibliothèque des professeurs.

La situation de l'Ecole à Chantegrillet ne laisse pas que d'être remarquable sur une colline boisée (près du Jardin des Plantes et de la Pépinière), au milieu de la verdure, à l'air pur, au calme, et pourtant tout près du centre de la ville.

LES ELEVES ET LE CONCOURS D'ADMISSION

« L'Ecole, dit le règlement, reçoit :

    1° Des élèves français ;
    2° Des élèves titulaires étrangers ;
    3° Des auditeurs libres.
« Les élèves titulaires français sont admis à l'Ecole, soit par voie de concours, soit sans examen à condition d'être sortis de l'Ecole polytechnique, d'avoir satisfait aux examens de sortie de cette Ecole avec des notes jugées suffisantes par le Comité d'enseignement et d'avoir terminé depuis un an au plus le service militaire obligatoire dans l'armée active.]
[Pour les élèves ainsi recrutés dans la promotion de sortie de l'Ecole polytechnique, la durée des études n'est que de deux ans ; ces jeunes gens sont dispensés de la première année d'études qui comporte surtout des cours théoriques ; les horaires sont établis de telle sorte que ces élèves puissent toutefois suivre les cours de première année qui leur sont utiles (minéralogie, résistance des matériaux).]
« Les élèves titulaires étrangers sont admis à l'Ecole par voie de de concours, ce concours étant distinct de celui des élèves titulaires français. Les élèves titulaires étrangers sont soumis aux mômes obligations que les élèves titulaires français.
« Les auditeurs libres sont admis, sur décision du directeur de l'Ecole, et dans la limite des places disponibles, à suivre tout ou partie de l'enseignement..... Ils ne peuvent recevoir de diplôme, mais sur leur demande ils subissent des examens sur les matières des cours suivis, et le Directeur de l'Ecole leur délivre un certificat faisant connaître les notes obtenues à ces examens ainsi qu'aux exercices pratiques. »

Le recrutement de l'Ecole se fait donc par voie de concours. La préparation en est effectuée dans toutes les classes françaises de mathématiques spéciales et le programme d'admission est celui de cette classe.
[Les candidats se préparent d'ordinaire, soit au lycée de Saint-Etienne, soit au lycée de Lyon, soit à l'Ecole libre des Anglais, à Lyon, ou enfin dans tout lycée parisien ou provincial ayant des classes de mathématiques spéciales; dans ce dernier cas, les candidats suivent les cours préparatoires à l'Ecole polytechnique.]

Les candidats se présentent normalement à la fin de leur seconde année de "spéciales" : le nombre d'admissions, fixé au préalable par le ministre, sur la proposition du Conseil de l'Ecole, est assez restreint (de 35 à 40 entre 1900 et 1914 ; 50 en 1919 et 59 en 1920) et le nombre des candidats dépasse depuis longtemps cinq fois celui des admis,

Bien que la préparation ne soit pas le monopole d'établissements particuliers, le nombre de candidats admis à l'Ecole de Saint-Etienne et optant pour d'autres grandes Ecoles est faible (souvent une ou deux démissions seulement, voire aucune), il est très largement dépassé par celui des candidats démissionnant d'une autre Ecole pour rentrer à celle de Saint-Etienne « L'Ecole est, à cet égard, dans des conditions très exceptionnelles en France et très favorable à la constitution d'excellentes prommotions bien homogènes. Le niveau du concours qui dépend naturellement plus de la qualité des candidats que du détail des programmes est fort élevé ; on peut en juger dans une certaine mesure par la proportion des candidats admis et le classement relatif de ceux qui ont été reçus en même temps aux Ecoles de la capitale. »
[ En 1911-1912, sur un effectif total pour trois promotions de 107 élèves (dont 102 titulaires), l'Ecole ne compte pas moins de 22 titulaire qui, admis à d'autres Ecoles, ont opté pour celle de Saint-Etienne, soit : 1 de l'Ecole polytechnique, 10 de l'Ecole des mines de Paris, 9 de l'Ecole centrale, 1 de l'Ecole des ponts et chaussées, 1 de l'Ecole normale supérieure (extrait de la brochure Notice, règlements et programmes de l'Ecole, publiée en 1912). Sur les trois promotions alors à l'Ecole, il y avat eu au total lors des concours correspondants seulement 6 démissions.]

Tout candidat au concours d'admission doit avoir 17 ans au moins le 1er janvier de l'année du concours. Les candidats français doivent avoir 26 ans au plus à cette même date.

Le concours comporte :

1° Des examens écrits d'admissibilité se passant à Saint-Etienne et généralement dans deux autres centres choisis par décision ministérielle ;

2° Des examens oraux passés à Saint-Etienne devant un jury formé par les professeurs de l'Ecole.

Le nombre des admissibles ne peut être supérieur à deux fois et demi celui des admis. L'admission est pronocée par le Ministre sur proposition du jury, suivant le classement établi en totalisant l'ensemble des points obtenus aux examens écrits et oraux.

Les coefficients attribués aux diverses matières sont les suivants :

I.	- Examens écrits : 

Composition française......... 8 Mathématiques.................10 Physique et Chimie............ 8 Calcul trigonométrique........ 2 Epure de géométrie descriptive 6 Dessin.........................4 Total.........................38

II. - Examens oraux : 1er examen de mathématiques ..18 (Algèbre, analyse math., mécanique) 2ème ------------------ ..18 (Géométrie, géométrie analytique, descriptive, trigo.) Physique......................10 Chimie.........................8 Langues vivantes...............3 Total.........................57

Une seule langue vivante (anglais ou allemand) est obligatoire, l'autre est facultative, elle est cotée avec un coefficient supplémentaire égal à 1.

