TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T. XXVI, 2012, n° 1

Des marges continentales atlantiques aux chaînes plissées :
les recherches françaises entre 1967 et 2000

Gilbert Boillot

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO)
(séance du 14 mars 2012)

Résumé.
Après l'énoncé de la tectonique des plaques, les géologues et les géophysiciens français, d'origine industrielle ou académique, ont joué un rôle capital dans l'élaboration du concept de marge continentale passive. Cet article retrace l'évolution des idées à mesure que progressait l'étude des marges du golfe de Gascogne et de l'Ibérie occidentale. La connaissance des marges passives a bénéficié de l'imagerie géophysique, de campagnes de forages (programmes IPOD et ODP) et de campagnes de plongées en submersible. À la fin du vingtième siècle, après trente ans de recherches, la structure et les mécanismes de formation des marges passives semblaient élucidés, et permettaient d'interpréter l'histoire et la déformation des anciennes marges continentales impliquées dans les chaînes de collision.

Mots-clés : Marge continentale passive - chaînes plissées - océan Atlantique - serpentinite - Carte géologique de la France - XXe siècle.

Abstract.
After the statement of plate tectonics, French geologists and geophysicists, of industrial or academic origins, played à major part in the elaboration of the concept of passive margin. This paper shows that the evolution of ideas arose from studies in the Bay of Biscay and the western Iberia margins. Current knowledge on passive margins is based on geophysical data and on geological data collected by drilling (programs IPOD and ODP) or diving on board of research submersibles. The evolution and structure of such margins is now elucidated after thirty years of research, and it helps considerably the interpretation of palaeo-margins involved in collision chains.

Key words: Passive margin - Fold belt - Atlantic Ocean - serpentinite - Geological map of France - 20th century.

 

Introduction

Il n'est pas facile d'écrire une histoire à laquelle on a été étroitement mêlé. Le risque est grand d'être trahi par sa mémoire en dépit de la consultation des documents, et plus encore de proposer un regard trop personnel aux dépens de ce que l'on doit à sa communauté. Éloigné comme je le suis maintenant de mon ancien milieu professionnel, je ne suis pas sûr d'échapper à ce double danger, en dépit de ma vigilance. Dans cet article, je revendique donc le rôle de témoin sollicité plutôt que celui d'historien.

En 1960, les géologues explorant les fonds sous-marins étaient généralement cantonnés dans l'étude de la couverture meuble des fonds marins, faute d'outil permettant d'atteindre son substratum. Les précurseurs, comme Louis Dangeard en Manche ou Jacques Bourcart en Méditerranée, ne disposaient que du produit de dragages ou de carottages à piston pour se faire une idée des terrains plus anciens que le Pléistocène. En cas de dragage, ils n'étaient sûrs ni de l'emplacement exact de leurs prélèvements, la drague traînant longtemps sur le fond, ni de disposer d'échantillons arrachés " en place " parmi le " tout-venant " ramassé par leur outil. De plus, les moyens de localisation en mer restaient ceux de la navigation traditionnelle, inadaptée à la recherche scientifique. Enfin, l'imagerie géophysique était limitée au sondeur acoustique, accessible aux chercheurs depuis la fin des années 1940, mais très imprécis quand il était utilisé sur des fonds irréguliers.

L'essor de ma discipline est donc d'abord un effet des progrès dans les techniques d'imagerie, de prélèvement et de positionnement en mer. Le système Decca, dont j'ai profité en Manche occidentale dès 1960, plus tard la localisation par satellite, ont apporté à la navigation une précision qui lui manquait auparavant. La sismique réflexion, disponible elle aussi depuis les années soixante, a donné de la croûte superficielle des images certes déformées, mais interprétables en termes de structures géologiques. Plus récemment, le sondeur multifaisceaux a considérablement amélioré la connaissance morphologique des fonds sous-marins. Dans le même temps, le prélèvement d'échantillons géologiques " en place " par carottage, puis par forage, a imposé des contraintes sévères aux interprétations des images géophysiques. Enfin la visite des fonds sous-marins par des submersibles de recherche habités, capables de plonger jusqu'à 3000 m de profondeur (Cyana), puis à plus de 5 000 m (Le Nautile), a permis aux géologues marins de changer l'échelle de leurs observations en portant sur leur terrain le même regard direct que celui de leurs collègues " continentaux " travaillant à l'air libre.

Pourtant, ces progrès techniques n'auraient pas suffi à dynamiser autant qu'elle le fut la géologie sous-marine, bientôt toute la géologie, sans l'énoncé en 1968 de la théorie de la tectonique des plaques lithosphériques. Désormais les recherches en mer et à terre étaient orientées par un corpus théorique bientôt validé, qui changeait radicalement la vision de la planète et l'approche conceptuelle des géologues, qu'ils fussent marins ou terrestres. C'est dans ce contexte de profonde mutation que s'est déroulée ma carrière, du moins après la soutenance de ma thèse d'État (1964), faisant ainsi de moi un acteur, aujourd'hui un témoin privilégié, de l'âge d'or de ma discipline scientifique, entre 1967 et 2000.

Après Pierre Hommeril, qui a préparé en 2007 pour Géochronique un bref historique des débuts de la géologie marine en France (l'étude des phénomènes marins), j'ai à mon tour retracé, la même année et dans la même revue, le parcours des géosciences marines françaises (l'étude de la lithosphère submergée) depuis le milieu du vingtième siècle. Je reprends ici le sujet, avec plus d'espace pour le traiter, mais dans des limites plus précises : mon témoignage, en effet, ne concernera cette fois-ci que ce que j'ai vu et vécu de près, c'est-à-dire les recherches françaises sur les marges " passives " non-volcaniques, et le transfert aux chaînes plissées des concepts élaborés d'après les études menées dans le proche Atlantique européen. D'autres que moi diront l'histoire des idées concernant les marges " transformantes ", les marges passives volcaniques, les marges actives, les espaces océaniques, ou, plus régionalement, celle, très singulière, de la Méditerranée.

Enfin, mon projet n'est pas d'écrire un nouvel article scientifique. J'ai publié en 1984 avec Lucien Montadert, Marcel Lemoine et Bernard Biju-Duval, puis en 1998 avec Christian Coulon, deux ouvrages où le lecteur trouvera, dans un ordre imposé par la pédagogie, la matière scientifique dont je raconte l'élaboration progressive dans le texte d'aujourd'hui. L'illustration et la bibliographie seront donc dans cet article réduites à l'essentiel, permettant au lecteur de se reporter aux publications originales d'où ont émergé de nouveaux concepts.

I. Cartographie géologique de la plate-forme continentale française

La carte géologique de la France métropolitaine à 1/1 000 000 ne s'est pas toujours arrêtée comme aujourd'hui à la bordure de la plate-forme continentale (par convention, l'isobathe 200 m). Jusqu'à la fin des années 1970, elle était bornée par le trait de côte. Son agrandissement spectaculaire est le fruit d'un travail collectif d'une dizaine d'années, mené de 1967 à 1976, que l'on doit considérer comme le premier événement fondateur de la géologie sous-marine française d'aujourd'hui.

Le premier " coup de pioche " de ce chantier a été donné en 1966 quand deux techniques nouvelles furent mises à la disposition des chercheurs, qui, à l'époque, étaient plutôt des explorateurs : le carottage de roche, importé de Grande-Bretagne grâce au soutien d'Étienne Winnock (SNPA ; Société nationale des Pétroles d'Aquitaine), et la sismique réflexion légère, mise en œuvre pour la première fois en France par le BRGM (Bureau de Recherches géologiques et minières), sous l'impulsion de Robert Horn.

Les carottiers à roche étaient de petites torpilles inertes qui tombaient en chute libre au bout d'un câble, et venaient percuter les affleurements rocheux en prélevant parfois un échantillon géologique dans l'ogive d'acier terminant l'engin. Le carottier Stetson-Hill, le premier utilisé, revenait du fond marin la tête en bas, son câble étant fixé en queue. Il en résultait la perte fréquente de l'échantillon au cours de la remontée, de sorte que, entre les échecs du prélèvement proprement dit et la perte de l'échantillon avant son arrivée sur le pont du navire, le rendement de l'appareil ne dépassait guère 5 à 7 %. Un progrès fut accompli par le carottier Ville, plus lourd que son ancêtre, et surtout attaché au câble par la tête. L'appareil restait orienté vers la cible pendant la chute grâce à ses ailettes caudales, mais remontait ensuite la tête vers le haut, gardant ainsi plus facilement sa prise. Le rendement fut alors augmenté jusqu'à 20 % des lancers.

