Marie Adèle Pierre Jules TISSOT (1838-1883)

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1855 ; entré classé 50, sorti classé 7 sur 144 élèves) et de l'Ecole des Mines de Paris (entré classé 5 sur 6 élèves). Corps des mines.

Fils de Claude TISSOT, maître de poste, et de Catherine Virginie BERNOT.


Publié dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME III

Né le 10 septembre 1838, mort, le 25 novembre 1883, Polytechnicien de la promotion 1855, il fut Ingénieur en chef en Algérie, où toute sa carrière s'était écoulée. Tissot avait des vues géogéniques et cosmogéniques si originales que l'Administration se refusa à éditer, voire même à subventionner, le texte explicatif de sa carte dans lequel il ne faisait cependant que des allusions aux théories développées dans son Essai de Philosophie naturelle, dont la rédaction acheva de l'épuiser.

Tissot, mettant à profit les observations de ses prédécesseurs Dubocq, Linder et Moevus, put publier, en 1881, une carte géologique de la province de Constantine ; c'était un travail énorme, fruit de vingt ans d'efforts, singulièrement ardu avec l'étendue des terrains embrassés et les difficultés de toutes sortes que présentait leur parcours; la valeur pratique de l'oeuvre ne laissa pas d'être considérable, nonobstant les idées géogéniques discutables et fort discutées de l'auteur.


Philippe THOMAS (1863-1910), vétérinaire militaire qui utilisait ses congés pour faire des études géologiques, découvrit en 1873 les phosphates dans les monts Fatah, au sud de Boghar, mais ne prit conscience de l'importance de la découverte que lorsqu'il les redécouvrit en 1885 près de Ras-el-Aïoun au sud-ouest de la Tunisie. La découverte des phosphates ne fut "homologuée" qu'après les analyses des échantillons de THOMAS par Adolphe CARNOT (octobre 1885) et rapport à l'Académie des Sciences (décembre 1885).
Voici ce que THOMAS écrit au sujet de TISSOT dans ses mémoires :

« Pour mémoire et pour ne rien laisser dans l'ombre concernant la découverte des phosphates nord-africains, je dois ajouter que mon observation du niveau phosphatifère des monts Fatah fut portée par moi à la connaissance du savant et excellent ingénieur en chef des mines de Constantine J. Tissot, que j'eus le plaisir de connaître pendant les années 1874 à 1880, lorsque je dirigeais le pénitencier agricole indigène d'Aïn-el-Bey. Tissot vivait à la popote des officiers du génie, à laquelle j'avais mon couvert mis toutes les fois que les affaires du pénitencier m'appelaient à Conslantine. Nos marteaux de géologues eurent bientôt établi entre nous un amical trait d'union. Lorsque je lui fis part de mon observation de 1873, il manifesta une vive curiosité et s'écria qu'elle ne le surprenait point, qu'il avait toujours pensé que les marnes ou les calcaires du Suessonien devaient être phosphatifères, puisqu'ils produisenl les meilleures terres à blé de sa province...

» Il reproduisit à peu près cette phrase de la page 35 de la Notice minéralogique qu'il rédigea plus tard, en 1878, à l'occasion de l'Exposition universelle de Paris, phrase que j'ai citée dans ma note à l'Académie des sciences du 30 janvier 1888.

» Tissot avait nettement entrevu la probabilité de l'existence de phosphates sédimentaires dans l'Afrique du Nord : son esprit observateur et son remarquable coup d'oeil l'avaient conduit à deux doigts de leur découverte. »

L'importance de la découverte de Philippe Thomas, qui apporta à l'Algérie et à la Tunisie une source de richesses considérables, n'a pas besoin d'être soulignée. On peut se demander pourquoi Tissot n'a pas davantage tenu compte et profité de la constatation de son collègue et ami. Il n'empêche que l'Histoire crédite la découverte des phosphates à Philippe Thomas : c'est à son nom qu'une rue fut baptisée à Sfax de son vivant ; c'est lui qui reçut en 1908 une récompense de 25.000 F de la Compagnie de Gafsa, c'est lui auquel le gouvernement tunisien vota une rente viagère de 6.000 F réversible sur sa fille, c'est pour lui que le bey Mahomed en Nacer rebaptisa Metlaouï-gare en "Philippe Thomas".