Extrait de ANNALES DES MINES, II, 1948, p. 62.

Ouvrage reçu : R. SAMUEL-LAJEUNESSE : Grands mineurs français. Dunod, 92, rue Bonaparte, Paris (6e), 252 pages 16 X 24, 1948, broché.

C'est toute l'histoire de la prospection des mines en France et dans l'Union Française et de l'industrie minière française au cours des deux siècles écoulés et de la moitié du nôtre, que M. SAMUEL-LAJEUNESSE évoque en nous présentant sa galerie de vingt-sept portraits de Grands Mineurs français, préfacée par M. Marin GUILLAUME.

C'est aussi une gageure à une époque ou le matérialisme historique est admis comme un dogme par tant d'esprits, où l'action du chef est par système contestée ou amoindrie, que de nous faire voir cette histoire à travers les biographies de quelques animateurs qui ont forgé par leur forte volonté leurs destins hors série.

L'ouvrage comprend deux parties :

Dans la première, l'auteur dresse un bilan rapide des richesses minières de la métropole et des pays de l'Union Française dans l'état présent de nos connaissances.

Puis, comme il le dit lui-même, afin de faciliter la lecture de son ouvrage aux personnes étrangères aux travaux des mines, il rappelle brièvement quelques données de l'art des mines, du point de vue technique, juridique et humain dans son passé et son aboutissement présent.

Ses conclusions ne sont point pessimistes mais réalistes, et quand il écrit : « Dans son ensemble le sous-sol français a appauvri les capitalistes beaucoup plus qu'il ne les a enrichis. Pour quelques heureux, la loterie du sol a fait bien des malheureux », ceux qui ont voué leur carrière à la mine ne peuvent que souscrire à ce jugement.

Est-ce à dire que les Français doivent renoncer à une prospection qui, prise dans son ensemble ne rémunère pas les efforts qu'on lui consacre, la seconde partie du livre répond à cette question. Parmi les héros de la mine (ce mot pris au sens que lui donnait CARLYLE) que nous présente M. SAMUEL-LAJEUNESSE, on distingue d'une part les pionniers et d'autre part les grands techniciens de l'Administration. Les seconds ne dédaignent pas, à l'occasion, d'assurer la relève des premiers, mais tous présentent ce trait commun d'un dévouement absolu à leur oeuvre qu'ils considèrent en elle-même et non pour le profit qu'elle peut leur apporter. Ils lui consacrent tous leurs efforts et souvent lui sacrifient leur fortune, leur santé et même leur vie.

M. SAMUEL-LAJEUNESSE a eu l'heureuse idée de joindre à la courte biographie de chacun de ses héros un extrait de rapport, note scientifique ou conférence, qui fait revivre celui-ci dans une self peinture. Combien émouvante cette note écrite au milieu de la lutte où l'auteur expose simplement ses efforts, les résultats acquis et les espoirs qui le soutiennent.

Les dernières figures, celles qui se trouvèrent aux prises avec les grandes tragédies de 1914 et de 1940, s'élèvent à l'héroïsme le plus pur.

Ernest CUVELETTE a vu détruire l'ouvrage de sa vie (et jusqu'à la dernière pierre), et sans dire un seul mot il se mit à rebâtir, et ce fut la renaissance de nos mines du Pas-de-Calais que l'ennemi croyait avoir anéanties définitivement.

Avec Emile COSTE, c'est l'occupation de la Ruhr, véritable épopée minière où ce grand ingénieur, assisté par la M. I. C. U. M., réussit par sa haute valeur morale et son autorité technique à ramener au travail 500.000 mineurs wesphaliens, à briser la résistance passive, et à réduire à la capitulation les grands industriels allemands.

Avec Jules MÉNY et Pierre ANGOT apparaissent le hommes du pétrole français.

Avec M. PINEAU, alors directeur à l'Office national des Combustibles liquides, et son adjoint, le regretté BIHOREAU, MÉNY a fondé l'industrie française de raffinage qui, en 1939, permettait à notre pays de fabriquer sur son sol la quasi-totalité des produits pétroliers finis que nous consommions.

Dans la course mondiale aux gisements de pétrole, MÉNY est parvenu par son énergie à vaincre les convoitises des nations concurrentes, et à assurer à la France sa part dans les pétroles de l'Irak.

Pierre ANGOT, fils de l'Aquitaine, incarnait l'espoir français de la recherche du pétrole dans le Sud-Ouest

Tous deux ont consenti le suprême sacrifice dans une lutte sans défaillance contre l'occupant.

Qu'il soit permis à celui qui les a connus et estimés de s'incliner devant leur mémoire avec respect, mais aussi avec une profonde tristesse, sachant la perte irréparable que la Nation a faite en de tels hommes. Que de pareils exemples puissent exalter les générations qui montent et leur prouver que la mine peut être encore une école d'énergie à l'égal de la mer ou de l'air.

La prospection minière est aujourd'hui sortie de 1a période des pionniers, mais l'oeuvre à accomplir demeure immense, et avant tout dans les pays d'outre-mer. L'Etat a pris en mains la direction de recherches méthodiques. L'importance des capitaux à mettre en oeuvre rend son concours indispensable. Les formules d'association avec les intérêts privés varieront selon les cas d'espèce.

Puisse l'Administration en trouver d'assez souples, pour ne pas décourager les hommes de bonne volonté.

M. SAMUEL-LAJEUNESSE prend soin de nous dire que sa galerie de portraits n'est pas close et qu'il se réserve de nous présenter encore d'autres grandes figures de la mine. Nous l'en félicitons, car nous avons regretté de n'y point trouver les noms illustres d'Élie REUMEAUX et de TAFFANEL.

P.R.