Pour établir la carte de la plate-forme française et asturienne (au sud du golfe de Gascogne), environ 3 500 échantillons furent recueillis en mer par carottage, ce qui nécessita près de 20 000 lancers de carottier. Encore faut-il se souvenir que les échantillons recueillis de cette façon étaient de très petite taille, souvent altérés par un long séjour au contact de l'eau de mer, ce qui ne facilitait pas l'identification des terrains dont ils provenaient. La collecte de ces échantillons demanda près de 300 journées de navigation sur de petits chalutiers loués, soit un an et demi de temps-bateau si l'on tient compte des aléas météorologiques, des transits et des nécessaires temps de carénage ou de repos pour les navires et leurs équipages. À mesure que progressait la collecte, une large communauté de pétrologues et de stratigraphes était mobilisée à terre, chargée d'exploiter " en temps réel " les données que leur apportaient les géologues " marins ".

Le temps de navigation nécessaire à l'enregistrement de la sismique réflexion légère fut à peu près du même ordre de durée que pour le prélèvement des échantillons (300 journées de navigation, un an et demi de temps-bateau, 45 000 km de profils). Les images morphologiques du fond sous-marin données par les sondeurs bathymétriques, associées à celles des coupes sismiques, servaient d'abord à repérer les affleurements rocheux, isolés parmi les vastes espaces plats recouverts de sédiments meubles. Les scientifiques embarqués devaient apprendre à distinguer sur les enregistrements du sondeur les reliefs sous-marins causés par les rides et les dunes de sable de ceux signalant les affleurements rocheux, avant de donner à l'équipage le signal du carottage. Les erreurs et les surprises, bonnes ou mauvaises, étaient fréquentes, car notre plate-forme continentale est aussi parsemée d'épaves…

Plus tard, après que les échantillons avaient été analysés et identifiés, il devenait possible d'identifier les images sismiques en les corrélant à des terrains géologiques. Enfin le dessin de la carte proprement dite imposait une démarche inverse de celle d'un étudiant établissant une coupe d'après un document cartographique : le rédacteur disposait d'un réseau de coupes géologiques plus ou moins distantes les unes des autres, et devait en déduire la répartition superficielle des terrains entre ces coupes. La quantité de données disponibles, pourtant considérable, ne fut cependant pas suffisante pour dépasser la précision requise pour l'établissement d'une carte à 1/1 000 000.

La liste des géologues embarqués et des spécialistes à qui était confiée l'identification des échantillons recueillis en mer n'a pas sa place ici. On la trouvera, avec les résultats scientifiques des études, dans le Mémoire du BRGM n° 79, publié en 1972, dans les Philosophical Transactions of the Royal Society of London parues en 1975, et dans les notices explicatives de la carte de la Manche (1974) et du golfe de Gascogne (1976). J'avais été chargé par le CNEXO (Centre national pour l'Exploitation des Océans), qui finançait les opérations maritimes, de coordonner la collecte des données en mer et de tracer, en collaboration avec mes collègues marins, les contours géologiques. La répartition sous-marine des terrains anté-mésozoïques fut confiée à Jean-Pierre Lefort, qui ne disposait pour cela que des résultats des carottages, la sismique étant inopérante sur cette sorte de terrains. Philippe Bouysse eut la responsabilité de réunir et d'homogénéiser l'ensemble de nos tracés pour l'édition des deux cartes (la Manche, puis le golfe de Gascogne) successivement publiées par le BRGM et le CNEXO. Depuis ces temps lointains, de rééditions en rééditions, la carte géologique de la France à 1/1 000 000, qui réunit les deux cartes originales de la Manche et du Golfe de Gascogne, transmet notre rédaction initiale pratiquement sans changement.

Tableau 1. Données utilisées pour établir la carte géologique à 1/1 000 000 de la plate-forme continentale française.

Pour donner la mesure de l'effort collectif consenti par la communauté nationale, je résume dans le tableau 1 la répartition des contributions à cet effort par les équipes et les organismes engagés dans le projet.

Enfin, l'élan suscité par cette entreprise cartographique novatrice nous a emportés au-delà du territoire national jusqu'à la plate-forme portugaise, dont nous avons établi la carte géologique à 1/1 000 000 avec Denis Mougenot et plusieurs étudiants doctorants (1978), y découvrant les effets d'un vigoureux diapirisme, et surtout ceux de la remobilisation méso- et cénozoïque des grands accidents " tardi-hercyniens " de la péninsule Ibérique, qui contrôlent encore aujourd'hui le tracé des grands canyons sous-marins creusés dans la marge continentale.

II. Du golfe de Gascogne aux chaînes plissées

Second événement fondateur : le colloque sur l'histoire structurale du golfe de Gascogne, tenu en 1970 à l'initiative de Jacques Debyser, Xavier Le Pichon et Lucien Montadert, et publié l'année suivante.

La théorie de la tectonique des plaques venait alors d'être énoncée. Xavier Le Pichon en donna tout aussitôt une brillante illustration dans le schéma d'ouverture du golfe de Gascogne, qui faisait des Pyrénées la cicatrice d'une faille transformante mésozoïque serrée au Tertiaire. Le golfe lui-même était alors présenté comme un ancien rift continental à extension oblique ayant donné naissance à un espace océanique au terme de son évolution, sous l'effet de la rotation ibérique guidée par la faille nord-pyrénéenne (pôle de rotation situé dans la région aujourd'hui parisienne).

L'exploration pétrolière en était alors à ses débuts dans l' " offshore " profond. L'équipe de l'Institut français du Pétrole (IFP), animée par Lucien Montadert, et le CEPM (Comité d'Études pétrolières marines), réunissant les compagnies pétrolières françaises, avaient enregistré depuis quelques années déjà de nombreux profils sismiques réflexion " lourde " au travers du Golfe. Le colloque donna l'occasion de les présenter et de les interpréter. Pour la première fois en France, le concept de marge continentale passive était illustré par une étude régionale : la marge nord du golfe montrait de façon claire l'héritage du rift continental qui a précédé la rupture entre l'Armorique et l'Ibérie, sa subsidence et son " engraissement " par les sédiments " post-rift " : failles normales abaissant le substratum de la plate-forme jusqu'à la plaine abyssale, et interrompues par des failles transverses ; séries sédimentaires pré-, syn- et post-rift, discordance post-rift. Des concepts fondamentaux, aujourd'hui familiers à tous les géologues, mais alors tout à fait nouveaux.

L'analyse ne portait cependant que sur les images sismiques des terrains sédimentaires superposés, dont les attributions géologiques faisaient encore l'objet de spéculations, faute de forages. Mais une autre idée se faisait jour sous ce nouveau regard : les structures sous-marines peuvent se prolonger à terre, le Bassin d'Aquitaine étant à l'évidence la continuation orientale de la marge sud-armoricaine.

Au sud, les choses paraissaient plus complexes. La jeune équipe que j'animais alors à Rennes, complétée par des collègues rouennais (Michel Lamboy et Pierre-Alain Dupeuble), n'avait pas accès aux puissants moyens techniques du CEPM ni à ceux du CNEXO. Toutefois, nos études sur la plate-forme asturienne et galicienne, menées parallèlement à la cartographie géologique de la plate-forme continentale française et avec les mêmes méthodes, nous avaient donné une légitimité pour participer au colloque et à ses débats. D'autant que nous montrions que les Pyrénées, définies par le faciès de leurs séries sédimentaires, l'orientation des principales structures et l'âge de leurs phases de déformation, se prolongent sous la mer le long de la bordure septentrionale de la péninsule ibérique jusqu'à la Galice et au-delà.

