Ignace DOMEYKO (1802-1889)

Un buste d'Ignacy DOMEYKO,
oeuvre du sculpteur polonais
Teresa BRZOSKIEWICZ,
offert par l'Académie des Mines et Métallurgie de Cracovie
et l'Université de Varsovie,
a été inauguré à l'Ecole des mines de Paris
et un accord de coopération scientifique
a été signé entre l'Ecole des Mines
et l'Akademia Górniczo-Hutnicza de Cracovie,
le 25 avril 2003,
en présence de Jan TOMBINSKI,
ambassadeur de Pologne en France.

Ignacy DOMEYKO honore la galerie des ingénieurs des mines de Paris en ayant suivi les cours de l'Ecole des Mines de Paris en qualité d'élève étranger, du 23/8/1834 à 1837. Il a obtenu le certificat (qui remplaçait le diplome pour les étrangers) le 1/8/1837.


L'oeuvre scientifique de DOMEYKO

d'après Maria Rodowicz et Lydie Touret (2002).

Maria Rodowicz était Commissaire de l'exposition sur Domeyko, pour le compte des Délégations Permanentes de la Pologne, de la Bélaruss, de la Luthuanie, du Chili et de la France, exposition qui eut lieu à l' UNESCO en mai 2002 pour le bicentenaire de la naissance d'I. DOMEYKO.

Ignacy Domeyko, fils d'Antoni Hipolit, magistrat, et de Karolina Ancut, est né le 13 juillet 1802 à Nicdwiadka (Miadzvedka) près de Nowogrôdck (Navahrudak) sur le territoire du Grand Duché de Lituanie (aujourd'hui en Biélorussie), fédéré avec la Pologne. Depuis le 3e partage, la majeure partie de la Lituanie fut annexée par la Russie. Domeyko grandit au sein d'une famille de la noblesse terrienne fortement attachée aux valeurs chrétiennes et patriotiques. Après la mort de son père, Ignacy et son frère Jôzef furent élevés par leur mère, personne très pieuse, et leurs oncles. De 1812 à 1816, I. Domeyko s'instruit à Szczuczyn chez les pères piaritcs, école qui assurait un enseignement de qualité conforme aux directives de la Commission de l'Education Nationale, il y étudia les sciences exactes et humaines, le grec, et le dessin.


Le salon de la famille Domeyko à Vilnius

Les paysages de la région de Nowogrôdck (Nava-hrudak), en Ruthénie Blanche, marquèrent à jamais la sensibilité de Domeyko. Voici comment il décrit sa terre natale, des années plus tard, au Chili:
«... une nature merveilleuse des environs de la ville et de tout le district, la plus belle peut-être des terres lituaniennes ... Des vallées délicieuses, des rivières, Szczera, Usza, jusqu'au Niémen; sur les collines, des bosquets verdoyants, ici et là des tertres et vestiges des retranchements du temps des invasions tatares et des guerres antérieures: un sol fertile, le paysan aisé, la petite noblesse terrienne encore pleine de morgue et de libertés, franche chez elle, d'accueil jovial, incursions, chasse, carnavals tumultueux, kermesses pieuses dans les paroisses, chicanes entre voisins, "aimons-nous" à table.»
Adam Mickiewicz, grand poète romantique polonais, ami de Domeyko, se servit de cette description et de bien d'autres pour écrire à Paris dans les années 1830 son poème épique Pan Tadeusz, dont le titre initial Zegota était le surnom donné à Ignacy par ses amis philomates. Pan Tadeusz est toujours considéré comme le chef d'oeuvre de la littérature polonaise.

Le jeune Ignace Domeyko commence en 1818 des études de physique et de mathématiques à l'Université de Vilnius (Wilno), ville de vieille tradition universitaire.

L'Université de Vilnius se développa à partir de l'Académie jésuite fondée en 1578 et transformée en 1773 en Ecole Centrale, puis promue au rang d'université par le tsar Alexandre 1er en 1803 grâce aux efforts du prince Adam Jcrzy Czartoryski, son ami, premier curateur de l'université. Sous sa direction éclairée, l'Université connut un développement sans précédent jusqu'à sa fermeture pour esprit séditieux au lendemain de l'Insurrection de 1831. Ce fut l'université la plus fréquentée de toute l'Europe centre-orientale. En 1830, elle comptait 1 322 étudiants (Oxford et Cambridge, n'en comptaient alors que 450). L'Université de Vilnius servit de compensation à l'humiliation des partages successifs de la République polono-lithuanienne. Elle devint le centre directeur de l'enseignement, des éditions, et de la presse de tout l'ancien Grand Duché. La langue polonaise y dominait.
Deux faits marquèrent profondément la jeunesse formée dans ce haut lieu culturel: le caractère international du corps enseignant, qui était cosmopolite dans l'esprit des Lumières et l'organisation de la vie estudiantine en sociétés secrètes.
Le corps enseignant, les programmes, les livres, la presse, les cabinets d'expérimentation étaient au diapason des grandes écoles européennes, notamment françaises et germaniques. Les jeunes assistants étaient régulièrement envoyés en voyage d'étude dans les universités occidentales à la pointe du progrès dans leurs domaines respectifs. Des tentatives d'enseignement du lituanien et du yiddish n'aboutirent pas, mais les cours, donnés en français, allemand, anglais, italien, latin ou polonais, ne laissaient rien ignorer des courants les plus neufs de l'époque. Les petits nobliaux des anciens territoires du Grand Duché de Lituanie accédaient ainsi entièrement aux idées occidentales les plus avancées. A Vilnius, le souci de la formation scientifique était tel que les mathématiques, la physique et la chimie constituaient une propédeutique obligatoire pour tous les étudiants. La haute idée de la mission du savant dans la société que le recteur Jan Sniadecki voulait inculquera la jeunesse marqua Domeyko. Il obtint le diplôme en Philosophie des Sciences en 1822. Plus tard, exilé, il sera fidèle au principe fondateur de son Alma mater: l'universalisme.

