André RABUT (1883-1915)

Fils de Charles RABUT (1852-1925 ; X 1871), grand constructeur de ponts et viaducs, professeur à l'Ecole des ponts et chaussées, membre de l'académie des sciences.
Petit-fils de Nicolas RABUT, commissaire de police à Paris, et de Stéphanie FOUINUT.

Ingénieur civil des mines de la promotion 1903 de l'Ecole des Mines de Paris.


Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, Juillet et Août 1915

André Rabut, né le 26 avril 1883, était le fils de l'inspecteur général des Ponts et Chaussées, célèbre par sa participation aux travaux d'agrandissement des abords de la gare Saint-Lazare. Il fut élève à Stanislas et au lycée Hoche où il eut, en philosophie, le 1er prix de physique au Concours général. En 1903, il était reçu à l'École Supérieure des Mines. Il en sortit quatrième, après avoir été choisi par ses camarades pour être leur représentant au sein du Comité de l'Association (1907-1908).

Sa trop courte carrière d'ingénieur s'écoula entièrement à la Cie des Mines de la Grand'Combe; il y fit ses débuts en 1908, mais devait cependant la quitter, à la fin d'août 1914, pour entrer au service de la Société des Hauts-Fourneaux et Aciéries de Caen, où une belle situation lui était assurée avec de brillantes perspectives d'avenir.

A la Grand'Combe, Rabut fut toujours attaché à la section de La Fontaine (division de Trescol) qu'il dirigea au bout de peu de temps. Son activité ne se bornait pas seulement à satisfaire les exigences de son service; il travaillait beaucoup par lui-même et pour lui-même, aimant à scruter toutes les questions intéressantes qui se présentaient à lui. Il commença par écrire des articles de revue d'un intérêt général. Citons par exemple une note sur les dégagements spontanés d'acide carbonique, parue le 25 septembre 1909 dans la Revue Scientifique (revue rosé). Ensuite, il en vint à l'étude de points particuliers, que ses recherches personnelles avaient creusés d'une façon spéciale, parfois même avaient éclairés d'un jour nouveau. Dans cette dernière catégorie entre son travail sur les crochets d'attelage de berlines, qui a fait l'objet d'une conférence de lui à une réunion de la Société de l'Industrie Minérale et qui a paru dans le bulletin de cette Société en février 1913; la Cie des Mines de la Grand'Combe a adopté la première le modèle de crochet préconisé par Rabut : il est connu chez elle sous le nom de « crochet Rabut », et elle en étend sans cesse l'emploi.

Par suite de circonstances purement militaires, il était affecté à la mobilisation, au 136e territorial, alors que son âge le désignait pour un régiment de réserve active.

Il alla d'abord tenir garnison à Marseille, où on utilisa pendant quelque temps sa connaissance de la langue anglaise, en l'employant comme interprète lors du débarquement des Hindous ; puis il partit le 29 novembre comme sous-lieutenant, avec son bataillon, pour aller cantonner dans le camp retranché de Paris. Enfin, sur ses instances répétées, il fut affecté au 94e de ligne, envoyé au front et nommé lieutenant. Hélas ! ce ne devait pas être pour longtemps !

Une balle lui traversa la poitrine le 29 janvier, dans un des combats du bois de la Grurie et, à l'ambulance où il fut transporté, le major ne tarda pas à perdre tout espoir. L'hémorragie vint, et cette âme d'un Français généreux, se sacrifiant à la Patrie, monta vers les récompenses d'une vie immortelle !

De grandes lignes morales dominent la vie de Rabut : l'esprit de devoir, la promptitude de décision, la continuité de vues. D'une très grande égalité de caractère, toujours affable, l'obligeance était chez lui une vertu naturelle, que, mille fois, ses collègues ont pu apprécier. Sur ces qualités planait un grand amour du travail ; c'était un chercheur, toujours à l'affût de problèmes délicats, aimant à les scruter, et souvent faisant jaillir sur eux une vive lumière.

Sa disparition a causé une poignante émotion à tous ceux qui l'ont connu, qui ont travaillé sous ses ordres ou en collaboration avec lui. Que sa jeune femme, dont l'heureux foyer est aujourd'hui détruit, que sa famille, si fières de lui, veuillent bien trouver ici l'hommage respectueux et attristé de notre profonde sympathie dans leur douleur !

J. DES FOSSEZ.