LES ÉLÈVES A L'ÉCOLE

L'organisation des études est normalement la suivante :

8 heures à 10 heures. - Cours.

10 h. 1/4 à 11 h. 1/4. - Conférences de langues étrangères (deux fois par semaine).

14 h. à 16 h. 1/2 .- Travaux pratiques.

16 h. 1/2 à 18 h. 1/2 .- Cours.

La présence aux cours, conférences et exercices pratiques est obligatoire ; de même les examens sont subis à date déterminée et la remise des travaux est également fixée. En dehors des temps de présence officiels qui viennent d'être indiqués, les salles d'études, bibliothèque, collections, laboratoires restent ouverts toute la journée aux élèves.

D'autre part pour l'établissement des projets, les élèves sont fréquemment autorisés à s'absenter (de 14 heures à 16 h. 1/2), pour faire des recherches dans d'autres bibliothèques, en particulier celle de la Société de l'Industrie minérale, ou pour aller puiser des renseignements propices dans les établissements de la région.

Une discipline sévère, quoique paternelle, a toujours été de tradition à l'Ecole : l'excellent esprit des élèves en a d'ailleurs beaucoup facilité le maintien.

L'ouverture des cours a lieu au commencement d'octobre. Chaque année scolaire est divisée en trois périodes séparées par des examens en décembre et mars et des examens généraux en juillet. Toutefois, les cours de troisième année se terminent en mars pour permettre de faire en avril-mai le second voyage d'éludés avant le projet final et les examens généraux. Le voyage de seconde année a lieu en août-septembre pendant les vacances.

L'uniforme de grande tenue dont il a été parlé a été conservé, mais normalement les élèves sont en tenue civile.

Le régime est l'externat.

    Avant la guerre un élève pouvait vivre à Saint-Etienne avec 100 francs par mois dans des conditions très décentes. En 1920-1921 ces dépenses ont passé à peu près aux chiffres suivants :
    Frais de scolarité............... 500 fr. par an
    
    Achats de cours, excursions...... 300 -
    Pension.......................... 200 fr. par mois
    Chambre........................... 60 -

    Il faut ajouter à ce total les dépenses occasionnées par les deux voyages d'études, soit 800 fr, pour l'ensemble de la durée des études ; ces dépenses sont réduites par les cartes de circulation accordées par les compagnies de chemins de fer ; l'Ecole dispose d'autre part d'une vingtaine de bourses de voyages. Le Conseil accorde en outre facilement le dégrèvement partiel ou total des droits de scolarité.
    On voit donc que la vie, malgré l'augmentation générale des prix, est moins chère pour les élèves de l'Ecole de Saint-Etienne que pour la majorité des élèves des autres grandes Ecoles.

Une saine et joyeuse camaraderie règne entre les élèves dans leur vie en dehors de l'Ecole. En plus des distractions ordinaires de Saint-Etienne (excursions très pittoresques dans le Forez, théatres, concerts, bals, etc.) ils ont à leur entière disposition un cercle situé à l'hôtel de la Société amicale des anciens Elèves (dit Hôtel des Ingénieurs) comprenant une bibliothèque convenablement pourvue d'ouvrages littéraires et artistiques et quatre salles diverses (jeux, billard, lecture et correspondance). Dans le même hôtel, ils trouvent à leur disposition la bibliothèque de la Société de l'Industrie minérale, et la salle des fêtes sert aux bals et concerts qu'ils donnent de temps en temps. Les conférences de plusieurs Sociétés savantes : Sociétés de l'Industrie minérale, de géographie, des sciences économiques) qui ont lieu dans cette grande salle sont pour eux un passe-temps instructif.

Enfin, des cours de droit, faits par des professeurs de la Faculté de Lyon et des membres du Barreau de Saint-Etienne, ont lieu deux fois par semaine à l'Hôtel des Ingénieurs. Ils sont suivis par un grand nombre d'élèves.

CLASSEMENT ET DIPLOMES

« A la fin de chaque année d'études, le classement des élèves est arrêté pour chaque promotion par le Comité d'enseignement. Il est fait des classements distincts pour les élèves titulaires français et les élèves étrangers.

« Les élèves titulaires sortis de l'Ecole polytechnique, dispensés de certains cours, sont classés d'après la moyenne générale de leurs notes, avec les élèves titulaires français entrés au concours, à la promotion desquels ils sont rattachés.

« Le classement des élèves est déterminé, suivant les règles étudiées, d'après les notes obtenues pour : les examens, les exercices pratiques, les projets, les journaux de voyage et de stage et l'assiduité, tant dans l'année courante que dans les années précédentes. »

L'élève titulaire ne peut passer d'une année d'études à 1'année d'études suivante que s'il a obtenu une moyenne d'au moins 60 % du maximum des points qu'il aurait pu obtenir dans l'année ; s'il n'atteint pas ce quantum, il peut être autorisé dans certains cas par le Comité d'enseignement à redoubler ladite année, ou bien il est exclu par arrêté ministériel rendu sur proposition du Comité.