À cette surprenante donnée, il fallait une interprétation. Toujours à l'occasion du colloque sur le golfe de Gascogne, Jean-Claude Sibuet et Xavier Le Pichon, qui avaient analysé l'anomalie gravimétrique négative située au pied de la marge nord-espagnole, proposèrent de la considérer comme la signature géophysique d'une subduction partielle (et précocement interrompue) de l'espace océanique du golfe vers le sud, sous la péninsule ibérique, provoquée au Paléocène et à l'Éocène par le rapprochement de l'Ibérie et de l'Europe. Ils rendaient ainsi compte des raccourcissements subis à la même époque par les terrains mésozoïques, observés à la fois sur la plate-forme et au pied de la pente continentale.

Enfin, une discussion qui, sur le moment, parut anecdotique, ouvrit plus tard un large champ de recherche bien au-delà du golfe de Gascogne. Les failles normales héritées du rift sont-elles planes comme le proposaient les interprétations des profils sismiques enregistrés sur la marge celte-aquitaine (au nord du golfe), ou bien courbes comme le suggérait le basculement du banc marginal " Le Danois " au sud ? J'avais été préparé à ce débat par la fréquentation intellectuelle de Jacques Bourcart quand j'étais son assistant. Le vieux professeur qualifiait de " panaméennes " ces structures courbes, parce qu'elles avaient été observées et décrites pour la première fois lors du percement du canal de Panama, où elles provoquaient l'effondrement des berges à mesure que progressait le creusement. À une tout autre échelle, elles pouvaient expliquer le basculement du banc " Le Danois ", tel qu'il était " imagé " par la sismique. Le concept fut aussitôt adopté et généralisé, parce qu'il rendait compte des demi-fossés tectoniques observés dans les rifts actuels ou fossiles. Après 1971, la plupart des structures extensives des marges passives ont été interprétées de cette façon, que ce soit dans les océans actuels, dans les bassins sédimentaires ou dans les chaînes plissées héritées des marges continentales fossiles.

Toutefois, la réflexion, pour fertile qu'elle fût, ne s'arrêta pas avec la publication des actes du colloque. Certes, notre jeune équipe pouvait être fière d'avoir joué un rôle dans la promotion du concept de bloc basculé, et surtout d'avoir découvert, avec les faibles moyens dont elle disposait alors (le Job-ha-Zélian, un ancien chalutier de 20 m de longueur), les prolongements submergés des Pyrénées au nord de l'Espagne. Mais l'esprit est lent quand il s'aventure en terre inconnue. Il nous fallut longtemps pour renverser cette proposition et défendre une idée autrement plus féconde, qui allait bouleverser l'interprétation des Pyrénées, puis celle des Alpes : en réalité, ce sont les marges du golfe de Gascogne qui se continuent dans les Pyrénées, même si l'inverse est vrai aussi. Certes, la tectonique des plaques prévoyait l'affrontement de deux marges, l'une active, l'autre passive ou active, en cas de collision de plaques. Mais le concept n'avait pas encore été appliqué régionalement, et, surtout, les Pyrénées étaient alors interprétées, je l'ai dit, comme une ancienne faille transformante " intracontinentale ". Avec Ramon Capdevila (1977), il nous fallut donc beaucoup batailler pour imposer sur la chaîne émergée le même regard que celui porté sur son segment submergé, c'est-à-dire interpréter la chaîne tout entière comme le produit d'une collision continentale succédant à la subduction d'un espace océanique sous l'Ibérie : un espace totalement disparu à l'est (au sud de l'Aquitaine), en partie préservé à l'ouest (dans le Golfe), où subsiste une partie de la lithosphère océanique créée au Crétacé.

Presque en passant et sans nous en apercevoir, nous résolvions en même temps un problème posé depuis les débuts de la géologie : comment se fait-il que les zones structurales des chaînes plissées sont presque toujours superposées aux zones paléogéographiques, bien que les premières aient succédé aux secondes après plusieurs dizaines ou centaines de millions d'années ? Pourquoi la zone briançonnaise, par exemple, est-elle un trait permanent des futures Alpes du Jurassique et au Cénozoïque ? Lorsque j'étais étudiant, aucun professeur ne savait répondre à cette question.

Né dans les Pyrénées, le concept d'" inversion structurale ", sinon les termes apparus un peu plus tard, a enfin apporté une solution. Ce sont les structures héritées du rift qui contrôlent la morphologie des marges actuelles comme la paléogéographie des marges fossiles ; quelques dizaines ou centaines de millions d'années plus tard, les mêmes structures, restées depuis leur naissance des zones de faiblesse mécanique " dormantes " dans la lithosphère, sont réactivées en cas de raccourcissement horizontal. La pente continentale par exemple, lieu privilégié d'amincissement de la croûte pendant le rifting, devient un vivier de failles inverses, d'écailles et de nappes pendant l'orogenèse, les failles normales syn-rift étant " inversées ". Les blocs crustaux, basculés pendant l'extension, se transforment alors en nappes ou en écailles lors du raccourcissement, et ce d'autant plus facilement que les failles qui les limitent s'enracinent à faible pendage du fait de leur courbure.

Dans cette vision des choses, les écailles de la zone nord-pyrénéenne (ZNP) pouvaient provenir de l'une ou l'autre des marges affrontées, celle de l'Ibérie ou celle de l'Europe (le Sud du Bassin d'Aquitaine), qui ont suivi la même évolution. En 1977, nous avons opté pour l'appartenance ibérique de la ZNP, convaincus que ce que nous avions trouvé sur la plate-forme nord-espagnole en était le prolongement occidental. Ce n'est que plusieurs années plus tard (1986) que j'ai placé au contraire la frontière des plaques entrées en collision dans la zone de Lerz, dont les péridotites serpentinisées étaient devenues un marqueur d'espace océanique d'après l'expérience acquise sur la marge galicienne (§ IV). La zone nord-pyrénéenne fut alors attribuée, au moins en partie, à la marge aquitaine. Il reste, sans doute aujourd'hui encore, à découvrir ce qu'est devenue la marge profonde ibérique dans la chaîne émergée. Disparue dans le processus de subduction tertiaire ?

L'idée selon laquelle les chaînes plissées sont d'anciennes marges " écrasées " entre deux plaques entrées en collision a rencontré des résistances dans les Pyrénées, mais a connu un immense et immédiat succès dans les Alpes. Dès le début des années 1980, Marcel Lemoine et ses collaborateurs en proposaient une illustration dans le segment franco-italien de la chaîne. Depuis, tous les géologues européens ont visité, un jour ou l'autre, les blocs basculés des massifs cristallins externes, restés presque intacts dans le massif de Belledonne et inversés plus au nord.

III. Les forages IPOD sur la marge nord-Gascogne

C'est en 1975 que la France a souscrit au coûteux mais très fructueux programme international de forages océaniques IPOD (International Program of Ocean Drilling). Nouvel événement capital pour notre communauté, alors partagée en deux : d'un côté les géologues et les géophysiciens issus de l'Institut français du Pétrole ou du monde pétrolier, qui avaient accès aux données de sismique lourde indispensables à la formulation d'un projet de forage ; de l'autre les universitaires, participant aux campagnes de forages mais sans force de proposition efficace, faute de disposer des données géophysiques nécessaires au soutien de tels projets.

Dans ces conditions, rien d'étonnant à ce que les premiers forages pilotés par les Français fussent implantés sur la marge septentrionale du Golfe et aux " entrées occidentales " de la Manche, les " terrains d'entraînement " de l'IFP et des compagnies pétrolières (je présenterai plus loin le puits 398 foré en 1976 dans le bassin sédimentaire galicien). Il y a toujours deux chefs de mission pendant les campagnes de forages du programme international. Lucien Montadert fut le chef de mission français de la campagne 48 du Glomar Challenger (1976 ; publication des résultats en 1979), et Pierre-Charles de Graciansky, de l'École des mines de Paris, celui de la campagne 80 (1981-1985). Dans les deux cas, l'objectif était d'établir ou d'affiner la stratigraphie et l'histoire de la marge en identifiant les terrains auparavant " imagés " par la sismique. Ces objectifs furent en grande partie atteints, du moins pour ce qui concerne l'évolution depuis le Jurassique supérieur, en dépit de multiples difficultés techniques. L'on connaît donc, depuis la fin des années 1970 et le début des années 1980, l'histoire de la marge celte-aquitaine, et par conséquent celle du Golfe, au cours des derniers 150 millions d'années : plate-forme carbonatée tithonique établie avant le rifting ; extension pendant le Crétacé inférieur avant l'Albien ; subsidence thermique et enfouissement des structures syn-rift ensuite, contemporains, puis postérieurs à la naissance d'un espace océanique entre les marges. Un " événement " perturbe cependant cette évolution à l'Éocène, marqué par une faible discordance ou par une lacune dans la série sédimentaire ; il correspond à la subduction partielle du golfe profond sous l'Ibérie et à la naissance des Pyrénées.