Il cotoiera à Wilno le grand poète Adam Mickiewicz, le héros de l'indépendance polonaise, dont il deviendra un ami fidèle. Nous sommes alors immédiatement après les guerres napoléoniennes et le Congrès de Vienne, et le tsar Alexandre 1er a imposé à la Pologne, de longue tradition francophile, un statut spécial qui équivaut à peu près à une annexion. Une grande inserruction éclate en 1831. Elle eut des conséquences catastrophiques. Des milliers de gens furent déportés en Sibérie. L'Université de Vilnius fut fermée ainsi que 75 écoles polonaises qui en dépendaient.

Domeyko avait participé à l'insurrection, aux côtés des troupes du général polonais Chlapowski. La campagne du général Chlapowski échoue. Les faibles troupes du petit royaume, dirigées par des chefs hésitants, et l'enthousiasme romantique de la jeunesse des grandes villes universitaires, ne purent résister à l'énorme armée tsariste. Le général russe Paskievitch écrase l'Insurrection en juillet 1831. Les insurgés rendent les armes. Domeyko est interne par les autorités prussiennes à Ascheken. Ses tentatives d'évasion pour s'exiler en France ou en Angleterre échouent.

Beaucoup de jeunes Polonais entrent en résistance active contre l'occupant, et doivent bien vite partir pour l'étranger, pour éviter prison et déportation. Ignace Domeyko part pour l'Allemagne. D'abord à Dresde, où il apprend la mort de sa mère, puis à Freyberg, il continue ses études de physique et de mathématiques, mais il a aussi un premier contact avec l'art des mines, à la célèbre Berg Akadémie de Freiberg, en Saxe, où depuis des lustres la renommée du «Maître de Freyberg», l'illustre A.G. Werner, attirait les praticiens de toute l'Europe. Toutefois, son séjour à Freiberg sera bref. L'influence Russe est forte en Allemagne, et la plupart des amis de Domeyko, qui avaient cherché avec lui refuge dans ce pays, sont inquités certains d'autres eux partent pour la Belgique. Les autres résistants polonais, qui avaient gardé de l'épopée napoléonienne de fort sentiments francophiles, se regroupent et s'organisent à Paris. C'est là qu'I. Domeyko va finalement les rejoindre, lors de l'été 1831. Il a alors 30 ans.

Le parcours d'Ignacy Domeyko permet de comprendre l'histoire complexe des nations de l'Europe centre-orientale. Domeyko est né sur le territoire de l'ancien Etat polono-lituanien scellé au Moyen-âge par l'union de la Pologne et du Grand Duché de Lituanie. Cet Etat se composait de deux nations politiques bien distinctes: la Pologne et la Lituanie où coexistaient en paix plusieurs peuples que différenciaient la religion, la langue et les coutumes: Arméniens, Allemands, Biélorusses, Juifs, Polonais, Prussiens, Tatares, et Ukrainiens y vivaient sans grande discrimination de race, de culture ni de confession hormis celle qu'impliquaient les structures féodales.

La Pologne et le Grand Duché de Lituanie-Ruthénie-Samogitie unirent leurs destinées en 1386 par le mariage entre Edwige d'Anjou, reine de Pologne, et Jogaila, Grand Duc de Lituanie devenu par baptême Ladislaus Jagiello. La Lituanie intègre ainsi la famille des peuples européens dont la Pologne fait partie depuis le 10e siècle.
L'union constitutionnelle conclue entre les deux nations en 1569 fonde la République des Deux Nations. La République ne résista pas au cours de la deuxième moitié du 18e siècle à l'expansionnisme de la Prusse, de l'Autriche et de la Russie - ses puissants voisins - qui procédèrent en 1772 à son premier démembrement. Le troisième partage de la République en 1795 raya pour plus de 100 ans la Pologne et la Lituanie de la carte de l'Europe.

Au moment du démembrement de ces territoires à la fin du 18e siècle entre l'Autriche, la Prusse et la Russie, l'idée de l'égalité de deux états indépendants au sein d'une fédération (se rapprochant de l'actuelle Union Européenne) se renforça davantage encore. C'est ensemble que les fils et les citoyens d'une République (Rzeez-pospolita, une Res Publicu, avec un roi élu à vie), devaient entreprendre sa restauration, c'est ensemble qu'ils s'insurgèrent en 1830-31 contre l'occupation de leurs territoires par la Russie tsariste.

Comme la majeure partie de la noblesse vivant a l'époque sur les terres lituaniennes, Domeyko parle et écrit en polonais. Sa patrie ce sont à la fois les paysages de la terre natale (aujourd'hui la Biélorussie) dont il gardera le souvenir à jamais gravé dans la mémoire, la Lituanie dont il est l'enfant spirituel et la Pologne qu'il appelle sa patrie, où il rêve de revenir et dont le sort le préoccupera toute sa vie.

