Claude BLOCH (1923-1971)

Biographie par A. Messiah
Publié dans Annales des Mines, Mars 1972.

Claude Bloch vient de mourir, le 29 décembre 1971, à l'âge de 48 ans, à la suite d'une brève maladie.

Major de l'École Polytechnique (promotion 1942A, sorti en 1946), ingénieur en chef des Mines, directeur de la Physique au Commissariat à l'Énergie atomique, Claude Bloch avait été professeur et conférencier dans les universités ou les instituts de Recherche les plus prestigieux du monde entier.

C'était d'abord, et avant tout, un physicien de très grande classe. Sa disparition brutale, dans la force de l'âge, en pleine créativité, est une perte majeure pour le monde scientifique international; elle frappe durement la physique française.

L'aisance avec laquelle il dominait l'ensemble de la physique théorique lui a permis de faire progresser celle-ci de façon décisive dans de nombreux domaines fondamentaux. En physique nucléaire, il faisait partie de ce petit groupe international de chercheurs qui a réussi à expliquer les propriétés des noyaux à partir de leurs constituants élémentaires. Sa théorie unifiée des réactions nucléaires et ses apports à la théorie statistique des densités de niveaux sont des classiques du sujet. En mécanique statistique, discipline à laquelle il a consacré de nombreux travaux, sa principale contribution est la découverte d'une nouvelle approche théorique, dont l'utilisation devait complètement renouveler notre compréhension des solides et des liquides. Au moment de sa disparition, il était engagé dans un vaste programme d'étude des phénomènes vibratoires dont les applications vont de l'explication d'effets récemment découverts en fission nucléaire à l'acoustique des salles et des instruments.

Les caractéristiques essentielles de son oeuvre sont la généralité, la clarté, la rigueur et, malgré son caractère d'avant-garde, les mots de perfection classique viennent naturellement à l'esprit pour la décrire. Aucune des disciplines fondamentales auxquelles il s'est intéressé ne sera plus tout à fait la même après lui.

Si l'oeuvre publiée de Claude Bloch fait partie intégrante de la physique de notre temps, elle est loin d'épuiser sa contribution à la Science. Maître remarquable, il a formé et dirigé des élèves dont quelques-uns sont à leur tour devenus des maîtres. Il a su leur inculquer son sens de la rigueur, son mépris pour le fumeux et l'à-peu-près, leur montrer les dangers et les faiblesses d'une spécialisation excessive. Cet homme qui créait et maniait avec une élégance et une efficacité incomparables les formalismes mathématiques les plus raffinés, a su donner à ses élèves et à ses collaborateurs le goût du concret, de la recherche du contact constant avec la réalité physique et d'un langage commun avec les expérimentateurs.

Le résultat a été la création au Centre de Saclay, d'un groupe de théoriciens qui, par l'étendue de ses intérêts, la qualité de ses travaux et l'efficacité du support qu'il apporte à l'expérience, n'est le second d'aucun autre dans le monde.

Il y a moins d'un an, Claude Bloch avait pris les fonctions de directeur de la Physique au C.E.A. Il disparaît avant d'avoir pu y donner sa pleine mesure, mais il était parvenu, dès sa prise de fonction, à donner à ce grand ensemble une vigoureuse impulsion grâce à l'autorité naturelle que lui conférait auprès de tous sa grande culture scientifique, sa sûreté de jugement et son sens aigu des responsabilités.

Albert MESSIAH, Ingénieur en chef des Mines


Résumé de la carrière de Claude Bloch

Né le 18 mars 1923 à Paris, M. Claude Bloch était ancien élève de l'École Polytechnique (promotion 1942) dont il sortit major dans le Corps des Mines. Après avoir complété sa formation de physicien à l'Institut de Physique théorique de Copenhague (1948-1951) et au California Institute of Technology (1952-1953), il entra en 1953 au Commissariat à l'Énergie atomique auquel il avait déjà commencé à apporter sa collaboration dès 1946. Successivement chef du Service de Physique Mathématique (1959), puis du Service de Physique théorique (1963), il fut nommé directeur de la Division de la Physique au début de l'année 1971.


NOTRE CAMARADE CLAUDE BLOCH (1923-1971)

par Jules HOROWITZ (41) et Albert MESSIAH (40)

Publié dans La Jaune et la Rouge, no 268, mars 1972.