Parvenu à mi-chemin de mon récit, il me paraît utile de faire le point. Nous sommes donc au milieu des années 1980. La tectonique des plaques à remplacé la théorie du géosynclinal dans l'interprétation des chaînes plissées, en posant une fois de plus le vieux principe de l'actualisme selon lequel les océans d'aujourd'hui donnent une image réaliste de ceux du passé. Pourtant, le modèle du géosynclinal avait approché de très près la réalité naturelle (Fig. 1). Il lui manquait seulement la connaissance des fonds océaniques pour interpréter correctement les observations de terrain : le " miogéosynclinal " des auteurs correspond à la plate-forme continentale, le " miogéoanticlinal " à la pente, enfin l'" eugéosynclinal " au glacis de la marge, où s'accumulent les turbidites et les flyschs. La connaissance de l'océan global progressant, l'ancien modèle fut rejeté comme obsolète, alors qu'il eut été plus profitable sans doute de traduire son langage dépassé en celui de la tectonique des plaques, plutôt que de jeter le bébé avec l'eau du bain. Mais qu'importe : désormais, le regard des géologues marins modifiait profondément celui des géologues terrestres, et les géosciences retrouvaient une unité en ne séparant plus les recherches en mer et à terre, sinon par les techniques d'investigation. Jean Aubouin parlait en ce temps là de la nécessaire " marche à la mer " des géologues terrestres. C'est plutôt la rencontre des marins et des terrestres qu'il faut célébrer, les premiers apportant l'image de l'océan d'aujourd'hui, les seconds ouvrant un accès aux océans du passé, là où l'orogenèse les ont portés à l'air libre sans trop les bouleverser, et où ils peuvent être observés à une tout autre échelle que sous la mer.

Fig. 1. Comparaison du modèle géosynclinal avec une marge stable, d'après Boillot, 1979, simplifié.

Il restait pourtant, vers 1985, bien des problèmes à résoudre. Certes, les forages IPOD avaient permis une clarification stratigraphique des marges du golfe ; certes l'imagerie sismique permettait de scruter les terrains sédimentaires à des profondeurs d'enfouissement où l'on ne pouvait encore les atteindre par forage. Mais les rapports initiaux des campagnes 48 et 80 du Glomar-Challenger s'achèvent par un questionnement frustrant, après tant d'efforts et d'investissements de recherche : comment s'effectue la transition entre la croûte continentale étirée et amincie de la marge passive et la croûte océanique de la partie profonde du golfe de Gascogne et de l'Atlantique ? La coulée basaltique touchée en pied de marge par un forage appartient-elle déjà à la croûte océanique, ou bien n'est-elle que le témoin d'une effusion volcanique syn-rift ? Que signifie ce puissant réflecteur sismique situé à la base des blocs marginaux basculés, nommé S, qu'aucun forage n'a pu atteindre ?

Énigmatique en effet ce réflecteur, qui apparait sur tous les profils sismiques enregistrés dans les régions profondes de la marge, là où la croûte continentale a été la plus amincie. Il ne peut s'agir du Moho, puisqu'il sépare des terrains appartenant à la croûte (vitesses sismiques de l'ordre de 4 à 5 km/s au-dessus du réflecteur, de 6 à 6,5 km/s en dessous). Est-il l'image d'une surface de décollement entre la partie superficielle et " fragile " de la croûte, là où s'individualisent les blocs basculés, et sa partie " ductile " plus profonde ? Il faudra attendre les études galiciennes pour trouver la solution (§ IV), tout à fait inconcevable en 1985. Notre discipline marche sur deux jambes : la géologie et la géophysique. Des échantillons sans corrélation sismique sont pratiquement muets ; des données sismiques sans corrélations géologiques ne parlent guère mieux…

Fig. 2. Structure de la marge septentrionale du golfe de Gascogne, d'après de Charpal et al., 1978).

C'est alors, vers le milieu des années 1980, à mi-parcours de l'aventure qu'elles avaient guidée jusque là, que les compagnies pétrolières françaises et l'Institut français du Pétrole prirent une décision aussi lourde de conséquence que surprenante : elles renoncèrent soudain aux recherches sur l'offshore profond. L'Institut français du Pétrole lui-même dut se résoudre à céder à l'IFREMER (Institut français pour l'Exploitation de la Mer), le successeur du CNEXO, les outils de prospection qu'il avait mis au point et utilisés depuis des années, tandis que les données sismiques qu'il avait réunies étaient offertes à la communauté scientifique tout entière (nous en avons profité dès 1982 pour établir avec Didier Derégnaucourt une nouvelle synthèse cartographique du golfe). Dès lors, s'ouvrait aux chercheurs du monde universitaire un espace jusque là protégé, tandis que l'IFREMER leur fournissait les moyens nautiques et géophysiques d'une exploration en eau profonde.

IV. De la marge de Galice aux chaînes plissées

Pourquoi quitter le golfe de Gascogne et s'intéresser désormais à la marge occidentale de la Galice ? C'est que cette marge comprend un large banc marginal éponyme, qui a protégé pendant toute son histoire la marge profonde des apports sédimentaires venus du continent, en les piégeant dans le bassin situé entre le banc et la côte ibérique. De sorte que, sur le versant océanique du banc, la couverture sédimentaire est mince et discontinue, ce qui donnait l'espoir de résoudre là, plutôt qu'au nord du golfe, où la couverture sédimentaire post-rift est au contraire épaisse, les deux problèmes laissés en suspens par l'IFP et les compagnies pétrolières : la transition entre les deux croûtes, continentale et océanique ; l'identification géologique du réflecteur S.

Pourtant, c'est encore un objectif stratigraphique qui fut poursuivi lors de la première campagne de forage entreprise en 1976 dans la région (Leg 47B ; résultats scientifiques publiés en 1979 et 1980, Jean-Claude Sibuet étant le chef de mission français). Un puits unique et profond (1 700 m de pénétration, record pour un forage océanique) fut implanté dans le bassin situé entre le banc et la plate-forme de Galice, destiné à identifier la série sédimentaire post-rift là où elle est épaisse et complète. Le trépan pénétra cette série depuis l'Holocène jusqu'à l'Aptien terminal, et s'arrêta juste à la discordance post-rift. À cette époque prévalait encore l'idée qu'un navire foreur avait pour objectif principal d'identifier les séries sédimentaires " imagées " par la sismique, avec l'arrière pensée d'en connaître l'éventuel potentiel économique.

À la fin des années 1970, le Groupe d'Études de la Marge continentale que je dirigeais alors, partagé entre Paris et la station marine de Villefranche-sur-Mer, n'avait pas encore les moyens de peser efficacement sur les programmes de forages. J'ai dit pourquoi : nous ne disposions pas des outils nécessaires à l'acquisition de données pouvant fonder un projet. Mais nous avions déjà accès aux navires de l'IFREMER et à un appareillage de sismique réflexion financé par le CNRS (Centre national de la Recherche scientifique), certes un peu fruste comparé à celui des pétroliers, mais suffisant pour distinguer sur le fond marin les reliefs appartenant au socle de la marge et localement débarrassés de leur couverture sédimentaire méso- et cénozoïque. À l'ouest du banc de Galice, en eau profonde, une petite colline sous-marine, nommée 5 100 d'après la cote de son sommet, large de 2 à 3 km seulement, offrait une cible à la fois séduisante et difficile : séduisante en ce sens qu'elle paraissait constituée de terrains issus du tréfonds océanique, juste à la transition entre les croûtes continentale et océanique ; difficile en raison de sa petite taille, du moins " vue " d'un navire de surface situé 5 km plus haut. Une campagne précédente avait manqué la cible. Celle de 1978 eut plus de succès. La drague ramena sur le pont une argile compacte, identifiée par Ramon Capdevila comme une péridotite serpentinisée et très altérée, que Jacques Kornprobst et ses collaborateurs ont analysée ensuite. Certes nous nous sommes trompés en interprétant d'abord la colline 5 100 comme un diapir (Boillot et al., 1980). Mais le signal de départ de l'aventure était donné.