Domeyko porte haut les valeurs humaines qui guident son engagement au service des autres. Elevé au sein d'une famille noble, chrétienne et profondément patriote, il fit sienne la devise des philomates, société estudiantine secrète dont il avait été membre à l'Université de Vilnius: «fraternité, apprentissage, vertu et humilité». Partout où le destin le conduisit, il oeuvra pour transmettre ces valeurs à tous ceux qu'il côtoya.

Bien que honoré par de nombreux titres aussi bien au Chili qu'en Europe, Domeyko resta toute sa vie un homme profondément modeste, altruiste et tolérant, fidèle à ses idéaux de jeunesse: « Je désire posséder peu, et, par ma vie, être utile aux autres ou ne pas vivre. Et en toute circonstance, si Dieu le veut, accomplir la carrière d'un homme attaché au service citoyen » - écrit -il à 18 ans.


Enregistrement d'un échantillon envoyé par Domeyko, extrait du catalogue du musée de l'Ecole des Mines de Paris, 1879 (collections ENSMP)

Les études à l'Ecole des Mines

Lorsque Domeyko arrive en France en 1832, celle-ci était en pleine euphorie industrielle et intellectuelle.

Domeyko s'engage d'abord activement dans la vie de l'émigration. Il devient membre de la Société Lituanienne et des Terres Ruthènes, de l'Association d'entraide scientifique etc... Il soutient son ami A. Mickiewiez (il est témoin à son mariage, il recopie le manuscrit de Pan Tadeusz), il fréquente les grands protagonistes de l'émigration polonaise: le prince A. J. Czartoryski, Nicmcewicz, Kniaziewicz, Lelewel -son professeur de Vilnius, Dembinski ... Contrairement à la majorité de ses compatriotes, Domeyko prend position contre l'ingérence de l'émigration dans les affaires internes de la France. Déçu par les querelles au sein de la communauté polonaise, tout en s'adonnant aux oeuvres de charité et en aidant ses amis les plus proches, Domeyko décide de prendre ses distances et de reprendre les études.

Après un bref exil en Savoie, l'Ecole des Mines venait de s'installer dans l'Hôtel de Vendome, près du jardin du Luxembourg, et c'est là que Domeyko vient suivre l'enseignement de maîtres qui auront sur lui une grande influence. Tout d'abord, il veut parfaire ses connaissances en Chimie et surtout en Physique, dans la ligne des études qu'il avait commencées à l'Université de Wilno. Au Collège de France et au Museum d'Histoire naturelle, il suit les cours de Dumas, Thénard, Prévost et Gay-Lussac en Chimie, de Dulong et Arago en Physique.

A l'Ecole des Mines, ses maitres sont A. Brongniart en Minéralogie et surtout L. Elie de Beaumont en Géologie. C'est ce dernier, alors au faîte de sa puissance, Membre de l'Institut, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences qui, au cours d'une course géologique dans la vallée de l'Orne et en Touraine, le convaint de se tourner vers les Sciences de la Terre. «C'est pendant cette excursion que j'ai découvert mon attirance pour la géologie, la minéralogie et l'exploitation des mines», écrira-t-il dans son journal intime.


Domeyko en 1833. Aquarelle par Joseph Simon Kurowskiego.

Tout en gardant des contacts avec son pays d'origine, notamment en travaillant sur une carte géologique et hydrographique de la Pologne, Domeyko s'inscrit alors comme élève régulier à l'Ecole des Mines de Paris le 23 Août 1835. Il obtient son diplôme d'Ingénieur des Mines le 1er Aôut 1837, à l'âge de 35 ans.


Page de garde d'un ouvrage de Ignacy Domeyko, avec dédicace à
"M. Elie de Beaumont, Sénateur et Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences
Son très humble et reconnaissant serviteur et élève".

Pendant son séjour à l'Ecole, il a l'occasion de faire de nombreuses études sur le terrain, dans la ligne de l'enseignement pratique préconisé par Elie de Beaumont. C'est ainsi qu'il visite la Champagne en Juillet 1836, les gisements de potasse d'Alsace et de la région de Belfort un mois plus tard, terminant son périple par une étude détaillée des bassins miniers de Saint-Etienne et du pourtour du massif Central. Il semble acquis qu'il ait eu la confiance de ses maîtres qui, probablement en raison de son âge et de son expérience, le considéraient plutôt comme un collègue que comme un élève. C'est ainsi que, juste après l'obtention de son diplôme, il reste à 'Ecole, chargé d'inventorier et de reclasser les collections de minéraux du Marquis de Drée, que l'Ecole venait d'acquérir. Ces collections étaient alors particulièrement importantes, car le Marquis de Drée, beau-frère de Dolomieu, possédait de nombreux échantillons récoltés par le célèbre minéralogiste. C'est du reste en visitant son beau-frère et en projetant avec lui de réunir des échantillons qu'il souhaitait transmettre à A.G. Werner que Dolomieu avait trouvé la mort, épuisé par sa longue captivité dans les geôles de Sorente.

A côté de ce travail, qui durera trois mois (Avril à Juin 1837) et qui témoigne de la confiance accordée par les professeurs de l'Ecole, Domeyko fait preuve d'une activité débordante, terminant notamment la rédaction de son travail sur la Pologne, sous forme d'un Atlas de trois cartes, hydrographique, géologique et histoire naturelle. En juillet de la même année, on lui demande de prospecter les gisements de minerai de fer de Basse Alsace. Il y restera jusqu'à l'automne.