« Quand un élève titulaire a obtenu au cours de chacune de ses années d'études au moins 60 % du total des points, et s'il a en outre obtenu pour l'ensemble de ses années d'études au moins 65 % du total des points qu'il aurait pu obtenir, il reçoit un diplôme d'ingénieur civil des mines de l'Ecole de Saint-Etienne, au titre français ou au titre étranger, qui est délivré par le Ministre sur avis conforme du Comité d'enseignement. Sinon, et dans le cas où l'élève titulaire aurait pour chaque année sa moyenne de 60 % sans atteindre 65 % « il reçoit du directeur de l'Ecole un certificat d'études. »

Un certain nombre de fondations ont leurs revenus affectés à l'attribution de prix :

Prix Roussel-Galle de 100 francs. [Rousssel-Galle a été ingénieur en chef des mines, directeur de de 1836 à 1852.]

Prix Vauvillier de 3000francs, 200 francs, 100 francs, les élèves les plus méritants. [Vauvillier a été ancien ingénieur en chef des mines de S. M. I. le Schah, ancien élève de l'Ecole.]

Deux Prix Danton de 250 francs, l'un pour l'exploitation des mines, l'autre pour la métallurgie [ Danton, inventeur de mines, est ancien élève de l'Ecole]

Prix Danton de 260 francs pour 1'élève sortant major.

Prix Boussingault de 600 francs pour l'élève reçu à l'Ecole avec le numéro 1 de sa promotion. [Boussingault, grand chimiste français, membre de l'Institut, fondateur de l'Institut agronomique, a été ancien élève de l'Ecole].

RÉGIME MILITAIRE DES ÉLÈVES

La loi militaire du 21 mars 1905 disposait que les élèves admis après concours à l'Ecole de Saint-Etienne (comme aux écoles : normale supérieure, forestière, centrale, des ponts et chaussées et des mines de Paris) pouvaient faire à leur choix la première de leurs deux années de service dans un corps de troupe aux conditions ordinaires avant leur entrée à l'Ecole ou après en être sortis et qu'il recevraient à l'Ecole une instruction militaire, pour accomplir comme officiers leur seconde année de service. [ Des officiers instructeurs étaient, jusqu'en 1914, attachés à l'Ecole. La première année de service, se faisait, sauf de rares exceptions, avant l'entrée à l'Ecole.]

La loi de 1913, rétablissant le service de trois ans, ne prévoyait, sauf réserve d'amendements ultérieurs, aucune disposition spéciale pour les élèves des grandes Ecoles. Cependant les candidats aux concours qui eurent lieu pendant la guerre furent réglementairement affectés au génie, et une loi du 24 avril 1916, complétée par décret du 9 décembre 1916 prévoyait la nomination comme officiers de réserve des élèves admis aux grandes Ecoles, notamment à celle de Saint-Etienne.

Le régime militaire d'après guerre n'est pas encore défini, mais il est hors de doute que la prochaine loi militaire ne sache prévoir l'utilisation rationnelle de l'admirable pépinière d'officiers de réserve que forment les grandes Ecoles et dont la guerre a mis en relief toute la valeur. La technique prend une importance capitale dans la guerre moderne, il faut donc espérer tous les élèves des Ecoles techniques, pendant leur temps de service réglementaire, seront affectés à des postes d'ordre technique pour le plus grand bien de l'armée et que d'ailleurs jeunes ou vieux ingénieurs seront,en cas de conflit,tous employés sur le champ de bataille comme à l'intérieur, au point où leur rendement sera le plus élevé.

LE PLACEMENT DES ÉLÈVES

Un caractère remarquable de l'Ecole des mines de Sainf-Etienne est la prudence avec laquelle on n'a augmenté le nombre des élèves qu'après leur avoir assuré de nombreux débouchés. « La sévérité du concours, dit M. V. Cambon, la faible proportion des admis par rapport au grand nombre des candidats et le sérieux des études, font de cette Ecole une pépinière d'ingénieurs fort distingués. Leur mérite, non moins que la camaraderie étroite qui les unit dans la carrière industrielle, les aide puissamment à trouver des positions avantageuses. »

C'est dire la facilité avec laquelle les élèves trouvent une situation à la fin de leurs études. Ils sont très recherchés par les grandes affaires d'industrie minérale. Les offres de situations sont faites par l'intermédiaire de la Direction de l'Ecole et de la Société amicale des anciens Elèves.

Les élèves sont en général engagés plusieurs mois avant la fin de leurs études par les Sociétés industrielles qui se les attachent comme jeunes ingénieurs, et cela sans le secours de relations individuelles, bon nombre d'entre eux appartenant d'ailleurs à des familles modestes. La grande majorité débute dans la carrière d'ingénieur par l'exploitation des mines ou la métallurgie, comme ingénieurs de fosse ou ingénieurs sous-chefs de service ; un nombre assez faible entre dans d'autres industries, la plupart de ceux qui vont plus tard dans la construction, l'industrie chimique, l'électricité, les travaux publics, commencent leur initiation dans l'industrie minérale et se trouvent fort bien de cette formation.