Notre camarade Claude BLOCH (X 1942) n'est plus. Un accident cardiaque l'a arraché prématurément à sa famille et à ses nombreux amis à l'âge de 48 ans. Sa disparition, en pleine créativité, constitue une perte majeure pour le monde scientifique ; elle frappe durement la physique française.

Claude BLOCH avait préparé le concours d'entrée à l'Ecole Polytechnique dans des conditions difficiles ; il s'était néanmoins imposé d'emblée comme exceptionnellement brillant. Sorti major de sa promotion, couronné du prix Henri-Poincaré, il choisit le corps des Mines, alors voie royale pour ceux qui avaient la vocation de la recherche scientifique. Un séjour de trois ans (1948-1951) à l'institut Niels Bohr à Copenhague puis un autre de près de deux ans (1952-1953) au California Institute of Technology à Pasadena, lui permirent de faire ses premières armes comme physicien auprès de maîtres comme Bohr, Moller ou Feynmann. Déjà ses premiers travaux étonnaient ses pairs et ses anciens par leur profondeur de vue et leur clarté. Détaché du corps des Mines, il entra, en 1953, au Commissariat à l'énergie atomique, auquel dès 1946 il avait déjà commencé d'apporter une collaboration précieuse. Il devait y rester jusqu'à son dernier jour, successivement comme simple ingénieur puis chef du service de Physique mathématique (1959), chef du service de Physique théorique (1963) et enfin, il y a un an, comme directeur de la division de la Physique. Très connu dans la communauté scientifique internationale, il avait été l'hôte, comme professeur et conférencier, des universités ou instituts de recherche les plus prestigieux du monde entier.

Claude BLOCH était d'abord, et avant tout, un physicien de très grande classe. L'aisance avec laquelle il dominait l'ensemble de la physique théorique lui a permis de faire progresser celle-ci de façon décisive dans de nombreux domaines fondamentaux. En physique nucléaire, il faisait partie de ce petit groupe international de chercheurs qui a réussi à expliquer les propriétés des noyaux à partir de leurs constituants élémentaires. Sa théorie unifiée des réactions nucléaires et ses apports à la théorie statistique des densités de niveaux sont des classiques du sujet. En mécanique statistique, discipline à laquelle il a consacré de nombreux travaux, sa principale contribution est la découverte d'une nouvelle approche théorique, dont l'utilisation devait complètement renouveler notre compréhension des solides et des liquides. Au moment de sa disparition, il était engagé dans un vaste programme d'étude des phénomènes vibratoires dont les applications vont de l'explication d'effets récemment découverts en fission nucléaire à l'acoustique des salles et des instruments.

Les caractéristiques essentielles de son oeuvre sont la généralité, la clarté, la rigueur et, malgré son caractère d'avant-garde, les mots de perfection classique viennent naturellement à l'esprit pour la décrire. Aucune des disciplines fondamentales auxquelles il s'est intéressé ne sera plus tout à fait la même après lui.

Si l'oeuvre publiée de Claude BLOCH fait partie intégrante de la physique de notre temps, elle est loin d'épuiser sa contribution à la Science. Maître remarquable, il a formé et dirigé des élèves dont quelques-uns sont à leur tour devenus des maîtres. Il a su leur inculquer son sens de la rigueur, son mépris pour le fumeux et l'à-peu-près, leur montrer les dangers et les faiblesses d'une spécialisation excessive. Cet homme qui créait et maniait avec une élégance et une efficacité incomparables les formalismes mathématiques les plus raffinés, a su donner à ses élèves et à ses collaborateurs le goût du concret, de la recherche du contact constant avec la réalité physique et d'un langage commun avec les expérimentateurs. Le résultat a été la création au centre de Saclay d'un groupe de théoriciens qui, par l'étendue de ses domaines de recherche, la qualité de ses travaux et l'efficacité du support qu'il apporte à l'expérience, n'est le second d'aucun autre dans le monde.

Il y a moins d'un an, Claude BLOCH avait pris les fonctions de directeur de la Physique au C.E.A. Il disparaît avant d'avoir pu y donner sa pleine mesure, mais il était parvenu dès sa prise de fonction à donner à ce grand ensemble une vigoureuse impulsion grâce à l'autorité naturelle que lui conféraient auprès de tous sa grande culture scientifique, sa sûreté de jugement et son sens aigu des responsabilités.