Médaille commémorative

Le départ pour le Chili

Il est probable que I. Domeyko aurait pu envisager de poursuivre sa carrière en France. Toutefois, il fait partie du petit groupe de Polonais exilés qui, de Paris, militent pour l'indépendance de leur pays. En dehors de Mickiewicz, il fréquente assidûment le Général LaFayette, président du Comité pour la Libération de la Pologne, et est l'ami de Frédéric Chopin. Mais son statut de réfugié politique le laisse pratiquement sans ressources, et son âge, peut-être aussi ses activités politiques - il est devenu le secrétaire du Comité pour la libération de la Pologne- l'empêchent d'avoir un poste permanent à Paris.

Il se trouve qu'à cette époque, on venait de découvrir d'importantes ressources minérales (cuivre, nitrates) en Amérique du Sud, notamment au Chili. La région la plus prometteuse était située au Nord de la capitale, Santiago (Province de la Serena), et l'intendant de la Province, le Général Don José Santiago Aldunate, cherche à développer dans sa province un enseignement moderne de minéralogie et de chimie. Il charge un de ses amis, don Carlos Lambert, qui partait alors pour l'Europe, d'acquérir les livres et le matériel nécessaire et, surtout, de recruter un professeur.

A son arrivée à Paris, don Carlos Lambert contacte Armand Dufrénoy, Professeur à l'Ecole des Mines, qui immédiatement lui recommande I. Domeyko. Mais on est alors dans le courant de l'été 1837, et ce dernier est sur le terrain, en Alsace, ne pouvant être contacté immédiatement. Les autres candidats ne manquent pas, et le séjour à Paris de Don Carlos Lambert étant bref, il importe de pouvoir mettre rapidement Domeyko au courant de l'offre qui lui est faite.

Les contacts au sein de la diaspora polonaise sont efficaces et, après un relais par le Polonais Jastrzebski, c'est A. Mickiewicz, l'ami fidèle, qui lui fera tenir la nouvelle: «Il y a de la place pour toi au Chili, lui écrit il . Tu devras être professeur de chimie et de métallurgie, ils te paieront le voyage et tu auras un salaire de 3000 Dollars. La date de départ est en décembre. La personne responsable est un certain Dufrénoy, que je ne connais pas. Ecris lui vite pour lui dire si tu es d'accord.» . Fort heureusement, Domeyko connaissait bien Dufrénoy, aide d'Elie de Beaumont pour la réalisation de la Carte géologique de France, qui avait été son professeur à l'Ecole des mines. Il peut le joindre en temps utiles et, après quelques péripéties, l'accord est conclu : Domeyko signe un engagement pour 6 ans. Avec l'argent qui lui est alloué, il achète les équipements nécessaires pour les besoins du collège.

Il prend finalement le bateau pour le Chili le 31 janvier 1838, sous contrat avec le gouvernement Chilien pour "instaurer les classes de Chimie et de Minéralogie" à l'Institut littéraire de Coquimbo, dans la Province de la Serena. Son passeport mentionne "citoyen de l'Empire russe, de nationalité polonaise". Son voyage durera 4 mois. Domeyko passe par Londres, contourne l'Amérique du Sud pour arriver à Buenos Aires. Lors d'une escale, à Madère, il ramasse ses premiers échantillons minéralogiques du nouveau continent. Il traverse ensuite à cheval les steppes de l'Argentine ainsi que la Cordillère des Andes avant d'atteindre le Chili le 17 mai 1838 à l'aube. Une neige épaisse tombait sur les Andes Centrales lorsque Domeyko traversait la chaine montagneuse qui séparait l'Argentine du Chili "transi de froid, recroquevillé ... j'escaladais le sommet à 5000 mètres au-dessus de la mer... le dernier jour du voyage, il y eut un tremblement de terre. Voilà quelle fut mon arrivée au Chili !".

Des débuts difficiles

A son arrivée dans la province de Serena, I. Domeyko découvre une réalité bien différente des belles promesses de Don Lambert. Aldunate, a été muté et remplacé par un nouveau personnage, le général José Santiago, qui prétendait que le Chili, pays guerrier et minier depuis ses origines, pouvait parfaitement se suffire à lui même et n'avait nul besoin de professeur venu de l'étranger. Ignace Domeyko ne se décourage pourtant pas et, avec abnégation et opiniâtreté, il se met au travail. Doué pour les langues puisque, à côté du polonais, sa langue maternelle, il maîtrisait déjà l'allemand et le français, il apprend non sans difficulté l'espagnol, hispanisant au passage son prénom («Ignacio Domeyko»). Il supervise personnellement la construction de bâtiments contenant fours et laboratoire d'analyse et, s'inspirant largement du modèle de l'Ecole des Mines de Paris, il organise un enseignement de physique et de chimie, complété par des cours de minéralogie et de métallurgie. L'enseignement théorique était complété par des travaux pratiques, au cours desquels les élèves apprenaient à analyser les minerais, surtout de cuivre, argent et or. Il insistait également sur l'importance de l'étude des gangues et des roches encaissant les gisements, afin de définir des guides de prospections efficaces.

Il commence avec des groupes de 20 élèves. Début 1839, ayant fini le premier semestre d'études, il montre à la société de La Serena l'habileté de ses meilleurs élèves dans l'utilisation du baromètre, du thermomètre, de l'aéromètre, dans la construction de bombes, de machines à vapeur, électriques et pneumatiques. De 1838 à 1840, les élèves ont analysé 400 échantillons fournis par les propriétaires de mines ou bien récoltés sur le terrain.