Ceux qui font toute leur carrière dans l'industrie minérale deviennent, au bout de cinq à dix ans, ingénieurs divisionnaires dans les mines, ou ingénieurs chefs de service dans la métallurgie. Plus tard, ils sont nommés ingénieurs principaux, ingénieurs en chef ou directeurs, et des directions générales de grandes entreprises viennent souvent couronner leur carrière. Nous indiquons, dans le chapitre trop sommaire sur les anciens élèves dans l'industrie, les perspectives d'avenir qui s'ouvrent devant les élèves.
[ Nous parlons ici des grandes Sociétés; dans les affaires moins importantes les avancements sont de beaucoup plus rapides, et parfois des postes de directeurs sont donnés à des élèves ayant cinq ou six ans de pratique, parfois même directement à la sortie de l'Ecole. En outre nous ne parlons que des cas habituels, certains sujets d'élite atteignant de très hautes situations avec une extrême rapidité.]

L'échelle moyenne des traitements, pour les dix premières années suivant la sortie de l'Ecole, est actuellement la suivante :

début....................... 12.000 à 14.000 francs
après 5 années de pratique.. 18.000 à 20.000   - 
  -  10    -	   -    .... 25.000 à 30.000   -
Ces chiffres comprennent les primes et gratifications ; mais des avantages divers viennent généralement s'y ajouter, tels que logement, chauffage, éclairage, etc...

SOCIÉTÉ AMICALE DES ANCIENS ÉLÈVES

Fondée en 1867 et reconnue d'utilité publique par décret du 30 janvier 1882, la Société amicale réunit les anciens élèves de l'Ecole des mines dans les buts :

1° De constituer une caisse de secours ;
2° De contribuer aux progrès de l'Ecole et de tout ce qui peut intéresser la corporation, les anciens élèves et leurs enfants ;
3° D'établir entre eux un lieu de confraternité et de réunir leurs efforts pour procurer à chacun d'eux des situations avantageuses dans l'industrie. La Société publie une circulaire tous les mois et un annuaire tous les ans ; elle possède un secrétariat de renseignements très bien organisé ; elle se subdivise en groupes régionaux ayant leur vie propre, mais demeurant toujours en parfait accord avec 1e Conseil d'administration de la Société.

Les services généraux sont installés dans un bel immeuble, dit Hôtel des Ingénieurs, et qui est la propriété de la Société.

    La Société amicale possède, outre son Hôtel qui a coûté 660.000 franc un capital de 327.804 francs. Au 1er mars 1921 elle compte 9731 membres.
Ce bâtiment abrite en outre le siège social de la Société de l'Industrie minérale, les comités des forges et des houillères de la Loire, ainsi que différentes associations industrielles ou savantes. Il comporte une très belle salle des fêtes, un cercle des anciens, un cercle des élèves, un restaurant, etc...

Enfin la Société amicale fait partie de la « Fédération des grandes Ecoles techniques » qui groupe les Associations amicales des Ecoles centrale, des mines de Paris et de Saint-Etienne et des ponts et chaussées. Cette fédération a pour objet la défense des intérêts généraux et communs de ces quatre amicales; elle est administrée par un comité composé des présidents des quatr amicales et leurs quatre secrétaires généraux.

Nous ne saurions mieux faire, pour donner une idée de l'importance de cette Fédération, que de citer des extraits de sa déclaration :

« La Fédération des grandes Ecoles constituée au mois d septembre 1918, réunit au total 10.500 ingénieurs, ce qui la classe comme le groupement le plus important - et de beaucoup - des ingénieurs français.

« Elle représente d'abord une force sociale, car tous ses membres, par le fait même qu'ils sont passés par une grande Ecole, ont reçu une instruction supérieure et en même temps une formation générale.

« Elle est aussi l'association technique la plus puissante et la plus nombreuse de France. Elle alimente en presque totalité les deux grandes industries des mines et de la métallurgie, en très grande partie l'industrie des transports et celle de l'électricité. Toutes les autres industries recrutent parmi ses membres une partie de leurs ingénieurs... »

Cette Fédération nouvellement née est donc « en mesure de rendre service non seulement à ses membres, mais encore à l'industrie et au pays tout entier. Elle devra être dans l'avenir une des plus importantes cellules de l'organisme national ».

CONCLUSIONS

Dans la belle préface de son ouvrage sur le « Le Chauffage industriel », un des savants les plus remarquables de notre époque, M. H. Le Chatelier, s'exprime ainsi :

« La science industrielle, au lieu de s'attacher exclusivement aux corps rares, concentre ses efforts sur les corps usuels, ou paraissant susceptibles de le devenir dans un avenir rapproché. De plus, sans méconnaître les avantages de la méthode analytique, si précieuse pour le développement de nos connaissances, elle croit nécessaire de la compléter par une revision synthétique sans laquelle les relations des faits entre eux, les notions abstraites, ne sont plus groupées d'après leurs analogies, mais sont, au contraire, réunies autour des objets matériels, des phénomènes réels auxquels elles appartiennent effectivement. Ces rapprochements sont faits en attribuant à chaque facteur élémentaire une attention proportionnée à son importance ou, suivant l'expression de Taine, à son caractère de bienfaisance (vis-à-vis du résultat industriel cherché)...

« Il est impossible aujourd'hui d'étudier par le détail ces différentes branches de l'industrie, dout les procédés varient d'un pays, d'un district ou même d'une usine à l'autre. La vie d'un homme ne suffirait pas à accomplir un pareil travail. Si l'on tient à conserver un enseignement descriptif, il faut ou bien se contenter d'une revue sommaire, faite au pas de course, c'est-à-dire de simple vulgarisation sans intérêt pour un ingénieur, ou se limiter à quelques détails, à quelques méthodes spéciales, que bien peu d'élèves auront sans doute l'occasion de rencontrer au cours de leur existence. Qu'on le veuille ou non. il est impossible aujourd'hui, dans les Ecoles supérieures, de ne pas faire de l'enseignement scientifique. Mieux vaut le faire systématiquement et ouvertement, sacrifier résolument l'enseignement purement professionnel et renvoyer nettement aux séjours dans les usines l'étude des détails d'application.