Ce fragile indice fut en effet confirmé lorsque le nouveau navire de forage Joides Resolution préleva, non loin de l'emplacement du dragage, plusieurs carottes de la même roche mais beaucoup plus saine, d'aspect folié, pouvant être orientée par paléomagnétisme (pendage de la foliation : environ 30° vers l'est). C'était en 1985, au cours de la campagne 103 du programme ODP (Ocean Drilling Program, le successeur de IPOD), dont j'étais chef de mission avec Edward Winterer. À vrai dire, cette campagne cherchait, comme les précédentes, à atteindre des objectifs principalement stratigraphiques ; mais l'indice rapporté par le dragage de 1978 avait intrigué, et j'avais obtenu de consacrer une petite semaine sur les deux mois de la campagne à vérifier que des roches issues du manteau affleuraient bien en cet endroit.

Fig. 3. Chemin pression-température des péridotites forées à l'ouest de la Galice, d'après J. Girardeau et al. (1988).

Le " chemin pression température " de la roche (Fig. 3) fut établi par Jacques Girardeau et ses collaborateurs, parmi lesquels Marie-Odile Beslier, alors doctorante, et par Gilbert Féraud, puis par Urs Schärer, qui en ont daté les principales étapes. Suivant ce chemin, la roche, issue du manteau sous-continental, après une brève incursion dans le champ de la fusion partielle vers 25 km de profondeur (7 % d'extraction de magma), en est sortie vers -7 km il y a un peu plus de 120 Ma, et a atteint la surface vers -115 Ma. Replacée dans l'évolution de la marge établie par les forages dans la série sédimentaire, l'ascension des péridotites est contemporaine du " rifting ", et s'est achevée au moment de la rupture continentale, à l'Aptien-Albien. La dernière partie de l'évolution, notamment la serpentinisation, est affaire d'échange avec l'eau de mer (hydrothermalisme, puis altération superficielle à la mise à l'affleurement).

La preuve était donc établie que des terrains mantelliques ont pu être portés à la surface de la lithosphère lors de la séparation définitive entre l'Ibérie et l'Amérique. De plus, la cinématique de la déformation et le pendage vers l'Est de la foliation démontraient que le mouvement ascensionnel des roches ultrabasiques s'est opéré avec une composante vers l'ouest, en direction de l'axe du rift, le long de structures à jeu normal.

Fig. 4. Le modèle de cisaillement simple par une seule grande faille de détachement traversant toute la lithosphère. D'après Wernicke, 1985.

Simultanément, Brian Wernicke (1985) proposait un modèle qui répondait parfaitement à notre besoin d'explication (Fig. 4). Les études américaines dans les " Basin and Range " avaient mis en évidence la dénudation des niveaux structuraux profonds de la croûte par le jeu de failles plates à faible pendage, les " failles de détachement ". Wernicke eut l'idée de généraliser le modèle à la lithosphère tout entière, pour rendre compte de l'affleurement de roches ultrabasiques dans l'île de Zabargad, en mer Rouge. Notre cas régional pouvait s'interpréter de la même façon par le jeu d'une gigantesque faille de détachement à pendage est, enracinée dans le manteau sous le banc de Galice ou plus à l'est encore, et recoupant aujourd'hui le fond marin entre ce banc et la montagne 5 100. La déformation et l'histoire structurale des roches ultrabasiques forées suggéraient qu'elles appartenaient à - ou qu'elles se situaient à proximité immédiate de - cette faille.

Convaincus de la validité du modèle appliqué à une marge actuelle, nous avons proposé, avec Marcel Lemoine et Pierre Tricart (1987), d'expliquer l'ouverture de l'océan alpin à l'image de celle de l'Atlantique au pied du Banc de Galice. Cette note est aujourd'hui parmi les plus citées des vingt dernières années en géologie alpine. Elle a ouvert la voie à deux développements fondamentaux : les failles de détachement syn-rift restent dans la lithosphère des zones de faiblesse qui peuvent être facilement réactivées en cas de raccourcissement horizontal et devenir alors des surfaces de chevauchement (c'est donc un nouveau cas d'inversion tectonique) ; mais surtout, il fallait désormais regarder nombre de " charriages " dans les Alpes et ailleurs dans les chaînes plissées non pas uniquement comme des structures néoformées sous l'effet de raccourcissements horizontaux, mais aussi comme de possibles témoins beaucoup plus anciens de l'extension précédant la rupture continentale, demeurés presque intacts en dépit des bouleversements tectoniques ultérieurs.

Cependant, Jean-Pierre Brun, nous fit remarquer une contradiction, dans notre schéma dérivé de celui de Wernicke, entre le sens de basculement des blocs cristaux superficiels et celui du cisaillement dans la faille de détachement. Il fut alors décidé d'entreprendre une étude de modélisation analogique à l'université de Rennes, confiée à Marie-Odile Beslier. Le premier modèle, trop simpliste sans doute, fut modifié pour tenir compte des résultats de cette étude : la mise à nu du manteau en bordure de marge n'est sans doute pas due au fonctionnement d'une faille de détachement unique comme nous l'avions pensé d'abord, mais à un système de failles de détachement conjuguées, mieux en accord avec les simulations de laboratoire (Beslier et Brun, 1991).

Quoi qu'il en soit, c'est bien une de ces failles de détachement et son environnement géologique que nous avons visitée, après la campagne 103 de forage, lors de deux campagnes de plongées à bord du submersible Le Nautile, en 1986 et 1995.

La première de ces campagnes a permis de généraliser les résultats acquis par le forage. Au nord de la " montagne 5 100 ", les mouvements " pyrénéens " ont soulevé et porté à l'affleurement les terrains ultramafiques, au contraire recouverts de sédiments au sud, dans la plaine abyssale ibérique. Des échantillons de péridotite serpentinisée ont ainsi pu être prélevés par le submersible selon 5 coupes parallèles échelonnées sur 100 km de distance. Désormais, nous pouvions parler avec certitude d'une " ride de péridotite " bordant la marge.

Pendant la même campagne, d'autres plongées ont clarifié la structure des blocs basculés : les failles courbes vues en sismique ne sont en fait que l'enveloppe d'une série de failles normales à fort pendage qui fragmentent le versant abrupt des blocs : bel exemple du contraste d'échelle entre l'observation directe, à bord du submersible, et la vision indirecte par l'imagerie géophysique (Fig. 5).

Fig. 5. Coupe synthétique de la marge occidentale de la Galice, d'après Boillot et al., 1989.

Comme souvent dans la recherche, tous ces résultats ouvraient la porte à des développements scientifiques tout à fait imprévus, concernant la nature de la croûte à proximité de la marge, et celle du réflecteur S, aussi puissant sous la marge galicienne profonde qu'il l'est sous la croûte amincie de la marge armoricaine.

Nature de la " croûte " : un profond malentendu, sinon une confusion, s'est établi au fil des ans entre les géophysiciens et les géologues sur la définition du Moho. Pour les premiers, il s'agit de garder la définition initiale du concept, c'est-à-dire la limite entre des terrains transmettant les ondes P avec des vitesses inférieures (croûte) et supérieures (manteau) à 8,1 km/s. Malheureusement, les seconds ont voulu mettre des noms de roches sur les terrains, jusque là seulement caractérisés par leurs propriétés physiques. D'abord par hypothèse ; bientôt, par définition. D'où un dialogue de sourds. Les serpentinites appartiennent-elles à la croûte ou au manteau ? Au manteau, répondent les géologues, puisqu'elles proviennent de péridotites ; à la croûte répondent à juste titre les géophysiciens, puisqu'elles transmettent les ondes P avec des vitesses inférieures à 8,1 km/s. Le Moho doit-il être placé au contact entre les terrains issus de la croûte continentale et les péridotites serpentinisées, ou bien plus bas, à la surface séparant les péridotites fraîches des serpentinites ?