En même temps, afin de vaincre les réticences du nouveau gouverneur à son égard, il n'hésite pas à adresser des mémoires au gouvernement central du Chili, montrant notamment l'importance de bonnes analyses «afin de ne plus vendre ou acheter des mines à l'aveugle». Le gouvernement finance alors la publication, en 1844 et 1845, de deux ouvrages de Domeyko : un traité sur les analyses de minerais, et un traité de minéralogie destiné à encourager les jeunes chiliens à explorer systématiquement le sol chilien.


Henrequita Sotomayor, l'épouse de I. Domeyko (il épousa en 1850, à l'âge de 48 ans, une fille de 15 ans)

Cette activité inlassable porte rapidement ses fruits, et va vaincre les réticences initiales des autorités locales à son égard. Deux années à peine après son arrivée, son premier groupe de quatorze élèves est capable d'analyser avec précision les minéraux métalliques les plus communs, et ils vont participer largement à la découverte de gisements qui feront du Chili l'un des plus importants pays miniers au monde. Son laboratoire d'analyse, dont il supervise personnellement les travaux, analyse de nombreux échantillons envoyés par les mineurs de tout le pays, surtout de la riche province minière voisine d'Atacama. Il faut toutefois noter qu'à cette époque, les procédés d'analyse, essentiellement par voie séche, restent assez sommaires et ne donnent guère que des résultats qualitatifs. Le microscope n'est que très peu utilisé, et Domeyko privilégie avant tout l'observation sur le terrain, au cours de multiples courses et excursions qu'il effectue dans toute la Cordillère des Andes. Il propose également au gouvernement d'envoyer trois de ses meilleurs élèves en Europe, afin qu'ils puissent parfaire leur formation et se tenir au courant des progrés rapides de leur discipline, et qu'ils puissent éventuellement lui succéder. En quelques années, son «Collège Minier de la Serena» était devenu un centre d'enseignement et de recherches majeur, sans équivalent dans toute l'Amérique du Sud.

Les expéditions géologiques conduites par Domeyko de 1838 à 1846 lui permirent de réaliser en 1846 la première carte géologique du Chili. Domeyko s'intéressa particulièrement à l'identification sur le terrain de minéraux oxydosulfureux de cuivre et d'argent et d'arséniure de cuivre, baptisé ultérieurement "domeykite".


La maison de Domeyko à Santiago

Départ pour Santiago

Devenu personnage d'importance nationale, I. Domeyko se sent rapidement à l'étroit dans le cadre provincial de la Serena. En 1846, au retour de ses élèves partis en Europe, il laisse la direction de son collège à deux d'entre eux, Antonio Alfonso et Teodoro Cuadros. Lui même a probablement une certaine nostalgie de l'Europe, puisque le 18 novembre 1846 il fait ses adieux officiels à la Serena, annonçant qu'il va prendre le bateau pour Valparaiso afin de regagner l'Europe. Toutefois, à Valparaiso, il veut saluer une dernière fois ses amis de la capitale, Santiago. C'est là qu'il apprend que le gouvernement chilien le charge d'une mission générale de réflexion et de réforme sur tout l'enseignement universitaire du pays. L'Université de Coquimbo, à la Serena, revient à la charge, lui décernant le 22 décembre 1846 les remerciements officiels de la «Sociedad de Beneficiencia de la Serena», en récompense de ses travaux pour la province. Tous ces honneurs et marques d'estime le conduisent à différer ses projets de retour, et à s'installer à Santiago («Dieu seul sait pour combien de temps», écit-il dans son journal intime. En fait il y restera jusqu'à sa mort, devenant au passage l'un des hommes publics les plus connus du pays. Dans les Andes, une importante chaine de montagne porte son nom (Cordillère Domeyko), et il n'est guère de ville au Chili qui ne possède sa place ou sa rue Domeyko.


Timbre chilien en l'honneur de Domeyko

A Santiago, I. Domeyko devient rapidement une sorte de conseiller du gouvernement pour tout ce qui touche à l'enseignement supérieur et à la politique des mines, travail qu'il avait déjà inauguré à la Serena, lorsqu'il avait noté la nécessité d'instituer des postes d'essayeurs en douane, afin de connaître la valeur réelle des minerais exportés et d'exiger ainsi les droits correspondants. Il est aussi chargé de multiples missions, concernant en particulier l'étude générale des ressources en eaux thermales de tout le pays. Les premiers temps, il n'a pas de position officielle bien définie, mais assez rapidement le professeur titulaire de la Chaire de Minéralogie à l'Institut National, Crossnier, présente sa démission. Domeyko le remplace (31 mai 1847) et, dés lors, va devenir le personnage officiel le plus important du pays, considéré encore aujourd'hui comme le fondateur de l'Enseignement Universitaire Moderne au Chili.

A cette époque, l'enseignement supérieur n'était pas séparé de l'enseignement primaire ou secondaire. La réforme proposée par Domeyko, et approuvée par le ministre de l'éducation Manuel MONTE, s'inspirait du fonctionnement des universités allemandes et de Vilnius. Elle séparait l'enseignement primmaire, assuré par l'Institut national, de l'enseignement supérieur, assuré par l'université. Nommé délégué universitaire, puis recteur en 1867 (succédant à Andrés Bello), Domeyko organise les études supérieures de Droit, Médecine, Chimie, Théologie, Philosophie, Beaux Arts. La Faculté de Sciences prend le nom de "polytechnique", destinée à former des ingénieurs. Domeyko écrit lui-même un Tratado de ensayos pour servir à l'analyse chimique des minerais.