« Cela ne veut pas dire que dans un enseignement de science industrielle on doive s'abstenir de parler des procédés de fabrication ; on en parle au contraire constamment, mais en se limitant à un exposé schématique, sans s'astreindre à photographier, en quelque sorte, tous les détails des procédés, toutes les dimensions des appareils. On en dit seulement assez pour mettre en évidence les facteurs du succès dans chaque opération. Les faits sont accessoires, les relations des faits entre eux sont seules étudiées d'une façon approfondie.

« Les ingénieurs formés par les méthodes scientifiques fournissent un travail d'un rendement beaucoup plus élevé que les ingénieurs formés empiriquement. »

L'enseignement donné à Saint-Etienne répond nettement à ces idées ; il est essentiellement un enseignement de science industrielle. Quel que soit le cours, on n'oublie jamais la formation scientifique des élèves, on ne cherche pas à en faire des empiristes à la mémoire encombrée, mais des ingénieurs chez lesquels la science et le bon sens soient en harmonie pour pouvoir aborder la pratique avec fruit. D'autre part, un contact intime est maintenu avec l'industrie, non pas par des croquis sur un tableau noir, mais par des visites continuelles permettant « l'étude des détails d'application ». De leur côté, les travaux pratiques sont conçus avec cette idée que « la véritable habileté expérimentale est une question d'intelligence plutôt qu'une performance manuelle », et « qu'une expérience ne vaut que si l'on est capable de l'interpréter ». (Bouasse. - Leçons de thermodynamique.)

Une personne mal avertie pourrait croire que le fait d'avoir pour objet la formation d'ingénieurs destinés surtout à l'industrie minérale provoque une spécialisation à outrance au détriment de la culture générale. Il est cependant fréquent que des anciens élèves embrassent des carrières tout à fait différentes. La façon dont est conduit l'enseignement est, d'autre part, une garantie formelle ; la science industrielle domine toute industrie prospère. D'ailleurs un ingénieur de mine ou d'usine métallurgique, n'est pas un individu à oeillères, il a besoin - non pas d'être un praticien en tous genres - mais d'avoir surtout des notions nettes et générales. Et puis enfin il faut bien se dire que « par culture générale on ne doit pas entendre une nouvelle édition du bachot, revue, corrigée, considérablement augmentée et prétendant toucher à tous les menus détails de toutes les branches de l'industrie humaine. Une telle chose est en tous points semblable à une grandiose encyclopédie de recettes gastronomiques ».

Sortant de l'Ecole, l'élève saura donc qu'il connaît bien les lois fondamentales, mais qu'il ignore beaucoup de petits détails pratiques ; la robuste armature scientifique et logique donnée à son esprit lui procurera les moyens d'apprendre extrêmement vite les détails qui lui manquent, et d'emblée son esprit critique lui fera distinguer la routine de la méthode, ce qu'il faut apprendre de ce qu'il faut combattre ; le jeune ingénieur ne rendra pas instantanément de grands services, mais en un temps très court, il sera « mis au point » pour en rendre.

On a beaucoup critiqué le mode de recrutement des élèves des grandes Ecoles par la voie du concours; certains prétendent qu'il serait plus juste, plus démocratique, plus favorable à l'industrie - quitte à faire ultérieurement de larges éliminations au cours des études - d'imposer à l'entrée un simple examen. Cette critique ne semble pas juste : les grandes Ecoles françaises ne sont pas installées pour recueillir des milliers d'élèves par promotion; il ne semble pas désirable qu'elles le soient, car cela est opposé au rendement des études qui exigent des classes homogènes, bien au niveau de l'enseignement donné, un contact, une intimité permnente entre les maîtres et les élèves. Les Allemands eux-mêmes, malgré leurs grandes "fournées" d'ingénieurs formés par les universités ou les écoles techniques, reconnaissent qu'une classe ne doit pas comporter plus de 50 à 60 élèves (Victor Cambon « l'Allemagne au travail « ). Nous ne voyons pas bien l'avantage qu'il y aurait à multiplier les diplômes des grandes Ecoles, au détriment de leur garantie. D'ailleurs l'élimination des valeurs de second plan au cours des études est un leurre lorsqu'elle porte sur une proportion énorme des élèves et garantit encore moins contre les erreurs que la sélection à l'entrée. Enfin un examinateur psychologue et fin sait très bien discerner les qualités intellectuelles d'un élève lorsqu'il ne se borne pas à juger du volume de connaissances qu'a ingurgité un candidat. Or, un examinateur est un professeur, et ce sont les bons professeurs qui font les grandes Ecoles.

Il est certainement excessif de critiquer le concours sous des prétextes démocratiques : les élèves des grandes Ecoles, surtout celle de Saint-Etienne, ne sont assurément pas recrutés parmi la jeunesse dorée, mais le régime de l'examen d'entrée substitué au concours ne permettrait plus la prise en charge par l'Etat, aidé des grandes collectivités industrielles, de l'enseignement technique supérieur qui deviendrait alors très onéreux ; on remplacerait donc la sélection des intelligences par la sélection des fortunes.

