Georges Augustin Albert CHARPY (1865-1945)

Photo ENSMP

Augustin Georges Albert CHARPY est le fils de Camille Benoit CHARPY, officier de marine, et de Léontine DUFLOS. Né à Oullins (Rhône) le 1/9/1865. Décédé le 25/11/1945. Frère de Clément Louis Henri CHARPY (1862-1922 ; X 1881 ; ing. principal au chemin de fer PLM). Marié à Mlle BAUDRY.

Georges Charpy entre à l'École polytechnique en 1885. Il en sort en 1887, classé 136ème sur 218 élèves, dans le corps de l'Artillerie de marine. Professeur à l'Ecole Monge en 1887, il passe une thèse de physique en 1892 sur les variations des solutions salines en volume et en densité en fonction de la température.
Il débute sa carrière industrielle comme ingénieur aux usines Saint-Jacques (Forges de Châtillon-Commentry et Neuves-Maisons) où il devint ingénieur en chef chargé des problèmes techniques puis directeur technique en 1916.
Correspondant de l'Institut en 1913, il est élu membre titulaire de l'Académie des sciences, section « Sciences appliquées » , le 23 décembre 1918, et il quitte Châtillon-Commentry. Il entre alors aux aciéries de la Marine et d'Homécourt avec le titre d'adjoint au directeur général. À peu près au même moment, il est nommé professeur de métallurgie à l'École des mines (1920), puis, en 1922, professeur de chimie générale à l'École polytechnique.
Il meurt d'une crise cardiaque à Paris, le 23 novembre 1945. Officier de la Légion d'honneur.
Voir : Bulletin AX mars 1948, 59 et Dbf 8,648-9 no 6.


Biographie de Georges CHARPY

par André PINEAU, professeur à l'Ecole des Mines de Paris, membre de l'Académie des Technologies

Publié dans la Lettre interne de l'Ecole nationale supérieure des mines de Paris, 2001

Georges Charpy fut nommé professeur à l'Ecole des mines en 1920. Ses domaines de compétence allaient de la chimie à l'organisation du travail. Il est l'inventeur d'un essai de résistance des matériaux qui porte son nom. Le nom de Charpy est certainement prononcé plusieurs milliers de fois par jour ! L'essai Charpy est toujours pratiqué quotidiennement dans le monde entier. La Charpy Centenary Conference qui s'est tenue à Poitiers en octobre dernier (voir La Lettre n° 107) en a donné une nouvelle preuve éclatante. C'est en juin 1901 que Georges Charpy, à l'époque ingénieur à l'usine sidérurgique de Châtillon-Commentry, publie ses résultats sur la mise au point d'un essai de résistance au choc des aciers, réalisé à l'aide d'un « mouton-pendule » (cf. encadré). Cet essai a permis d'améliorer la qualité des aciers afin d'éviter les accidents liés à leur possible fragilité. Au-delà des nombreuses explosions de chaudières qui préoccupaient particulièrement Charpy à l'époque, son essai a trouvé des applications dans la construction navale, alertée par la centaine de Liberty Ships qui se sont rompus durant la seconde guerre mondiale, puis dans le transport du gaz et du pétrole, dans le nucléaire et dans bien d'autres secteurs industriels. L'essai Charpy a été étendu à d'autres alliages que les aciers et même aux plastiques. Les possibilités offertes aujourd'hui par les simulations numériques ont ouvert la voie à des utilisations encore plus rationnelles des résultats de ces essais. L'essai Charpy a permis de déterminer la température de transition fragile-ductile des aciers. En dessous de cette température, les aciers les plus courants deviennent très fragiles. On a pu déterminer cette température de transition pour les tôles de la coque du Titanic, repêchées sur l'épave. Elle est supérieure à 0 °C, de sorte que lorsque le navire a heurté l'iceberg, la coque s'est déchirée de façon catastrophique au lieu de se déformer. La valeur de la résilience de l'acier utilisé pour la fabrication de l'Erika a certainement également largement contribué à la gravité de cette catastrophe plus récente. Il est également de la plus haute importance de connaître la température de transition des tubes pour le transport du gaz en Sibérie ou en Alaska, là où les températures peuvent être très faibles. Il importe aussi de savoir de combien elle s'élève au cours de l'irradiation des aciers des cuves des réacteurs nucléaires. Ainsi l'essai Charpy contribue-t-il à la sûreté de multiples installations.

