Richard Pennefeather ROTHWELL (1836-1901)

Ecole des mines de Paris. Ingénieur civil des mines. Voir le bulletin de notes de Rothwell pour les 2 premières années à l'Ecole des mines.

Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des Mines, 1901


Richard Pennefeather ROTHWELL
par Ferd. GAUTIER

Son père, originaire d'Irlande, avait fait ses études dans ce pays, au Trinity Collège de Dublin, puis il avait émigré au Canada comme pasteur; c'est là, à Oxford, dans la province d'Ontario, qu'est né Rothwell, en 1836.

Après avoir débuté par des études de droit, il se tourna vers la profession d'ingénieur et entra dans ce but à Troy, au Rensselaer Polytechnic Institute, dans l'Etat de New-York. Ayant obtenu son diplôme il se rendit à Paris, à notre Ecole des mines, et, de 1859 à 1862, en suivit les cours. De là, il vint à Freiberg, comme l'a fait Coxe, et y apprit plus particulièrement l'exploitation des mines et la préparation mécanique.

Il débuta dans la fabrication des câbles télégraphiques à Woolwich, où il resta quelque temps, en passant par les bureaux, puis par l'usine, dans le but unique d'apprendre comment se traitent les affaires en Angleterre. Il retourna ensuite au Canada et de là aux États-Unis, dans la région des mines d'anthracite, où il retrouva Coxe qu'il avait connu à Paris à l'École des Mines.

Pendant dix ans il fut mêlé activement à l'équipement et à l'exploitation de plusieurs mines d'anthracite et introduisit des perfectionnements dans la fabrication des câbles métalliques, comme dans celle des concasseurs. Il entreprit aussi dans l'Alabama et dans le Wyoming des cartes de régions minières importantes ; elles sont considérées comme des modèles, tout comme des travaux de ce genre qu'il avait exécutés en Pensylvanie.

Il s'occupa beaucoup de grisou et d'incendies de mines, où il acquit une grande autorité. Dans une certaine occasion, où il dut attendre pendant trente-six heures l'autorisation des propriétaires, car le cas était grave, il sauva la mine d'une destruction complète en bouchant le puits principal et prévint la propagation du grisou par des injections d'eau et d'acide carbonique. Dans l'enlèvement d'une cage il entraîna ses hommes en marchant le premier et réussit dans son entreprise périlleuse ; il avait pris le temps de faire son testament avant de descendre, tant il jugeait la chose dangereuse; une lampe de sûreté introduite au sommet du puits, un moment après sa fermeture, donna des indices certains de gaz explosif. On inonda la mine avant de la rouvrir et on évita ainsi tout accident de personnes, ce qui était loin d'avoir eu lieu, quelque temps auparavant, au même puits et sous une autre direction.

Dans une autre occasion, à West-Pittston, il eut encore lieu de montrer autant de courage que d'habileté. Après un coup de grisou qui fit 24 victimes, il organisa le sauvetage de ceux qui restaient encore, se mit à la tète de quelques volontaires, pénétra dans la remontée où sa connaissance de la mine lui faisait supposer que se trouvaient les survivants dont on entendit bientôt les appels et réussit, dans la fumée et l'eau qui montait à en arracher la moitié à la mort.

Dans une communication que faisait Rothwell sur les accidents de mines, il eut l'occasion de faire allusion au dernier cas que nous venons de relater; il avait retracé pathétiquement toutes les phases du danger et avait obtenu un grand succès ; quand il eut terminé et que les applaudissements eurent cessé, le Dr Raymond, ancien président et actuellement secrétaire général de l'American Institute of Mining Engineers, se leva pour dire que dans l'exposé qu'on venait d'applaudir, il y avait une erreur capitale qui demandait une rectification. Il retraça alors, en termes émus, le rôle héroïque de notre camarade, dont sa modestie l'avait empêché de parler et redoubla son succès mérité.

Nous avons dit déjà, que Rolhwell a été, avec Coxe et Egleston, un des fondateurs de l'Association des ingénieurs des mines américains. Il en devint le président en 1882 seulement, continuant toujours à ne se mettre en avant qu'a l'heure du danger.

Il ne saurait rentrer dans notre cadre de parler des nombreux écrits de Rothwell. Ils ont trait, en majeure partie, aux mines de houille et d'anthracite; il affectionnait, comme Coxe,les questions d'économie dans l'exploitation et de gaspillage dans le concassage qui précède le classement en morceaux d'égale grosseur, si important pour la bonne combustion de l'anthracite. On y trouve naturellement, les Incendies dans les mines, leurs causes et les moyens de les éteindre. Les minerais d'argent de l'Utah et du Nevada, les gisements aurifères de l'Ontario et du sud de Saint-Domingue ont été aussi le sujet de travaux de sa part ; mais Rothwell y reste plutôt mineur , sans aborder les questions métallurgiques vers lesquelles sa carrière ne l'avait pas entraîné.

Il fut l'un des éditeurs de l'Engineering and mining Journal, qui réunit, a la fois, le caractère scientifique et commercial et dont il assura le succès malgré la plus grande indépendance.

Il fut, aussi, le principal éditeur delta Scientific Publishing Co, qui comprend, comme on sait, des ouvrages de grande valeur et de nature à la fois théorique et pratique, tels que Modem Copper smelting, par Peters ; Metallurgy of Lead, par Hofman ; Metallurgy of Steel, par Howe; Ore deposits of the United States, par Kemp; toutes les oeuvres de Sterry Hunt et quantité d'autres volumes intéressants.

Nous ne saurions terminer cette courte notice sur Rothwell, sans parler de son Mineral Industry; Statistics, Technology and Trade. Chaque année, depuis 1892, il faisait paraître sous ce titre un gros volume, parfaitement documenté, rapidement et exactement renseigné, qui n'a rien d'analogue en ce genre en Europe. On y trouve, outre des statistiques presque aussi exactes que celles qui ont un caractère officiel et qui paraissent si tardivement, des renseignements commerciaux et une série de notices, d'inégale valeur sans doute, mais qui sont faites et signées, dans la plupart des cas par des spécialistes d'Amérique et même d'Europe, dont beaucoup sont connus et méritent de l'être.

Au point de vue inventif, Rothwell, durant sa longue et remarquable carrière, laisse une machine à faire les câbles métalliques, un grilleur rotatif, un filtre-presse, une méthode d'exploitation des minerais de consistance molle et qui suffiraient pour ne pas laisser oublier son nom.

Des trois fondateurs de l'Association des ingénieurs américains, ce fut lui le membre le plus actif, et peut-être celui qui en eut la première idée.

Ses relations avec la France et l'École des Mines, par la cessation de ses voyages en Europe, n'ont pas eu l'occasion de prendre le même caractère bienveillant que les deux autres camarades dont nous avons parlé ici. Il avait cependant conservé quelques liens, comme membre de l'industrie minérale, de la Société Géologique de France, etc.; la Société d'Encouragement pour l'Industrie nationale de France lui a décerné une médaille d'or en 1898, pour son ouvrage colossal, Minéral Industry, qui a presque le caractère d'une encyclopédie.

Nous sommes donc heureux, en saluant sa mémoire, de revendiquer Rothwell comme un ingénieur remarquable par ses oeuvres comme par son courage personnel, et comme un des bons fruits de notre École.

Ferd. GAUTIER.