Au pied du banc de Galice, l'épaisseur de la couche de serpentinite dépasse plusieurs kilomètres : on le sait à la fois par calcul isostatique et par des données de sismique " grand angle ". Dès lors, on comprend pourquoi les vitesses sismiques croissent avec la profondeur : il n'est pas étonnant que la serpentinisation diminue avec l'éloignement de la source en eau (l'océan) lors du métamorphisme hydrothermal. J'ai naguère (1987) nommé " fonds du troisième type " ces zones où affleurent des serpentinites sans recouvrement de gabbros ni de basalte, pour les distinguer des fonds constitués de croûte continentale (la marge) et de la " vraie " croûte océanique (gabbros et basaltes), celle générée par les dorsales océaniques ordinaires. Depuis, ces gabbros et ces basaltes ont été découverts au pied de la marge de Galice, mais en couches très minces et discontinues, comme elles le sont dans le célèbre massif alpin du Chenaillet. Où commence la " croûte océanique " ? Je reviendrai sur la question à la fin de cet article.

Voilà donc une " croûte " et un Moho bien particuliers : dans l'océan, on s'attend plutôt, d'après les modèles classiques, à une succession verticale de gabbros et de basaltes au dessus des péridotites inaltérées ; ici au contraire, le Moho se confond avec le " front de serpentinisation ", ou, si l'on préfère, avec le " front hydrothermal ", c'est-à-dire la surface de changement de phase serpentinite-péridotite, contrôlée à la fois par la température (la serpentinisation n'est plus possible au-dessus de 600°) et par la profondeur maximale de la circulation hydrothermale. On peut même imaginer la mobilité d'un tel Moho, au gré des changements de température dans la lithosphère et de l'histoire géologique régionale.

Nature du réflecteur S : sur certains profils sismiques enregistrés sur la marge de Galice, on voit le réflecteur remonter vers la surface en direction de l'ouest, jusqu'à se confondre avec le flanc oriental de la ride de péridotite. D'où l'hypothèse qu'il sépare la croûte continentale fracturée (à l'est) des serpentinites de la ride (à l'ouest). Le fort contraste de densité entre ces deux sortes de terrains expliquerait alors très bien sa forte réflectivité.

Si l'on se réfère aux domaines océaniques générés par des dorsales " lentes ", où la " croûte " est constituée en grande partie de péridotites serpentinisées, le front hydrothermal (le Moho) se situe à environ 7 km de profondeur sous le fond marin. Au pied d'une marge passive, là où l'épaisseur de la croûte continentale tombe en dessous de ce chiffre, l'hydrothermalisme peut donc atteindre les péridotites sous-jacentes, donnant naissance à une couche de serpentinite " incrustée " à la base de la croûte continentale amincie. Le Moho est alors repoussé à plus grande profondeur (en 1989, nous avons nommé " undercrusting " ce processus).

Le réflecteur S n'est donc ni le Moho (même s'il l'a peut-être été avant la serpentinisation des péridotites), ni la limite fragile-ductile de la croûte continentale (il est situé au toit des serpentinites, qui peut cependant jouer le rôle de surface de décollement pour les blocs crustaux superficiels) ; il est l'image du contact tectonique entre terrains continentaux et serpentinites, interprété comme la faille de détachement postulée par le modèle de cisaillement simple. Le Moho, défini par les vitesses de propagation des ondes P, est nécessairement situé à plus grande profondeur, là où les serpentinites passent aux péridotites inaltérées.

Coupe géologique schématique montrant le contact de la croûte supérieure et des péridotites serpentinisées en bordure de la marge passive. D'après Boillot et al., 1995.

Une hypothèse, si convaincante soit-elle, ne vaut pas une observation géologique. La campagne Galinaute II (1995) de plongées en Nautile, la dernière de ma carrière, a permis de visiter le contact tectonique en l'un des rares endroits où il affleure (Fig. 6). De bas en haut ont été prélevés :

La ressemblance est saisissante entre les terrains situés sous le socle continental de la marge galicienne et les affleurements de roches vertes dans les Alpes du Sud. Marcel Lemoine, qui avait rejoint notre équipe dans les années 1980, nous l'avait bien montré dans le massif du Queyras. Manquait cependant alors la comparaison entre les ophicalcites alpines et la brèche échantillonnée au sommet de la zone de cisaillement du banc de Galice. Il est vrai que l'une est entièrement faite de serpentinite, le ciment aussi bien que les clastes, tandis que l'autre inclut des clastes granitiques ; mais ce peut être un effet d'une situation structurale un peu différente, les ophicalcites du Queyras étant situées en domaine franchement " océanique ", tandis que les brèches du banc de Galice sont en pied de marge. J'ai donc proposé, sans grand succès je dois l'admettre, de regarder les ophicalcites comme des brèches tectoniques à peine remaniées, et les fonds marins modernes ou anciens où on les trouve comme des surfaces structurales héritées de failles de détachement.

La communauté internationale avait cependant pris conscience, après la publication des résultats de la campagne de forages 103, de l'intérêt de recherches s'intéressant au socle des sédiments et non pas seulement à leur stratigraphie, et une vive concurrence opposait désormais notre groupe à des équipes anglo-américaines. Le besoin scientifique était maintenant d'étendre vers le sud, dans la plaine abyssale ibérique, les résultats acquis à l'ouest du banc de Galice, avant de rechercher dans l'océan global des situations structurales semblables. Le bébé, conçu en 1978, maintenant devenu grand, désormais m'échappait. Mon témoignage cesse donc à partir d'ici d'être fondé sur l'expérience personnelle.

Conduites par les équipes étrangères candidates à la poursuite du programme, plusieurs campagnes de géophysique (sismique grand angle, magnétisme, notamment) ont préparé la campagne ODP 149 dans la plaine abyssale ibérique, au large du Portugal (1993 ; résultats des forages publiés en 1994 et 1996). Les puits furent cependant implantés sur l'une de nos lignes sismiques, comme naguère ceux de la campagne 103 l'avaient été sur une ligne sismique de l'IFP. Marie-Odile Beslier fut invitée à se joindre à l'équipe scientifique embarquée, et, quelques années plus tard, elle fut nommée chef de mission de la campagne suivante (173, 1997 ; résultats publiés en 1998 et 2001).

Fig. 7. Coupe géologique synthétique de la plaine abyssale ibérique, d'après Brun et Beslier, 1996, modifié. Environ 60 km séparent les puits 901 et 897.

Les nouvelles données n'ont pas fondamentalement changé les conclusions des études conduites plus au nord. La chronologie du rifting et de l'ouverture océanique est à peine plus précoce dans la plaine abyssale ibérique qu'elle ne l'est à la latitude du banc de Galice (ouverture " en ciseaux ", du sud vers le nord). Le réflecteur S ici s'appelle L. Comme au pied du banc de Galice, les roches mantelliques ont subi une déformation extensive continue, à température et pression décroissantes, sous le rift continental précédant la déchirure entre l'Ibérie et l'Amérique. Les témoins de leur faible fusion partielle au cours de leur lente ascension n'ont été rencontrés que dans une brèche, sous la forme de quelques blocs basaltiques.

Toutefois, plusieurs différences significatives apparaissent : la zone d'affleurement des roches d'origine mantellique est beaucoup plus large dans la plaine abyssale ibérique (de l'ordre de 120 km) qu'au large de la Galice ; la tectonique extensive y a été aussi plus longtemps active, continuant après la serpentinisation des péridotites, et élargissant d'autant leur surface d'affleurement. De véritables " radeaux " (des klippes) de croûte continentale " flottent " ainsi sur le réflecteur L et sur les terrains ultramafiques (Fig. 7). Enfin, des lambeaux de croûte continentale inférieure ont été forés à proximité du réflecteur L sous la forme de roches mafiques (gabbros et amphibolites " sous-plaqués " au Permien, lors d'un épisode antérieur de l'histoire régionale). C'est là une avancée scientifique importante, la croûte continentale inférieure n'ayant été prélevée en Galice que sous la forme de " pierres volantes " éparses sur le fond et probablement issues de la brèche tectonique surmontant les serpentinites (Fuegenschuh et al., 2003).

