TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.XXII (2008)

Jean Gaudant

Analyse d'ouvrage
Christian Montenat
Une famille de géologues les Lapparent
Un siècle d'histoire & d'aventures de la géologie
Vuibert-Société géologique de France (collection " Interactions "), Paris, 216 p., 2008, 25 €

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO)

Le nom de Lapparent est mondialement célèbre depuis plus d'un siècle grâce, principalement, au fondateur de cette dynastie de géologues dont Christian Montenat retrace dans ce livre les vies et les carrières.

À tout seigneur tout honneur, celui qui ouvre le bal est précisément Albert de Lapparent (1839-1908), que l'auteur appelle ici Albert-Auguste pour le distinguer de son petit-fils Albert-Félix, qui signait ses mémoires géologiques Albert F. de Lapparent. L'évocation du patriarche est écrite en s'appuyant largement sur l'autobiographie qu'Albert de Lapparent écrivit à la fin de sa vie, ce qui permet de connaître de l'intérieur les principaux épisodes de sa vie. L'auteur la complète utilement en détaillant l'œuvre géologique du maître qui, après son passage du Corps des mines à l'Institut catholique de Paris, allait acquérir la célébrité en publiant successivement un Traité de Géologie qui connut cinq éditions entre 1883 et 1907, puis un Cours de Minéralogie (quatre éditions de 1884 à 1908) et enfin des Leçons de Géographie physique (1896 et 1907). Cette célébrité, associée à un certain sens de la diplomatie, lui ouvrit en 1897 les portes de l'Académie des sciences dont il devint en 1907 un éphémère secrétaire perpétuel.

Jacques (1883-1948), le cinquième enfant d'Albert, fut le second géologue de la famille. Après ses études, il devint le préparateur de Frédéric Wallerant, professeur de minéralogie à la Sorbonne, puis le chef de travaux de Pierre Termier à l'École des mines. Après la Première Guerre mondiale, il fut nommé en 1919 professeur à la faculté des sciences de Strasbourg, dans une chaire de pétrographie créée spécialement pour lui. Dans la lignée de son célèbre père, il publia des Leçons de Pétrographie (1923). Tout en étudiant la formation de la bauxite, Jacques de Lapparent tenait alors la critique d'art dans une revue alsacienne et pratiquait le théâtre en amateur. Il s'intéressa ensuite à l'étude des argiles qu'il soumit aux rayons X. La Seconde Guerre mondiale le contraignit à quitter Strasbourg où il ne revint que de façon éphémère en 1946, avant d'être nommé à la Sorbonne en janvier 1947, un poste qu'il n'occupa qu'une année.

Le troisième personnage, Albert-Félix de Lapparent (1905-1975) était le petit-fils d'Albert. Après avoir embrassé la vocation religieuse, il fut ordonné prêtre puis étudia la géologie à l'institut catholique de Paris. Il prépara ensuite une thèse de géologie en Provence, qu'il soutint en 1938. Sous l'influence de Jean Piveteau, il se consacra ensuite à la découverte de nouveaux gisements de dinosaures, notamment au Sahara. Son association avec un autre prêtre, Pierre Bordet, qui étudiait alors le volcanisme du Hoggar permit ensuite de compléter l'enseignement de la géologie à l'institut catholique de Paris, où fut créé en 1959 l'Institut géologique Albert de Lapparent (IGAL). À partir de 1961, Albert-Félix de Lapparent orienta ses recherches vers l'Afghanistan. Cela lui permit de constituer en 1966 une équipe de chercheurs soutenue financièrement par le CNRS, avant de prendre en 1974 la direction de la mission scientifique française en Afghanistan. Il n'eut cependant que le temps de programmer la mission de l'année suivante car la mort allait le saisir avant la fin de l'hiver.

Un quatrième personnage, moins connu que les précédents, Claude de Lapparent (1920-1985), le neuvième enfant de Jacques, complète cette galerie familiale de portraits. Géologue pétrolier, il entra en 1948 à la SNREPAL dont il conduisit à partir de 1952 les recherches sahariennes, avant de passer deux ans plus tard à la Compagnie française des Pétroles (Algérie) dont il dirigea l'exploration à partir de 1954. Il fut ainsi l'un des acteurs majeurs de la découverte, en 1956, du pétrole et du gaz sahariens.

Voilà donc un livre agréable à lire, qui réunit quatre géologues d'importance porteurs du même patronyme, dont trois universitaires réputés. Il serait souhaitable que l'édition française s'inspirât de ce bel exemple pour mieux faire connaître au public la vie et l'œuvre de nos géologues.