Nous ne croyons pas être démentis en affirmant que dans toutes les Ecoles françaises ayant un concours d'admission la moyenne du travail fourni laisse loin en arrière celle des Facultés et Ecoles sans concours.

Les grandes Ecoles suivront toujours de très près les demandes et les besoins de l'industrie nationale ; elles ne font pas de malthusianisme économique. Elles rendent et ont la volonté de rendre toujours plus service à la nation en formant des ingénieurs d'élite plutôt qu'en recrutant une surabondance de jeunes gens à capacité de travail faible et à connaissances scientifiques rudimentaires « cela sous le prétexte que l'on peut suppléer à tout par l'habileté expérimentale ».




L'Ecole de Saint-Etienne répond donc aux nécessités industrielles. Recrutant ses élèves par un concours sérieux et de niveau élevé, elle leur donne un enseignement scientifique, les maintient en contact permanent avec l'industrie et leur impose une discipline sérieuse, mais logique et indispensable. Ses programmes évoluent constamment pour demeurer au courant des derniers progrès, et si rien n'est parfait en ce monde, elle cherche du moins à se rapprocher toujours de la perfection. Elle a la prétention louable de former de jeunes ingénieurs débutant dans la carrière frais physiquement et intellectuellement, comme un lutteur entrant dans l'arène, connaissant les avantages et les possibilités de la méthode scientifique et sachant l'appliquer aux faits industriels même élémentaires.

LES ANCIENS ELEVES DANS L'INDUSTRIE

Le centenaire de l'Ecole des mines de Saint-Etienne devait être couronné par la publication d'un livre d'or relatant les services éminents rendus par l'Ecole et ses anciens élèves à l'industrie nationale, à l'industrie minérale en particulier.

Hélas! Le centenaire a vu les vivants, farouches, l'arme au poing, défendre le sol de la Patrie ; les solennités qui devaient avoir lieu pour fêter l'Ecole, cette vieille Ecole ardente et « jeune » ont été remises à la fin du cauchemar, et voilà que brusquement le livre d'or s'est enflé par le simple énoncé du sacrifice total des vertus héroïques de ceux qui devaient l'écrire. Le livre d'or nouveau sera le monument élevé par l'Ecole, pour perpétuer à travers les générations nouvelles ses traditions d'honneur, de devoir, de labeur incessant et fécond, comme aussi pour garder avec un soin jaloux le souvenir de ses enfants accourus au secours de la France envahie et rendre un suprême hommage à ceux qui ne sont plus. Aussi, c'est dans une intention de pieux recueillement que la publication du livre consacré aux oeuvres de paix a été retardée, afin que ceux qui, les armes à la main, ont défendu ces ouvres avant d'apporter leur pierre à l'édifice, y trouvent place aussi.

Ce serait donc anticiper que citer les noms cependant illustres, les découvertes importantes, les entreprises puissantes qui auréolent la gloire industrielle de l'Ecole de Chantegrillet. Ce serait aussi dépasser de beaucoup le cadre de cette brochure, ce serait décrire l'histoire des progrès de l'industrie minérale depuis cent ans, auxquels ont si largement participé les grands anciens de Saint-Etienne.

Ceux-ci ont découvert des gisements nouveaux de houille ou de minerais, ils ont mis en valeur des bassins étendus, installé des usines métallurgiques et des industries diverses parfois bien éloignées des industries minérales. Ceux-là se sont signalés par leurs savantes études de minéralogie, de paléontologie, de géologie, par leurs studieuses recherches de chimie, de métallurgie scientifique, par des découvertes et des perfectionnements de découvertes antérieures, par la création de nouveaux champs à l'activité humaine dans des domaines divers... Tous ont travaillé avec ferveur pour le bien de leur pays.

Cent promotions, environ 2.000 élèves, sont sortis de l'Ecole de Saint-Etienne. L'annuaire de la Société des anciens élèves enregistre fidèlement leur nom et leur dernière situation, qu ils soient encore vivants ou qu'ils aient terminé leur vie de labeur. Cette liste est éloquente : des inventeurs célèbres, des membres de l'Institut y figurent ; beaucoup des plus belles situations industrielles de France y sont inscrites, et pour le reste on trouve des situations très honorables et dignes de la haute instruction technique que les élèves ont reçue à l'Ecole.

Une statistique des ingénieurs et des directeurs de l'industrie houillère, établie en 1905, met en évidence la place prépondérante que l'Ecole occupe dans cette industrie, et une statistique actuelle donnerait des chiffres du même ordre.

En 1920, 65% des postes de directeurs de houillères et 70 % des postes de directeurs techniques ou ingénieurs en chef sont occupés par d'anciens élèves de Saint-Etienne.

La part des anciens de Chantegrillet est belle aussi dans mines métalliques, et plus de 50 % du minerai de fer produit par la France est extrait sous leur direction. On connaît d'ailleurs la part importante prise dans l'aménagement du bassin de Briey par les ingénieurs de Saint-Etienne.