Enfin, dernière conséquence, et non la moindre, de cette succession de forages et de plongées en Nautile au large de la Galice ou du Portugal : la réinterprétation et la " valorisation " des études menées dans les années 1970 et 1980 sur le " banc de Goringe ", un haut-fond situé à quelques 450 km à l'ouest du détroit de Gibraltar. Le sommet de ce " banc " n'est qu'à quelques mètres sous le niveau de la mer, ce qui a permis, en complément d'un court forage (Deep Sea Drilling Project 120), son exploration par submersible et le prélèvement d'échantillons sur une distance verticale de plusieurs milliers de mètres. D'après ces études, ce banc est un témoin de la croûte océanique de l'Atlantique, débarrassé de sa couverture sédimentaire et soulevé par la tectonique tertiaire. Des péridotites serpentinisées y affleurent largement, associées localement à des gabbros (500 m au plus épais) et à de rares basaltes intrusifs (Auzende et al., 1978 ; Groupe Cyagor II, 1984). Les péridotites sont foliées, et témoignent d'une tectonique extensive active au Crétacé inférieur, c'est-à-dire pendant le rifting de la marge sud-ibérique (Schärer et al., 2000). Sans le soulèvement tertiaire, le banc de Goringe occuperait donc à peu près la même situation structurale que la ride de péridotite galicienne et ses équivalents dans la plaine abyssale ibérique, à la même distance de la côte ; il doit par conséquent être considéré comme un témoin supplémentaire de l'espace lithosphérique jouxtant immédiatement la marge. Certes, il ne s'agit là que d'un court segment d'une coupe où manquent l'aval et l'amont ; mais il permet de prolonger la ceinture de serpentinites encore plus loin vers le sud, à plus de 700 km du banc de Galice.

Toutes ces données convergentes n'ont pas arrêté la discussion sur le moment où l'on doit situer le début de l'accrétion océanique. À la rupture continentale comme je le pense ? Où bien quand les serpentinites commencent à se recouvrir des produits de leur fusion partielle, gabbros et basaltes, sous l'effet d'une accélération de la divergence lithosphérique et d'un accroissement corrélatif de la fusion partielle des péridotites ? Question analogue sur la limite continent-océan : les fonds basaltiques de l'océan ouvert sont-ils vraiment d'une nature différente de ceux où affleurent les serpentinites ? Peut-on, sans risque d'erreur, différencier les péridotites appauvries mises en place sur le fond marin immédiatement après la rupture continentale de celles qui ont subi leur fusion partielle sous une dorsale lente ? Je laisse les pétrologues répondre ; mais il me semble que l'ouverture océanique est réglée par un continuum allant d'une divergence très lente au début, s'accélérant ensuite jusqu'au stade " dorsales lentes ", où une couche de gabbros et de basaltes relativement mince est mise en place sur les péridotites serpentinisées.

Plutôt que se fonder sur des critères pétrographiques parfois incertains, je penche donc pour l'emploi d'une définition cartographique plus simple : à mes yeux, l'ouverture océanique débute quant de nouvelles surfaces lithosphériques sont créées aux dépens du manteau, par tectonique extensive et/ou magmatisme, séparant ainsi définitivement deux domaines continentaux. Ce qui n'est pas continental (la marge) est océanique. Les " fonds de troisième type ", aujourd'hui désignés comme la " zone de transition continent-océan ", ne sont pas fondamentalement différents de leurs cadets nés après que la divergence des plaques a pris son régime de croisière. Les uns et les autres résultent d'une accrétion " tectonique " (par opposition à l'" accrétion magmatique " qui prévaut dans le cas des dorsales rapides), mettant en jeu des failles de détachement normales (Cannat et al., 1997) ; dans les deux cas, des péridotites serpentinisées contribuent majoritairement à la construction de la croûte. Finalement, avec quelques adaptations, le modèle de formation des marges passives est probablement transférable à ce type de lithosphère néoformée.

Enfin, avec Nikolaus Froitzheim (2001), nous avons aussi regardé, à la lumière des résultats des campagnes de forages et de plongées en submersibles, les anciennes marges exposées dans les Alpes, y trouvant nombre de caractères communs. Les idées lentement élaborées en trente ans, parfois par hasard, parfois par réflexion, toujours au contact du terrain (submergé ou émergé), se développent désormais bien loin du berceau où elles ont pris naissance.

Remerciements

Je remercie les collègues et les étudiants doctorants qui m'ont accompagné dans mon parcours depuis son début, qu'ils aient fait partie ou non du " Groupe d'Études de la Marge continentale ". J'en ai cité plusieurs dans cet article. A. Mauffret et J. Malod ont échappé à ce premier recensement ; et cependant, ils ont joué l'un est l'autre un rôle important dans l'équipe, l'un comme principal " interprétateur " des données sismiques, l'autre comme proche collaborateur dans certaines campagnes. J'ajoute les noms d'autres " marins " qui m'ont aidé ; par ordre d'apparition dans notre collaboration : M. Gennesseaux, J.-R. Vanney, F. Le Lann, L. d'Ozouville, A. Rousseau, A. Creissard, J. P. Leprêtre, I. Hennequin, P. Musellec, Ph. Baldy, G. Auxiètre, J.-P. Dunand, S. Grimaud, C. Lepvrier, G. Mascle, D. Derégnaucourt, D. Témime, M. Moullade, M. Comas, M. Thommeret, M. Ask, V. Gardien, J. Gil-Ibarguchi, G. Cornen, et tant d'autres venus me soutenir le temps d'une campagne. Parmi les spécialistes consultés pour l'exploitation des données recueillies en mer, et dont le nom n'a pas été cité dans le texte : A. Barthe, R. Deloffre, P. Andreieff, E. Buge, M. Durand-Delga, P.-Y. Berthou, J. Mergoil-Daniel, G. Torrent, C. Muller, J. Taugourdeau-Lantz, M. Recq, M.-F. Brunet, J. Murillas, B. Mamet, C.-M. Kravczyk, D. Rapin, T. Reston, P. Agrinier, A. Bitri, S. Charpentier. Je rends également hommages aux scientifiques embarqués avec moi sur le " Joides Resolution " pendant la campagne 103 du programme ODP, qui ont largement contribué à l'avancement des connaissances sur la marge galicienne. Enfin, je remercie Marie-Odile Beslier pour ses commentaires et corrections d'un premier état de cet article. Déjà longue et certainement incomplète, cette double énumération montre, s'il en était besoin, le caractère collectif de la recherche, et la difficulté pour un chef de projet, de mission ou d'équipe, de rendre compte avec quelque objectivité de sa contribution personnelle.

Orientation bibliographique (références par ordre chronologique)
1. Cartes géologiques

  • BOILLOT, G. et LEFORT, J.-P., assistés de CRESSARD, A. et MUSELLEC, P., avec la collaboration de AUFFRET, J.-P., BOUYSSE, Ph., HORN, R., LAPIERRE, F. et LARSONNEUR, C. (1974). Carte géologique de la Manche à 1/1 000 000. Édition coordonnée par Ph. BOUYSSE. Bureau de Recherches géologiques et minières, Service géologique national, et Centre national pour l'Exploration des Océans, Département Ressources minérales. Notice explicative en français et en anglais, 36 p.

  • BOILLOT, G. et LEFORT, J.-P., assistés de MUSELLEC, P. et GERARD, J.-P., avec la collaboration de BARUSSEAU, J.-P., BOUYSSE, Ph., DELANOË, Y., DURAND, A., FRAPPA, M., HENNEQUIN-MARCHAND, I., HORN, R., LAPIERRE, F., LEPRETRE, J.-P., MARTIN, G., PINOT, J.-P. et VANNEY, J.-R. (1976). Carte géologique du plateau continental du Golfe de Gascogne à 1/1 000 000. Édition coordonnée par Ph. BOUYSSE. Bureau de Recherches géologiques et minières, Service géologique national, et Centre national pour l'Exploitation des Océans, Département ressources minérales. Notice géologique en français et en espagnol, 48 p.

  • BOILLOT, G. et MOUGENOT, D., assistés de ENARD, G., avec la collaboration de BALDY, Ph., MOÏTA, I., MONTEIRO, J.-H. et MUSELLEC, P. (1978). Carte géologique du Plateau continental portugais. Instituto hidrografico, Serviço de Fomento mineiro e Serviços geologicos, Centre National pour l'Exploitation des Océans (Paris) et Universités de Rennes et de Paris.

  • DEREGNAUCOURT, D. et BOILLOT, G. (1982). Structure géologique (et carte structurale) du Golfe de Gascogne. Bulletin du BRGM, (2), 1982 (1), p. 149-178.