Participation à l'organisation d'expositions universelles

En 1866, le gouvernement chilien confie à I. Domeyko la direction du pavillon chilien pour l'Exposition Universelle de 1867 et de l'Exposition internationale de 1889 à Paris. Pour cette exposition. Domeyko rédige le catalogue décrivant les ressources minérulogiques du pays. Le pavillon chilien est récompensé par une médaille par les organisateurs ce qui lui vaut les remerciements officiels de la part du gouvernement chilien.

En 1875 Domeyko organise le secteur consacré à l'exploitation minière lors de l'exposition internationale à Santiago.

C'est également Domeyko qui est chargé du pavillon chilien consacré à la minéralogie au cours de l'Exposition Internationale qui a lieu en Philadelphie en 1876 pour le 100e anniversaire de l'indépendance des Etats Unis d'Amérique.


Cabinet de travail de Domeyko à Santiago

Dernier voyage

En mai 1883, Domeko, âgé alors de 8l ans, prend enfin sa retraite de recteur tout en continuant d'enseigner. L'année suivante, il peut enfin réaliser le rêve de retourner en Europe et en particulier sur ses terres natales. C'est aux cris de Vive le Chili! Vive la Pologne! qu'il s'embarque sur le «Britanica» en compagnie de ses deux fils: Hernan et Casimiro. A Bordeaux l'attend sa fille Anita avec son mari (et cousin) Leon Domeyko.
Son séjour européen durera 4 ans.

En juillet 1884, Cracovie où Domeyko se trouve pour la première fois, lui réserve un accueil triomphal. A la question comment se fait-il qu'il n'ait pas oublié le polonais, il répond: «Comment voulez-vous messieurs que j'aie oublié puisque je pensais toujours en polonais, je priais en polonais et j'aimais en polonais».

L'itinéraire de Domeyko est celui d'un jeune homme et non d'un vieillard. Il passe par les pays et les villes où il avait des amis ou qu'il rêvait de visiter: Paris, Cracovie, Varsovie, Rome, Vienne, Jérusalem, Lvov, Vilnius et bien sûr Zyburtowszczyzna en Lituanie où vivait sa fille. Il n'y trouve personne de sa génération mais passe de délicieux moments de repos auprès de sa fille. Il y termine diverses oeuvres. Aux deux universités de Cracovie et de Varsovie, il remet les collections de minerais et ses publications ramenées de Chili.


Anna (Anita) Domeyko, fille de Ignacy ; elle épousa son cousin Léon Domeyko et vécut en Lituanie

Au cours du voyage de retour vers le Chili, son état de santé s'aggrave. Ignacy Domeyko meurt à Santiago le 23 janvier 1889. Le Chili est plongé dans le deuil. Le gouvernement lui organise des obsèques nationales.

Une oeuvre scientifique majeure

Les multiples activités administratives d'I. Domeyko ne l'ont pas empéché d'effectuer des travaux scientifiques de première importance, qui le placent au niveau des grands minéralogistes et géologues de la seconde moitié du XIXème Siècle. C'est à cette époque qu'ont été décrites la plupart des espèces minéralogiques les plus importantes et, à partir de sa patrie d'adoption, Domeyko tient une place très honorable dans cet inventaire. Il est à noter qu'il est toujours d'actualité. Au total plus de 300 publications minéralogiques, d'abord essentiellement en français, puis , à partir de 1848, surtout en espagnol, auxquelles s'ajoutent un certain nombre de notes à caractère plus géologique. Son oeuvre majeure est son traité de minéralogie («Mineralojia»), écrit en 1854, quelques années après sa nomination de «Professeur de Chimie et Minéralogie à l'Université de Santiago du Chili», et dont la troisième édition, parue en 1879, dix années avant sa mort, donne une description détaillée des différents minéraux trouvés au Chili, en Bolivie, au Pérou et dans les Provinces orientales d'Argentine. Plus d'un siècle après, cet ouvrage reste une référence indispensable pour tous ceux s'intéressant à la minéralogie et à la métallogénie extrêmement riches de ces pays lointains.

Une seule ombre au tableau : le caractère profondément religieux de Domeyko explique en partie ses opinions anti-darwinistes. Cette prise de position était aussi liée à l'analyse de ses professeurs français à l'époque de ses études à l'Ecole des mines de Paris, notamment Elie de Beaumont. Cet aspect a été peu analysé parce que Domeyko est une gloire nationale tant en Pologne qu'au Chili et même en France. Voir à ce sujet : La rencontre de Louis Agassiz avec Ignacy Domeyko, par Piotr Daszkiewicz.


Couverture de l'un des ouvrages écrits sur Domeyko
Voir l'image complète de Domeyko

I. Domeyko incarne les idéaux du Siècle des Lumières développés à l'Université de Vilnius ainsi que ceux du Romantisme polonais pour lequel l'indépendance des nations et le respect des peuples était des valeurs essentielles. Eduqué dans une région d'interpénétration des cultures et des peuples, I. Domeyko vécut et étudia également en France à une époque de grande effervescence intellectuelle et industrielle.