Ils ont su se faire une place moins large, mais belle encore, dans la métallurgie, et leur nombre dans cette branche augmente rapidement. Le tiers des directeurs et des ingénieurs en chef des usines métallurgiques destinées à la fabrication des aciers spéciaux sortent de l'Ecole de Saint-Etienne, et c'est bien cette partie récente de la sidérurgie qui exige le maximum de connaissances scientifiques. De même environ 500 % des ingénieurs chefs de service de hauts fourneaux sont fournis par Chantegrillet, or la fabrication de la fonte est à la base de l'industrie du fer et le haut fourneau semble bien être l'appareil sidérurgique le plus complexe et le plus délicat.

La plupart des anciens élèves qui s'occupent d'industries diverses font souvent un séjour plus ou moins long, à leurs débuts dans la mine ou la métallurgie, et cette formation leur vaut d'entrer par la grande porte dans des postes de première importance des industries mécanique, électrique et chimique.

On ne saurait trop insister sur ce fait que ces résultats sont d'autant plus honorables que la grande majorité des ingénieurs de l'Ecole de Saint-Etienne sont issus de familles de moyenne aisance, sans liens industriels ni puissantes relations, et c'est bien à leur science comme à leur labeur que les anciens arrivés aux plus hautes cimes doivent les fonctions qu'ils occupent.

Nous donnons ci-dessous divers renseignements statistiques relatifs aux postes occupés par les ingénieurs de Saint-Etienne pendant les années 1914 et 1920. Enfin le tableau indique la répartition des ingénieurs appartenant aux diverses promotions de l'Ecole. Dans ce tableau on a groupé sous plusieurs rubriques pour chaque spécialité directeurs, ingénieurs en chef, ingénieurs. Il va sans dire que la majorité des postes d'ingénieurs en chef occupés par les plus anciens sont d'une importance bien supérieure aux directions occupées par les plus jeunes, mais l'importance relative des diverses fonctions est impossible à faire ressortir dans les statistiques.

Répartition des anciens élèves en 1920 :

Industrie minière
     mines de combustible .............................. 42 %
     mines métalliques ................................. 11 %
Industrie métallurgique ................................ 16 %
Industries diverses (construction, électricité, etc.) .. 13 %
Administrateurs, ingénieurs conseils, experts, 
  retraités, etc ....................................... 18 %

Dans ces statistiques, les administrateurs de Sociétés exerçant des fonctions actives sont comptés au titre directeurs et ingénieurs de l'industrie à laquelle ils appartiennent et non à la rubrique administrateurs, etc.

Beaucoup d'anciens élèves vont conquérir hors de France de nouveaux domaines à leur activité et à 1'influence de leur pays. Ils sont particulièrement nombreux, en dehors de nos colonies en Espagne et en Pologne (il y a peu de temps encore en Russie) où leur présence est une solide garantie pour les capitalistes français qui ont de si grands intérêts dans ces deux pays.

L'annuaire de 1914 relevait : 
Aux colonies 24 anciens élèves en Algérie.
             17                en Tunisie.
              1                à Madagascar.
             10                en Indo-Chine.
              2                en Nouvelle-Calédonie.

A l'étranger  2                en Autriche-Hongrie. 
              6                en Belgique. 
             48                en Espagne et Portugal.
             42                en Russie.
              4                en Italie.
              4                en Suisse.
             10                en Amérique.
              3                en Asie.

L'annuaire de 1920 indique :
             38 anciens élèves aux colonies.
              5                en Belgique. 
             32                en Espagne.
              1                en Angleterre.
              7                en Pologne.
              6                en Russie.
             10                dans les autres pays européens.
              4                en Amérique.
Ainsi que le montrent les statistiques précédentes, les mines françaises sont un des principaux champs d'action des anciens élèves de Chantegrillet, et ces chiffres sont une justification hier frappante des idées de Beaunier sur les destinées de l'Ecole. Il n'est pas exagéré de dire qu'elle a été le principal organe de diffusion, dans les mines françaises, des principes de l'art moderne de l'ingénieur.
    Nous devons signaler ici, à ce propos, la Société de l'Industrie minérale, fondée en 1855 par Gruner, directeur de l'Ecole, Sanz, répétiteur, et deux anciens élèves, Janicot et Luyton, chefs de grandes industries. Cette Société s'est substituée à la « Correspondance des anciens Elèves » qui existait auparavant; elle groupe actuellement 1.650 membres dont environ la moitié sont des anciens de Chantegrillet. Elle a pour but d'aider aux progrès de l'industrie : par la publication de mémoires, comptes rendus, etc., dans sa revue bi-mensuelle; par des congrès, des conférences, des enquêtes, etc. Cette Société a puissamment contribué au perfectionnement de la technique dans les exploitations minières et les fabrications métallurgiques. Le siège social de cette Société est à Saint-Etienne, 19, rue du Grand-Moulin ; son président général est M. Tauzin, vice-président du Conseil général des mines, ancien directeur de l'Ecole.

Le grand public ignore la supériorité technique de l'industrie minière française, supériorité qui se révèle par le sécurité maximum des travaux et par la naissance dans notre pays d'une grande partie des inventions minières. Cependant, « une mine de houille française est, par rapport à une mine allemande, anglaise ou américaine, un peu comme le pré d'un montagnard péniblement accroché sur la pente pierreuse, auprès d'une large plaine labourée à la vapeur (De Launay).