    2. Ouvrages généraux

  • DEBYSER, J., LE PICHON, X. et MONTADERT, L. (Eds.) (1971). Histoire structurale du Golfe de Gascogne. Institut français du Pétrole, Collection Colloques et séminaires, n° 22, Éditions Technip, 2 vol.

  • Colloque sur la géologie de la Manche, Paris, 14-15 janvier 1971. Mémoire BRGM, n° 79, 1971, 326 p.

  • A discussion on the geology of the English Channel / organized by Sir Kingsley DUNHAM and A. J. SMITH , Philosophical Transactions of the Royal Society of London. Series A, Mathematical and Physical sciences, 279, no. 1288 (1975), 195 p.

  • BOILLOT, G. (1979). Géologie des marges continentales. Masson, Paris, 140 p.

  • MONTADERT, L., ROBERTS, D.-G. et al. (Eds.) (1979). Initial Reports of the Deep Sea Drilling Project, 48, Washington (U. S. Government Printing Office), 1184 p.

  • SIBUET, J.-C., RYAN W. B. F. et al. (Eds.) (1979). Initial Reports of the Deep Sea Drilling Project, 47, part 2, Washington (U. S. Government Printing Office).

  • BOILLOT, G., MONTADERT, L., LEMOINE, M. et BIJU-DUVAL, B. (1984). Les marges continentales actuelles et fossiles autour de la France. Masson, Paris, 342 p.

  • GRACIANSKY, P. C. de, POAG, C. W. et al. (Eds.) (1985). Initial Reports of the Deep Sea Drilling Project, 80, Washington (U. S. Government Printing Office), 2 vol., 1258 p.

  • BOILLOT, G., WINTERER, E. L. et al. (1987 et 1988). Proceeding (Initial Reports and Scientific results) of the Ocean Drilling Program, 103, College Station, TX, 2 vol.

  • BOILLOT, G. et COULON, C. (1998). La déchirure continentale et l'ouverture océanique. Géologie des marges passives. Gordon and Breach Science Publishers, 212 p.

  • SAWYER, D. S., WHITMARSH, R. B. et KLAUS, A. (Eds.), (1994 et 1996). Proceedings (Initial Reports and Scientific results) of the Ocean Drilling Program, 149, College Station, TX, 2 vol.

  • WHITMARSH, R. B., BESLIER, M.-O., WALLACE, P. J. et al. (1998). Proceedings (Initial Reports) of the Ocean Drilling Program, 173, College Station, TX, 493 p.

  • WILSON, R. C. L., WHITMARSH, R. B., Taylor, B. et FROITZHEIM, N. (2001). Non-volcanic rifting of continental margins: a comparison of evidences from land and sea. Geological Society, London, Special Publication, 187, 585 p.

    3. Articles cités
    (les articles publiés dans les Actes du Colloque sur le golfe de Gascogne ou dans les " Proceedings of the ODP " ne sont pas inclus dans cette liste ; le lecteur les trouvera dans les ouvrages référencés à la rubrique " ouvrages généraux ")

  • BOILLOT, G. et CAPDEVILA, R. (1977). The Pyrenees: Subduction and collision? Earth and Planetary Science Letters, 35, p. 151-160.

  • AUZENDE, J.-M., OLIVET, J.-M., CHARVET, J., LELANN, A., LE PICHON, X., MONTEIRO, J. H., NICOLAS, A. et RIBEIRO, A. (1978). Sampling and observation of mantle and crust on Gorringe Bank. Nature, 273, p. 45-49.

  • DE CHARPAL, O., GUENNOC, P., MONTADER, L. et ROBERTS, D. G. (1978). Rifting, crustal attenuation and subsidence in the Bay of Biscay, Nature, 275, n° 5682, p. 706-711.

  • BOILLOT, G., GRIMAUD, S., MAUFFRET, A., MOUGENOT, D., KORNPROBST, J., MERGOIL-DANIEL, J. et TORRENT, G. (1980). Ocean-continent boundary off the Iberian margin: a serpentinite diapir west of the Galicio Bank. Earth and Planetary Sciences Letters, 48, p. 23-34.

  • LEMOINE, M., GIDON, M. et BARFETY, J.-C. (1981). Les massifs cristallins externes des Alpes occidentales : d'anciens blocs basculés nés au Lias lors du rifting téthysien. Comptes Rendus de l'Académie des Sciences, Paris, 292, (II), p. 917-920.

  • Cyagor II Group (1984). Intraoceanic tectonism of the Gorringe Bank: Observation by submersible. In: GASS, J. G., LIPPARD, S. J. et SHELTON, A. W. (Eds.), Ophiolites and oceanic lithosphere. Geological Society of London Special Publication, 13, p. 113-120.

  • WERNICKE, B. (1985). Uniform-sense normal simple shear of the continental lithosphere. Canadian Journal of Earth Sciences, 22 (1), p. 108-125.

  • BOILLOT, G., (1986). Comparison between the Galicia and Aquitaine margins. Tectonophysics, 129, p. 243-245.

  • BOILLOT, G. (1987). Les fonds sous-marins du troisième type. La Recherche, 18, n° 193, p. 1294-1303.

  • LEMOINE, M., TRICART, P. et BOILLOT, G. (1987). Ultramafic and gabbroic ocean floor of the Ligurian Tethys (Alps, Corsica, Appennines): in search of a genetic model. Geology, 15, p. 622-625.

  • GIRARDEAU, J., Evans, C.A., et Beslier, M.-O. (1988). Structural analysis of plagioclase bearing peridotites emplaced at the end of continental rifting: hole 637 A, ODP Leg 103 on the continental margin. Proceeding ODP, Scientific Results, 103, College Station, TX, p. 209-223.

  • BOILLOT, G., FÉRAUD, G., RECQ, M. et GIRARDEAU, J. (1989). Undercrusting by serpentinite beneath rifted margins. Nature, 341, n° 6242, p. 523-525.

  • BESLIER, M.-O. et BRUN, J.-P. (1991). Boudinage de la lithosphère et formation des marges passives. Comptes Rendus de l'Académie des Sciences, Paris, 313 (II), p. 951-958.

  • BOILLOT, G., AGRINIER, P., BESLIER, M.-O., CORNEN, G., FROITZHEIM, N., GARDIEN, V., GIRARDEAU, J., GIL-IBARGUCHI, J.L., KORNPROBST, J., MOULLADE, M., SCHÄRER, U., et VANNEY, J.-R. (1995). A lithospheric syn-rift shear zone at the ocean-continent transition : preliminary results of the GALINAUTE II cruise (Nautile dives on the Galicia Bank, Spain. C. R. Acad. Sci., Paris, 322, (2A), p. 1171-1178.

  • BRUN, J.-P., et BESLIER, M.-O. (1996). Mantle exhumation at passive margins. Earth and Planetary Sciences Letters, 142, p. 161-173.

  • CANNAT, M., LAGABRIELLE, Y., BOUGAULT, T.H., CASEY, J., DE COUTURE, N., DIMITRIEV, L. et FOUQUET, Y. (1997). Ultramafic and gabroic exposure at the Mid-Atlantic ridge: geological mapping in the 15° N region. Tectonophysics, 279, p. 193-213.

  • SCHÄRER, U., GIRARDEAU, J., CORNEN, G. et BOILLOT, G. (2000). 138-121 Ma asthenospheric magmatism prior to continental break-up in the North Atlantic and geodynamic implications. Earth and Planetary Sci. Letters, 181, p. 555-572.

  • BOILLOT, G. et FROITZHEIM, N. (2001). Non volcanic margins, continental break-up and the onset of sea-floor spreading : some outstanding questions. Geological Society of London, Special publication 187, p. 9-30.

  • FUEGENSCHUH, B., FROITZHEIM, N., CAPDEVILA, R., et BOILLOT, G. (2003). Offshore granulites from the Bay of Biscay margins: fission tracks constrain a proterozoic to tertiary thermal history. Terra Nova, 15, p. 337-342.

  • HOMMERIL, P. (2007). Les débuts de la géologie marine. Géochronique, n° 101, p. 47-49.

  • BOILLOT, G. (2007). Le développement des géosciences marines en France. Géochronique, n° 103, p. 19-21 (correction d'un erratum dans le n° suivant de la même revue).