Un autre champ de recherche concerne l'application de l'essai à des matériaux non métalliques, comme des polymères ou même du béton.

De l'oeuvre scientifique de ce savant, on retiendra également, entre autres découvertes, la fabrication des tôles magnétiques.

Il étudia, dès 1902, les aciers au silicium qui permettent de limiter les pertes dans les transformateurs. Il précisa les teneurs auxquelles il convenait de se limiter pour avoir à la fois des propriétés magnétiques intéressantes et des possibilités de transformations métallurgiques convenables. La tôle magnétique bénéficie de ces mises au point. Depuis, de nouveaux progrès ont été réalisés, mais le matériau de base est celui développé par Charpy.

Un autre aspect de son oeuvre, dans le domaine industriel et qui reste encore trop peu connu, réside dans le rôle qu'il joua en France, avec d'autres grands ingénieurs et scientifiques, pour adapter le système de Taylor dans l'organisation du travail. Ainsi, avec Henry Le Chatelier, un autre enseignant qui a marqué l'École des mines, a-t-il largement contribué au développement, dans le cadre de la Société d'Encouragement, de la recherche scientifique appliquée à l'industrie.

André Pineau



Georges Charpy, élève de Polytechnique
(C) Collections Ecole polytechnique

L'essai Charpy ou « dessine-moi un mouton »

L'essai Charpy a pour but de déterminer la résistance aux chocs des matériaux. Il permet de mesurer leur résilience. Il consiste à rompre un barreau entaillé de dix sur dix millimètres de section à l'aide d'un mouton-pendule. L'entaille peut revêtir diverses formes : en U ou, le plus souvent, en V. L'énergie consommée pour rompre le barreau est mesurée en faisant la différence entre la hauteur de chute du mouton et celle à laquelle il remonte après avoir rompu le barreau. Si ce dernier était complètement fragile, le mouton remonterait à la même hauteur que celle d'où il a chuté ; s'il était au contraire extrêmement tenace, il ne serait pas rompu et le pendule ne remonterait pas du tout. L'énergie de rupture ainsi déterminée s'appelle la résilience. Plus elle est élevée, plus le matériau est tenace.

La grande simplicité de l'essai en fait, en partie, le succès. Il est susceptible de divers aménagements. Les mesures se font souvent à diverses températures, notamment à basses températures. Il suffit pour cela de plonger au préalable le barreau dans un bain thermostaté convenablement refroidi. On peut « instrumenter » le pendule de façon à mesurer la variation de la force appliquée par le mouton sur le barreau au moment de la rupture ; une telle mesure exige évidemment une électronique spéciale étant donnée la rapidité de l'essai. Cette complication apporte des renseignements supplémentaires sur le comportement dynamique du matériau. Les barreaux sont suffisamment petits pour être introduits dans les réacteurs nucléaires pour suivre la fragilisation provoquée par l'irradiation ; il sont ensuite rompus à l'intérieur de cellules mettant les manipulateurs à l'abri des radiations.

Si la simple mesure de la résilience n'est pas compliquée, elle ne procure que des informations qualitatives qui nécessitent des précautions si l'on veut les transposer à l'échelle des constructions. L'instrumentation de l'essai permet la détermination de propriétés de résistance qui sont moins dépendantes des dimensions comparées du barreau d'essai et des pièces industrielles. Le calcul numérique précis du comportement en chaque point du barreau, rendu possible par la puissance des ordinateurs, aboutit à une modélisation de l'essai Charpy qui fournit les interprétations nécessaires des mesures. Cette modélisation est ardue en raison du caractère dynamique de l'essai et de la forme du barreau entaillé. Des recherches très actives, tout particulièrement en France et au Centre des matériaux de l'École des mines concernent ce problème (cf la thèse de Benoît Tanguy, soutenue le 10 juillet 2001).

André PINEAU


Georges Charpy croqué par un de ses élèves de l'Ecole des mines




Le cours de chimie de Georges Charpy à l'Ecole polytechnique (1ère division, 2ème année, 1930-1931)

Le cours est téléchargeable en texte intégral. Il a été numérisé par Robert Mahl d'après un ouvrage fourni par Pierre Ollivier, petit-fils de Georges Charpy.