Scientifique et pédagogue, il mit ses compétences et sa passion au service de la jeune république chilienne. Le champ de ses investigations couvre la géologie, la minéralogie, la paléontologie, la physique, la chimie, la botanique, la géographie, la métallurgie et l'ethnographie. Cet infatigable « apôtre de la science » écrivit des manuels, des thèses scientifiques, des textes de vulgarisation scientifique; il dressa des cartes et réalisa nombre de dessins. En explorateur perspicace, il décrivit avec talent pays et territoires, peuples et coutumes. Son sens du devoir l'amena à dépasser le stade de la recherche pour mettre son savoir au service de la société. Il contribua ainsi à la réforme du système éducatif du Chili, pays dont il développa l'industrie minière et où il fonda nombre d'institutions scientifiques. Il oeuvra aussi pour l'amélioration des conditions de travail des mineurs et apporta une contribution fondamentale au débat sur le sort et la place des populations indigènes dans la société chilienne.

Soucieux de diffusion du savoir, I. Domeyko devint correspondant scientifique. En tant qu'expert en minéralogie et en géologie de l'Amérique du Sud il envoyait régulièrement ses travaux et des échantillons de minerais aux Académies des Sciences, Instituts et Universités américaines, françaises, allemandes et polonaises.

«Il n'y a rien en Domeyko qui ne soit noble, il est l'incarnation des forces et des sentiments les plus généreux de sa génération.» déclara S. Tarkowski - recteur de l'Université Jagellone lors de la remise du titre de docteur honoris causa. L'oeuvre de Domeyko frappe par son actualité:

  • Homme de sciences, il a travaillé au développement universel des connaissances scientifiques
  • Citoyen du monde et explorateur, il s'est fait le défenseur de la diversité des nations et des cultures
  • Homme de dialogue, ayant lui-même connu l'histoire d'une région tourmentée, il s'était donné pour idéal la paix entre les peuples.
  • Aujourd'hui les collections de l'Ecole des mines conservent près de 150 echantillons donnés par Domeyko parmi lesquels figurent des espèces rares découvertes et décrites pour la première fois au Chili. [voir échantillon]


    I. Domeyko et son épouse Henrequita

    La vie privée

    "Quel changement dans ma vie ! Dans la pièce où j'ai passé à me languir tant de soirées solitaires, voilà ma femme, belle comme un ange, aux grands yeux noirs. En effet, je suis devenu fou d'amour ... J'ai vécu un profond bouleversement et je ne regrette pas ce qui est arrivé". Ils ont eu 3 garçons et une fille. La fille, Anna Cruz épousa son cousin Leon DOMEYKO et ils partirent vivre en Lituanie. Juan Casimiro fit par la suite des études d'ingénieur des mines à Paris. Hernan Estevan étudia la théologie à Rome. Le 4ème enfant décéda jeune. "Ma femme chaque jour devient une meilleure polonaise, femme et maitresse de maison. Elle passe ses journées occupée par la musique, par l'étude, le jardin, la maison, ou un autre ouvrage féminin. Nous passons les dimanches dans la joie, en famille et assez nombreux."


    Domeyko et ses fils

    Domeyko et les indiens Araucan

    Les Indiens vivent de part et d'autre de la Cordillère des Andes depuis des milliers d'années, et, selon certains, depuis le VIe siècle avant J.C. «Araucan» est un mot forgé au XVIe siècle par Alonso de Ercilla dans son poème Araucans à partir d'un nom de lieu indigène. Depuis lors, son usage s'est imposé en ethnologie pour désigner l'ensemble de populations qui vivaient au Chili central à l'arrivée des conquistadors. Regroupés en clans, les Araucans défendirent avec acharnement leur territoire d'abord contre les Incas puis contre les conquistadors espagnols. En 1866, à l'issu de trente ans de mission «civilisatrice», le gouvernement chilien réussit à parquer les indigènes dans des réserves. Affaiblis par l'échec de plusieurs révoltes et l'exode vers l'Argentine, les Indiens capitulent finalement en 1884, et acceptent d'être regroupés dans des communautés où ils vivent encore aujourd'hui. Au début du XIXe siècle, quand le Chili était encore une colonie espagnole, les Araucans occupaient un territoire de 100 000 km2, dans la province Cautin, Malleco, Bio-Bio et Llanquiluie au centre du pays.
    De 1866 à 1927, ils ont été relégués sur 5 000 km2 soit à peine plus de 5 % de leur territoire d'origine. Sous le régime de Pinochet, la loi de 1979 entérina la disparition juridique du peuple indigène, ce que l'actuel gouvernement essaie de modifier.
    Des différentes tribus d'Araucans, les Mapuches, entre autres, ont su préserver le mieux leurs distinctions tribales ainsi que leurs coutumes et leurs croyances. Dans la langue mapudungun, le mot mapuche signifie «les gens de la terre». Les Mapuches sont profondément croyants. Tout le système de leurs croyances est basé sur la communion avec la nature dont ils constituent, selon eux, partie intégrante. L'une des principales divinités est Pillan - protecteur de la flore. Il porte également le nom de Ngenchen - Seigneur des hommes ou Ngenmapu -Seigneur de la terre. La fête la plus importante est la cérémonie de supplique. Trois jours durant, en été ou au début de l'automne, les habitants du Pueblo Mapuche se réunissent autour de l'Arbre Saint et, tournés vers l'Est, ils célèbrent la cérémonie d'offrandes et prient pour leur prospérité. Un cha-man est leur chef spirituel qui veille à la santé physique et spirituelle de la communauté, il détient le pouvoir de communiquer avec les morts. Pour les Mapuches le monde surnaturel est tout aussi réel que celui dans lequel ils vivent.
    Les restrictions imposées autrefois aux Mapuches sur leurs droits de propriété et l'appauvrissement ont été à l'origine d'un exode rural massif.


