Charles QUILLIARD (1878-1934)

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1900). Ingénieur civil des mines.


Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, 1934 :

Il naquit à Chaumont (Haute-Marne), le 17 janvier 1878. Son père, propriétaire de futaies aux environs de Chaumont et de Langres, avait suivi les cours de l'Ecole forestière de Nancy; son grand-père avait travaillé au cadastre; son grand-oncle [Claude Léon QUILLIARD (X 1835)], Ingénieur des Ponts et Chaussées, avait terminé sa carrière comme inspecteur général au Contrôle de la Compagnie des Chemins de fer de l'Est. Son oncle [Joseph Augustin Georges QUILLIARD (1852-1924 ; X 1872)], ancien élève de Polytechnique, était fixé près de Chaumont [il fut sénateur de la Haute-Marne]. Les traditions de famille expliquent que Charles Quilliard, fils unique, se soit plié à la dure discipline de préparation aux Grandes Ecoles. Elève de la rue des Postes, il fut reçu à l'Ecole Supérieure des Mines en 1900; classé dans le service auxiliaire en raison d'une myopie très accentuée, il entra d'emblée à l'Ecole. Il avait un esprit ordonné, l'élocution et la rédaction faciles; en réaction contre son infirmité et son éducation sévère, il se joignait volontiers à la bande la plus joyeuse de ses camarades, fut un chasseur acharné, et un des premiers de l'automobilisme.

A sa sortie de l'Ecole, alors qu'il avait passé son premier examen de droit, il alla compléter ses notions d'électricité à l'Institut Eric Gérard de Liège. Muni de son diplôme, et tout en s'occupant de ses exploitations forestières, il revint à l'Ecole étudier les essais d'un dispositif inventé par le Colonel de Bange, son oncle, pour permettre aux tramways d'aborder des courbes de petit rayon; cependant, passionné de chasse et de belles armes, il se décidait à aller chasser le buffle à Ceylan, en hiver 1907; il traversa les Indes et vint à Suse me chercher pour traverser la Perse; nous avions à parcourir le Poucht Rouh en caravane, de Suse à Rirmanchel; ces trois semaines cimentèrent notre amitié. Il continua vers Téhéran, Engeli, Bakou, où il retrouvait un autre de nos camarades, P. Verdavaine, et rentra en France par l'Allemagne, où il acheva de se perfectionner dans cette langue. Il parla l'allemand comme le français. Il apprit l'anglais par plusieurs séjours en Angleterre. Les chasses des Indes, l'engagèrent à aller poursuivre la grosse bête en Afrique. Il fit son premier voyage au Gabon sous les auspices de la Société Amiaux, à laquelle il s'intéressa : tout en chassant les éléphants, il remarqua les essences des forêts et se décida à exploiter les bois. Il acquit la Société Amiaux, qui avait des factoreries et une concession pour l'exploitation des bois, sur la rive gauche de l'Afrique. L'Okoumé fut bientôt considéré en Europe comme le type des bois de déroulage; la croissance de cet arbre se faisant, non par cercles concentriques, mais en spirale; le déroulage produit des aspects nacrés et miroitants, d'un heureux effet pour le placage. L'exploitation se développa rapidement : Qiilliard avait obtenu, grâce à sa connaissance de l'allemand, l'agence à Cap Lopez de la Hamburg America Linie. Malheureusement la guerre arriva; Quilliaud, qui avait fait des périodes de réserve comme automobiliste, fut immédiatement incorporé avec sa voiture. Il fut cependant réformé en 1916, pour une grave affection des yeux. A peu près remis par une dangereuse opération, il entra comme ingénieur à la Société Asturienne et y resta jusqu'en 1920. Il s'était naturellement inquiété de son affaire d'Afrique; tous les stocks des factoreries avaient été dilapidés; sa place commerciale était prise. Il continua l'exploitation forestière et profita un moment des besoins de l'Europe en mobiliers neufs. Cependant la concurrence était devenue très active et bientôt la production exagérée fit baisser les prix, qui ne furent plus rémunérateurs; l'administration avait imposé une réglementation, des taxes; les agents, gâtés par les bonnes années et le contact d'aventuriers et agents d'affaires sans scrupules, devinrent difficiles à conserver. Le bois de Pologne, de Russie fut à nouveau employé pour le déroulage. Quilliard obtint difficilement, à cause de l'opposition de la colonie à concéder de grandes étendues, le renouvellement de son privilège; il était cependant difficile de refuser cette faveur au promoteur de l'exploitation des bois du Gabon : l'Okoumé avait permis à la Colonie de vivre, malgré les difficultés du climat. Quilliard devrait avoir un monument à Port-Gentil, même si l'on ne réservait cet honneur qu'à des martyrs. J'ai fait avec Charles Quilliard un court séjour au Gabon en 1928; j'ai vu combien il avait d'expérience du climat dangereux et de la population nègre; combien il était attaché à ce coin de France, à cette végétation active et qu'il aurait rêvé de s'intéresser au développement des communications de la Colonie vers l'intérieur. Mais l'avidité des envieux, le peu d'honnêteté du personnel européen, son âge enfin, achevèrent de le détourner de l'Afrique; il céda sa concession, renouvelée, à une puissante société, et cherchait une autre occupation, lorsqu'une hémorragie intestinale vint le surprendre à la campagne chez des amis; il entra à la clinique de la rue Blomet, le 23 juin 1934; le 25, une opération devint nécessaire; après avoir vu le prêtre, il se confia aux chirurgiens; l'opération révéla une affection intestinale déjà ancienne, qui interdisait tout espoir. Charles Quilliard s'éteignit le 9 juillet; un service eut lieu à Saint-Lambert de Vaugirard; il l'avait voulu simple, sans invitations, mais avait demandé que la messe fût dite par un prêtre d'Afrique; quelques camarades seulement eurent la consolation d'être présents à cette cérémonie.

Quilliard, dans toute l'acception du terme, fut un bon camarade; il aimait son Ecole et lui était dévoué; il venait d'être élu au Comité de l'Association et y aurait tenu une bonne place. Son corps a été transporté à Chaumont. A sa mère, Mme Quilliard, qui supporta cette perte avec une énergie chrétienne parfaite, présentons nos respectueuses condoléances, avec notre verdict, de cœur avec tous ceux qui ont connu son fils : c'était un bon ami.

R. de Mecquenem (EMP promotion 1900).