En effet « si l'on pouvait formuler les conditions idéales d'un champ d'exploitation, on demanderait une puissance restreinte, comprise entre un et trois mètres, un toit et un mur réguliers, sans accidents, nettement détachés du combustible, le charbon, assez résistant par lui-même, non grisouteux ni sujet à l'inflammation spontanée. Or, ces conditions, que l'on ne trouve nulle part réunies chez nous, se trouvent réalisées presque en totalité en Angleterre et en Westphalie. Le stimulant énergique de la concurrence étrangère a cependant eu pour résultat de constituer, par la précision des méthodes, une école française qui n'a rien à redouter de la comparaison avec les autres ». (Haton de la Goupillière)

Aussi, croyons-nous que c'est rendre un hommage mérité aux anciens de Saint-Etienne qui occupent depuis longtemps les deux tiers des postes dirigeants de l'industrie houillère française, comme c'est aussi rendre hommage aux ingénieurs du Corps national des mines qui les ont instruits et assurent le contrôle administratif, de constater, malgré toutes ces conditions défavorables, que la sécurité dans les mines françaises est maximum : le nombre d'accidents mortels pour 1.000 ouvriers est de 1 en France contre 2 en Allemagne et 4 aux Etats-Unis.

C'est un hommage encore que de citer la conclusion de l'étude de M. Bouvier, parue en 1916, sur « l'Allemagne et les mines »: « En terminant, je m'aperçois que j'aurais bien dû changer mon titre, et qu'en voulant, sur la foi d'une renommée surfaite, parler de l'oeuvre allemande, je n'ai presque trouvé à citer que des noms français. »

Beaucoup d'élèves entrent à l'Ecole en se destinant par goût à d'autres branches de l'industrie, mais dans l'ambiance, le milieu, ils prennent souvent passion de la mine. C'est dire combien le métier d'ingénieur des mines est séduisant avec les occasions qu'il présente de s'affirmer le chef moral de centaines d'ouvriers. Cette supériorité morale, les anciens Stéphanois l'ont acquise par leur labeur acharné, par leur savoir, leur aménité et leur justice ; ils l'ont acquise surtout par leur dévouement. « Partout où ils vont, ils portent de saines traditions, qu'ils ont puisées à l'Ecole et des idées très précises sur les obligations que leur impose le devoir professionnel. Ils sont déjà nombreux ceux qui sont morts en accomplissant leur service ou en se dévouant pour porter secours à d'autres hommes en danger. » Il est juste de citer leurs noms et de rappeler leur souvenir dans cet opuscule.

Ilss ont montré la voie sacrée à leurs successeurs décimés pendant la grande guerre.

« Cependant qu'à l'arrière, dit le général de Castelnau, l'Ecole des mines de Saint-Etienne s'activait aux travaux de la défense nationale, les anciens élèves ou élèves incorporés dans les rangs de l'armée amplifiaient héroïquement de leurs sublimes holocaustes le martyrologe des victimes du devoir déjà si largement peuplé avant la guerre, qui est l'honneur et la fierté de cet Ecole. »

Sur 468 élèves ou anciens élèves mobilisés, et dont un certain nombre ont été littéralement arrachés du front pour pourvoir aux urgentes nécessités des industries de guerre, sont tombés au champ d'honneur.

Les anciens élèves ou élèves de l'Ecole de Saint-Etienne ont fait leur devoir, tout leur devoir.

Trois d'entre eux ont mérité sur les champs de bataille la croix d'officier de la Légion d'honneur.

    126 ont mérité la croix de chevalier. 14 ont été médaillés militaires. 313 sont décorés de la croix de guerre 638 citations leur ont été accordées.
Enfin, deux croix d'officier et huit croix de chevalier ont été décernées aux ingénieurs issus de l'Ecole qui ont assuré, dans les régions minières du Nord et du Pas-de-Calais, sous le feu ennemi, la continuité d'un labeur opiniâtre, essentiel à la résistance du pays.

Parmi les grandes Ecoles techniques, c'est celle de Saint-Etienne qui a perdu la plus grande proportion de ses enfants ; constater ce douloureux record n'est diminuer en rien l'admiration due aux trop nombreuses victimes des autres Ecoles qui, toutes, sans compter, ont versé leur sang pour que leur cher pays meurtri, sanglant, mais libre, continue à tenir fermement le flambeau du progrès humain.

Les 24 victimes du devoir professionnel, les 141 victimes de la grande guerre qui « dorment là-bas sous de modestes tertres herbeux, à l'ombre d'austères forêts de croix de bois », sont entrés dans l'immortalité de la manière la plus sûre et la plus noble. Mais les survivants, les générations présentes et à venir, doivent à leurs morts glorieux de se consacrer en entier aux progrès de la technique, à la prospérité dans la paix, à l'amélioration des conditions d'existence de tous, et par là au rayonnement de l'Ecole et à la plus grande gloire de la France immortelle. A cette tâche, ils ne failliront pas.



TABLE DES MATIÈRES

Généralités
Historique, les origines
    L'enseignement
    Installation de l'école
    Niveau des examens d'admission
    Les professeurs
    Le régime
    Action sociale des élèves
L'école actuelle, administration
    Le corps enseignant
    Programme de l'enseignement
    Travaux pratiques
    Travaux de laboratoire
    Visites et stages industriels
    Les bâtiments
    Les élèves et le concours d'admission
    Les élèves à l'école
    Classement et diplômes
    Régime militaire des élèves
    Le placement des élèves
    Société amicale des anciens élèves
    Conclusion
Les anciens élèves dans l'Industrie
Situations occupées par les anciens élèves
Victimes du devoir professionnel