    Indiens Auracans - Aquarelle peinte par Ignacio Domeyko

  • 1844 - Expédition de Domeyko en Araucania
  • 1845 - Publication d'Araucania y sus habitantes
  • 1848 - Domeyko est nommé membre de la commission chargée de coloniser les territoires indigènes
  • 1850 - Publication du Mémorial sur la colonisation du Chili sur demande du gouvernement chilien
  • Plus tard - Domeyko participe à la création de la Sociedad catôlica des missionnaires auprès des indigènes.

    Lorsque Domeyko s'intéressa au sort des Araucans, le gouvernement chilien avait entrepris des expéditions militaires visant à prendre possession des terres indigènes et à «pacifier» ses habitants. La manière de les traiter révolta Domeyko tout autant que leur résistance éveillait son admiration.
    Son expédition dans la région d'Araucania, entreprise au printemps 1845, lui permit en outre d'assouvir sa passion de naturaliste et de géologue. Au cours de ce voyage, il étudia les volcans, dont Antuco est le plus important d'entre eux.

    Dès le retour de l'expédition, Domeyko publie "Araucania et ses habitants " dans le but de décrire l'êtat dans lequel se trouvent aujourd'hui les Araucans, leurs concepts et leurs moeurs à moitié sauvages, leurs défauts, leur honnêteté, les injustices et les abus dont ils font l'objet de la part des populations voisines et des fonctionnaires chiliens, le manque de missionnaires pour les éduquer et enfin, les seuls moyens honnêtes qui permettraient la préservation de cette race d'autochtones américains et sa fusion arec le peuple chilien. "Mon ouvrage plut aux Chiliens malgré les accusations qu'il contient envers eux, leur gouvernement et leurs soldats pour le traitement injuste infligés aux fils de l'Amérique précolombienne".

    Un ouvrage ultérieur de Domeyko fait l'apologie d'une méthode «douce» de colonisation, idée d'avant garde à l'époque des massacres systématiques des populations indigènes dans toute l'Amérique. Dans sa vision chrétienne du traitement des indigènes, soutenue auparavant par les Jésuites, Domeyko refusait la conquête militaire ou l'absorption civilisatrice que préconisaient les militaires et les politiques chiliens en proposant de les remplacer par une intégration progressive grâce à l'éducation et l'évangélisation.


    Domeyko fut fait citoyen d'honneur du Chili par décret présidentiel (1848)

    La contribution de Domeyko au code minier et au dévelppement minier du Chili


    La mine de Chanarcillo
    Depuis le début, à La Serena, Domeyko appliqua ses connaissances théoriques aux besoins pratiques. Il étudia les métaux les plus courants dans la région et la manière d'en tirer bénéfice. Puis il réalisa des analyses et des essais sur les minerais qui lui parvenaient de tout le pays, surtout de la riche province minière voisine d'Atacama.

    Son autorité en la matière lui valut rapidement la nomination de médiateur gouvernemental pour des conflits qui opposaient les propriétaires des mines. Après deux mois passés dans la mine d'argent Chanarcillo, près de Copiapô, il rédigea le compte-rendu pour le tribunal de la manière suivante: «Cette affaire est impossible à résoudre par voie de procédure juridique habituelle en appliquant à la lettre certains documents particulièrement stupides. Cest le premier cas devant ces tribunaux pour lequel le juge (ici I. Domeyko) préfère renoncer à ses honoraires plutôt que déjuger à l'aveuglette».

    Il faut mentionner en particulier l'exploration de la région de Copiapô - riche en gisement d'argent et la découverte des gisements de charbon dans la province de Valdivia, au sud du Chili. Depuis le début, Domeyko adressait au gouvernement central des mémoires démontrant notamment l'importance des analyses des minerais au passage à la douane afin de «ne pas en vendre ou en acheter à l'aveuglette». Le paiement des droits de douane fut ainsi instauré au Chili.

    En 1864, considéré déjà comme «le père de l'industrie minière chilienne», Domeyko se vit confier par le gouvernement la mission de la modernisation du code des mines (Coligo de Minas) aux cotés d'A. Pissi, L. Larrigue etc...

    La contribution de Domeyko à l'industrie minière peut être définie selon trois grandes lignes. C'est dans le domaine des études géologiques que l'apport de Domeyko est le plus évident et déterminant, car ce genre d'études a pratiquement commencé au Chili grâce à son travail. Sa contribution à la modernisation des techniques d'extraction qui permit de tirer des bénéfices plus importants des gisements a aussi été très importante. Enfin, ce qui porta ses fruits à moyen terme, ce furent ses travaux en matière de législation du secteur minier et ses observations portant sur l'organisation du travail dans les mines, notamment celles concernant les relations de travail dans les mines dont la nécessité d'améliorer les conditions de travail des mineurs.

    Ses nombreuses explorations à travers tout le pays suivies des études de ressources minéralogiques et géologiques du Chili contribuèrent au développement minier.

    Enfin, c'est Domeyko qui forma les premiers ingénieurs des mines de Chili dont son propre fils cadet : Juan Casimiro Domeyko Sotomayor.


    Monument Domeyko au cimetière de Santiago

    L'article initial de Lydie Touret a été complété notamment par des images et mis sur le web par Robert Mahl.