LES ANNALES DES MINES – GERER ET COMPRENDRE N°50 DECEMBRE 1997
Editorial par Pascal LEFEBVRE
REALITES MECONNUES |
LES LUNETTES DU PRINCE
Par Claude RIVELINE
Professeur à l’Ecole des Mines de Paris
" L’objet que l’on voit le plus mal, disait le philosophe Heidegger, c’est la paire de lunettes que l’on porte devant les yeux ". A l’évidence, l’actualité de cette maxime ne s’est pas démentie. Si le Prince, aujourd’hui, a porté son regard vers d’autres objets – le déséquilibre de notre balance commerciale ayant été remplacé par le chômage au premier rang de ses soucis – est-il, pour autant, plus libre du choix de ses lunettes ? Les lentilles ont sans doute changé, mais le pouvoir se garde encore trop souvent du contact avec le réel.
CABINET MINISTERIEL
Sur des idées de Philippe ROQUEPLO
Production et dialogues du groupe Ethnographie des organisations
Traduction et mise en scène de Michel MATHEU
Depuis que Philippe Roqueplo a quitté les allées du pouvoir, le char de l’Etat a tracé sa route, imperturbable.
" L’Etat serait-il une force qui va… ", s’interrogeait alors le rédacteur en chef " … ou plutôt une arène où s’affrontent des combattants ? "
Les alternances se sont succédé, mais le petit miracle que décrivait l’auteur a continué de se produire, toujours aussi laborieusement moulu par l’énorme machinerie des procédures. Moderniser l’Etat ?
Il en est toujours question !
CREER DES EMPLOIS… VOUS AVEZ DIT CREER ?
Par Michel-Louis LEVY
Institut national d’études démographiques
S’il est un débat qui, depuis onze ans, est resté brûlant, c’est bien celui de l’emploi. Tellement brûlant, au reste, que bien peu d’idées neuves ont résisté à l’épreuve du feu et que le chômage dévore toujours, mois par mois, son quota d’emplois. Et si le problème, dès le départ avait été mal posé ? Et si la notion même d’emploi, cette fausse évidence, méritait qu’on la définisse avec un tant soit peu de rigueur ?
Certes, la réflexion de Michel-Louis Lévy dérange bien des idées reçues, mais elle pose toujours aussi clairement les prémisses du débat.
LE SIEGE VERTICAL
Vivre et communiquer dans une tour de bureaux
Par Jacques GIRIN
Centre de recherche en gestion de l’Ecole polytechnique
Les tours sont toujours là. La crise de l’immobilier a beau être passée par là, le skyline de la Défense s’enrichit toujours de nouvelles venues. Et on y travaille encore, avec les mêmes difficultés, et malgré le grand spectacle de la ville à ses pieds. Tant de lecteurs se sont reconnus dans cet article qu’il est devenu emblématique de l’approche clinique appliquée à la gestion telle que Gérer & Comprendre la défend.
HIER ET AUJOURD’HUI |
LA GESTION HEROIQUE
Souvenirs du temps du père Renault
Par Jacques SEJOURNET
Zéro bureau, zéro méthode (ou si peu), des cadres musclés et un esprit maison très particulier, la brutalité de la gestion façon Louis Renault est légendaire. Mais quand arrive dans la citadelle de l’Île Seguin un jeune polytechnicien, entré par la petite porte et malgré le mépris du patron pour les ingénieurs, c’est une version 1930 du réengeniering qui se met en place dans les ateliers et une autre qualité des rapports entre cadres et ouvriers qui émerge.
TEMOIGNAGE |
CHRONIQUE D’UN PATIENT RETOUR AU RUSTIQUE
Par Erhard FRIEDBERG Et Francis PAVE
Centre de Sociologie des Organisations
Baisser les coûts de production. Donc, automatiser, puisque c’est dans l’air du temps. Donc, réduire les effectifs ou, de préférence, délocaliser. Ce simplisme érigé en technique de gestion nourrit les rancoeurs des salariés sans pour autant garantir, à l’entreprise qui s’y soumet, les profits escomptés et le développement à long terme. Une approche fine des coûts de production, un refus de sacrifier aux modes et au spectaculaire, une implication forte du personnel montrent au contraire que la brutalité en gestion n’est pas la panacée et que l’intelligence et le pragmatisme peuvent, eux aussi, faire gagner de l’argent.
EN QUÊTE DE THEORIES |
PEUT-ON REDRESSER UNE ENTREPRISE AFRICAINE EN RESPECTANT LA PAROLE DES ANCÊTRES ?
Par Alain HENRY
Caisse française de développement
En dix ans, bien peu de choses ont changé dans les économies africaines. On peut même penser, à de multiples égards, qu’elles ont empiré. Les experts occidentaux n’ont pas su, ou pas pu, réussir le redressement des entreprises publiques locales et les investisseurs se sont détournés de l’Afrique. Qui faut-il incriminer ? Avant tout, l’écart qui sépare la gestion occidentale et les modèles organisationnels et sociaux africains.
Un écart qu’on ne parvient toujours pas à combler par des pratiques de gestion originales et adaptées.
REALITE MECONNUE |
LA DRÔLE DE NEGOCIATION
Par Christian MOREL
La conflictualité au sein du monde du travail semble, à l’aune des jours de grève déclarés, avoir baissé considérablement. La pression du chômage et la peur du licenciement y sont sans aucun doute pour beaucoup, la crise du syndicalisme français aussi, qui s’est aggravée. De nouveaux acteurs sont certes apparus, pas toujours soucieux de démocratie, mais la représentativité des négociateurs est toujours aussi faible face à la masse des non-syndiqués, des coordinations ou des exclus du travail, de récents et violents conflits l’ont montré. Cet apaisement, ne serait-il qu’apparent ? Sur ce point, les analyses de Christian Morel restent fort éclairantes.